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MAGHREB LYON - PLACE DU PONT PRODUCTION 1972-1998
Ref.: FA5452
Artistic Direction : PÉROLINE BARBET POUR LE CMTRA
Label : Frémeaux & Associés
Total duration of the pack : 2 hours 39 minutes
Nbre. CD : 3
MAGHREB LYON - PLACE DU PONT PRODUCTION 1972-1998
All located around the «Place du Pont» in the heart of the La Guillotière quarter in Lyon, the publishers l’Étoile Verte, SEDICAV, Mérabet, Bouarfa and El Bahia have produced hundreds of cassettes featuring Moroccan, Algerian and Tunisian musicians. This 3CD-set anthology produced by CMTRA (Rhône-Alpes Centre for Traditional Music), looks back on an alternative music economy, inventive and structured, which developed in Lyon during the 1980s. The music-cassette, the democratic object which spread songs and poems, accompanied the invention of popular, modern Maghreb music forms. These songs — derived from previously unheard-of encounters between oriental instruments/melodies and the sounds of synthesizers, rhythm boxes and electric guitars — were multiform and fraternal, with a finger on the pulse of everyday reality: they talk of separation, uprooting and love, and they celebrate or speak with irony of the “return home” myth. They open themselves to the world in denouncing the conditions and ordinary racism of their host-country. As testimony to the teeming diversity of practises and expressions, this music, derived from a socio-economic context typically tied to the history of France, forms an integral part of the French popular heritage and, at the same, contains the codes of a global cultural mix that belongs to “World Music” alone. Patrick FRÉMEAUX & Péroline BARBET
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PisteTitleMain artistAutorDurationRegistered in
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1Yama Lala Essahb Elgadar (Maman, l'amitié est traître)Mokhtar MezhoudMokhtar Mezhoud00:04:291986
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2Matsalounich (Ne me demandez rien)Salah El GuelmiaSalah El Guelmia00:05:031994
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3Batna ya Batna (Batna oh! Batna)Samir StaifiSamir Staifi00:04:091994
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4Gatli R'wah (Elle m'a dit vient)Amour HafsouniAmour Hafsouni00:04:171994
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5Dialogue : à quoi sert la nationalité française ?Amour HafsouniAmour Hafsouni00:01:141987
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6Mabedelchi el djenessia (Obtenir la nationalité n'a rien changé)Amour HafsouniAmour Hafsouni00:03:501987
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7Dialogue : les expulsionsZaïd El BatniZaïd El Batni00:01:471982
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8Malina Man Elghrba (Fatigues de l'exil)Zaïd El BatniZaïd El Batni00:04:351982
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9SalamatMokhtar MezhoudMokhtar Mezhoud00:03:321997
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10Hata fi Annaba (Dans la ville d'Annaba)Salah El AnnabiSalah El Annabi00:05:361996
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11El ghorba (L'exil)Staifi SamirStaifi Samir00:03:301994
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12Hada Mektoubi (C'est mon destin)Omar El MaghrebiOmar El Maghrebi00:03:491998
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13Comment faire?Tazi BoukhariTazi Boukhari00:04:501972
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14Thaqvailith KabylesSmailSmail00:02:431993
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15La ma la khayti (Ni mère, ni soeur)Cheba NaceraCheba Nacera00:03:501991
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16L'Algérie, mon pays me manque!Amar StaifiAmar Staifi00:03:371998
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PisteTitleMain artistAutorDurationRegistered in
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1J'en ai marreOmar El MaghrebiOmar El Maghrebi00:04:011987
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2Noudou Yaradjala (Levez-vous les hommes!)Zaïd El BatniZaïd El Batni00:04:341978
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3YadalaliyaAmour HafsouniAmour Hafsouni00:03:091994
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4Arouah LilChabatiChabati00:05:221994
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5Franca y Afranca (France, oh! France)Zaïd El BatniZaïd El Batni00:05:021986
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6Sid l hakem (Mr le juge)Omar El MaghrebiOmar El Maghrebi00:04:071996
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7Malik y a Malik (Malik, oh! Malik)Zaïd El BatniZaïd El Batni00:04:331982
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8Skini belkess (Serre-moi un verre)Omar El MaghrebiOmar El Maghrebi00:04:101987
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9Ya Taleb?Tazi BoukhariTazi Boukhari00:04:211972
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10Moul el MercedesZaïd El BatniZaïd El Batni00:04:501991
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11404 kahlaTazi BoukhariTazi Boukhari00:04:501972
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PisteTitleMain artistAutorDurationRegistered in
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1Ma andiche zhaar (Je n'ai pas de chance)Salah El GuelmiaSalah El Guelmia00:05:101994
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2Kountie ghalia (Tu m'étais si chère)Rabah El MaghnaouiRabah El Maghnaoui00:03:301985
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3Hayd yedik aaliya (Ne me touche pas)Salah El GuelmiaSalah El Guelmia00:03:011994
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4Ainik kouaouni (Tes yeux m'ont brulé)Cheb Hocine Chabati et le groupe El AzharCheb Hocine Chabati00:03:151978
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5Choufou-choufou (Regarde)Omar El MaghrebiOmar El Maghrebi00:03:141998
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6Anabghit hbibi (Je veux ma bien-aimée)Cheb Mimoun El OudjiCheb Mimoun El Oudji00:03:271994
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7Rouf aliya (Aie pitié de moi)Amour HafsouniAmour Hafsouni00:03:471995
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8Ya lekbida (Mon cœur)Rachid StaifiRachid Staifi00:03:061995
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9Ami radjel (Pourquoi m'as-tu trahi?)Mokhtar MezhoudMokhtar Mezhoud00:03:141997
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10Amayna alik anti (Comment as-tu pu me faire ça?)Rabah El MaghnaouiRabah El Maghnaoui00:04:101990
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11Kharjet mel hamam (Elle est sortie de la salle de bain)Mokhtar MezhoudMokhtar Mezhoud00:03:071994
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12Ana britah avocat (Je veux un avocat)Cheba NaceraCheba Nacera00:03:501991
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13Ma andi dala (On nous envie notre amour)Jamal EstaifiJamal Estaifi00:03:091993
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14Nedik Nedik (Je t'emmène ma gazelle)Amar StaifiAmar Staifi00:03:211998
Maghreb Lyon FA5452
MAGHREB LYON
RAÏ - CHAOUI
STAIFI
CHAÂBI - KABYLE
MALOUF
1972-1998
Place du Pont Production
Les musiques populaires du Maghreb à Lyon (1972/1998)
1/ LA CASSETTE, FER DE LANCE DE LA DIFFUSION DES MUSIQUES DU MAGHREB EN FRANCE
Introduction
Depuis les années 1950, les cafés de la « Place du Pont » du quartier de la Guillotière, ou de la Croix-Rousse à Lyon, ont joué un rôle social fondamental pour plusieurs générations de migrants et ont contribué singulièrement à l’émergence d’une musique de l’exil. Ces lieux ordinaires, espaces de solidarité, de détente et d’expression, ont permis de panser la douloureuse expérience de la séparation. A l’instar de Paris et Marseille, villes phares de la concentration d’exilés du Maghreb, Lyon fut une plate-forme pour de nombreux chanteurs et musiciens. Certains s’installèrent définitivement dans la ville. D’autres, victimes de la célébrité de leurs chansons véhiculées par les cassettes ou le vibrant « téléphone arabe » de la communauté, continuèrent leur périple sur Paris et Marseille, en quête d’un Eldorado en pleine expansion : le marché de la musique de bars et de mariages.
Leur musique multiforme et fraternelle, directement en prise avec la réalité quotidienne et tout ce qu’elle charrie de douleurs, de fascinations ou de revendications, relève d’une créativité particulière. On retrouve en effet une diversité de chansons populaires à la fois algériennes, marocaines et tunisiennes : chaâbi, raï, malouf, staifi, chaoui, kabyle… Fréquenter les mêmes lieux, jouer ensemble pour l’enregistrement d’une cassette et utiliser des instruments électriques (synthétiseurs, boîte à rythmes, guitare, basse, etc.) provoque l’invention d’une musique hédoniste et sans complexe, quasi expérimentale. Sans aucun doute une world music avant l’heure !
Ainsi, en réponse à une forte demande du public consommateur de chansons du Maghreb, toute une économie musicale se construit dans les années 80 à Lyon, Paris et Marseille. La cassette est un succès. Totalement délaissée des médias et de l’industrie officielle, en marge des circuits de diffusion classique, elle représente un marché étroit mais vivace, qui surprend par sa productivité, sa souplesse et la diversité de ses offres. Elle laisse entrevoir aussi un riche réseau social et culturel, constitué de lieux d’enregistrements, de maisons de production, d’espaces de vente des produits musicaux, et d’occasions sans cesse renouvelées de diffusion publique (bars, galas) et privées (mariages, baptêmes, anniversaires).
Une mosaïque de styles musicaux
Tous les styles représentatifs de la diversité des musiques populaires algériennes, marocaines et tunisiennes, sont représentés dans les productions cassettes lyonnaises : chaabi, raï, malouf, staifi, chaoui, kabyle, sraoui…
Quant aux musiciens : ils s’appellent Zaïdi El Batni, Rachid Staifi, Omar El Maghrebi, Amor Hafsouni, Azzi Kaddour, Mokhtar Mezhoud, Cheb Rabah El Maghnaoui, Cheb Slimane, Cheb Kouider, Tazi Boukhari, Cheb Chabati, Jamal Estaïfi, Salah El Guelmi, Louiza, Rachida, Chaba Nacera… A la fin des années 90, on estime à une cinquantaine le nombre d’hommes et de femmes jouant régulièrement dans les bars, dont la moitié a enregistré au moins une cassette. Plus des trois-quarts d’entre eux sont d’origine algérienne, mais on retrouve aussi des musiciens marocains et des musiciens tunisiens. Conséquence immédiate de l’exil, les musiciens, loin de chez eux, se forgent des noms de scène à partir de leur lieu d’origine ou de leur genre musical de prédilection. Ainsi de la région de Sétif, on retrouve les musiciens Nordine Staïfi, Amar Staïfi, Cheb Jamal Estaïfi, Farida Staïfia, Mohamed Staïfi, Rabah, Rachid, Samir ou encore Abdelouahab Staïfi.De Batna : Zaïd el Batni. Du village de Chaabat El Ham, dans la région oranaise : Hocine Chabati et Cheb Chabati (dit, le jeune). De Guelmia : Salah el Guelmi. De Maghnia : Rabah el Magh-naoui. Un seul artiste semble porter haut et fier une identité nationale et transnationale, Omar el Maghribi (le marocain), mais qu’il écrit aussi El Maghrebi (le maghrebin), signifiant par ce choix, qu’il ne joue pas exclusivement un style régional, mais qu’il intègre dans sa musique la diversité des musiques populaires du Maroc et du Maghreb.
Si la ville de Paris attire les stars de la musique classique arabe, les musiciens des styles chaâbi et kabyles, la scène lyonnaise est davantage marquée par les productions de musiques chaoui et staifi, en raison d’une forte immigration d’hommes et de femmes des régions de l’Est algérien, en particulier des villes de Sétif et de Batna. Plus confidentielles et familiales, ces musiques n’ont pas connu la destinée médiatique et commerciale du raï et des musiques kabyles, tirées hors de leurs terroirs d’appartenance et propulsées sur la scène internationale par des grandes figures comme Khaled et Idir. La compilation « Place du Pont » nous ouvre sur des répertoires populaires liés à des aires culturelles fortement localisées, et sur des musiques minorées, largement méconnues du public français.
La Place du Pont : lieu de convergences
Par scène lyonnaise, nous entendons les musiciens qui ont été édités par les producteurs-éditeurs de la Place du Pont et qui, bien que sollicités partout en France dans les réseaux des communautés nord-africaines de France, ont animé, nourri, enrichi la vie musicale de Lyon et de ses environs.
Il y a bien sûr, en premier lieu, les musiciens habitants de Lyon, ceux que l’on retrouve encore aujourd’hui aux abords des commer-ces ou des cafés de la Place du Pont. Enracinés de longue date dans l’agglomération, ces musiciens ont choisi Lyon. Pour certains d’entre eux, ils habitent la ville depuis plus de 40 ans. Il y a également des musiciens de la région Rhône-Alpes, qui venaient éditer à Lyon, car les producteurs et les studios n’existaient pas dans leur ville, ainsi retrouve-t-on dans la sélection des musiciens stéphanois ou grenoblois. Il y a ceux qui sont retournés au pays, notamment les femmes, largement minoritaires sur le plan des productions phono-graphiques (Louiza ou encore Naëma Dziria, qui a commencé sa carrière à Lyon). Il y a ceux qui ont été expulsés. Il y a également ceux qui habitaient Lyon, mais consacraient l’essentiel de leur activité musicale à Paris, ville à maints égards bien plus structurée en terme de débouchés professionnels pour les musiciens. Inversement, il y a aussi les chanteurs connus d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, qui de passage à Lyon pour un concert, sont sollicités par les producteurs lyonnais pour faire des cassettes qui seront vendues localement.
