SONNY ROLLINS - QUINTESSENCE
SONNY ROLLINS - QUINTESSENCE
Ref.: FA249

NEW YORK - HACKENSACK - LOS ANGELES 1953-1957

SONNY ROLLINS

Ref.: FA249

Artistic Direction : ALAIN GERBER, DANIEL NEVERS, ALAIN TERCINET

Label : Frémeaux & Associés

Total duration of the pack : 2 hours 23 minutes

Nbre. CD : 2

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Presentation

NEW YORK - HACKENSACK - LOS ANGELES 1953-1957



“He doesn’t really know what he wants himself. But I’ll bet my bottom dollar that he’ll get it – or he’ll kill himself trying to get it.” Art Blakey
Frémeaux & Associés’ « Quintessence » products have undergone an analogical and digital restoration process which is recognized throughout the world. Each 2 CD set edition includes liner notes in English as well as a guarantee.



Press
UNE UTOPIE CONCRETE PAR ALAIN GERBER « André Malraux avait rassemblé un musée imaginaire d’œuvres réelles. Le catalogue  des éditions Frémeaux & Associés propose un musée bien réel où les œuvres restent pourtant imaginaires. On y trouve, entre autres choses, des musiques, des chansons, des poèmes, Des romans, des mystères sacrés et des mystères profanes, Des histoires, l’Histoire, La mémoire de l’humanité ou les rumeurs de la natureBref : L’éternelle empoignade du tumulte avec le silence, Qui est son envers et non pas son inverse. Or, la musique demeure une fiction dans la mesure où elle commence là où finit l’objet musical. Or, la voix ajoute au texte à la fois un éclairage et une part d’ombre, un mélange de précision et d’ambiguïté qui échappe à l’auteur. Or, les faits, dès qu’ils sont dits, deviennent des contes. Or, les bruits de notre terre, lorsqu’ils sont isolés les uns des autres, font de cette terre un kaléidoscope dont les images se recomposent sans cesse… Ce qui caractérise ce catalogue, C’est qu’il présente l’une des plus vastes, des plus éclectiques et des plus belles collections de mirages qui se puisse concevoir. A ceci près que ces mirages traduisent les illusions fertiles et promettent à qui s’y laisse prendre quelques révélations fondamentales. Confrontés à eux, nous ne rêvons pas : Nous sommes rêvés. Car ces apparences que l’on dit trompeuses reflètent ce qu’il y a de plus concret et de plus irrécusable au monde : Une utopie de l’Homme, de son désir et de sa destinée. » Alain GERBER© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS
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Tracklist
  • Piste
    Title
    Main artist
    Autor
    Duration
    Registered in
  • 1
    In a sentimental mood
    Sonny Rollins
    00:03:21
    1953
  • 2
    Oleo
    Miles Davis Quintet
    00:05:15
    1954
  • 3
    There's no business like show business
    Sonny Rollins
    00:06:15
    1954
  • 4
    there are such things
    Miles Davis Quintet
    00:09:30
    1955
  • 5
    Weird blues
    Sonny Rollins
    00:06:53
    1956
  • 6
    Tenor madness
    Sonny Rollins
    00:12:27
    1956
  • 7
    Blue seven
    Sonny Rollins
    00:11:20
    1956
  • 8
    Brilliant corners
    Thelonious Monk Quintet
    00:07:46
    1956
  • 9
    B. quick
    Sonny Rollins
    00:09:12
    1956
  • Piste
    Title
    Main artist
    Autor
    Duration
    Registered in
  • 1
    Wagon wheels
    Sonny Rollins
    00:10:14
    1957
  • 2
    Misterioso
    Sonny Rollins
    00:09:24
    1957
  • 3
    I'll remember April
    Kenny Dorham
    00:12:04
    1957
  • 4
    It could happen to you
    Sonny Rollins
    00:03:48
    1957
  • 5
    The surrey with the fringe on top
    Sonny Rollins
    00:06:35
    1957
  • 6
    Don't explain
    Sonny Rollins
    00:06:42
    1957
  • 7
    Sonnymoon for two
    Sonny Rollins
    00:08:52
    1957
  • 8
    The eternal triangle
    Dizzie Gillespie
    00:14:11
    1957
Booklet

Sonny Rollins

Sonny Rollins

COLLECTION DIRIGÉE PAR ALAIN GERBER


SONNY ROLLINS - THE QUINTESSENCE

NEW YORK - HACKENSACK - LOS ANGELES 1953 – 1957

livret en français - english notes inside the booklet



DISCOGRAPHIE / DISCOGRAPHY
CD I (1953-1956)
1. In a sentimental mood (Prestige 874/mx. 509) 3’17
Sonny Rollins with the Modern Jazz Quartet : Walter Theodore “Sonny” Rollins (ts); Milt Jackson (vibes); John Lewis (p); Percy Heath (b); Kenny Clarke (dm). Hackensack (New Jersey), 7/10/1953.
2. Oleo (Prestige LP 7109/mx. 591) 5’09
Miles Davis Quintet : Miles Davis (tp); Sonny Rollins (ts); Horace Silver (p); Percy Heath (b); Kenny Clarke (dm). Hackensack (NJ), 29/06/1954.
3. There’s no business like show business (Prestige LP 7020/mx. 826) 6’17
4. Tere are such things (Prestige LP 7020/mx. 829) 9’25
Sonny Rollins Quartet : Sonny Rollins (ts); Ray Bryant (p); George Morrow (b); Max Roach (dm). Hackensack (NJ), 2/12/1955.
5. Weird Blues  6’50
Miles Davis Quintet : Miles Davis (tp); Sonny Rollins (ts); Tommy Flanagan (p); Paul Chambers (b); Art Taylor (dm). Hackensack (NJ), 16/03/1956.
6. Tenor Madness (Prestige PRLP 7047/mx. 906) 12’22
Sonny Rollins Quartet & John Coltrane : Sonny Rollins, John Coltrane (ts); Red Garland (p); Paul Chambers (b); Philly Joe Jones (dm). Hackensack (NJ), 24/05/1956.
7. Blue Seven (Prestige PRLP 7079/mx. 921) 11’12
Sonny Rollins Quartet : Sonny Rollins (ts); Tommy Flanagan (p); Doug Watkins (b); Max Roach (dm). Hackensack (NJ), 22/06/1956.
8. Brilliant Corners (Riverside RLP 12-226-A) 7’42
Thelonious Monk Quintet :
Ernie Henry (as); Sonny Rollins (ts); Thelonious Monk (p); Oscar Pettiford (b); Max Roach (dm). New York City, 15/10/1956.
9. B. Quick (Prestige PRLP 7126/mx. 1036) 9’10
sonny rollins quartet : Sonny Rollins (ts); Kenny Drew (p); George Morrow (b); Max Roach (dm). Hackensack (NJ), 7/12/1956.


CD II (1957)
1. Wagon Wheels (Contemporary C 3530) 10’09
sonny rollins trio : Sonny Rollins (ts); Ray Brown (b); Shelly Manne (dm). Los Angeles, 7/03/1957.
2. Misterioso (Blue Note BLP 1558) 9’20
Sonny Rollins Sextet : Jay Jay Johnson (tb); Sonny Rollins (ts); Horace Silver & Thelonious Monk (p); Paul Chambers (b); Art Blakey (dm). New York City, 14/04/1957.
3. I’ll remember april (Riverside RLP 12-239) 12’00
Kenny Dorham Quintet : Kenny Dorham (tp); Sonny Rollins (ts); Hank Jones (p); Oscar Pettiford (b); Max Roach (dm). New York City, 21/05/1957.
4. It could happen to you (Riverside RLP 12-241) 3’42
Sonny Rollins, tenor saxophone solo. New York City, 11/06/1957.
5. The surrey with the fringe on top (Blue Note BLP 4001) 6’28
Sonny Rollins (ts) & Philly Joe Jones (dm). New York City, 22/09/1957.
6. DON’T explain (Riverside RLP 12-251) 6’37
Sonny Rollins Quartet & Abbey Lincoln (chant/vocal), acc. par/by Kenny Dorham (tp); Sonny Rollins (ts); Wynton Kelly (p); Paul Chambers (b); Max Roach(dm). New York City, 28/10/1957.
7. Sonnymoon for two (Blue Note BLP 1581) 8’44
Sonny Rollins Trio : Sonny Rollins (ts); Wilbur Ware (b); Elvin Jones (dm). New York City (Village Vanguard), 3/11/1957.
8. The eternal triangle (Verve MGV 8262/mx. 21857) 14’08
Dizzy Gillespie - Sonny Rollins - Sonny Stitt : Dizzy Gillespie (tp); Sonny Rollins (ts); Sonny Stitt (as); Ray Bryant (p); Tom Bryant (b); Charlie Persip (dm). New York City, 19/12/1957.


