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NEW-YORK - CHICAGO - BOSTON 1947-1952
LOUIS ARMSTRONG
Ref.: FA242
Artistic Direction : ALAIN GERBER
Label : Frémeaux & Associés
Total duration of the pack : 2 hours 11 minutes
Nbre. CD : 2
- - * * * * JAZZMAN
NEW-YORK - CHICAGO - BOSTON 1947-1952
Believing he could develop their traits, he transfigured C’est si bon, La Vie en rose, Kiss Of Fire : this man could metamorphose with ease.
PARIS - BRUXELLES 1934 - 1943
NEW-YORK - GLOVESVILLE - CHICAGO 1932 - 1943
NEW YORK - CHICAGO 1925 - 1940
NEW YORK - LOS ANGELES - TORONTO 1947-1954
-
PisteTitleMain artistAutorDurationRegistered in
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1PENNIES FROM HEAVENLOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSJOHNNY BURKE00:03:411947
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2BACK O TOWN BLUESLOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSL RUSSEL00:04:121947
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3AIN T MISBEHAVINLOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSANDY RAZAF00:03:541947
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4ROCKIN CHAIRLOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSH CARMICHAEL00:05:101947
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5SAVE IT PRETTY MAMALOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSD REDMAN00:04:311947
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6JACK ARMSTRONG BLUESLOUIS ARMSTRONG AND HIS ORCHESTRAJACK TEAGARDEN00:03:061947
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7SOME DAY (YOU LL BE SORRY)LOUIS ARMSTRONG AND HIS ORCHESTRALOUIS ARMSTRONG00:03:221947
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8FIFTY FIFTY BLUESLOUIS ARMSTRONG AND HIS ORCHESTRAB MOORE00:03:011947
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9A SONG WAS BORNLOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSG DEPAUL00:03:231947
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10PLEASE STOP PLAYIN THOSE BLUESLOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSMOORE00:03:251947
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11MUSKRAT RAMBLELOUIS ARMSTRONG AND HIS CONCERT GROUPED ORY00:06:221947
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12BLACK AND BLUELOUIS ARMSTRONG AND HIS CONCERT GROUPANDY RAZAF00:04:201947
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13ROYAL GARDEN BLUESLOUIS ARMSTRONG AND HIS CONCERT GROUPWILLIAMS C & S00:05:051947
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14STEAK FACELOUIS ARMSTRONG AND HIS CONCERT GROUPS CATLETT00:07:171947
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15MAHOGANY HALL STOMPLOUIS ARMSTRONG AND HIS CONCERT GROUPSPENCER WILLIAMS00:03:541947
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PisteTitleMain artistAutorDurationRegistered in
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1ON THE SUNNY SIDE OF THE STREETLOUIS ARMSTRONG AND HIS CONCERT GROUPDOROTHY FIELDS00:06:501947
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2BLUEBERRY HILLLOUIS ARMSTRONG W/ GORDON JENKINS ORCHV ROSE00:02:541949
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3YOU CAN T LOOSE A BROKEN HEARTLOUIS ARMSTRONGF E MILLER00:03:151949
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4PANAMALOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSW H TYERS00:05:061950
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5NEW ORLEANS FUNCTION (FLEE AS A BIRD OH DIDN T HELOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSTRADITIONNEL00:06:461950
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6THAT S FOR MELOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSOSCAR HAMMERSTEIN II00:05:121950
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7BUGLE CALL RAGLOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSE SCHOEBEL00:09:021950
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8LA VIE EN ROSELOUIS ARMSTRONG AND HIS ORCHESTRAEDITH PIAF00:03:251950
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9C EST SI BONLOUIS ARMSTRONG AND HIS ORCHESTRAANDRE HORNEZ00:03:061950
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10YOU RASCAL YOULOUIS ARMSTRONGS THEARD00:03:111950
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11DREAM A LITTLE DREAM OF MELOUIS ARMSTRONGGUS KAHN00:03:051950
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12INDIANALOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSB MC DONALD00:05:371951
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13YOU CAN DEPEND ON MELOUIS ARMSTRONG AND HIS ALL STARSL DUNLAP00:03:151951
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14I LL WALK ALONELOUIS ARMSTRONG AND HIS ORCHESTRASAMMY CAHN00:03:051952
-
15KISS OF FIRELOUIS ARMSTRONG AND HIS ORCHESTRAR HILL00:03:091952
LOUIS ARMSTRONG Vol. 3 fa242
LOUIS ARMSTRONG Vol. 3
THE QUINTESSENCE
NEW-YORK - CHICAGO - BOSTON
1947 - 1952
«SO PRETTY...»