Moins médiatisé, moins visible, officiant dans les circuits informels et privés de la ville, le milieu des musiques du Maghreb à Lyon apparaît ainsi, « modeste et génial » selon la formule empruntée à Daniel Mermet ; c’est à dire sans prétention, poussé par l’envie de jouer ensemble, de s’exprimer et de vivre leurs aventures communes dans le rythme des bendhir et des darbouka, des nappes de synthétiseurs et des sonorités chaudes des accordéons et des zornas. Souvent ouvriers la semaine et artistes le week-end, le niveau de professionnalisme de ces musiciens est variable, mais ils ont en commun une énergie musicale sans pareil et une forte volonté d’expression.
La cassette : un objet démocratique de diffusion de chansons et de poésies
Le travail de valorisation de cette mémoire de l’exil s’oriente sur la cassette, cet objet démocratique de diffusion de chansons et de poésies, tombé en désuétude. Le medium cassette, supplanté à la fin des années 1980 par le CD, a constitué une véritable révolution aux débuts des années 1960. Véritable symbole de la culture musicale des années 1970 et 1980, elle a accompagné l’émergence d’une pop mondiale, marquée par l’influence des technologies, comme l’enregistrement multipistes vers la fin des années 1960, et l’arrivée du synthétiseur durant les années 1970 et 1980, et a permis une circulation plus dense et plus facile des œuvres musicales. La musique nord-africaine n’échappe pas à cette révolution. L’arrivée de la cassette accompagne l’invention des musiques maghrébines populaires modernes, avec l’introduction progressive du synthétiseur, des boîtes à rythme et de la guitare électrique, et leur métissage avec des instruments et des airs traditionnels.
Produits à Barbès (Paris), Belsunce (Marseille), Paul Bert (Lyon) mais aussi et surtout au « bled », ces petits objets plastiques s’échangent et s’achètent à la fin de la journée de travail, dans les différentes boutiques de la Guillotière (Lyon), dans le quartier dessiné par les rues Moncey, Villeroy et le cours de la Liberté, haut lieu des commerces orientaux à Lyon. Ces productions sont des créations, sur le plan artistique et sur le plan économique, des exilés eux-mêmes. Bon marché, colorées, elles sont enregistrées, parfois en une journée, selon les codes musicaux propres de l’époque : utilisation de la réverbe, forte présence des synthétiseurs, conditions d’enregistrements proches de la prestation « live », chansons et airs instrumentaux parfois précédés de messages parlés et d’interjections improvisées sur le moment. Réalisées à moindre coût, sans intermédiaire, elles sont très vite rentabilisées, malgré leurs prix de vente (25 Francs). D’une durée moyenne de 40 minutes, elles comprennent en général 6 titres, de 5 à 8 minutes. Leur pochette déploie une imagerie pop, et une iconographie souvent non dénuée d’humour. Nostalgiques ou provocatrices, elles mettent en scène le folklore de l’immigré avec valises de retour au pays, ou encore la soif de succès de l’artiste qu’on aspire à devenir.
Les sociétés de production, disquaires et studios
A moins de 100 m de la place du Pont, des maisons d’éditions ont produit, des années 1970 à 2000, des centaines de cassettes de musiciens marocains, algériens et tunisiens locaux et nationaux. Ces lieux sont souvent en étroite connexion avec d’autres lieux de production parisiens et marseillais et avec les principales capitales du Maghreb. Loin de l’image conventionnelle des producteurs, les hommes qui gèrent ces sociétés ont des parcours de commerçants inventifs, voyageurs et transnationaux. En plus de leur activité de producteurs, ils sont aussi souvent simultanément éditeurs et distributeurs, mais aussi organisateurs de concerts, disquaires, musiciens à leurs heures, ou encore vendeurs au marché aux puces… Rois des réseaux informels et des opportunités commerciales, ces producteurs sont parfois appelés « marchands de rêves » par les musiciens : « On appelait ça des commerçants de rêves. Ils misent pour rapporter gros, et parfois, on mange un os ! ». Etre producteur, c’est avant tout construire un réseau de relation de chanteurs et de musiciens que l’on suit, que l’on aide parfois et pour lesquels on investit de l’argent. C’est ensuite financer l’enregistrement d’une cassette, orienter parfois la sélection des titres pour les faire correspondre aux goûts et aux attentes du public. C’est enfin s’occuper du pressage et de l’écoulement des stocks. Leur réseau de distribution est dense et savamment construit : de nombreux liens sont faits avec les magasins des centres des grandes villes de France ou d’Algérie (Quartier Barbès à Paris, Belsunce à Marseille). Parfois, comme c’est le cas pour M. Mérabet, ils vendent eux-mêmes leurs cassettes dans les marchés, où ils se rendent en camion itinérant, ce qui leur permet d’écouler directement leurs stocks dans toute la région. La Place du Pont reste la plate-forme autour de laquelle toutes ces activités s’articulent.
Si l’on retrouve autour de la Place du Pont, des distributeurs de maisons d’éditions parisiennes ou marseillaises, les trois maisons d’édition locales les plus prolifiques en production cassettes ont été :
- La société l’Etoile Verte, gérée par M. Bachar, gérant franco-marocain et domiciliée au 24 rue Moncey Lyon IIIe. Créée en 1985 à Lyon, la société a déménagé à Paris, à la Goutte d’or en 1997. Reprise par le fils de M. Bachar, Nordine, elle existe aujourd’hui sous le nom de Maghreb Musique.
- Les éditions Bouarfa et SEDICAV, sociétés gérées par Ouassini Bouarfa, gérant franco-algérien, domiciliées au 16 rue Moncey Lyon IIIe, qui racheta ensuite les catalogues des maisons Electro-disques, Oran Pro-duction
- Les éditions Mérabet, gérées par M. Mérabet, gérant franco-algérien de la région de Sétif, aujour-d’hui décédé, dont l’acti-vité se poursuit en Algérie à travers son fils Slimane. Société domiciliée au 10 rue Marignan, dans le 3ème arrondissement.
Précédant les producteurs de cassettes, il existait dans les années 60 et 70 des sociétés d’édition des vinyles de musiques orientales. Une recherche devrait se poursuivre pour retrouver les producteurs et leur catalogue (Electro-disques, société de M. Zacaï, la Maison du Disque Oriental des frères Hassein, et JBP Records, studio de Jean-Baptiste Piazzano).
Quant aux studios qui ont accueilli les musiciens, l’un d’entre eux est fréquemment cité par les musiciens, c’est le studio 17, fondé par Jacques Castelli en 1983, et implanté au 17 rue du Progrès à Villeurbanne. Ce studio d’enregistrement a accueilli toute la communauté des musiciens de Lyon et les artistes de passage de cette époque, jusqu’au début des années 1990, où l’activité s’est sérieusement ralentie. Le studio de Jacques accueil-lait tout le monde, « On se sentait un peu comme à la maison. Les musiciens que nous aimions, qui étaient passés avant nous, laissaient derrière eux une trace, quelque chose qui nous portait chance. Il y avait un truc comme la Baraka » (Abbes Hamou). Si Jacques était sollicité en premier lieu comme ingénieur du son, son rôle fut loin d’être réduit à cela. Ainsi, il lui arrive souvent de pallier au manque de musiciens. On le sollicite rapidement comme bassiste. « Eux, c’était tout dans l’aigu, il n’y avait jamais de grave. Je leur ai dit : Pourquoi vous ne mettez pas une petite basse ? ».
De fil en aiguille, il se met à jouer dans les mariages et partage avec eux de nombreux concerts. C’est également la voix en introduction de chaque cassette qui présente les musiciens : « Les éditions Mérabet présentent… ». Son studio a aussi accueilli les artistes connus de Paris ou du Maghreb. C’est comme ça que le studio a enregistré et hébergé à plusieurs reprises Cheikha Remitti, chanteuse raï de renom, ou encore la chanteuse de hawzi et chaâbi, Naïma Dziria, qui est devenue célèbre par la suite en Algérie.
2/ LES CHANSONS : UNE MÉMOIRE DE L’EXIL
Chants de l’exil, chants d’amour, revendications politiques et chroniques du quotidien, ce patrimoine chansonnier constitue de véritables témoignages de la création en exil et de la situation de l’immigré.
Si un grand nombre de ces chants perpétuent et réinterprètent à leur manière les airs traditionnels, il arrive souvent que ces chanteurs endossent le rôle d’auteurs-compositeurs. Leurs chansons témoignent d’une véritable intimité avec le vécu de l’exilé. Elles parlent de séparation, de déracinement, d’amour, célèbrent ou ironisent le mythe du retour au pays toujours présent et portent, parfois, une dimension politique et morale. Bluesmen du déracinement, chroniqueurs du quotidien, chansonniers des nouveaux chocs culturels, « pigeons-voyageurs » chargés de porter les messages d’une communauté séparée par la méditerranée ; ils sont tout cela à la fois.
Si les chansons abordent majoritairement les thèmes de l’exil et de la nostalgie du pays, de la famille ou de l’amoureuse laissée là-bas, il arrive qu’elles parlent aussi, mais plus rarement, des conditions de vie dans le pays d’accueil : le travail, le chômage, la solitude, le racisme, l’alcool. Comment ces musiciens ont-ils chanté la France ? Comment ont-ils chanté Lyon, ses lieux, ses ruelles, ses beautés et ses injustices ? Abbes Hamou, un musicien de la Place, cherche dans sa mémoire et assène : « Jamais ! On ne chante que ce qui se passe de l’autre côté ! ». « La vie est en France, mais l’imaginaire est resté au pays… ». Il est vrai que le sentiment de nostalgie s’exprime partout, de manière lancinante et obsessionnelle. Certains chanteurs cependant, comme Zaïdi El Batni, Omar El Maghrebi, Amor Afsouni, poussés par le mécontentement croissant de la jeunesse et l’exaspération causée par les inégalités, les discriminations sociales et les pressions xénophobes s’ouvrent plus frontalement à l’actualité sociale et politique française. Ils annoncent et préparent le terrain au groupe Carte de séjour (dont le chanteur est Rachid Taha), jeune groupe de la région lyonnaise qui en 1986, marquera une rupture importante avec leurs ainés de la Place du Pont, en réinterprétant la chanson « Douce France », de Charles Trenet. Avec la reprise et le détournement provocateur de ce fleuron du patrimoine musical français, par leur volonté de s’exprimer en arabe, mais également de s’ouvrir au français, le groupe Carte de séjour, davantage marqué par le rock, les milieux alternatifs et la culture de banlieue, entend bien signifier que le retour des travailleurs immigrés au pays est un mythe et que la France devra désormais compter pour longtemps avec une jeunesse affamée de droit, en quête d’une place acceptable dans la société française. Par ce tour de force du groupe Carte de séjour, prémices des textes sans concession et revendicatifs du rap, les musiques de l’immigration se politisent, se décloison-nent et sortent de la clandestinité dans laquelle elles étaient confinées. Elles accèdent aux médias de masse et au grand public. La relève d’une musique d’ici et de maintenant, issue de l’exil, est en marche.
Emprunts et réinventions
Comme toute musique populaire, ces productions musicales viennent brouiller les repères habituels entre chants d’auteurs et musiques traditionnelles, reprises et créations musicales, avec au centre, une indifférence joyeuse pour la question des droits d’auteurs, souvent soigneusement éludée par nos protagonistes.
Amor Afsouni et ses amis, dans leur françarabe, appelait ces productions « les chansons beth ou cuisine : de la chambre (beth, en arabe), tu vas à la cuisine ! », ce qui veut dire : « ça ne va pas très loin ! c’est vite fait » pour évoquer ces chansons sans variation, ni accord, enregistrées rapidement dans un studio de la ville. Jacques Castelli, ingénieur du son, qui a vu passer de nombreux musiciens dans son lieu, le studio 17, s’étonne encore aujourd’hui sur cette capacité à s’approprier les chansons des autres et s’interroge sur le statut de ces œuvres : « Ils mettaient un couplet de plus et ils disaient qu’ils avaient fait la chanson », faisant tout de suite le lien avec les premiers âges du rock’n’roll où « Presley reprenait des standards du blues, en signant ses compositions ».