“Ce qu’il veut, il ne le sait pas encore lui-même. Mais je parie ma chemise qu’il l’obtiendra - ou qu’il périra en s’efforçant de l’obtenir.” 
Art BLAKEY


“Rollins !? s’écriait le batteur Art Blakey. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi déterminé. Il s‘acharne à faire des expériences, tous azimuths. Ce qu’il veut, il ne le sait pas encore lui-même. Mais je parie ma chemise qu’il l’obtiendra - ou qu’il périra en s’efforçant de l’obtenir.” La première illustration sonore retenue dans notre sélection date d’octobre 1953. Néanmoins, on peut dire que, pour l’essentiel, l’histoire1 racontée dans ce double CD trouve son origine dans une séance d’enregistrement plutôt houleuse qui eut lieu à New York dès le 30 janvier 1953. Miles Davis, alors au creux de la vague, était le héros du jour, et il avait fait appel pour le seconder à des musiciens auxquels il témoignait une grande estime professionnelle, doublée d’une certaine tendresse. Outre Sonny (qui n’avait encore publié qu’un seul album sous son nom et qui aurait été le protégé de Miles si celui-ci, à ce moment-là, avait été en position d’assurer son propre devenir), on trouvait là Walter Bishop, déjà pianiste de la séance qui avait produit le microsillon Prestige Dig quelques années plus tôt, Percy Heath, le grand espoir de la contrebasse à l’époque et le successeur de Ray Brown au sein d’un Milt Jackson Quartet devenu le Modern Jazz Quartet, et enfin le batteur Philly Joe Jones (compagnon d’errance du trompettiste, alors que celui-ci, déstabilisé par l’échec de Birth of The Cool et par ses problèmes de drogue, se voyait contraint d’aller chercher fortune de club en club, de ville en ville, de gala et galère). À ce quintette en soi impressionnant s’ajoutait un invité de marque, la plus star de toutes les guest stars, et donc pas la plus facile à manipuler : le dénommé (pour raisons contractuelles) Charlie Chan. Entendez : Charles Parker Junior, l’Oiseau de tous les paradis, mais qui se prenait parfois pour Icare. Bird, afin de mettre tout le monde à l’aise, est venu sans son alto et c’est sur un saxophone ténor prêté par un musicien de l’assistance qu’il va donner la réplique à Sonny. Cela dit, Miles, de son côté, ne s’était pas présenté à la répétition qu’il avait lui-même organisée. On ne s’étonnera pas qu’un climat exécrable ait régné dans le studio… Dans l’esprit du trompettiste, très probablement, rôdait l’idée qu’il donnerait un sérieux coup de pouce à Rollins s’il démontrait que celui-ci, désormais, talonnait Parker : qu’étant plus jeune, voire plus pugnace, il parviendrait peut-être à le dépasser un jour. On peut lire dans son autobiographie cette série d’observations : “Sonny avait une solide réputation parmi les jeunes musiciens de Harlem... C’était une légende, presque un dieu pour beaucoup. Certains pensaient qu’il jouait aussi bien que Bird. Je ne sais qu’une chose : il n’en était pas loin.  C’était alors un musicien agressif, novateur, qui avait toujours des idées musicales fraîches. Je l’adorais comme instrumentiste, et aussi comme compositeur.” Pour sa part, l’intéressé confiera : “Miles, à l’époque, jouissait déjà d’une réputation considérable. Il avait écouté quelques-uns de mes disques et, naturellement, j’avais eu l’occasion de l’entendre, si bien qu’on peut dire que nous n’étions plus des étrangers l’un pour l’autre... Miles est un faiseur de stars”.
Le jour de l’enregistrement, le trompettiste débarqua de fort mauvaise humeur et avec un tel retard que Parker, pourtant champion incontesté du manque d’exactitude, se trouvait déjà sur place. Pour tromper l’attente, l’altiste s’était gavé de bière et d’alcool (une bouteille de vodka sifflée jusqu’à la dernière goutte). Il devait s’endormir au beau milieu d’une prise, exaspérant d’autant plus son hôte qu’il se comportait comme si la direction des opérations lui avait été confiée. Témoignage du trompettiste : “À croire qu’il y avait deux leaders. Bird me traitait comme si j’étais son fils ou un membre de son orchestre. Mais c’était ma séance, il fallait que je le lui fasse comprendre. C’était difficile parce qu’il était toujours sur mon dos, pour une raison ou une autre. Il m’a mis tellement en colère que je l’ai engueulé. Je lui ai dit que je n’avais jamais fait ça dans l’une de ses séances. Que je m’étais toujours montré professionnel. Et vous savez ce que cet enfoiré m’a répondu ? Un truc du genre : «Ca va, Lily Pons, la beauté est le produit de la souffrance, c’est de l’huître que sort la perle.» Avec son putain d’accent british bidon. Sur quoi l’enfoiré s’est endormi…” Là-dessus, Miles Davis, ayant injurié Charlie Parker, comme par hasard perd la maîtrise de ses lèvres. Et accumule de ce fait tant de fautes d’exécution que le producteur Ira Gitler, dont la patience est pourtant proverbiale, lui rappelle par l’interphone qu’il n’est pas censé s’être déplacé pour “jouer de la merde”. Aussitôt, le trompettiste entreprend de rem­baller ses affaires, au milieu de la consternation générale. “Eh, Miles, qu’est-ce que tu fabriques ?” demande Bird. Le trompettiste lui répète la réflexion de Gitler. Comme dessaoulé, Parker murmure à son ancien employé : “Allez, faisons de la musique, maintenant.” Conclusion de Davis, encore incrédule : “Et on a joué des trucs vraiment bien”. Entre temps, Charlie a profité de la confusion pour faire à Rollins un sermon sur la nécessité de renoncer aux stupéfiants, dont chacun sait pourtant qu’il n’est pas lui-même un consommateur modéré. Sonny raconte l’histoire. En substance, il rapporte ceci : il y a bien des choses que je faisais alors pour l’unique raison que je me croyais tenu d’imiter les artistes que je plaçais au-dessus de tous les autres. Bird, cependant, ne m’a jamais encouragé à faire quoi que ce fût qui pût m’être préjudiciable. Pendant cette fameuse et terrible séance avec Miles, il m’a même précisé quel était le chemin à suivre si je voulais m’accomplir à la fois dans ma musique et dans ma vie privée. Comme un père, il m’a dit ce qu’il attendait de moi.... Mais j’ai continué un certain temps sur la mauvaise pente. J’ai vu beaucoup de choses et j’ai succombé à de nombreuses tentations. Ce n’est que plus tard que j’ai été en mesure de vraiment bénéficier de ses conseils. Hélas, il a quitté ce monde2 avant que j’aie eu l’occasion de lui dire que j’y étais parvenu. Rollins a mis du temps à se déprendre de l’héroïne. Toutefois, il ne fait aucun doute que le facteur déclenchant, le grain de sable qui s’est introduit dans les rouages de la machine infernale et finira, un jour, par l’enrayer, ce fut cette apostrophe parkérienne. L’admo­nestation - et le Bird en aurait été heureux - eut sur lui, à terme, un effet qu’elle n’avait pas eu sur d’autres, le trompettiste Red Rodney pour commencer, à qui la drogue allait coûter sa liberté, à un cheveu de lui coûter aussi la vie. Il faut dire que Sonny avait l’héroïne mauvaise : elle avait fait de lui le plus infréquentable des musiciens de jazz. En 1954, pourtant, Miles Davis, qui lui voulait un culte, allait de nouveau l’inviter dans un studio d’enregistrement3. Aux yeux de presque tous les autres jazzmen, même les junkies, Sonny, désormais, n’en était pas moins une sorte d’intouchable. Comme le note un de ses biographes : “Il était devenu un paria dans cet univers alors même qu’il s’imposait comme l’un des musiciens les plus importants de sa génération. Cette situation était invivable.”