On ne trouve pas de «faux amis» que dans les langues étrangères. Le français lui-même regorge de ces mots ou de ces expressions trompeurs, qui n’énoncent pas ce qu’ils ont l’air de dire. Et quand il en manque, il en invente. C’est ainsi que les chaînes de télévision commerciales, pour faire passer la pilule publicitaire, ont forgé un «tout de suite» qui signifie «plus tard». Vulgarisateur est un de ces faux amis. D’abord, le vulgarisateur n’est en aucun cas une personne qui vise à la vulgarité, tout au contraire. Ensuite, voilà un mot à double entente, renvoyant à deux entreprises qui se complètent, au besoin se confondent, mais qui, littéralement, ne vont pas dans le même sens. Vulgariser (des connaissances, des pratiques) consiste à rendre accessibles des choses lointaines, voire hors de portée du plus grand nombre. Cependant, quand on y réfléchit, cette vulgarisation peut s’accompagner d’une opération inverse, où l’on confère une noblesse, une hauteur inattendue, à des choses qui pouvaient sembler très communes.Dès la fin des années 20, en s’associant à de grandes formations comme celles de Caroll Dickerson ou de Luis Russell, Louis Armstrong a popularisé les géniales découvertes faites un peu plus tôt en compagnie de ses Hot Five et de son Hot Seven. En même temps, il donnait du génie à des chansons populaires, des numéros de music-hall, des romances à deux sous, des saynètes de fête foraine. Il transfigurerait bientôt The Peanut Vendor, Just A Gigolo (*), You Rascal You(*), n’importe quoi.
N’importe quoi deviendrait grâce à lui quelque chose d’un peu exceptionnel, parfois d’un peu miraculeux. Les beaux esprits l’accuseraient de complaisance, et les beaux esprits montreraient là beaucoup de complaisance envers leurs propres préjugés. Si Louis tirait le public par la manche, c’était pour le hisser à son niveau. Cependant, il ne posait pas le problème en ces termes. Il n’avait pas conscience, lui, de faire preuve d’exigence, ni de tenir un pari hasardeux. Sa grande force fut d’imaginer qu’il ne se distinguait en rien, dans ses goûts, dans ses désirs, de l’homme de la rue. Qu’il lui suffisait pour satisfaire le monde entier de remplir sa propre attente d’homme simple, amateur de riz aux haricots rouges, capable à cinquante ans passés de rester planté des heures bouche bée devant un sapin de Noël. Ses succès ont entretenu cette illusion. Il est mort persuadé que son talent avait été surtout de plaire, et de plaire sans effort, sans précaution, presque sans scrupule, en suivant seulement son bon plaisir. Il est mort dans la gloire de sa naïveté, comme un bienheureux,Des membres de son orchestre ont raconté qu’il fut surpris par le triomphe de Hello, Dolly, enregistré sans enthousiasme, en pensant à autre chose, et aussi vite oublié (au point qu’il dut rapprendre ce thème pourtant sans mystère lorsqu’il fut informé de son impact).
Il est certain aussi qu’il n’interpréta certaines mélodies que parce que son imprésario ou ses producteurs l’y avaient incité, ou pour les besoins d’un album qui se voulait thématique (cf. Louis and the Angels(**), en 1957). Mais on ne doit pas en tirer de conclusions hâtives. Louis était tombé amoureux, au moins provisoirement, de la plupart des ritournelles inscrites au répertoire de ses disques. Et dans son esprit, en l’occurrence, tomber ne voulait pas dire s’abaisser. Jamais il ne marqua la moindre condescendance envers son répertoire. «Les grands boulevards de la culture de masse», pour reprendre une expression d’Edgar Morin, il les arpentait sans gêne, sans vergogne, sans remords. La vie en rose, Ramona et même Avril au Portugal, il ne mettait pas de gants pour les serrer sur sa poitrine, il ne les embrassait pas du bout des lèvres.