Régionalismes et métissages
Dans les cafés, les musiciens des différentes régions d’Algérie, du Maroc et de Tunisie se côtoient, se rencontrent, jouent ensemble et progressivement assimilent leurs répertoires respectifs. On y retrouve toutes les musiques du Maghreb : les musiques populaires liées à des aires culturelles localisées, les répertoires transrégionaux, arabo-andalou, classique arabe, sans oublier le rock, la soul, la disco, les musiques de variété qui font rage à l’époque et influencent fortement ces musiciens. Amor Afsouni, originaire de la frontière algéro-tunisienne, chante les vertus de ces métissages nouveaux. « C’était vraiment un sacré mélange », « Comme on dit chez nous, les mariages mixtes, font les plus beaux enfants ! ». Amor Hafsouni situe ses propres innovations musicales dans la manière avec laquelle ses amis et lui ont mélangé les musiques chaoui algériennes et tunisiennes, aux sons des instruments alors en vogue, comme la guitare électrique et les boîtes à rythme. Cette ode au métissage est tout de même à relativiser. Si tous les musiciens s’essayent à l’ensemble des répertoires et font de la polyvalence, de la curiosité, de l’adaptabilité, une profession, il persiste des lignes de fracture entre eux. Certains musiciens récusent cette propension à prétendre jouer tous les styles et mettent en garde contre la possibilité d’être complètement polyvalent dans toutes les traditions musicales algériennes et maghrébines, si riches de leurs diversités, de leurs histoires, et de leurs subtilités cultivées. « Un chanteur séti-fien ne peut pas chanter le raï à 100 %, il y a tou-jours quelque chose qui manque. L’accent local, quel-que chose dans la voix… ». « Comme on ne peut pas trouver un Oranais qui chante bien du chaâbi, on ne peut pas trouver d’Algérois qui chantent bien le raï ». Il est intéressant de noter que cette tension entre les tenants de styles régionalistes (les puristes) et les adeptes de la fusion et de l’éclectisme musical, n’est pas propre aux musiciens du Maghreb et se retrouve de manière récurrente, dans le monde des musiques traditionnelles.
3/ LES THEMATIQUES DES CHANSONS
CD 1 : Exil et appartenances
« L’exil partout, l’exil m’envahit »
Dans le corpus des « cassettes Place du Pont » et plus généralement, chez les chanteurs de cette génération, le récit de l’exil, l’expression des souffrances et des regrets, constituent la toile de fond de toute expression musicale et poétique.
« Cette migration qui rend les gens si tristes/ Et qui, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, nous éloigne de notre famille/ Ne conduit qu’à la souffrance/ Et l’attente brûle en nous comme un feu » Mokhtar Mezhoud, Sois prudent (CD1, piste 9)
« Ces textes ne sont pas destinés à être compris par la population d’origine culturelle française. Ils relèvent d’une pratique d’intimité communautaire et sont des exutoires pour exprimer la déchirure de l’exil, la séparation d’avec la famille et le pays d’origine, l’éloignement inéluctable des enfants d’immigrés vers la culture d’accueil, le rapport dramatique à l’idée de retour au pays, toujours caressé, toujours reporté, l’autocritique du rêve initial du candidat à l’émigration et la certitude de mourir loin du pays natal »
L’exil : on l’habite, on s’y perd, il hante les corps et les esprits, il est littéralement partout, et en tout. Les chansons sont des adresses douloureuses à l’exil en personne, expression de la fatalité même. L’exil se tutoie et se convoque, on le maudit, mais on ne peut vivre sans lui :
« Oh Exil / Tu n’es pas mon pays / Et tu n’es pas ma mère / Je reviens vers mes enfants / Prends patience » Samir Staifi, El Ghorba (CD1, piste 11)
L’exil est également, d’une manière paradoxale et infiniment poétique, un lieu. Un lieu maudit, mais familier, à habiter psychiquement et littérairement.
« J’habite l’exil / Mon cœur malade / Malade de soli-tude », Salah El Annabi, Hata fi Annaba / (CD1, piste 10)
« Ni père, ni sœur, ni oncle / Seul perdu dans l’exil », Cheba Nacera, Ni mère, ni sœur (CD1, piste 15)
« Je suis dans l’exil / Je pleure et je crie / Exil, oh exil, Chez toi, les miens sont absents » Samir Staifi, El ghorba
Exprimé d’une manière moins abstraite et métaphysique, l’exil peut prendre corps et s’exprimer à travers l’amour d’une femme, restée au pays, dont on est douloureusement séparé.
« Elle habite à Annaba, oh maman / Mon amour pour elle me brûle / Aylali li ya mma / La petite m’a rendu triste / Donne moi de ses nouvelles, oh maman » Salah El Hannabi, Dans la ville d’Annaba (CD1, piste 10)
Mais c’est la figure de la mère qui, plus que tout autre, est convoquée pour dire la nostalgie. La chanson devient le lieu d’un dialogue avec la mère, qui parfois prend la forme d’une lettre : « Je rédige ma lettre, d’une écriture incertaine / Ne pleure pas ma chère mère / Je remets notre chagrin à Dieu / Prends patience (…) Je suis dans l’exil / Ne pleure pas chère mère / Je ne te vois pas actuellement / Je retournerai au pays lorsque je serais lassé / Prends patience » Samir Staifi, El Ghorba (CD1, piste 11)
« Non maman, ne pleure pas, c’est mon destin / Le temps ne m’a pas permis d’être comme mes amis » Omar El Maghrebi (CD1, piste 12)
Avec Zaïdi El Batni ; le poids de la plainte se mue en colère : « On n’en peut plus de l’exil. On en a assez d’être malmenés. Au moindre problème, ils disent : les Arabes ! ». France et Algérie apparaissent alors comme deux pôles contradictoires et antagoniques, figés dans une opposition manichéenne, avec comme point répulsif, la France, pays de toutes les perditions et corruptions :
« Oh mes amis, invoquez Dieu et maudissez le diable / Enfants de l’Arabie, la vie ici est traîtresse / Combien de filles et de garçons se sentent perdus », chanson qui va même jusqu’à remettre en cause en 1987, les prétendues valeurs intégratives de la France : obtenir la nationalité française n’a rien changé ! Amor Afsouni (CD1, piste 6)
« J’ai laissé mon pays libre comme une étoile qui brille / Je me suis dirigé vers le pays des mécréants, pays de la pénombre / Je le dis et je pèse mes mots : rien n’est important pour eux, ils n’ont pas d’inter-dits, leurs femmes trainent dans les rues ! » Franca y a Franca, Zaïdi El Batni (CD 2, piste 5)
Symétriquement, les attachements communautaires se réaffirment, douloureusement et rageusement :
« Laissez-moi vous dire les raisons de mes larmes, j’ai mal à mon kabyle » Kabyles, Smaïl (CD1, piste 14)
« Moi je suis arabe et fils d’une arabe (…) Tes origines sont tes origines, Oh Youssef / Nos ancêtres nous l’ont dit depuis les temps anciens » Amor Hafsouni (CD1, piste 6)
Et les chants célébrant la beauté des paysages, les charmes des femmes du pays et les identités régionales deviennent des hymnes emblématiques, nécessaires et joyeuses, tel la célèbre « Batna ya Batna » (CD1, piste 3), chanson dédiée à la ville de Batna qui a été reprise par de nombreux chanteurs et qui réjouit encore les familles lyonnaises, originaire de l’Est algérien.
CD 2 : Chroniques politiques et sociales
« Levez-vous, levez-vous les hommes ! »
Une chose est sûre, lorsqu’il s’agit d’aborder l’actualité politique et sociale, les chanteurs de la Place du Pont n’ont pas la langue dans leur poche… Sous les rythmes festifs et les airs joyeux, derrière les mélismes des voix et les envolées kitsch des synthétiseurs, se cachent parfois des textes crus, sans concession, qui surprennent par leur puissance critique, leur rage. En effet, dès le milieu des années 70, le ton se durcit, annonçant déjà la virulence des chanteurs du rock alternatif des années 80, et du rap des enfants des banlieues des années 90.
Si ce type de compositions est largement minoritaire dans le corpus de chansons, certaines d’entre elles se démarquent singulièrement. Elles sont des charges cinglantes contre le pays d’accueil et dénoncent sans détour l’ingratitude de la France, le manque de reconnaissance dont font l’objet les communautés d’immigrés nord-africaines et les difficultés rencontrées au quotidien, malgré les efforts : « On n’en peut plus de l’exil. On en a assez d’être malmenés. Au moindre problème, ils disent « les Arabes ! ». Et durcissant le ton : « Les Français nous haïssent : les vieux comme les jeunes. Ils n’ont aucune considération pour nous. Ils nous traitent comme des chiens », Levez-vous les hommes, Zaïdi El Batni (CD2, piste 2). « Qu’il s’agisse des Marocains, des Tunisiens et des Algériens. Ces trois-là sont méprisés ! » Franca ya Franca, Zaïdi El Batni (CD2, piste 5)
Les chansons recensent et commentent les humiliations de tous les jours, elles font état d’un racisme émergent dans une société française rongée par un nouveau mal, le chômage :
« Franca y’a franca. Qu’as-tu fait de ton peuple ? Tu n’aimes les immigrés que pour leurs pelles et leurs pioches. Quand il y avait du travail. Tu aimais bien les basanés. A qui tu donnais le travail ingrat. Maintenant qu’il n’y a plus de travail Tu nous dis : Fini. Terminé ! Rentrez dans votre pays ! Nous sommes devenus indésirables ». Franca ya Franca, Zaïdi El Batni (CD2, piste 5)
Au delà des critiques portées sur leurs conditions d’accueil et sur les discriminations dont ils sont victimes, certaines chansons visent très directement les politiques de répression et de contrôle mises en place par les pouvoirs publics en France et qui dès 1972, ont mis en place une immigration restrictive avec limitation des accès sur le sol français, instauration de la carte de travail et de la carte de séjour, et les premières mesures d’expulsion et d’incitation financière de retour au pays.
« Dans le métro ou dans le car. L’émigré est en danger. Carte de séjour, carte de travail. Qu’est-ce-que ces contrôles en va-et-vient ? » J’en ai marre, Omar El Maghribi (CD2, piste 1)
Zaïdi El Batni met en scène dans un sketch tragicomique, deux personnes qui assistent en direct aux premières expulsions des immigrés du Maghreb (Dialogue : Les expulsions : CD1, plage 7)
- « Ils disent que tous ces gens vont être expulsés au bled ! »
- « (…) Mon frère, surtout maintenant avec le Pen et Chirac, on n’a plus le droit à l’erreur. Si tu glisses, tu es emporté par l’oued. »
- « Wallah ! Aïssa, c’est la honte quand tu vois ça ! Regarde, regarde, comment ils les embarquent ! »
Des figures de la vie politique française émergent des chansons et sont souvent directement interpellées par les chanteurs : « Ras le bol du boulot et de la maison. J’en ai marre, j’en ai marre (en français). L’émigré préfère Mitterrand à Rocard ». J’en ai marre, Omar El Maghribi (CD2, piste 1).
« Levez-vous, levez-vous les hommes ! Ca suffit, cette vie ! Le chômage fait des dégâts. La France se moque bien de nous. Le Pen a dit : Virez-les ! Marchais a dit : Laissez-les ! Chirac a dit : Combien on leur donne ? Mais ils s’étaient mis d’accord sur notre compte » Levez-vous les hommes, Zaïdi El Batni (CD2, piste 2)
La fin des dites « Trente glorieuses » et l’arrivée du chômage en France suscitent inévitablement l’inquiétude de la montée du Front national « Ce que l’immigré a de la peine, le pauvre ! Il a travaillé dans la mine et dans l’usine. Aujourd’hui, il a peur de Le Pen. Un jour il rit, un jour il est triste ». J’en ai marre, Omar El Maghribi (CD2, piste 1). Dans une chanson au ton humoristique et vengeur de Zaïdi El Batni, le chef du Front national apparait sous la forme d’un animal peu flatteur : « Maintenant qu’il y a du chômage, ils nous montrent du doigt. Ils ont oublié le dur labeur que nous avons enduré à l’usine et à la mine. Il y en a un qui bave sur nous. Comme le bouc qui salive et qui chevrote. Il devient tout rouge et il hennit comme un cheval ». Franca ya Franca, Zaïdi El Batni (CD2, piste 5)
En 1986, le passage à tabac de l’étudiant Malik Ous-sekine par la police française est le crime raciste de trop. Zaïd El Batni lui consacre une chanson édifiante, qu’il enregistre dans les sirènes de police reconstituées en studio et les cris de détresse des mères : « Malik Malik, que ta mémoire soit bénie. Malik Malik, que ta mémoire soit bénie. Malik, tu es parti avec ton inno-cence un matin. Et on t’a ramené mort à ta famille. Malik Malik. Bien que tu aies pris la nationalité fran-çaise. Fils d’un Arabe, tu es resté L’Arabe. Malik Malik, que ta mémoire soit bénie » Malik y a Malik, Zaïdi El Batni (CD 2, piste 7)
CD 2 : Vie quotidienne ; Lyon, les bars, l’alcool, les voitures…
« Guéris mon cœur, avec du whisky,
du rouge, du blanc »
A Lyon, à défaut de réseau de diffusion musical structuré, ce sont les cafés communautaires maghrébins qui accueillent les musiciens et qui jouent un rôle fondamental dans la vie quotidienne des premières générations d’immigrés. Lyon ne possédait pas de cabarets musicaux, ces lieux déclarés où les musiciens étaient payés et où le public était davantage mélangé. La vie musicale s’est développée, de manière officieuse mais redoublée, dans ces petites échoppes qui ont été à Lyon une sorte d’exception, par leur nombre et leur dynamisme, par rapport aux autres grandes villes.