Entre 1956 et 1958, c’est-à-dire dans les années les plus fécondes d’une carrière entreprise à la fin de la décennie précédente, notamment au côté de Bud Powell, Sonny Rollins a trop d’orgueil pour croire en Sonny Rollins. Il estime que Rollins tel qu’il est n’arrive pas à la cheville de Rollins tel qu’il devrait être. Il remporte d’immenses victoires dans l’insatisfaction la plus grande et, au lieu de les célébrer, va lécher dans son coin ce qu’il croit être non pas tant des blessures, que les stigmates de l’insuffisance et de l’impuissance. Plus tard, comme on sait, il se retirera sous sa tente. Avec cet homme, le jour de gloire est toujours pour demain. Ainsi a-t-il considéré ses aboutissements comme des brouillons, ses morceaux d’éternité comme de simples parenthèses et certaines de ses apothéoses comme des éclipses. Rollins a beaucoup attendu Godot, sans voir que Godot était en lui. Mais la musique de cette attente, toute cette patience et toute cette impatience traduites en phrases de saxophones, a offert au jazz plusieurs de ses avatars les moins convenus. Les moins corruptibles, aussi. Ce n’est pas seulement que ses enregistrements de l’époque n’ont - pour sacrifier à un cliché qui a pignon sur rue - “pas pris une ride” : c’est, chose bien plus rare, qu’ils n’ont rien perdu de leur intensité. Au contraire, même, pour certains d’entre eux  (je pense par exemple à Way Out West, qui passa d’abord, auprès de beaucoup, pour une simple récréation sous le soleil de la Californie).  Leur créateur les a conçus comme autant d’hypothèses et de propositions : contrairement à ce qu’on observe à l’ordinaire, le temps ne cesse de les parfaire (se reporter, quant à cela, aux pièces de A Night At The Village Vanguard). On vient y chercher des réponses, des assurances, une image de la sérénité. Ils sont comme pétris de certitudes. Les angoisses rollinsiennes, maintenant, réconfortent. Comme son indécision conforte aujourd’hui ceux qui cherchent. La poussière volatile, en l’espace de cinq décennies, est devenue marbre. Les peurs pétrifiées de Rollins sont désormais des monuments. Fort étranges. Tenant un milieu incertain entre la somptuosité barbare de la basilique Saint-Marc à Venise et le ciment nu, brut de décoffrage, de la chapelle de Ronchamp dessinée par Le Corbusier. Une patine de vieille dorure s’est mise sur Saxophone Colossus, qui n’en demeure pas moins un bloc de béton armé (et “armé”, c’est le mot !). La tente du nomade s’est transformée en blockhaus et le blockhaus prend parfois des allures de palais du facteur Cheval, ou de palais des glaces - à la fois jeu de miroirs et banquise immobile, d’un froid brûlant, dans la débâcle tempérée des fêtes foraines. Les jeux sont faits. Mais la partie est-elle jouée pour autant ? Après The Eternal Triangle avec Sonny Stitt et Dizzy Gillespie, lorsque nous quittons notre héros, voici ce qu’il nous confie par-dessus son épaule : “D’une façon générale,les années 50 furent un peu un âge d’or pour le jazz. Mais pour moi en particulier ? Je ne le pense pas. Du reste, si j’avais cru alors avoir atteint ce que je cherchais, je me serais arrêté de jouer. Je n‘ai jamais vu les choses de cette façon. Qu’il se trouve des gens pour estimer que j’étais alors à mon zénith, ça les regarde, mais c’est une opinion que je ne partage pas. Il existe bien des points sur lesquels j’espère avoir progressé. Et puis, je veux avoir tout tenté dans ma vie de musicien. Je veux qu’il m’arrive encore d’autres choses en tant que jazzman. Voudrais-je jouer à présent comme je jouais alors ? Non. Pas question ! Je n’ai nullement l’intention de m’arrêter au bord de la route. A moins bien sûr que je me paie le luxe de casser ma pipe. En attendant, j’aimerais qu’on se souvienne de moi comme de quelqu’un qui n’a pas démissionné de ses fonctions de créateur. De quelqu’un qui a refusé de devenir son propre imitateur. Il n’y a pas de fin à cette histoire-là. Elle se poursuit à travers les années, encore et encore. Pour moi, il n’est encore que quatre heures de l’après-midi.”
Alain GERBER
© 2008 Frémeaux & Associés – Groupe Frémeaux Colombini SAS


1 Plus exactement : cette partie d’une longue histoire qui, commençant en 1947, s’étend aujourd’hui sur six décennies. / 2 le 12 mars 1955. / 3 Cf. ici Oleo.