Tout naturellement, dans la lignée des medahates et des jeunes cheb du raï qui chroniquent la misère et l’alcool, ou d’un Slimane Azem, le barde kabyle ; les cafés, les bars, les nuits de fêtes et de musique, deviennent un des sujets de prédilection des chansons. En porte-à-faux avec l’image pleine d’abnégation de l’ouvrier laborieux, en rupture avec les codes et les valeurs des sociétés musulmanes, les modes de vie des musiciens de la Place du Pont étaient insouciants et flambeurs, en un mot « rock’nroll » ; mélange de postures transgressives, de charme et de glamour, de nuits blanches, de concerts imprévus dans les cafés, de revenus au noir et d’argent rapide, d’amitiés véritables et d’amours éphémères. C’est là une véritable culture underground qui a pris corps dans la ville, dont les musiciens et chanteurs en sont les grands saltimbanques, « les troubadours » et « les fêtards ».
« Amène la bouteille, apporte-nous du réconfort. Guéris mon cœur, avec du whisky, du rouge, du blanc » Je veux ma bien-aimée, Cheb Mimoum El Oujdi (CD 3, piste 6).
Si leur musique, hédoniste et sans complexe, aborde les problèmes de la vie, les mirages de l’exil, chante les plaisirs et les excès ; elle est souvent rattrapée par les désillusions, le sentiment de culpabilité et s’exprime sous le sceau des lamentations et des regrets. Les chanteurs expriment les contradictions de leur temps, s’inspirant des épreuves et de leur déception :
« Arrose mon verre, arrose mon oncle, arrose mon verre, la misère me préoccupe. Tous les matins, je trouve ma poche vide ; je ne sais qui de Dieu ou de moi-même me fait souffrir… » Serre-moi un verre, Omar El Maghrebi (CD2, plage 8)
« Taleb, Marabout / Aide moi, rend moi service / Aujour-d’hui je suis si mal / J’ai oublié mon pays, mes frères et ma très chère mère (…) J’étais dans mon pays, heureux, à l’aise / Et maintenant les choses ont changé / j’ai suivi mes amis / Je suis parti en exil / J’habite Paris / (…) Je survis. Alcool, jeux et bistrots / Les bars ont vidé mes poches / Je n’ai ni maison, ni femmes, ni enfant/ J’erre d’hôtel en hôtel, et dans les rues / Paris (…) Quand je suis saoul, j’ai peur même de mon ombre/ Et je divulgue mes secrets à mes pires ennemis / Le sourire d’un inconnu m’inspire de la méfiance / Celui qui me conseille et m’aide, m’inspire de la méfiance » Ya talab, Tazi Boukhari (CD 2, piste 9)
404 Kahla (Peugeot 404 noir) du chanteur Tazi Bouk-hari (CD2, piste 11), la dernière chanson du disque, a connu un succès important en 1973, et est ici réinterprétée. Il met en scène une arrestation et une garde à vue qui a eu lieu Rue Vauban (à côté de la place Guichard). S’en est suivi un jugement et une procédure d’expulsion qui a définitivement éloigné le jeune homme de la France vers l’Algérie. Les rues de Lyon et l’histoire personnelle du chanteur sont ainsi mêlées dans cette chanson cruelle, teintée de douceur et de tristesse, où musique et vie se confondent, pour dire le lot commun du vécu immigré et témoigner de la mise en place de nouveaux dispositifs d’exclusion.
CD 3 : Amour, amitié et trahisons
« Apprends-moi l’Amour »
L’amour, volage ou sincère, naissant ou mature, heureux ou malheureux, reste comme souvent, le thème favori et le plus universellement partagé. Certaines chansons sont foncièrement joyeuses et festives, telle la chanson interprétée par Mokthar Mezhoud, « Elle est sortie de la salle de bain », qui consacre et célèbre la jeune mariée : « Au crépuscule, les invités sont venus / Ils nous ont apporté des cadeaux, et sont venus heureux / Elle est sortie de la salle de bain / Faites-lui les youyous / Sa beauté est grande et sa chambre sera notre foyer » (CD3, piste 11). Les nombreuses chansons de séduction, comme « Je t’emmène, ma gazelle » (CD3, piste 14), constituent aussi une matière privilégiée pour les danses et les réjouissances.
Mais bien sûr, dans le domaine amoureux, le drame, les déchirements et la plainte ne sont jamais loin : « Je n’ai pas de chance / Celle que j’aime, ne m’aime pas en retour / Je n’ai pas de chance / J’ai tant pleuré / Si j’avais su que l’amour ressemblait à ça / Je ne t’aurais jamais aimé (…) Celle que je n’aime pas, me suit partout / Et pour celle que j’aime, ma bien-aimée / Je n’existe même pas (…) Delouli y a hbabi adrouli ya sahbi / Je me languis d’elle / Rongé d’inquiétude / Mon cœur ne connaît pas la paix » Salah El Guelmi, Je n’ai pas de chance (CD3, piste 1)
Derrière l’amour et l’amitié, se cache souvent un ami sournois, une femme traitresse, un complot diffus…
« Choufou choufou ! Voyez, voyez ! Nous nous faisons du souci/ Pour celui que l’on a aimé / Choufou choufou ! Voyez, voyez ! Ils ont fait circuler des rumeurs / Ils m’ont jalousé par sa faute » Choufou choufou, Omar El Maghrebi (CD3, piste 5)
Les chansons sont parfois le lieu de règlements de compte terribles des chanteurs avec leur compagne, les chanteurs puisant alors dans leur propre vécu les relents de leur drame. Ainsi des chansons autobiographiques de Rabah El Maghnaoui, Li Dartilh : « Les gens se rient de toi / Tu étais si précieuse et tu es devenue minable / Tu fréquentes n’importe qui / Si tu étais une enfant nous t’aurions pardonné… » ou dans la chanson Kountie Ghalia « Tout ce que tu as fait, je m’en fous… » et « Apprends-moi l’Amour » d’Allamni Lagh-ram. Car en amour, les chanteurs ne sont pas en reste pour exploiter leur expérience personnelle. Leur condition d’hommes entre deux rives et de chanteurs admirés aux vies hédonistes et musicales leur ont ouvert de nombreux cœurs.
Dans le domaine amoureux, encore et peut-être plus qu’ailleurs, les clivages ethniques et religieux sont clairement marqués et violement réaffirmés. Les chanteurs mettent en garde Fatima contre les « mécréants » et protègent leurs hommes des charmes éphémères de Jacqueline : « Jacqueline danse pour toi / Mais dans les moments difficiles, elle t’abandonnera et te laissera seul. Fatima ma sœur, je te conseille / Fais attention aux mécréants / Ils ne sont pas pour toi, ils te sont interdits » Amory Afsouni, Obtenir la nationalité n’a rien changé (CD1, piste 6)
« Si je savais ce qui m’était arrivé / Je ne me serais pas marié avec une roumi (femme non-musulmane) qui m’a trahit / Je me marierai avec une arabe de la famille, pour me sortir de ma tristesse » Tazi, Comment faire ? (CD1, Piste 13)
4/ DES VIES EN MUSIQUE
Rabah El Maghnaoui, le bluesman du quotidien
Chanteur, accordéoniste, joueur de synthétiseur, Rabah est aussi compositeur de ses chansons. S’il a vécu essentiellement grâce à la musique pendant une grande partie de sa vie, il est aujourd’hui chef d’équipe dans le nettoyage des trains. Rabah est originaire du village de Maghnia, situé à une centaine de kilomètre sud-ouest d’Oran, proche de la frontière marocaine. Il joue un raï sensiblement différent du raï oranais, qu’il appelle raï aoroubi, « de la campagne », fruit d’un mélange avec les musiques populaires marocaines frontalières de sa région d’origine. C’est à son arrivée en France en 1978, qu’il adapte ce folklore marocain originellement joué à la zorna et à la gasba, aux sonorités de l’accordéon et synthétiseur, instruments aux-quels il s’initie de manière autodidacte, à son arrivée en France. Sa vie est placée sous le sceau du raï ; celui de la misère, de la transgression et des amours mal-heureux. Celui des bars louches, de l’alcool, de l’amitié et des nuits licencieuses. Abbes, son ami, saxophoniste, guitariste et percussioniste est intarissable sur cette période où leur raï s’épanouissait dans « les bas-fonds » de Lyon. Rabah menait « une vie de troubadour ». « À l’époque, il se mariait le matin et il divorçait le soir… ». Les chansons qu’il compose sont étroitement liées aux événements de sa propre vie, ce qui confère à sa musique un caractère prenant, sincère, profondément émouvant. La référence au blues américain, souvent convoqué pour ces chanteurs de l’immigration, lui correspond particulièrement. Ses chansons, directes, accablées, prosaïques, improvisées, sont bien celles d’un bluesman. Si dans les mariages, il pratique les styles sétifiens, marocains et raï, lorsqu’il édite une cassette, il reste dans son style de prédilection, le raï.
Il a édité trois cassettes chez Méra-bet. L’une d’elle a une importance particulière pour lui, puisqu’elle a été composée lors d’un court séjour en prison, en 1983, alors qu’il divorçait de sa femme. A la vue de cette cassette retrouvée dans le cadre des recherches « Place du Pont », Rabah, contre toute attente, se met à pleurer. Tous ses titres chantent la douleur de la séparation, son désarroi. Kounti Ghalia (tu m’étais si chère) (CD3, piste 2), puis Li Dartih mssamhak (Je te pardonne), Termitte fi blad ennass (Exilé, dans un pays étranger), Allamni laghram, Anna Mazelle Neskerie (Je me saoûle encore) et pour finir ; Almouk Tassekrie (On t’a appris à te saoûler). Si les paroles des chansons de cette cassette sont nées de ce court séjour en prison, Rabah a improvisé pendant l’enregistrement, laissant glisser par terre la feuille où il avait écrit ses paroles. Ainsi viennent son inspiration et ses mots, oralement, jamais fixés, remplacés par d’autres dès le lendemain.
Omar El Maghrebi, chanteur de l’exil
Originaire du Maroc, de la région d’Agadir, Omar est arrivé en France en 1973, à Lyon, où il a travaillé chez Brandt. Chanteur, joueur de oud et de percussions, Omar El Maghrebi est aussi auteur de ses chansons. Il a édité 6 cassettes chez les producteurs de la Place du Pont, et plusieurs CD avec le CMTRA et le réseau FAMDT.
Lorsqu’il évoque son rôle de musicien, Omar insiste toujours sur l’importance du texte ; le chanteur de l’exil est avant tout porteur de messages, qui relient les gens à leur passé, à leur terre, à l’actualité sociale et à leur propre intériorité. Le musicien joue le rôle d’un déclencheur, d’un éveilleur de conscience. Il ne se reconnait pas dans les évolutions récentes de la musique du Maghreb, dominée par une utilisation abusive des boîtes à rythme et par une indifférence généralisée pour les paroles des chansons. C’est pourquoi il a arrêté de jouer dans les mariages, pour continuer à jouer la musique qui lui ressemble, plus introspective, plus « adressée ». Omar reste fidèle à la musique qu’il aime, même si elle est devenue impopulaire aujourd’hui auprès du public de sa communauté, qui préfère à la gravité de ses textes, la légèreté des musiques à danser et des musiques d’ambiance. Deux grandes préoccupations traversent ses chansons : l’expression grâce à la musique du sentiment de nostalgie, vécue, non comme un poids, mais comme une forme de sensibilité particulière au monde : « La nostalgie : c’est être attentif aux autres, et à tout ce qu’on a fait avant », et comme vecteur de transmission : « On ne peut pas balayer le passé d’un revers de la main. Le retour aux sources : il faut que quelqu’un fasse ce rappel ! ».
Zaïdi El Batni, chanteur engagé
Arrivé dans la région stéphanoise en 1963, à l’âge de 19 ans, Zaï-di El Batni a commencé la musique en France, dans les cafés-musicaux alors prolifiques de la région, avant d’être contacté par M. Mérabet, chez qui il a enregistré plus de treize cassettes. Zaïdi El Batni, aujourd’hui retraité, est auteur-interprète de ses chansons : « J’écris moi-même mes chansons : soit sur l’immigration, sur l’amour, sur le président, sur les mariages, sur les fêtes, sur le racisme… ». Ses chansons se distinguent par leurs contenus, souvent orientés sur l’actualité sociale et politique de la France et de l’Algérie. Ainsi se considère-t-il comme « un journaliste qui écrit ». Tout ce qu’il vit, tout ce qui le révolte et ce qu’il veut dénoncer, sont matière à chansons : « Tu vis dedans, tu vois ça matin et soir !! ». En introduction à ses chansons, il compose des petites saynètes tragiques et burlesques, qui parlent de manière très crue, mais avec un sens étonnant d’auto-dérision, des difficultés rencontrées par les immigrés. (Noudou yaradjala/Zaïdi El Batni : CD2, piste 2)
[Coup de sifflet du gendarme]
« Eh Mohamed, tes papiers ! Tu es touriste ou immigré ?
- Immigré
- Tu as travaillé en France ?
- Ça va faire 22 ans
- Et maintenant qu’est ce que tu fais ?
- Je suis en chômage depuis six mois
- Et tu es encore là ! Mais il faut rentrer Mohamed !
(en arabe) Ah saha ya rabi ! 22 années de travail en France. Six mois de chômage. Et on me dit : « Rentre dans ton pays ! ». Nous les chômeurs, comment nous aiment-ils ? Dans un avion qui nous ramènera au pays ! La police nous chasse. Chirac et Le Pen en rajoutent. Chirac : je suis pas venu mendier chez toi !
Amor Hafsouni, les vertus du métissage
Amor Hafsouni est le musicien le plus prolifique de la Place du Pont et l’un des plus populaires auprès des familles lyonnaises. Auteur de plus d’une vingtaine de cassettes à Lyon, son parcours est emblématique à bien des égards. D’origine tunisienne, il commence à pratiquer la musique chaoui lors de son arrivée en France en 1967, encouragé par les compagnons des cafés qu’il commençait alors à fréquenter. Autant par goût personnel pour le mélange et la rencontre, que par sens de l’opportunité commerciale, il s’ouvre aux musi-ques algériennes et plus largement, à l’ensemble des musiques populaires du Maghreb : « Je fais des mélanges, des mixes, entre le chaoui, le sétifien, le tunisien, le constantinois, l’oranais et l’ouest algé-rien ! ». Chanteur de charme, ses textes parlent d’amour et sont destinés aux plaisirs de la fête et à la danse. Fortement sollicité dans les fêtes familiales et dans le réseau associatif, ses week-ends sont dédiés à la musique, dans les cafés de Lyon ou en tournée en France selon les sollicitations du moment « On a fait le tour de France dans les années 80 avec ces chansons, on a joué dans toutes les associations tunisiennes et algériennes » « On connaît la France, au moins aussi bien que la Place du Pont ! », nous confie son ami Azzi Kadour. Ouvrier-cariste chez Berliet dès 1972, Amor restera dans cette entre-prise toute sa vie professionnelle. Il joue encore aujourd’hui en France et en Tunisie, où il se rend régulièrement depuis que sa retraite lui permet de consacrer plus de temps à la musique.
Salah El Guelmi, la voix du sentiment
Salah El Guelmi est arrivé en France en 1969, d’abord dans la Drôme, puis en Alsace, avant d’arriver à Lyon. C’est à Metz que Salah achète sa première guitare, dont il apprend à jouer seul, grâce à son « oreille musicale », avant de s’initier au oud, son instrument de prédilection. Salah vient de Guelma, une ville proche de la frontière tunisienne, où le malouf a pris racine, imprègne la vie quotidienne, et marque profondément ses souvenirs d’enfant. Si le malouf est la musique classique, arabo-andalouse du Maghreb, Salah n’a pas pourtant bénéficié d’un apprentissage musical formalisé, qu’il soit familial ou dispensé par les écoles de musique andalouse de sa ville. Elément significatif, dans les villes de Guelma et de Constantine, le malouf a bénéficié de fortes influences de la communauté juive, qui était alors importante dans ces deux villes. C’est donc tout naturellement que, devenu musicien en France, Salah est fréquemment sollicité par les familles juives de Lyon et de Villeurbanne ayant trouvé refuge en France après la décolonisation. Si Salah, comme la plupart des musiciens de la Place du Pont, sait jouer toutes les musiques d’Algérie, c’est le malouf qui, sans conteste, reste sa musique de prédilection. Musique qu’il est par ailleurs le seul à jouer à Lyon parmi les musiciens de la Place du Pont, ce qui lui confère une aura particulière, en raison de la gravité et de la noblesse accordé à ce genre musical, syncrétisme original des musiques orientales et andalouses, et des musiques populaires et savantes.
Le malouf, « C’est véridique ». « Ce n’est pas donné à n’importe qui le malouf. Il faut une voix. Il faut donner l’âme… (Roh, en arabe) et tenter d’exprimer ce que l’on ressent au plus profond. » Le chanteur est le vecteur de la résonnance forte et profonde qui émane de lui. Son but ultime étant de « faire pleurer les gens ». « La chanson qui ne me donne pas la chair de poule, je ne la prends pas. Si c’est triste, il faut que je la chante ! » Le caractère autodidacte de ce musicien est une marque de fabrique et détermine son rapport au monde. Ainsi en est-il éga-lement des différents métiers qu’il a exercé dans sa vie ; chauffeur poids lourd ou encore réparateur auto-didacte d’appareils électro-ménagers, métier qu’il exerce encore aujourd’hui. Salah ne chante plus qu’à de rares occasions : « Dans tous les domaines, il y a un début et une fin », raconte-t-il. D’ailleurs ; « On ne chante plus ! Avant, les anciens comprenaient les chansons, ils vivaient vraiment les paroles ! » « A qui voulez-vous chanter aujour-d’hui ? Les jeunes ne parlent même plus arabe ! »
Regrets
Tous les musiciens ne sont malheureusement pas représentés dans ce coffret, faute de place et de ressources disponibles. Nous aurions aimé particulièrement inclure dans ce coffret les musiciens Cheb Kouider, qui habite dans le quartier Gerland à Lyon, et le guitariste Amrani, aujourd’hui décédé. Ces deux musiciens ont fait partie du mythique et fascinant El Azhard, groupe qui a révolutionné le raï des années 70. Ils sont arrivés dans la région lyonnaise en 1981, après avoir trouvé un travail dans le cuir, pour l’un, et dans le textile, chez Hermès pour le deuxième. Si le groupe a joué fréquemment à Lyon, nous n’avons malheureusement pas retrouvé les cassettes éditées à Lyon, qui existent pourtant, selon nos informations.
Nous regrettons également de n’avoir pu représenter, faute d’archives cassettes, la grande chanteuse kabyle Louiza, qui a longtemps habité Lyon avant de repartir en Algérie. Elle a notamment écrit une chanson sur la Place du Pont, que nous recherchons toujours.
Les rendez-vous 2014 de Place du Pont : une édition, une exposition
Le CMTRA, association régionale, souhaite jouer un rôle de passeur de ce patrimoine musical à travers le projet Place du Pont Production. Ce travail de recherche, initié en septembre 2012 a commencé par l’état des lieux, et la constitution des fonds de cassettes et de 45 tours de l’ensemble des cassettes de musiques du Maghreb, produites à Lyon (500 à 1000 documents) en vue de leur numérisation et de leur documentation. En complément de ce coffret 3CD, une exposition aura lieu du 1er avril 2014 au 26 juillet 2014, aux Archives Municipales de Lyon, institution qui accompagne avec un grand intérêt cette initiative. Ce sera ainsi l’occasion de faire découvrir aux Lyonnais un aspect méconnu de l’héritage musical de l’immigration nord-africaine en France et de contribuer à une transmission des mémoires liées aux immigrations locales et à leurs apports dans l’univers culturel de la ville.
A l’heure où les musiques du monde font partie intégrante de notre paysage musical et où le patrimoine musical du Maghreb est à l’échelle nationale, progressivement mis à jour et réapproprié par les nouvelles générations (Rachid Taha, ONB, Mouss et Hakim…), ces productions musicales locales constituent des témoignages uniques sur le quotidien des premières générations de migrants. Loin de l’image mutique, passive et pleine d’abnégation des travailleurs immigrés de la première génération, ces enregistrements témoi-gnent, au contraire, de la grande inventivité de ces hommes de l’ombre, et d’une soif d’expression qui a trouvé ses lieux, constitué ses propres dispositifs et réussi à satisfaire un public nombreux et passionné, sans assistance, ni reconnaissance officielle du pays d’accueil. Ils témoignent d’une diversité de pratiques et d’expression foisonnante, et sont les témoins de métissages musicaux importants, porteurs d’identités nouvelles, encore à l’œuvre aujourd’hui.
Péroline BARBET
Exposition aux Archives municipales de Lyon du 1er avril au 26 juillet 2014
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS 2014
1. La « Place du Pont », a été rebaptisée en 1947 « Place Gabriel Péri ». Certains habitants, commerçants du quartier et beaucoup d’immigrés qui fréquentent cet espace continuent cependant de l’appeler« Place du Pont », un nom donné à l’époque où le pont de la Guillotière, initialement en bois, commençait à cet endroit, traversait le Rhône, et se terminait sur la presqu’île de la ville de Lyon à proximité de la place Bellecour.
2. Entretien avec Hocine Chabati (PB), le 05/01/2012, document sonore, Fonds CMTRA/ Place du Pont Production.
3. Entretien avec Jacques Castelli, (PB), le 05/01/2012, document sonore, Fonds CMTRA/ Place du Pont Production.
4. Entretien avec Abbès Hamou et Cheb Kouider (PB), le 15/10/2012, document sonore, Fonds Place du Pont Production.
5. Entretien avec Amor Afsouni, (PB), le 27/01/12, document sonore, Fonds CMTRA/ Place du Pont Production.
6. Entretien avec Jacques Castelli, le 05/01/2012, document sonore, Fonds CMTRA/ Fonds Place du Pont Production.
7. Entretien avec Amor Hafsouni, (PB), le 27/01/12, document sonore, Fonds CMTRA/ Place du Pont Production.
8. Entretien avec Cheb Lakhdar et Hocine Chabati (PB), 6/12/2012, Fonds CMTRA/ Place du Pont Production.
9. Entretien avec Hocine Chabati (PB), le 05/01/2012, document sonore, Fonds CMTRA/ Fonds Place du Pont Production.
10. « Foutez-nous dehors ! Chants d’exil à Lyon », Jean Blanchard, Revue d’anthropologie L’ARA .
11. Entretien avec Abbes Hamou et Rabah El Maghnaoui (PB), le 05/11/12, document sonore, Fonds CMTRA/Place du Pont Production.
12. Entretien avec Salah El Guelmi, Ali Driassa et Rachid Staifi (PB), le 27/04/2013, document sonore, Fonds CMTRA/ Place du Pont Production.
13. Entretien avec Abbes Hamou et Rabah El Maghnaoui (PB), le 05/11/12, document sonore, Fonds CMTRA/Place du Pont Production.
14. Éric Montbel, Richard Monségu, Marc Loopuyt . Musiciens du Maghreb à Lyon. CMTRA, 1996. 1 disque compact, collection atlas sonore
- Éric Montbel, Omar el Maghribi, Blaadi, Musiques du Maroc à Lyon, Modal édition, 1998, 1 disque compact, collection Plein Jeu
- Jean Blanchard, « Foutez-nous dehors ! Chants d’exil à Lyon ». L’ARA, ethnomusicologie, mais encore, 2004, N°53, p.18-20.
15. Entretien avec Omar El Maghribi (PB), 2012, document sonore, Fonds CMTRA/Place du Pont Production.
16. Entretien avec Zaïd El Batni (PB), le 26/11/12, Fonds CMTRA/Place du Pont Production.
17. Entretien avec Amor Hafsouni, (PB), le 27/01/12, document sonore, Fonds CMTRA/ Place du Pont Production.
18. Entretien avec Salah El Guelmi, Ali Driassa et Rachid Staifi (PB), le 27/04/2013, document sonore, Fonds CMTRA/Place du Pont Production.