SONNY ROLLINS À PROPOS DE LA PRÉSENTE SÉLECTION

In a Sentimental Mood, d’humeur sentimentale… un titre qui, s’il marque une étape sur l’itinéraire musical de Walter Theodore « Sonny » Rollins, ne traduit guère son état d’esprit en 1953. À vingt-trois ans, exerçant depuis six ans la profession de musicien, il compte au nombre des jeunes boppers en colère qui rejettent le show business, l’ère du swing et les valeurs de l’Amérique bien-pensante en général. On est bien loin du patriarche à barbe blanche pétri de philosophie orientale, icône du jazz unanimement – et justement - célébré en 2005 à l’occasion de son soixante-quinzième anniversaire. Si l’on veut comprendre un tant soit peu la singularité de son parcours et de certains de ses choix esthétiques, il faut revenir aux origines : Rollins est l’un des musiciens pour lequel l’environnement familial et social compta le plus. Pour le meilleur et rarement pour le pire. Il y avait toujours de la musique chez lui et autour de lui, dira-t-il,  grâce à un frère violoniste qui lui transmettra le goût de l’acharnement au travail, à une sœur pianiste et un père clarinettiste amateur qui venait, tout comme son épouse, des Iles Vierges.  De Saint Thomas précisément qui donnera son nom à l’une des plus fameuses compositions signée par Sonny, en réalité une adaptation de l’un de ces calypsos dont le rythme imprégna son enfance. Du fait des professions respectives exercées par ses parents – quartier-maître dans la marine et employée de maison -, Sonny était à l’occasion confié à différents membres de la famille, une grand’mère  marxiste – il en hérita une conscience sociale aigüe -, des oncles amateurs de blues et de jazz. “Je me souviens d’avoir vu « The Pirates of Penzance » lorsque j’avais deux ou trois ans à l’occasion d’une reprise dans ce qui est maintenant le Colonial Park Pool à l’angle de 145th et Bradhurst. À cette époque, c’était encore la campagne avec arbres et rochers. On y donnait des représentations en plein air. Plus tard je me rappelle être allé au City Center dans la 55 ème Rue et y avoir vu des opérettes. Ma famille s’efforçait de m’emmener un peu partout. J’ai entendu beaucoup de choses et ces mélodies se sont gravées pour toujours dans ma mémoire. Mon cerveau fonctionne comme un ordinateur. Différentes chansons et airs resurgissent de manière inattendue. »(1)
Un répertoire souvent peu conventionnel, parfois saugrenu, que Sonny interprétera en le renouvelant tout au long de sa carrière. Avec tendresse, sans la moindre intention sarcastique, au contraire de ce qu’avaient cru déceler quelques critiques du pays de Viens Poupoule et du Rêve passe, pour lesquels les œuvres de Cole Porter, Gershwin, Irving Berlin et autres ne peuvent susciter que consternation et mépris. « Je joue beaucoup ces thèmes parce que je me considère comme un musicien de jazz, que j’aime ces chansons et que j’estime être capable de les jouer. C’est du jazz, même si ce sont des chansons. Je ne pense pas que le jazz doive être rigide. »(2) 
Malgré l’orientation de son frère aîné auquel fut offert un engagement au Pittsburgh Symphony Orchestra, la musique classique européenne n’avait alors pour lui qu’un intérêt relatif et les leçons de piano obligatoires ne furent qu’une corvée. Ses préférences se portaient ailleurs : « Il n’y avait pas besoin d’être un adulte pour entrer à l’Apollo, aussi je m’y rendais au moins une fois par semaine et y vis à peu près tout le monde – Lionel Hampton, Fletcher Henderson, Duke Ellington, Count Basie…Nous les admirions sur scène alors qu’ils passaient en attraction avant la projection d’un film. »(3) Pourtant ce fut une magnifique photo placardée à l’entrée d’un cabaret proche, qui, à huit ans, nourrira ses fantasmes. Elle représentait Louis Jordan tenant en main un alto King Zephyr rutilant. En 1942, Sonny a acquis quelques-uns de ses disques - Knock Me a Kiss, Five Guys named Moe – lesquels laisseront une empreinte certaine dans son jeu. Il possède maintenant un alto d’occasion offert par sa mère. Contrairement à l’usage qui veut que ce soit l’oreille – ou parfois le hasard - qui préside au choix d’un instrument, une seconde fois ce seront les yeux qui serviront d’intermédiaires : « Ce type vint chez mon oncle et il possédait un magnifique sax rutilant dans un de ces étuis à l’ancienne doublé de velours. J’aimais l’allure de ce ténor. Pour moi c’était l’équivalent du Saint Graal. Ce fut cela qui me poussa vers le ténor. Cela et Coleman Hawkins qui devint mon idole.»(4) Dans le quartier de Sugar Hill où ses parents ont déménagé, il croisera souvent son dieu auquel il ne ménageait pas son admiration : « Dans son jeu, on pouvait suivre le travail de la pensée et sentir la passion pour la recherche sous-tendant la puissance et l’énergie. »(5) Sa mère lui a offert un ténor en 1946. Sonny s’efforce de jouer bop avec ses camarades de la Benjamin Franklin High School : Kenny Drew, Art Taylor, Jackie McLean, Andy Kirk Jr, le trompettiste Lewis Lowell. Il sait désormais que le ténor est son instrument. Il a écouté Dexter Gordon sans marcher sur ses brisées, préférant l’approche de Don Byas, d’Eddie Lockjaw Davis et de Ben Webster. Coleman Hawkins est bien sûr sa référence suprême encore que Lester Young soit loin de le laisser indifférent. Pour lui, ce qui les réunit est beaucoup plus important que ce qui les sépare. Et il y a Charlie Parker : « J’ai d’abord entendu Bird sur disque puis, au début des années 40, j’ai commencé à le voir au sein d’environnements divers dans la 52ème Rue ou à des endroits comme le Lincoln Square sur la 61ème rue. Bird me semblait combiner tout ce que j’avais entendu et aimé. Au début, ce qu’il faisait me paraissait complètement nouveau parce que je ne le comprenais pas vraiment. Lorsque j’ai saisi, j’ai réalisé qu’il réalisait la synthèse de tout ce qui avait été inventé jusqu’alors  en y ajoutant sa personnalité propre. Sans rien renier du passé. »(6) Les deux hommes ne se fréquenteront que ponctuellement, l’aîné encourageant toujours le débutant. Malheureusement, dans son désir de communier avec Bird et de défier l’ordre établi, comme nombre de ses amis, Sonny fait usage de stupéfiants. Au grand dam de sa carrière.


En 1947, nanti de son diplôme de fin d’études secondaires, Sonny Rollins décide de se consacrer entièrement au jazz. Sans être absolument persuadé d’avoir raison, les arts graphiques continuant à exercer sur lui une fascination certaine. Martin Williams : «La majorité des jazzmen avait fait leurs classes au sein des grands orchestres. Pas Rollins. Le travail en grande formation apprend la discipline et le sens de la concision dans des solos toujours brefs, il enseigne également la précision dans les ensembles et l’art de la réplique. Rollins a appris ailleurs quelques-unes de ces leçons : pour les autres, il lui a fallu surmonter un handicap, celui de ne pas les avoir reçues. »(7) Sans doute mais, alors qu’il poursuivait encore ses études, Sonny avait été éduqué musicalement parlant par Thelonious Monk qui l’avait invité à venir répéter chez lui, en se mêlant à sa formation. Pourrait-on trouver meilleur péda­gogue ? Rollins assure divers engagements à Harlem en tant que sideman ou à la tête de son propre trio. Le chanteur Babs Gonsales l’entend, apprécie son jeu et, après l’avoir emmené à Philadelphie et  à Boston, lui donne l’occasion d’entrer pour la première fois dans un studio d’enregistrement. J. J. Johnson participe à la séance : « Jay Jay m’a littéralement pris sous son aile et il est devenu pour moi une source d’inspiration et un guide » dira Rollins, ajoutant qu’il avait toujours aimé jouer avec un tromboniste, - Clifton Anderson sera d’ailleurs son interlocuteur privilégié à partir de 1986. J. J. Johnson l’invite à une séance au cours de laquelle il gravera une des compositions du ténor – la première à être enregistrée - , Audubon. Suivront quatre faces dirigées par Bud Powell, un musicien que Rollins révère et qu’il citera comme ayant exercé sur lui une grande influence. Miles Davis : « Sonny avait une solide réputation parmi les jeunes musiciens de Harlem. Les gens l’aimaient, à Harlem comme ailleurs. C’était une légende, presqu’un dieu pour beaucoup. Certains pensaient qu’il jouait aussi bien que Bird. Je sais une chose, il n’en était pas loin. »(8) Si quelqu’un était loin d’être persuadé de la chose, c’était bien l’intéressé lui-même… Depuis la fin de 1948, le chemin du trompettiste a croisé plusieurs fois celui de Sonny Rollins : « Miles Davis est celui qui, d’une certaine manière, m’a sorti de ma coquille. À ce moment-là j’étais persuadé de n’être pas capable de jouer aussi bien que d’autres. Miles m’a dit « Non, tu peux le faire. C’est pour ça que je t’ai engagé plutôt qu’un autre ». Il m’encourageait et me poussait souvent en avant. »(9) Ils enregistreront ensemble pour la première fois en janvier 1951, l’année où Sonny signa son premier disque sous son nom. « Évidemment, avec le recul du temps, je puis dire aujourd’hui que j’aurais été bien meilleur dans tous les albums que j’ai enregistrés entre 1951 et 1953 si j’avais fait partie d’un orchestre régulier. Mais les affaires marchaient mal à l’époque, je n’avais que des engagements épisodiques et je faisais un disque de temps en temps.» confia-t-il en 1959 à François Postif. Une sujétion à l’héroïne de plus en plus exigeante, un séjour en prison avec désintoxication à la clé, une rechute, la séance ratée en compagnie de Charlie Parker contée plus haut par Alain Gerber… les lendemains  ne semblaient pas devoir chanter pour Sonny Rollins.


Au mois d’octobre 1953, pour le compte de la marque Prestige, Ira Gitler se propose de mettre en présence Sonny Rollins et le Modern Jazz Quartet qui, dans sa première mouture avec Kenny Clarke à la batterie, compte alors dix mois d’existence. La première des tâches du producteur est de trouver un saxophone pour Sonny lequel, une fois de plus, a mis en gage son instrument pour payer les dealers. John Lewis qui n’apprécie guère le style « jam session » pratiqué par le label exige une séance de répétition ; d’autant plus justifiée qu’une telle rencontre semblait bien tenir du mariage de la carpe et du lapin. Semblait seulement. Rollins : « Je me suis senti très à l’aise pour jouer avec eux parce que, précédemment, je les avais déjà rencontrés  individuellement. Je n’ai pas été particulièrement déstabilisé par leur rigueur ; bien sûr, ils en étaient à leurs débuts et la discipline n’était peut-être pas encore aussi primordiale qu’elle le deviendra. »(10) Sur In a Sentimental Mood, Rollins prend la parole pratiquement de bout en bout – seul Milt Jackson a droit à un court solo –  et traite le thème de Duke Ellington avec une délicatesse et un respect dont il n’était guère coutumier jusqu’alors. Six mois plus tard, Sonny se rend en compagnie de Miles Davis au studio de Rudy Van Gelder à Hackensack. Il amène avec lui trois compositions dont Oleo - basé sur l’inusable I Got Rhythm - qui sera interprété selon un schéma pré-établi très élaboré. Les souffleurs et la basse exposent le thème, le piano et la basse interprètent le pont. Les chorus de Miles et de Rollins bénéficient du seul soutien de la basse et de la batterie, le piano n’intervenant que ponctuellement à l’occasion du pont de chaque solo. Rollins a fait d’énormes progrès tant au point de vue du phrasé que de la ponctuation rythmique et il apparaît évident que ce quintette réunissant Miles, Rollins, Horace Silver, Percy Heath et Kenny Clarke aurait pu compter au nombre des formations majeures du jazz moderne. Il ne fut réuni qu’à cette seule occasion. Malheureusement. L’existence lui devenant de plus en plus impossible, Sonny Rollins décide de se désintoxiquer. D’autant plus que la culpabilité qu’il éprouve pour avoir menti à Bird sur son usage des stupéfiants le taraude. À la fin de 1954, il  entre dans un établissement spécialisé de Lexington, Kentucky. Au mois de mai 1955, il en sort et décide de se rendre à Chicago pour parfaire ses connaissances musicales à l’Université. Au mois de novembre débarque en ville une formation dont la réputation n’est plus à faire, le « Clifford Brown - Max Roach Quintet ». Le ténor de la formation, Harold Land, doit regagner d’urgence la Californie. Au Bee Hive, Sonny Rollins le remplace. Sans attacher autrement d’importance à cet engagement qu’il considère comme un dépannage qui, accessoirement, lui permettra de regagner New York. Les choses se dérouleront bien différemment.
En premier lieu, Sonny  retrouve Max Roach, qui avait tenu la batterie dans l’une de ses toutes premières séances d’enregistrement. « J’ai toujours considéré Max comme l’un des rythmiciens qui me convient le mieux. Parce que je suis un interprète très « rythmique », j’éprouve la nécessité d’avoir derrière moi un batteur vraiment puissant et solide qui assure une pulsation en sachant à chaque instant où il en est. J’ai besoin d’un batteur qui soit sur la même longueur d’ondes que moi et avec lequel je puisse échanger des chorus. Max possédait toutes ces qualités et, en sus, nous étions si proches l’un de l’autre que chacun pouvait lire pratiquement dans l’esprit de l’autre »(11). Et il y a Clifford Brown. L’entente entre les deux musiciens est totale; sur tous les plans. « Clifford était quelqu’un de tellement équilibré que vous aviez peine à le croire. Pour quelqu’un qui jouait d’une telle manière, être aussi modeste et gentil semblait ahurissant. Du coup je me suis efforcé moi aussi d’être quelqu’un de bien. »(12) Le critique anglais Martin Williams pourra écrire : “C’est en travaillant avec Max Roach que Rollins a intégré sa nouvelle maturité et développé son individualité, sa sûreté et son sens de la présence. La «puissance», la «tenue» et «l’énergie» dont tout le monde parle se manifestèrent alors.”(13) Revenu à New York, Rollins enregistre au mois de décembre l’album qui, après 14 mois d’absence des studios, marquera son retour. Il est accompagné du bassiste George Morrow et de Max Roach, deux de ses partenaires habituels au sein du quintette ; Ray Bryant occupe le poste de pianiste. Le résultat de la séance est une telle réussite que, contrairement à ses usages, Prestige publiera les cinq morceaux dans l’ordre où ils furent gravés sur un seul LP 30 cm baptisé « Work Time ». « There’s No Business Like Show Business  était une chanson sur laquelle je travaillais à Chicago après ma cure de désintoxication. Je répétais ce morceau avec le trompettiste Booker Little et d’autres gars de Chicago. « Work Time » marquant si l’on peut dire mon retour sur la scène, j’ai pensé à utiliser cette composition. »(14) There’s No Business Like Show Business sur tempo rapide, There Are Such Things, une ballade  traitée avec sensibilité, dotée d’une belle coda a cappella, dans les deux cas Rollins se montre un soliste irréprochable. Point de détail, commencent à apparaître alors ces digressions et citations qui deviendront de plus en plus monnaie courante dans son jeu à la fin des années 50.


Pour Sonny Rollins, rallier le quintette de Clifford Brown - Max Roach ne signifiait nullement rejeter Miles Davis aux oubliettes. En sa compagnie, il franchit une nouvelle fois les portes du studio d’Hackensack pour ce qui sera leur dernière rencontre sur disque. Trois morceaux sont mis en boîte dont Vierd Blues. Rollins y prend un solo préfigurant celui qu’il va graver quatre mois plus tard sur Blue 7. Deux improvisations auxquelles Gunther Schuller consacra un article entier - « Sonny Rollins and Thematic Improvisation » - publié en 1958 dans Jazz Review. On pouvait y lire : « Dans le développement incessant de l’improvisation, nous avons atteint de nos jours un autre palier : Sonny Rollins est la figure centrale de ce renouveau (…) Il confère, à l’unité thématique et structurelle de l’improvisation pure, une importance égale à celle qui, pendant de longues années fut accordée au swing, à la conception mélodique et à l’originalité de l’expression.(…) Spécialement dans Blue 7, voilà ce que Sonny Rollins a ajouté de façon concluante au champ de l’improvisation jazzistique : le développement du thème principal, et non pas seulement celui d’un motif ou d’une phrase que le musicien trouve par hasard au cours de son improvisation et qui, en elle-même, n’est pas directement lié au thème principal. » Jointe à la critique de l’album «Saxophone Colossus» publiée dans le «New Yorker» au cours de laquelle Whitney Balliett déclarait que l’on se trouvait là en présence de l’instrumentiste le plus mordant et le plus influent depuis Charlie Parker que, sans doute, il égalait, cette étude musicologique déstabilisa quelque peu Rollins. Par réflexe d’auto-défense, il dénia toute véracité à l’analyse de Gunther Schuller, proclamant haut et fort  n’avoir rien inventé que Thelonious Monk n’ai déjà pratiqué. Quant à marcher sur les plates-bandes de Bird, il jugeait en être encore bien incapable. Sonny Rollins et John Coltrane s’étaient évidemment côtoyés dans le sillage de Miles Davis. Ils ne gravèrent de conserve qu’un seul morceau, Tenor Madness qui donnera son titre à l’album tout entier. « En fait ce disque a été fait avec la rythmique qui était à l’époque celle de Miles Davis et Coltrane - il faisait lui aussi partie de la formation - m’avait tout simplement accompagné en copain au studio. Il s’était assis dans un coin et, subitement, nous avons eu envie de jouer ensemble. Vous savez, toutes les fois qu’il y a à côté de moi un ténor valable qui m’écoute, je donne le maximum et je joue, j’imagine, mieux que d’habitude. Coltrane est cette sorte d’homme qui m’incite à mieux jouer et à donner le meilleur de moi-même.» (15) Sur un riff de blues maintes fois utilisé par les boppers, les deux ténors se livrent à un duo dans lequel toute idée d’agressivité est bannie. Bien que plus jeune de trois ans, Rollins est à cette date un musicien infiniment plus accompli que Coltrane dont les recherches n’ont pas encore débouché sur un style vraiment cohérent. Ce qui, dans « Down Beat », vaudra à Tenor Madness une critique plus que réservée.