19. Entretien avec Salah El Guelmi, Ali Driassa et Rachid Staifi (PB), le 27/04/2013, document sonore, Fonds CMTRA/Place du Pont Production
(Atlas sonore Rhône-Alpes n°23 – CMTRA)
Le Centre des Musiques Traditionnelles Rhône-Alpes
Association régionale installée dans la Ville de Villeurbanne, le Centre des Musiques Traditionnelles Rhône-Alpes oeuvre depuis plus de vingt ans à la promotion des musiques traditionnelles, des musiques « du monde » et des différentes cultures de l’oralité, sur l’ensemble de ce territoire. À travers ses missions de recherche, de mise en réseau et de diffusion, il participe à la reconnaissance des patrimoines culturels immatériels, à leur médiation auprès des publics, à l’accompagnement de la création artistique et de la transmission.
Riche de 23 numéros, la collection « Atlas sonore » présente les cultures musicales de la région Rhône-Alpes : des répertoires de tradition orale des Alpes, aux chansons en langue francoprovençale, jusqu’aux musiques migrantes des villes de notre région. www.cmtra.org
CMTRA : 77 rue Magenta, 69100 Villeurbanne - Tél. : 04 78 70 81 75 - cmtra@cmtra.org
PLACE DU PONT PRODUCTION
MAGHREB POPULAR MUSIC IN LYON (1972/1998)
1/THE CASSETTE, SPEARHEAD OF THE SPREAD OF MAGHREB MUSIC IN FRANCE
Introduction
Ever since the Fifties, the cafés on the “Place du Pont” in Lyon’s La Guillotière quarter or those in Croix-Rousse have played a fundamental social role for several generations of immigrants, singularly contributing to the emergence of a music of exile. These ordinary places, spaces for solidarity, relaxation and expression, dressed the wounds of the painful experience of separation. Following the example of Paris and Marseilles, the major cities where Maghreb exiles were concentrated, Lyon was a platform for numerous singers and musicians. Some settled permanently there; others fell victim to the fame of their songs and continued their journey to Paris and Marseilles, in search of an Eldorado that grew constantly: the market for music which bars and weddings represented.
Their multiform and fraternal music — it had its finger on the pulse of everyday reality and all that it carried by way of grief, fascination or demands — was particularly creative, containing a wide variety of popular songs that were at once Algerian, Moroccan and Tunisian, played in the chaabi, rai, malouf, staifi, Shawia or Kabyle styles… Gathering in the same places, playing together to record cassettes, using electric instruments (synthesizers, rhythm-boxes, guitar, bass etc.), brought about the invention of a form of music that was hedonistic and without complex, quasi-experimental. There can be no doubt that this was world music before its time! And so, in reply to the strong demand coming from an audience wanting songs from the Maghreb, an entire music economy was built in the Eighties in Lyon, Paris and Marseilles. The cassette was a success; totally abandoned by the media and the official record-industry, and situated in the margins of traditional distribution, it represented a narrow but vivacious market which surprised by its productivity, flexibility, and diversity of choice. It also allowed a glimpse of a rich, socio-cultural network made up of places for recording, production companies, outlets selling music products, and constantly-renewed opportunities for the spread of the music both publicly (in bars and concerts) and privately, at weddings, christenings and anniversaries.
A mosaic of musical styles
The cassettes produced in Lyon represent the diversity of popular Algerian, Moroccan and Tunisian music, played in styles like chaabi, rai, malouf, staifi, Shawia, Kabyle, sraoui or Sahrawi, etc. As for the musicians, there were Zaïdi El Batni, Rachid Staïfi, Omar El Maghrebi, Amor Hafsouni, Azzi Kaddour, Mokhtar Mezhoud, Cheb Rabah El Maghnaoui, Cheb Slimane, Cheb Kouider, Tazi Boukhari, Cheb Chabati, Jamal Estaïfi, Salah El Guelmi, Louiza, Rachida, and Chaba Nacera... At the end of the Nineties it was estimated that around fifty men and women were playing regularly in Lyon’s bars, and that at least half of them had already recorded at least one cassette. As an immediate consequence of their exile, the musicians, far from home, gave themselves stage-names based on places of origin or preferred music styles. From the Sétif region, for example, one could find the musicians Nordine Staïfi, Amar Staïfi, Cheb Jamal Estaïfi, Farida Staïfia, Mohamed Staïfi, and also Rabah, Rachid, Samir or Abdelouahab Staïfi. Zaïd el Batni came from Batna, and from the village of Chaabat El Ham near Oran there were Hocine Chabati and Cheb Chabati (called “the youngster”). Salah el Guelmi was from Guelmia, and Rabah el Maghnaoui from Maghnia. Only one artist seems to have proudly carried a national and transnational identity, Omar el Maghribi (“the Moroccan”), but he also styled himself El Maghrebi (“the Maghribi”), taking that choice to mean that he did not play exclusively in a regional style, but that his music integrated the diversity of the popular music both in Morocco and throughout the Maghreb.
While the capital attracted the stars of Arab classical music and musicians playing in chaabi and Kabyle styles, with Marseilles featuring the stars of rai, the scene in Lyon was marked more by chaoui and staifi productions due to the high number of male and female immigrants from eastern Algeria, and the cities of Sétif and Batna in particular. More confidential and family-oriented, the music from the latter regions didn’t meet with the same commercial or marketing destinies as rai or Kabyle music, which were propelled onto the international scene by such great figures as Khaled and Idir. The “Place du Pont” compilation opens our ears to popular repertoire with links to highly-concentrated cultural localities and minorities little-known to the French public.
The “Place du Pont”: a place of convergence
By “the Lyon scene” we mean the musicians whose work was issued by producer-publishers located at the Place du Pont, and who — even though they were solicited everywhere in France’s North-African communities — nourished, gave life to and enriched the musical life of Lyon and its region. Less present in the media and so more invisible, officiating in the city’s private and informal circuits, the milieu inhabited by the music of the Maghreb in Lyon appeared modest and fantastic, to use the term coined by Daniel Mermet; in other words, a milieu without pretention, whose musicians were motivated by the desire to play together and express and live their mutual adventures to the rhythms of bendirs and doumbek drums, accompanied by layers of sound from synthesizers and the warm timbres of accordions and zurnas. The musicians varied in professionalism — they were often labourers during the week and artists only at weekends — but they had in common a musical energy that was unrivalled and shared the same, strong desire for expression.
The cassette: a democratic object for the spread of songs and poems
Preserving the values of these memories in exile was achieved by means of the music cassette, that democratic object (now obsolete) which diffused songs and poems. The cassette medium, supplanted at the end of the Eighties by the CD, constituted a genuine revolution when it was introduced in the early Sixties; as a genuine symbol for music culture in the Seventies and Eighties, the cassette accompanied the emergence of a pop that was global. Marked by new technologies — multi-track recordings in the late 60s, synthesizers in the 70s and 80s — the cassette permitted an easier, more dense circulation of musical works. The music of North Africa was no exception. The arrival of the music cassette accompanied the invention of modern Maghreb popular music forms with the progressive introduction of the synthesizer, rhythm-boxes and electric guitars, and the cross-breeding of these with traditional instruments and songs.
These productions are the creations, both artistically and economically, of the exiles themselves. Inexpensive and colourful, they were recorded, sometimes in a single day, according to the musical codes proper to the period: use of reverb’, a strong synthesizer presence, recording conditions close to those of a “live” performance, and with songs and instrumentals sometimes preceded by spoken messages and interjections improvised while recording. Produced as cheaply as possible, with no intermediaries, they were rapidly profitable despite their selling-price (some 25 Francs). Lasting an average of 40 minutes, they generally included 6 titles lasting between 5 and 8 minutes. The inserted jacket used pop imagery and its iconography was often not without humour. Nostalgic or provocative, these sleeves staged the imagery of the immigrant: the return home carrying a suitcase, or the budding artist thirsting for success.
Production companies, record-dealers and studios
Far from the conventional producers’ image, the managers of these firms had the backgrounds of inventive shopkeepers who travelled transnationally. In addition to their production-activities they were often at the same time publishers and distributors, concert organizers, record-dealers, occasional musicians or even people with stands at the flea-market…
While the Place du Pont was also home to distributors representing the publishing-houses in Paris or Marseilles, the three most important local publishers involved in cassette production were:
- The company L’Etoile Verte, managed by M. Bachar, a Franco-Moroccan living at N°24 rue Moncey, 69003 Lyon. Created in 1985 in Lyon, the company moved to Paris in 1997, to premises in the Goutte d’Or quarter. The business was taken up by M. Bachar’s son Nordine, and its name today is Maghreb Musique.
- The publishers Editions Bouarfa and SEDICAV, companies managed by Ouassini Bouarfa, a Franco-Algerian living at 16 rue Moncey, 69003 Lyon; they later purchased the catalogues of the firms Electro-disques and Oran Production.
- The publishers Editions Mérabet, managed by M. Mérabet, a Franco-Algerian from the Sétif region, today deceased; the firm’s activities continue today in Algeria under M. Mérabet’s son Slimane. The company was registered with the address 10 rue Marignan in Lyon’s 3rd Arrondissement.
As for the studios, one of them frequently mentioned by musicians was Studio 17, founded by Jacques Castelli in 1983 and based at 17 rue du Progrès in Villeurbanne. This recording-studio welcomed the entire musicians’ community in Lyon at the time, including visiting artists, up until the beginning of the Nineties, when its activity slowed considerably. Jacques’ studio gave a welcome to everyone. If he was solicited above all as a sound-engineer, his role was in fact much greater, and he would often make up for the absence of a musician; he became a sought-after bass-player, playing with musicians at weddings and numerous concerts. He also provided the voice on each cassette which introduced the musicians: “Les éditions Mérabet present…” His studios also welcomed well-known artists coming from Paris or the Maghreb, which is how the studio came to record (and sometimes provide a roof for) Cheikha Remitti, a renowned rai singer, or the Hawzi and Chaabi singer Naïma Dziria, who later became famous in Algeria.
2/ THE SONGS: A RECORD OF EXILE
Songs of exile, songs of love, political demands and everyday chronicles… the contents of this song-book legacy are genuine testimony to creation in exile and the situation of immigrants.
While a great number of these songs perpetuate and re-interpret traditional airs in their own way, it often happened that these singers also had roles as songwriter/composers. Their songs are evidence of a veritable intimacy with the exile’s real-life experience. They talk of separation, uprooting and love, celebrate or speak ironically of the omnipresent “return home” myth, and sometimes bear a political or moral dimension. Bluesmen torn from their roots, town-criers, chansonniers satirizing new cultural shocks, “homing-pigeons” entrusted with messages from those cut off by the Mediterranean: they were all of these at once.
If the themes of exile, nostalgia for home, family, or a lover left behind, are in the majority in these songs, it also happens, but more rarely, that they deal with living conditions in the host-country: work, unemployment, solitude, racism, alcohol, etc. It’s true that the sentiment of nostalgia finds its expression everywhere, and also in a haunting, obsessive manner. Some singers, however, urged on by the growing dissatisfaction of young people and the exasperation caused by inequality, social discrimination and xenophobic pressures, tackled French society and politics in a more frontal manner. These singers foreshadowed and prepared the ground for the “Carte de Séjour” group from Lyon (with singer Rachid Taha), which in 1986 clearly broke with the tradition of its elders on the Place du Pont by revisiting the Charles Trenet song, “Douce France”.
Regionalism and crossbred mixtures
In the cafés, musicians from different regions in Algeria, Morocco and Tunisia found themselves alongside each other in gatherings or playing together, and gradually they assimilated their respective repertoires. All the music styles of the Maghreb could be found there: popular music tied to cultural localities, trans-regional, Arab/Andalusian or classical Arab repertoires, not to mention rock, soul, disco, popular hits of the time… they all had a strong influence on these musicians. Amor Hafsouni situates his own musical innovations in the manner in which his friends and he mixed the chaoui music of Algeria and Tunisia with the timbres of instruments then in vogue, like electric guitars and rhythm boxes. That ode to the merits of mixing music genres has to be put into perspective, even so. While all the musicians tried their hands at every repertoire available to them, turning their versatility, curiosity and adaptability into a genuine profession, there were still fractures present in the links between them. Some musicians challenged this propensity for claiming to be able to play in all styles, and warned against the ability to be totally versatile whatever the Maghreb music tradition, despite the riches to be found in the latter’s diversity, history and cultivated subtleties. It is interesting to note that this tension between the supporters of regionalist styles (purists) and the adepts of fusion and musical eclecticism was not confined to Maghreb musicians alone, as it is recurrent in the world of traditional music in general.
3/ THE SONG THEMES
CD 1: Exile and the sense of belonging
“Exile everywhere; exile invades me.”
In the body of work represented by the “Place du Pont cassettes”, and more generally amongst singers of this generation, tales of exile, expressions of suffering and regrets constitute the canvas for all musical and poetical expression.