« Lorsque Max m’a annoncé les disparitions de Clifford et de Richie (Powell), tout ce que j’ai pu faire fut de retourner dans ma chambre d’hôtel et de m’exercer toute la nuit. J’étais tellement bouleversé que tout d’abord je n’ai pu le croire ; ensuite la seule façon de l’accepter a été de jouer toute la nuit. Lorsque Max et moi sommes allés aux funérailles, nous avons pleuré comme des enfants. »(16) Jusqu’en mai 1957, Sonny Rollins reste dans le quintette de Max Roach tout en continuant à enregistrer pour son propre compte ou sur la demande de quelques leaders triés sur le volet, Thelonious Monk par exemple. Pour la première séance chez Riverside, Monk allait interpréter ses propres compositions avec l’apport de deux saxophonistes, en l’occurrence Ernie Henry à l’alto et Rollins au ténor. Le morceau qui portait le titre générique de l’album, Brilliant Corners, ne demanda pas moins de 25 prises. Aucune n’étant concluante, la version publiée résulta d’un montage effectué par le producteur Orrin Keepnews : « Je ne me souviens pas que Sonny ait rencontré un problème quelconque contrairement à Max et à Oscar Pettiford, ce qui faillit dégénérer en un pugilat entre Monk et lui. Après cette séance, Monk qui n’était pourtant pas rancunier, ne mentionna plus jamais le nom de Pettiford. » Cette même année, Rollins allait battre un record homologué par « Une Chronologie du Jazz » de Philippe Baudoin, celui du morceau le plus rapide jamais gravé, en l’occurrence B Quick, une variation sur Cherokee, joué à 410 à la noire. L’album intitulé « Tour de Force » ne volait pas son titre car Rollins interprétait ce morceau avec un naturel et une aisance parfaits. Au début de l’année 1957, le quintette de Max Roach gagne la Californie. Lester Koenig, directeur de Contemporary Records, rencontre Sonny et lui propose d’enregistrer un album dans la formule instrumentale qui lui siérait. Rollins choisit le trio et demande d’être accompagné par Ray Brown et Shelly Manne : « Sonny pensait que ce serait formidable et ce le fut. Les estima que, puisqu’il s’agissait du premier voyage de Sonny sur la Côte Ouest, « Way Out West » serait un titre approprié pour l’album. C’était seulement l’un de ces gadgets qui font vendre. La musique fut fantastique – ce fut un grand disque. »(17). Enfant, Rollins avait adoré les films de Tom Mix, Ken Maynard et Hoot Gibson. À sa demande express, le cliché de couverture réalisé par William Claxton le représentait coiffé d’un stetson, ceinturé d’une cartouchière avec un étui de pistolet vide, dans un décor désertique comprenant l’inévitable crâne de bovin.(18) Sonny Rollins s’amusait autant du possible impact commercial de ce cliché que de certains morceaux qu’il avait choisi d’interpréter tel Wagon Wheels dans lequel, en début et en fin de morceau, Shelly Manne imitait le bruit des sabots d’un cheval. Un procédé que le batteur réutilisera d’ailleurs dans la musique du western « Young Billy Young » qu’il composa en 1969. L’album reçut un excellent accueil aussi bien de la part de la critique que du public. De retour sur la Côte Est, Rollins retrouve le parrain de ses débuts, J. J. Johnson. Misterioso mobilise deux pianistes, Thelonious Monk son compositeur et Horace Silver. Le premier expose le thème et accompagne Rollins alors que cette tâche revient à Silver lorsque Jay Jay entre en lice. « C’est une pièce de collection car Monk et Silver y jouent tous les deux, mais avec tout le respect dû à Horace, c’est Monk qui domine » écrira Don Cerulli dans Down Beat. Après la disparition de Clifford Brown, Max Roach avait engagé Kenny Dorham, lequel pratiquait un style de trompette bien particulier dans lequel chaque note émise possédait une intensité pratiquement équivalente, ce qui assurait un jeu legato. Dorham dévoila l’origine de son « running style » : « La pensée de Charlie Parker fut une influence primordiale. Je l’ai entendu avant même de commencer à jouer de la trompette et j’ai su que c’était de cette manière que je voulais jouer – comme un saxophone. Jusque-là la façon de jouer de la trompette me semblait trop rigide.»(19) Depuis longtemps Rollins admirait le trompettiste et, partenaires dans le quintette de Max Roach, ils s’étaient liés d’amitié. La complicité  qui les lie saute à l’oreille sur un tempo aussi rapide que celui de I’ll Remember April. Il faut dire qu’ils bénéficient du soutien  d’une irréprochable rythmique dans laquelle brille au piano Hank Jones.