“This migration which makes people so sad / and which, for good or bad reasons, distances us from our family / Leads only to suffering / and expectation burns inside us like a fire.” (Mokhtar Mezhoud, “Sois prudent”, CD1, track 9).
Exile is also, in a paradoxical and infinitely poetic manner, a place. A place that is cursed, but familiar, and to be lived in mentally and literally.
“I live in exile / my heart ill / sick with solitude,” (Salah El Annabi, Hata fi Annaba/ In the town of Annaba (CD1, track 10)
Expressed in a less abstract and metaphysical manner, exile can take form and be expressed through the love of a woman left behind at home, and the separation from her is painful:
“She lives in Annaba, oh mama / my love for her burns me / Aylali li ya mma / The little girl has made me sad / Give me news of her, oh mama.” (Salah El Annabi, In the town of Annaba (CD1, track 10)
But it is the maternal figure which, more than any other, is summoned to speak of nostalgia. The song becomes the place for a dialogue with the mother, and sometimes takes the form of a letter.
“No, mama, don’t cry, this is my destiny / Time hasn’t allowed me to be like my friends.” (Omar El Maghrebi (CD1, track 12)
With Zaidi El Batni, the weight of the lament is transformed into anger: “We cannot endure exile any more. We have had enough of being badly treated. At the slightest problem they say, “The Arabs!” France and Algeria then appear as two contradictory, antagonistic poles, set in Manichaean opposition with France as
its point of repulsion, the country of all perdition and corruption.
CD 2: Political and social chronicles
“Stand up, stand up, men!”
If one thing is certain when the Place du Pont singers tackle current political and social events, it’s that they never hold their tongues… The festive rhythms and merry music, the melodious voices and the flights of kitsch synthesizers can hide texts, sometimes raw and without concession, which are surprising in their critical power, their rage.
While this type of composition forms only a minority in the body of these works, some of them stand out singularly: they contain stinging accusations brought against their adoptive country, directly denouncing France’s ingratitude, the lack of recognition given to North-African immigrant communities, and the everyday problems they encounter despite their efforts. The songs take an inventory of everyday humiliations, with comments that reveal an emergent racism in a French society gnawed away by a new ailment: unemployment. Beyond criticism of the conditions under which immigrants were received and the discrimination to which they fell victim, certain songs directly target repressive policies and controls set up by French authorities which led to immigration-restrictions as early as 1972, limiting access to French territory, introducing work-permits and temporary-residence cards, the first expulsion-measures, and financial incentives for immigrants willing to return home.
“In the Metro or on the bus / the immigrant is in danger / Resident’s card, work-permit / what are these controls which come and go?” (“J’en ai marre”, Omar El Maghribi (CD2, track 1)
The end of the so-called “glorious Thirties”, together with the arrival of unemployment in France, inevitably caused concern over the rise of the National Front. In 1986 the student Malik Oussekine was beaten up by French police, and it came as one racist crime too many: Zaïd El Batni devoted an edifying song to it, recording it with police sirens re-created in the studio over cries of distress from immigrant mothers (CD 2, track 7).
CD 2: Everyday life; Lyon, bars, alcohol, cars…
“Heal my heart with whisky,
and red and white wine.”
In Lyon, which lacked a structured music-distribution network, the cafés of the Maghribi community, where musicians were given a welcome, played a fundamental role in the everyday lives of first-generation immigrants. Lyon had no music cabarets, places registered as such where musicians were paid and where the public was more mixed. Musical life evolved, unofficially but with redoubled efforts, in the little échoppes or boutiques which, thanks to their numbers and dynamism, formed a kind of exception in Lyon in comparison with other large cities.
Out of phase with the image of the hard-working labourer, and breaking with the codes and values of Muslim society, the musicians from the Place du Pont enjoyed a way of life that was as carefree as that of a big-time gambler, i.e. they were rock ’n’ roll: a mixture of defiant posing, charm, glamour, sleepless nights, concerts improvised in bars, (fast) money changing hands under counters, genuine friendships and ephemeral loves. An authentic underground culture took shape in the city.
“Bring a bottle, bring us some comfort / heal my heart with whisky, and red and white wine.” (“Je veux ma bien-aimée”, Cheb Mimoum El Oujdi (CD 3, track 6).
Their music was hedonistic and without complex, tackling the problems of life and the mirages of exile, and singing of pleasures and excess, but it was often overtaken by disillusionment and feelings of guilt, expressing itself in words sealed by lamentation and regret. The singers expressed the contradictions of their times, taking inspiration from their trials and disappointments.
“404 Kahla” (a black Peugeot 404) by singer Tazi Boukhari (CD2, track 11), the set’s final song, was a major success in 1973 and this is a re-recording of it. It tells the story of an arrest which took place on the rue Vauban (next to Place Guichard), which was followed by custody, sentencing, and an expulsion procedure which definitively distanced the young man from France in sending him to Algeria. And so the streets of Lyon and the personal story of the singer come to be mingled in this cruel song tinged with mildness and sadness, a song where music and life melt into one another to speak of the common fate of the immigrant-experience, and to testify to the introduction of new methods of exclusion.
CD 3: Love, friendship and betrayals
“Teach me how to love”
Love, fickle or sincere, new-born or mature, happy or wretched, remains (as often) the preferred, most universally-shared theme. Many songs of seduction also constitute privileged material for dancing and rejoicing. But of course, where Love is concerned, tragedy, rifts and heartbreak are never far away; love and friendship often conceal a sly friend, a treacherous woman or confused plotters…
The songs are sometimes places where terrible accounts are settled between singers and their partners, with the singers then drawing the foul atmosphere of their drama from their own experiences in life. Their condition — men between two shores, admired singers whose lives contain hedonism and music — opened up numerous hearts to them.
On the question of love, again, and perhaps here more than elsewhere, ethnic and religious rifts are clearly marked and violently restated. The singers warn Fatima against “miscreants” and protect their men from the ephemeral charms of “Jacqueline”.
4/ LIVES IN MUSIC
Rabah El Maghnaoui, the everyday bluesman
Singer, accordionist, synthesizer-player… Rabah is also the composer of his songs. If for most of his life he earned his living essentially from music, today he’s a team-leader cleaning trains. His whole life has been under the sign of Rai; the sign of misery, transgression and misfortunes in love. The sign of shady bars, alcohol, friendship, and nights of lewdness. The songs he composes are closely tied to events in his own life, which confers on his music an absorbing, sincere, deeply moving character. The reference to American blues, often evoked when speaking of immigrant singers, is a particularly suitable one where Rabah is concerned; his songs, direct, overwhelmed, prosaic (and improvised) are indeed the songs of a bluesman. Mérabet has released three of his cassettes.
Omar El Maghrebi, the singer of exile
Originally from the region of Agadir in Morocco, Omar first came to France in 1973, where he worked at the Brandt factory in Lyon. A singer, oud-player and percussionist, Omar El Maghrebi also writes his own songs. Producers on the Place du Pont have released six of his cassettes.
When he refers to his role as a musician, Omar always insists on the importance of the text; the singer of exile is above all a bearer of messages linking people with their pasts, their native soil, contemporary society and their own inner natures.
Zaïdi El Batni, the militant singer
Zaïdi El Batni was 19 years of age when he arrived in the region of Saint Etienne in 1963, and he began as a musician in France, playing in the numerous music-cafés of the region before being contacted by M. Mérabet, for whom he recorded more than thirteen cassettes. Today retired, Zaidi El Batni is the songwriter-performer of his songs, which stand out from others by their content, often turned towards current political and social affairs in France and Algeria. He considers himself, “a journalist who writes.”
(A gendarme’s whistle blows)
- Hey, Mohamed, let’s see your ID! Tourist or immigrant?
- Immigrant.
- Have you been working in France?
- Almost twenty-two years...
- And what are you doing now?
- I’ve been unemployed for six months.
- And you’re still here? You’d better go home, Mohamed!
Amor Hafsouni, the virtues of mixed origins
Amor Hafsouni is the most prolific musician from the Place du Pont and one of the most popular amongst families. Having released more than twenty cassettes in Lyon, his career is in many ways emblematic. Born in Tunisia, he began as a chaoui musician when he arrived in France in 1973, encouraged by companions he met in the cafés he visited. His personal taste for mixed genres and encounters, combined with an equal feel for a commercial opportunity, led him first towards Algerian music and then more generally to the genres found across the entire Maghreb. A crooner of charm, his texts speak of love and are aimed at festive pleasures and dancing. Right from the beginning he worked at Berliet driving a fork-lift, and Amor would remain with that company for the whole of his professional life. Today he still plays in France and Tunisia, where he regularly returns now that his retirement allows him to devote more of his time to music.
Salah El Guelmi, the voice of sentiment
Salah El Guelmi first came to France in 1969, staying in the Drôme and Alsace regions before settling in Lyon. Salah bought his first guitar in Metz, and taught himself to play it thanks to his “musical ear” before taking up the oud, which is his preferred instrument. Salah was born in Guelma, a town close to the Tunisian border where malouf (Arab-Andalusian music) took root, impregnating everyday life and deeply marking his childhood memories. While malouf is the classical Arab-Andalusian music of the Maghreb, Salah had no formal musical training, however. A significant element of malouf in Guelma and Constantine derives from the strong influences of the Jewish communities, which were then very large in both towns. So it was only natural that Salah, once he became a musician in France, would be solicited by Jewish families in Lyon and Villeurbanne who found refuge there after Algeria was decolonized. Like most musicians from the Place du Pont, Salah can play all the Algerian music-genres, but malouf unarguably remains his favourite. Incidentally, he is the only musician to play malouf among his peers from the Place du Pont, which gives him a special aura due to the seriousness and nobility granted to this music genre, an original syncretism of music-forms that is oriental and Andalusian, popular and classical.
The self-taught nature of this musician is his trademark, and it determines his relationship to the world. The same goes for the different trades he has learned over the years, whether driving a heavy-goods vehicle or as a self-taught repairer of electrical appliances, a trade he still practises today. He no longer sings except on rare occasions.
Regrets
Unfortunately, not all the musicians are represented in this set due to lack of room and available resources. We would have particularly liked to include here the musicians Cheb Kouider, who lives in the Gerland quarter in Lyon, and the guitarist Amrani, who is no longer with us. These two musicians belonged to the fascinating, legendary group El Azhard, which revolutionized Rai in the Seventies. They came to Lyon in 1981 after finding work in the leather industry, for the former, and in textiles (Hermès) for the latter. Although the group played frequently in Lyon, we have unfortunately been unable to unearth the cassettes which they released in Lyon, although they indeed exist according to our information.
We also regret not being able to represent the great Kabyle singer Louiza — again, there are no cassettes to be found in the archives —, a singer who lived in Lyon for years before she returned to Algeria. Amongst other songs, she wrote one about the Place du Pont, and we are still searching for it.
Rendez-vous in 2014, Place du Pont: one release, one exhibition
CMTRA, the regional association, wishes to play a role in handing down this musical legacy by means of the project “Place du Pont Production”. This work of research which began in September 2012 began with the inventory and constitution of a collection of cassettes and 45rpm records of the entire Lyon production of music from the Maghreb — between 500 and 1000 items — with the aim of digitalizing and documenting them. As a complement to this 3CD set, an exhibition will open (from April 2014 to July 2014) at the Municipal Archives in Lyon, an institution which has accompanied this initiative with great interest since its inception. The exhibition will provide visitors and the people of Lyon with the chance to discover a little-known aspect of the musical legacy brought to France by North-African immigrants, and will help to further their collective memory and the contributions they made to the culture of the city.
In times when World Music has come to form an integral part of our musical landscape, and when the music legacy of the Maghreb can be seen on a national scale, gradually brought up to date and appropriated again by new generations — Rachid Taha, ONB, Mouss et Hakim et al —, these local music productions constitute unique testimony to the day-to-day lives of first-generation immigrants. Far from the mute images, passive and filled with abnegation, of workers from that generation, these recordings, on the contrary, provide evidence of the great inventiveness of these men in the shadows, and of a thirst for expression which found its own spaces, developed its own mechanisms, and succeeded in satisfying countless numbers of passionate enthusiasts, doing so with neither assistance nor official recognition from their country of refuge. They show a teeming diversity of practises and expressions, and bear witness to major musical mixes that are still at work today.
Péroline BARBET
Adapted into English by Martin DAVIES
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS
1. The “Place du Pont” was rechristened “Place Gabriel Péri” in 1947. Some of the inhabitants, however, together with shopkeepers and many immigrants who have their haunts there, continue to refer to it as the “Place du Pont”, the name given to it in when the Pont de la Guillotière was constructed to bridge the Rhone, with its other end on the peninsula of the city close to Place Bellecour.