Sonny Rollins a repris sa liberté et, pour son nouvel album, il choisit d’interpréter It Could Happen To You en solo. Depuis Coleman Hawkins et son fameux Picasso gravé en 1948  qu’avait précédé, trois ans plus tôt, Hawks Variations, Sonny  était le premier à oser relever le gant.  Avec un succès indiscutable. Les différentes coda « a cappella » dont il usait depuis le milieu des années 50 – on se souvient de celle qui terminait There Are Such Things -constituaient en fait autant de répétitions. Un an plus tard Rollins renouvellera l’expérience avec Body and Soul et, au cours de nombreux concerts, il interprétera très souvent un morceau seul. Au Théâtre de la Ville en 1980  ce fut My One and Only Love. Pour The Surrey With a Fringe on Top, Sonny invite un interlocuteur, le batteur Philly Joe Jones. Sur ce thème de Richard Rogers tiré de la comédie musicale « Oklahoma ! » créée en 1943, Rollins une fois de plus innovait. Si l’instrumentation ténor/batterie allait être ensuite abondamment sollicitée – par Coltrane entre autres – , elle était alors parfaitement inusitée. À ce moment, Rollins venait de quitter le quintette de Miles Davis dans lequel il avait remplacé durant l’été 1957 Coltrane qui, lui, avait rejoint Thelonious Monk. Par malchance, la formation de Miles ne franchit pas les portes d’un studio et la version con­servée (mal) de Four retransmise depuis le Café Bohemia le fait amèrement regretter. « A l’heure actuelle nous ne pourrions plus graver une séance comme celle réalisée avec Abbey Lincoln pour la simple raison que, par de multiples aspects, comparée à Carmen McRae, Sarah (Vaughan) ou la grande Lady (Billie Holiday), elle était alors une chanteuse néophyte. J’ai aimé cet album. Les chansons étaient intéressantes. »(20) Parmi celles-là, majoritairement prises sur tempo lent, figure Don’t Explain, une pièce que l’on aurait pu croire indissolublement liée à son auteur, Billie Holiday. Pourtant, tout en en respectant scrupuleusement l’esprit, Abbey Lincoln parvient à se l’approprier au cours d’une version très personnelle qui dépasse les six minutes - le morceau le plus long de l’album. Le solo de Kenny Dorham, l’un des plus beaux qu’il ait signé durant sa carrière, l’accompagnement qu’il fournit tout comme celui de Wynton Kelly à la basse (!) derrière Abbey en début de morceau, la (courte) intervention de Rollins, la partie de Max Roach contribuent à la singularité d’une pièce qui, à n’en pas douter, bénéficiait d’un arrangement élaboré. Son auteur est resté anonyme. « Rollins passa ses semaines à expérimenter, jouant brièvement avec l’idée d’utiliser un quintette. La première semaine il se présenta entouré d’un trompettiste, d’un pianiste, d’un bassiste et d’un batteur. La seconde semaine il s’était débarrassé du trompettiste (Donald Byrd) et avait changé de section rythmique. N’étant pas persuadé d’avoir trouvé la meilleure instrumentation, il finit par se présenter avec une formation réduite à l’essentiel qui s’avéra être la plus satisfaisante pour lui – la combinaison ténor-basse-batterie que l’on entend ici »(21) La combinaison qui offrait le plus de liberté à un improvisateur chimiquement pur ; celle qu’il avait testée avec « Way Out West ». Rollins fait maintenant partie de l’écurie Blue Note qui décide pour l’occasion d’innover. Un album sera enregistré en public au Village Vanguard, le 3 novembre : en matinée et en soirée, avec des accompagnateurs différents. Sonnymoon for Two est exécuté avec le concours de Wilbur Ware à la basse et d’Elvin Jones à la batterie. Une voix majeure du jazz s’y fait entendre. L’art de Sonny Rollins a atteint l’un de ses sommets. En 1957 Barney Wilen écrivait : « Sonny Rollins, c’est d’abord le génie des nuances, le sens du contraste poussé jusqu’à l’exaspération. Dans le souffle par exemple, il saute soudain de la douceur brumeuse à la clarté aveuglante d’une attaque infaillible. Dans un tempo rapide, il passera volontiers plusieurs chorus à se prélasser langoureusement sans aucune contrainte autour des accords pour immédiatement après se lancer dans une incroyable arabesque de virtuosité harmonique. Pour moi, cependant, ce qui séduit le plus c’est l’énorme volume, le déplacement d’air étonnant qu’il produit et surtout le cri qu’il pousse pour faire éclater la mélodie quand celle-ci se fait trop prédominante, tout ceci sans le moindre soupçon de mauvais goût. »(22). Rollins terminera l’année avec la dernière séance à laquelle il participera en tant que sideman. Au bénéfice de Gillespie cette fois qui a également convoqué un autre ténor, Sonny Stitt. Si Tenor Madness gravé en compagnie de Coltrane était un duo, The Eternal Triangle présente toutes les caractéristiques d’un duel. Pendant presque un quart d’heure, les deux ténors - Rollins ouvre les hostilités - font preuve d’une pugnacité et d’une rage de jouer admirables avec Dizzy dans le rôle d’un arbitre qui se garde bien de choisir un vainqueur. Désormais Sonny Rollins restera seul maître à bord. Perfectionniste dans l’âme, chercheur infatigable, il n’hésitera pas à faire retraite d’août 1959 à novembre 1961 puis de septembre 1969 à novembre 1971 pour s’interroger sur lui-même et sa musique. « Je ne joue pas pour divertir, je ne le veux pas, mais si le public se divertit ou s’il ressent des vibrations positives, ça me va.»(23). Depuis plus d’un demi-siècle, la magie opère.
Alain TERCINET
© 2008 Frémeaux & Associés – Groupe Frémeaux Colombini SAS


(1) Bret Primack « Sonny Rollins transcending the Standard », JazzTimes n° 2 vol.14, mars 1994.. « The Pirates of Penzance » est une opérette du fameux tandem W. S. Gilbert et Arthur Sullivan. Elle fut créée à New York le 30 décembre 1879 au Fifth Avenue Theatre.
(2) Joe Woodard « This is What I Do ! », Jazz Hot n°606, décembre 2003 / Janvier 2004.
(3) Bob Blumenthal « The Bridge. Sonny Rollins is a Tenor for All Times », Rolling Stone, 12 juillet 1979 – reproduit in Peter Niklas Wilson « Sonny Rollins – The Definitive Musical Guide », Berkeley Hills Books, Calif., 2001
(4) Eric Nisenson « Open Sky – Sonny Rollins and His World of Improvisation », St Martin’s Press, New York, 2000
(5) Crispin Cioe  « Sonny Rollins : I’m Still Reaching… and still surprising his audiences » High Fidelity , mai 1983 – reproduit in Peter Niklas Wilson « Sonny Rollins – The Definitive Musical Guide », Berkeley Hills Books, Calif., 2001
(6) Nat Hentoff « Sonny Rollins », Down Beat, 28 novembre 1956.
(7) Cité in « Sonny Rollins – conversation with Gary Giddins », site Internet « Jerry Jazz Musician ».
(8) Miles Davis avec Quincy Troup « Miles - l’autobiographie » trad. Christian Gauffre, Presses de la Renaissance, 1989
(9) Chuck Berg « Sonny Rollins. The Way Newk Feels », Down Beat, 7 avril 1977. – reproduit in Peter Niklas Wilson « Sonny Rollins – The Definitive Musical Guide», Berkeley Hills Books, Calif., 2001.
(10) (11) (12) Idem (4)
(13) in Raymond Horricks  « Jazzmen d’aujourd’hui » trad. Robert Paris, Buchet /Chastel - Correa, 1960
(14) Idem (4)
(15) François Postif « Un ténor soufflant ; Sonny Rollins », Jazz Hot n° 142 avril 1959
(16) Idem (4)
(17) Jack Brandt « Shelly Manne – Sounds of the Different Drummer » Vince Danca Ed.,1997
(18) Une réédition japonaise de l’album en CD s’ornait d’un cliché de la même série montrant Rollins de face, chapeau dans la main droite, portant son saxophone en bandoulière avec, à ses pieds, le même crâne de bovidé.
(19) Rapporté par Nat Hentoff dans les notes de pochette de « The Arrival of Kenny Dorham », Jaro JAM 5007, 1960
(20) in livret du coffret « Sonny Rollins – The Freelance Years »,  Fantasy 2000
(21) Leonard Feather, notes du livret « Sonny Rollins  A Night at the Village Vanguard vol.1 » – Blue Note.
(22) « Sonny Rollins apprécié par Barney Wilen », Jazz Hot n° 117 , janvier 1957
(23) Idem (2)


ENGLISH NOTES
In a Sentimental Mood, a huge stepping stone in the musical life of Walter Theodore ‘Sonny’ Rollins, hardly expressed his frame of mind in 1953.  At the age of twenty-three, he had been working as a musician for six years, and belonged to the generation of young angry boppers who shied away from show business, the swing era and American values in general. His childhood had been bathed in music, with a violinist brother, a pianist sister and his father was an amateur clarinettist who, like his mother, came from Saint Thomas in the Virgin Islands.  While his parents were at work, he was often left with various members of the family – a Marxist grandmother and uncles who leant towards jazz and blues.  His mu­sical upbringing was assorted which later gave way to his particular repertory and style. But whereas his elder brother was hired by the Pittsburgh Symphony Orchestra, Rollins was attracted to other rhythms and regularly went to the Apollo Theatre to hear Lionel Hampton, Fletcher Henderson, Duke Ellington, Count Basie and others playing before a movie.  And at the entrance of a nearby cabaret, the young lad admired the photo of Louis Jordan holding his shiny King Zephyr. In 1942, Sonny had a few of his discs – Knock Me a Kiss, Five Guys Named Moe – which somewhat influenced his style.  Now the proud owner of a second-hand alto offered by his mother, but was strongly attracted to the tenor, associating it with his idol, Coleman Hawkins who he often saw in the Sugar Hill neighbourhood where his family now lived. His mother gave him a tenor in 1946 and Sonny played bop with his high school mates:  Kenny Drew, Art Taylor, Jackie McLean, Andy Kirk Jr and trumpeter Lewis Lowell.  He listened to Dexter Gordon, but did not adhere to his methods, preferring Don Byas, Eddie Lockjaw Davis and Ben Webster.  Coleman Hawkins remained his guiding light but he was also inspired by Lester Young.  And then there was Charlie Parker who seemed to combine all Sonny had heard and loved.  The two men only met up occasionally, with Bird forever encouraging the youngster;  Unfortunately, in his attempt to communicate with Bird and defy established ground, Sonny began his narcotic abuse. In 1947, Sonny Rollins decided to concentrate on jazz alone.  Unlike most jazzmen who had spent their apprenticeships in big bands, Rollins followed some of their teachings but, while still a student, had received his musical education by Thelonious Monk who had invited him to play with his band.  Who could have found a better teacher? In Harlem, Rollins played as a sideman or heading his own trio.  Singer Babs Gonsales heard him and, after taking him to Philadelphia and Boston, enabled him to set foot in a recording studio for the first time.  J.J. Johnson participated in the session and took Sonny under his wing.  Johnson invited him to a session featu­ring some compositions of the tenor – the first to be recorded, Audubon.  This was followed by four sides led by Bud Powell, another musician who greatly influenced Rollins. As Miles Davis once said, ‘Sonny had a big reputation among a lot of the younger musicians in Harlem.  People loved Sonny Rollins up in Harlem and everywhere else.  He was a legend, almost a god to a lot of the younger musicians.  Some thought he was playing the saxophone on the level of Bird.  I know one thing – he was close.’  Only Sonny himself was self-doubting. Ever since late 1948, the trumpeter had met up with Rollins on several occasions and Davis had always encouraged Sonny.  They made their debut recording together in January 1951, and in the same year the latter signed his first disc in his name.  However his contracts were otherwise sporadic with his increasing need for heroine, a spell in prison and a botched session with Charlie Parker. In October 1953 for the Prestige label, Ira Gitler proposed a session with Sonny Rollins and the Modern Jazz Quartet.  John Lewis, who hardly appreciated the jam session style used by the label, insisted on a rehearsal.  Rollins admitted he felt at ease with the other artists and his long intervention in In a Sentimental Mood shows delicacy and respect.