CD 1 : Exil et appartenances
1 : Yama Lala Essahb Elgadar
(Maman l’amitié est traitre)
Mokhtar MEZHOUD, 1986,
Edition Merabet
2 : Matsalounich
(Ne me demandez rien)
Salah EL GUELMIA, 1994,
Oran production
3 : Batna ya Batna
(Batna, Oh Batna)
Samir STAIFI,
Etoile Verte
4 : Gatli R’wah
(Elle m’a dit vient)
Amor HAFSOUNI,
Edition Etoile Verte
5 : Dialogue : A quoi sert la nationalité française ?
Amor HAFSOUNI, 1987,
Edition Bachar
6 : Mabedelchi el djenessia
(Obtenir la nationalité
n’a rien changé)
Amor HAFSOUNI, 1987,
Edition Bachar
7 : Dialogue : Les expulsions
Zaïdi EL BATNI, 1982,
Edition Merabet
8 : Malina Man Elghrba
(Fatigués de l’exil)
Zaïdi EL BATNI, 1982,
Edition Merabet
9 : Salamat
Mokhtar MEZHOUD, 1997,
Oran production
10 : Hata fi Annaba
(Dans la ville d’Annaba)
Salah EL ANNABI, 1996,
Top Music
11 : El Ghorba
(L’exil)
Samir STAIFI,
Edition Etoile Verte
12 : Hada Mektoubi
(C’est mon destin)
Omar EL MAGHREBI, 1998,
Mogador Rhône
13 : Comment faire ?
Tazi BOUKHARI et Aouicha, 1972,
Electrodisques/ JBP Records
14 : Thaqvailith
(Kabyles)
SMAIL, 1993,
Production A.S.O.S. Malades
15 : La ma la khayti
(Ni mère, ni sœur)
Cheba NACERA, 1991,
Edition Etoile Verte
16 : L’Algérie
(Mon pays me manque)
Amar STAIFI, 1998,
Edition Etoile Verte
CD 2 : Chroniques politiques et sociales
Vie quotidienne
1 : J’en ai marre
Omar EL MAGHREBI, 1987,
Edition Bouarfa
2 : Noudou Yaradjala
(Levez vous les hommes !)
Zaidi EL BATNI, 1978,
Edition Merabet
3 : Yadalaliya
Amor HAFSOUNI,
Edition Merabet
04 : Arouah lil
CHABATI (le jeune),
Distribution Top Music
5 : Franca Y afranca
(France, Oh France !)
ZaidI EL BATNI, 1986,
Edition Merabet
6 : Sid l’hakem
(Mr le juge)
Omar El MAGHREBI, 1996,
Edition Merabet
7 : Malik y a Malik
(Malik Oh Malik)
Zaidi EL BATNI, 1982,
Edition Merabet
8 : Skini belkess
(Serre moi un verre)
Omar EL MAGHREBI, 1987,
Edition Bouarfa
9 : Ya Taleb?
Tazi BOUKHARI,1972,
Electrodisques/ JBP Records
10 : Moul el mercedes
Zaidi EL BATNI, 1991,
Edition Mérabet
11 : 404 Kahla
(404 Noir)
Tazi BOUKHARI,
Autoproduit
CD 3 : Amour, amitié et trahisons
1 : Ma andiche zhaar
(Je n’ai pas de chance)
Salah EL GUELMIA, 1994,
Oran production
2 : Kountie Ghalia
(Tu m’étais si chère)
Rabah EL MAGHNAOUI, 1985,
Edition Merabet
3 : Hayd yedik aaliya
(Ne me touche pas)
Salah EL GUELMIA, 1994,
Oran production
4 : Aïnik kouaouni
(Tes yeux m’ont brûlé)
Cheb Hocine CHABATI
et Groupe EL AZHAR, 1978
5 : Choufou-Choufou
(Regarde !)
Omar EL MAGHREBI, 1998,
Rhône Mogador
6 : Anabghit hbibi
(Je veux ma bien-aimée)
Cheb MIMOUN EL OUJDI, 1994,
Edition Etoile Verte
07 : Rouf aliya
(Aie pitié de moi)
Amor HAFSOUNI, 1995,
Oran Production
8 : Ya Lekbida
(Mon cœur)
Rachid STAïFI, 1995,
Edition Etoile Verte
9 : Ami radjel
(Pourquoi m’as-tu trahi?)
Mokhtar MEZHOUD, 1997,
Oran production
10 : Amayna alik anti
(Comment as-tu pu me faire ça ?)
Rabah EL MAGHNAOUI, 1990,
Edition Merabet
11 : Kharjet mel hamam
(Elle est sortie de la salle de bain)
Mokhtar MEZHOUD, 1994,
Edition Etoile Verte
12 : Ana britah avocat
(Je veux un avocat !)
Chaba NACERA, 1991,
Edition Etoile verte
13 : Ma andi dala
(On nous envie notre amour)
Jamal ESTAIFI, 1993,
Edition Mérabet
14 : Nedik Nedik
(Je t’enmène, ma gazelle)
Amar STAIFI, 1998,
Edition Etoile Verte
Toutes situées aux alentours de la « Place du Pont », au cœur du quartier de la Guillotière à Lyon, les maisons d’édition l’Étoile Verte, SEDICAV, Mérabet, Bouarfa, El Bahia ont produit des centaines de cassettes de musiciens marocains, algériens et tunisiens lyonnais. Cette anthologie 3 CD réalisée par le CMTRA (Centre des musiques traditionnelles Rhône-Alpes), revient sur une économie musicale alternative, inventive et structurée, qui s’est construite dans les années 1980 à Lyon. La cassette, objet démocratique de diffusion de chansons et de poésies accompagne l’invention des musiques maghrébines populaires modernes. Issues de la rencontre inédite entre les instruments et les airs orientaux, avec les sons du synthétiseur, des boîtes à rythmes et des guitares électriques, ces chansons, multiformes et fraternelles, directement en prise avec la réalité quotidienne, parlent de séparation, de déracinement, d’amour, célèbrent ou ironisent le mythe du retour au pays. Elles s’ouvrent au monde en dénonçant les conditions d’accueil et le racisme ordinaire. Témoignant d’une diversité de pratiques et d’expression foisonnante, ces musiques, issues d’un contexte socio-économique typiquement lié à l’histoire de la France, font partie intégrante du patrimoine populaire français et contiennent en même temps, les codes d’un métissage mondialisé propre à la « world music ».
Patrick FRÉMEAUX & Péroline BARBET
All located around the «Place du Pont» in the heart of the La Guillotière quarter in Lyon, the publishers l’Étoile Verte, SEDICAV, Mérabet, Bouarfa and El Bahia have produced hundreds of cassettes featuring Moroccan, Algerian and Tunisian musicians. This 3CD-set anthology produced by CMTRA (Rhône-Alpes Centre for Traditional Music), looks back on an alternative music economy, inventive and structured, which developed in Lyon during the 1980s. The music-cassette, the democratic object which spread songs and poems, accompanied the invention of popular, modern Maghreb music forms. These songs — derived from previously unheard-of encounters between oriental instruments/melodies and the sounds of synthesizers, rhythm boxes and electric guitars — were multiform and fraternal, with a finger on the pulse of everyday reality: they talk of separation, uprooting and love, and they celebrate or speak with irony of the “return home” myth. They open themselves to the world in denouncing the conditions and ordinary racism of their host-country. As testimony to the teeming diversity of practises and expressions, this music, derived from a socio-economic context typically tied to the history of France, forms an integral part of the French popular heritage and, at the same, contains the codes of a global cultural mix that belongs to “World Music” alone.
Patrick FRÉMEAUX & Péroline BARBET
CD Maghreb Lyon, Rai, Chaoui, Chaabi, kabyle, Malouf 1972-1998 © Frémeaux & Associés 2014.
PRESSE :
Chronique de Simon CANE sur Discothecaire.fr
"Ne prenez pas l'objet de ce mail au pied de la lettre, il ne s'agit que de quelques mots plus personnels que professionnels autour d’un travail récemment publié par le CMTRA pour lequel je me permets d'exprimer mon admiration.
La Bibliothèque municipale de Lyon essaie de développer un fonds local, c’est-à-dire d’assurer la collecte en vue d’une conservation systématique et d’une mise en valeur de la production musicale publiée par des artistes ou des labels de l’agglomération lyonnaise. Dans une aire qui regroupe plus d’un million d’habitants, c’est une tâche sans fin qui suppose travail en réseaux, multiplication des approches, recoupements, patience et acceptation d’une imperfection toujours plus grande, toute trouvaille impliquant la découverte de manques que nous ignorions dans nos collections.
On a encore plus de problèmes lorsqu’il s’agit d’une musique produite et diffusée dans un groupe humain particulier, essentiellement en live, avec des enregistrements sur un support fragile et devenu rapidement obsolète. C’est la tâche à laquelle s’attache depuis de nombreuses années le CMTRA (Centre des musiques traditionnelles de Rhône-Alpes) en faisant du collectage de musiques lyonnaises issues de l’immigration. Ces travaux de longue date ont été jalonnés de publications dans la série des atlas sonores : Musiciens du Maghreb à Lyon (1996), Lyon orientale (2001), des monographies sur des quartiers, Les pentes de la Croix-rousse (2001), La Guillotière, des mondes de musique (CD, photos, film de 52’ (un chef d’œuvre) et livret, 2007), Musiques du 8 (publié sous forme de site internet http://www.musiquesdu8.fr/ 2010).
La dernière production me rend aussi jaloux qu’admiratif, car elle est basée sur des œuvres publiées, qu’il était donc dans notre mission d’acquérir, mais publiées sous forme de cassettes (peut-être 2 ou 3 sont issues de vinyles) par des éditions lyonnaises à destination de la communauté maghrébine exilée en France pendant les 3 trois dernières décennies du vingtième siècle : corpus commercialisé hors des disquaires, difficile à retrouver, support fragile et à peu près disparu aujourd’hui… En fait Péroline Barbet, auteur de ce travail disposait de 3 atouts, compétence en documentation, compétence en ethnomusicologie, coopération de Richard Monségu, musicien (du groupe Antiquarks), sociologue (qui a travaillé sur les Musiciens du Maghreb à Lyon) et collectionneur. Mais l’énormité du travail effectué force l’admiration et aboutit à 2 productions : une exposition réalisée avec et aux Archives municipales de Lyon (particulièrement bien placées pour les discothécaires juilletistes fatigués d’une longue attente avant de passer le tunnel sous Fourvière dans le sens nord-sud : l’exposition dure jusqu’au 26 juillet) et ce triple CD dont je laisse déterminer le titre par les collègues catalogueurs mais dont le nom de cœur est indubitablement Place du Pont Production (Frémeaux et associés FA 5452, CMTRA, Atlas sonore Rhône-Alpes n°23 ; EAN 3561302545226).
A ceux qui penseraient spontanément à Marseille ou Barbès en évoquant la musique maghrébine en France, les noms de Berliet, Vénissieux, Vaulx-en-Velin, Carte de séjour, la marche des beurs montreront immédiatement que l’agglomération lyonnaise occupe une place non négligeable. 3 grandes maisons d’édition locales, des dizaines de musiciens semi-amateurs bien souvent venus travailler en usine ou sur un chantier, un studio (Studio 147 à Villeurbanne fondé en 1983), des lieux de spectacle (voir aussi le film Zaman el-Muqahi, le temps des cafés réalisé par le CMTRA en 2010) forment un microcosme ou un écosystème dont témoignent ces enregistrements. Tous les genres musicaux et les trois pays du Maghreb sont représentés. Mais le choix des éditeurs a été de ne classer les chansons ni par genre, ni par pays d’origine des artistes, mais par thème : un disque consacré à l’exil et aux racines, un aux chroniques de la vie quotidienne, politique et sociale, un enfin à l’amour et l’amitié. Différents styles sont entremêlés, cette diversité facilite l’écoute pour tout public même si la force de la plupart des chansons choisies interdit de parler de musique de divertissement. Le coffret comprend aussi un livret de 40 pages de présentation qui permet de saisir avec empathie mais sans naïveté les enjeux psychosociologiques de la musique qu’on entend. On regrettera juste de ne pas avoir les textes des chansons et de ne pas avoir 4 disques au lieu de 3…
Par les temps qui courent cette plongée dans la contribution artistique de musiciens pauvres exilés en France est une œuvre salutaire. Ils nous rappellent entre autres que la grande tradition française d’hospitalité n’a pas été inaugurée par les ministères Besson et Hortefeux – ce qui rend moins étonnant qu’elle continue. Certes, nous autres fonctionnaires ne faisons pas de politique, mais ce beau coffret n’est pas un ouvrage à thèse et gageons que même des nostalgiques de l’Algérie française peuvent être émus par ces chants d’exil souvent poignants."
Par Simon CANE - DISCOTHECAIRES