Six months later, Sonny, along with Miles Davis was summoned to Rudy Van Gelder’s studio in Hackensack.  He arrived with three compositions inclu­ding Oleo, based on I Got Rhythm.  Rollins had made headway in his phrasing and rhythmic punctuation and the quintet comprising Miles, Rollins, Horace Silver, Percy Heath and Kenny Clarke could have been ranked among the top bands of modern jazz.  This was, alas, their unique collaboration. As his life had become unbearable, Sonny Rollins decided to free himself from his addiction.  In late 1954 he was admitted in a rehabilitation facility in Lexington, Kentucky.  He was discharged in May 1955 and decided to go to Chicago to perfect his musical education at University. In November the reputed Clifford Brown-Max Roach Quintet arrived in the city.  When the band’s tenor, Harold Land, had to return to California, Sonny Rollins replaced him at the Bee Hive.  He consi­dered the contract as temporary, but it enabled him to return to New York.  However, he met up with Roach again; one of his preferred drummers and discovered he had much in common with Clifford Brown.  Thanks to him, Sonny matured and developed his individuality and self-confidence. Back in New York, Rollins cut an album in December accompanied by bassist George Morrow and Max Roach with Ray Bryant on the keys.  The session was a success giving birth to the LP ‘Work Time’ featuring five titles including There’s No Business like Show Business and There are Such Things where Rollins shines as a soloist. Despite teaming up with Clifford Brown and Max Roach, Sonny didn’t turn his back on Miles Davis.  Together, they returned to the Hackensack studio for their last joint participation on disc.  Three pieces were retained including Vierd Blues in which Rollins came out with a prefiguring solo of that he was to cut four months later in Blue 7.  Gunther Schuller wrote an entire article about the two improvisations in the latter in “Sonny Rollins and Thematic Improvisation”, published in 1958 in Jazz Review in which the critic praised Sonny’s thematic and structural unity.  He was again acclaimed by Whitney Balliett in the write-up of the album ‘Saxophone Colossus’ published in The New Yorker.  Forever defensive, Rollins shied at Schuller’s analysis  and was unsteadied by Balliett’s article. Sonny Rollins and John Coltrane had obviously met through Miles Davis, but they recorded but one title together, Tenor Madness, a good-hearted blues riff which lent its name to an album.  Shattered by the untimely death of Clifford and Richie Powell in a car accident, Sonny stayed in the Max Roach quintet until May 1957 while still recor­ding under his name or with other band leaders including Thelonious Monk.  During the first Riverside session, Monk played his own compositions, sided by two saxists, Ernie Henry on the alto and Rollins on the tenor.  Brilliant Corners needed 25 takes, but none was truly up to scratch.  Still in 1956, Rollins beat all records with his Be Quick, a variation of Cherokee, as it was the most rapid piece ever recorded. In early 1957, the Max Roach quintet set off for California.  Lester Koenig, ma­nager of Contemporary Records, met Sonny and suggested he record an album in any instrumental formula he wanted.  Rollins opted for a trio and called for Ray Brown and Shelly Manne.  The resulting disc, Way Out West was a tremendously successful with both the public and cri­tics. Back on the East Coast, Rollins found J.J. Johnson, the godfather from his early days.  Misterioso featured two pianists, Thelonious Monk, the composer and Horace Silver.  After the death of Clifford Brown, Roach had hired trumpeter Kenny Dorham whose ‘running-style’ was admittedly borrowed from Charlie Parker.  His complicity with Rollins can be appreciated in I’ll Remember April, where they were backed by the talented pianist Hank Jones. For a new album under his name, Sonny Rollins acted as soloist in It Could Happen to You – a success.  A year later he did the same in Body and Soul and in many concerts he played a title alone.  In the Theatre de la Ville in 1980, the chosen title was My One and Only Love. In The Surrey with a Fringe on Top, Sonny invited drummer Philly Joe Jones.  Rollins proved his innovative streak yet again in a tune based on the 1943 musical ‘Oklahoma’.  Rollins had just left the Miles Davis quintet where he had replaced Coltrane in summer 1957.  Unfortunately Miles’ version of Four was made at the Café Bohemia and not recorded in the studios.  However Sonny found the songs recorded with Abbey Lincoln were interesting and he appreciated the album made in the company of the vocalist.  Most of the tunes were on a slow tempo, and Abbey came out with a very personal version of Billie Holiday’s Don’t Explain, the longest title on the album, which also featured one of Kenny Dorham’s most beautiful solos.


Rollins spent weeks experimenting with various formulae but the one used in Way Out West left the most freedom for improvisation.  An album was recorded for Blue Note, Sonnymoon for Two with Wilbur Ware on the bass and Elvin Jones on drums.  Sonny Rollin’s art had reached one of its peaks. Sonny ended the year with his final session as a sideman.  This time he was next to Gillespie and another tenor, Sonny Stitt.  Whereas Tenor Madness with Coltrane was considered as a duo, The Eternal Triangle resembled a duel.  For a quarter of an hour the two tenors fought admirably while Dizzy acted as arbitrator. Sonny Rollins, the eternal perfectionist and explorer took a sabbatical from August 1959 to November 1961 and then from September 1969 to November 1971.  All he wanted was for the audience to enjoy themselves and feel the positive vibes when he played.  His magic lives on to this day.
English adaptation by Laure WRIGHT from the French text of Alain TERCINET
© 2008 Frémeaux & Associés – Groupe Frémeaux Colombini SAS
“Ce qu’il veut, il ne le sait pas encore lui-mÊme. Mais je parie ma chemise qu’il l’obtiendra – ou qu’il pÉrira en s’ef­forÇant de l’obtenir.” Art BLAKEY


“He doesn’t really know what he wants himself.  But I’ll bet my bottom dollar that he’ll get it – or he’ll kill himself trying to get it.”   Art BLAKEY


CD SONNY ROLLINS - THE QUINTESSENCE © Frémeaux & Associés (frémeaux, frémaux, frémau, frémaud, frémault, frémo, frémont, fermeaux, fremeaux, fremaux, fremau, fremaud, fremault, fremo, fremont, CD audio, 78 tours, disques anciens, CD à acheter, écouter des vieux enregistrements, albums, rééditions, anthologies ou intégrales sont disponibles sous forme de CD et par téléchargement.)

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