Il les trouvait «so pretty», ces chansonnettes, ces musiquettes, ces moulinettes à bons sentiments : si jolies. Il leur a donné de l’amour à ne savoir qu’en faire. C’est à nous qu’elles l’ont rendu.Croyant pour de bon mettre leurs traits en valeur, il a transfiguré l’allègre C’est si bon et le poussif Kiss Of Fire, rendu méconnaissable par un demi-chorus de trompette. Cet homme métamorphosait comme on respire. Il l’avait toujours fait, et l’on aurait tort de penser qu’il y renonça un seul instant. Il eût fallu pour cela qu’il s’écoutât jouer; or, en bon candide, il n’écoutait que son cœur. Les yeux grands ouverts sur des visions d’enfance, des souvenirs de voyages accomplis autour de la terre et au centre de sa tête.
Les narines gonflées pour aspirer tous les effluves qui, où qu’il se trouvât, remontaient vers lui des docks de La Nouvelle-Orléans, des rues en délabre de Back O’Town, des profondeurs moirées de Mahogany Hall et des fourrures blanches de Lulu White, des casseroles de sa mère May-Ann, des vieux samedis de Congo Square, des averses, des poussières, des tombeaux, des jardins, des bayous, des bords du fleuve... Il continuait d’entendre Buddy Bolden, Freddie Keppard, Manuel Perez, Buddie Petit, Nick LaRocca, King Oliver. Étirées dans la lumière du soir, leurs ombres marchaient à ses côtés lorsqu’il jouait I’ll Walk Alone. Louis songeait à tout cela tout le temps. Ecrivant et récrivant sans trêve, bien avant la fin des années 50, sa musical autobiography, il ne se prêtait guère attention pour autant (et de moins en moins à mesure qu’il prenait de l’âge). Il avait l’égocentrisme extrêmement distrait. Il se disait aussi que sa trompette savait mieux que lui comment s’y prendre. Professait que, pour chanter, il n’y avait jamais qu’à ouvrir la bouche. Il se laissait traverser par une beauté dont il ne prétendait être ni le créateur, ni le propriétaire, et qu’il baptisait au surplus «joliesse», comme pour ne pas effaroucher les gens.Bien sûr, si bon soit-il, C’est si bon n’est pas le West End Blues du 28 juin 1928(***).
Ce n’est même pas le nostalgique Pennies From Heaven sur lequel s’ouvre ce florilège, ou le Sunny Side Of The Street du Symphony Hall de Boston, cette aria de la douceur de vivre au soleil, sur quoi le soir s’apprête à tomber. C’est si bon, ce n’est pas tout Louis Armstrong ; on serait même assez loin du compte. Et pourtant Louis Armstrong s’y rencontre, s’y mesure tout entier. Car il fallait avoir été immense, très longtemps - immense, intense, dense et profond - pour conférer à cette petite chose flottant dans l’air du temps une aussi parfaite plénitude. Le génie en est absent, d’accord, comme de beaucoup d’œuvres tardives chez cet artiste. Mais, sans le génie, celle-là n’était pas du tout possible. Un créateur ne commence pas par ces plages-là pour s’élever graduellement jusqu’aux cimes de Cornet Shop Suey, Potato Head Blues, Tight Like This(***) : il n’y accède qu’en redescendant de là-haut. Encore faut-il en redescendre non comme un paria chassé du jardin d’Éden, mais à la façon d’un homme pressé de raconter à tous, dans les mots de tous les jours, l’aventure surhumaine qu’il vient de vivre au-dessus des nuages.
Alain Gerber
(*) Cf. LOUIS ARMSTRONG. The Vocalist (Frémeaux & Associés FA 230)
(**) Récemment réédité sous étiquette Verve, dans la collection Master Edition (549 592-2)
(***) Cf. Louis Armstrong. The Quintessence. New York-Chicago, 1925-1940 (FA 201)
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS/GROUPE FRÉMEAUX COLOMBINI SA, 2004
Remerciements à Philippe Baudoin.
A PROPOS DE LA PRESENTE SELECTION
«Voici l’un des plus grands rassemblements musicaux de tous les temps, dirigé par le plus créatif des musiciens américains : Louis Armstrong.» Les termes dithyrambiques employés par Fred Robbins le 17 mai 1947 sur la scène du Town Hall de New York n’étaient pas tellement exagérés. Ils préludaient à un formidable concert qui, en sus, allait marquer un tournant irréversible dans la carrière de Satchmo.Dans trois mois, Armstrong fêtera son quarante-sixième anniversaire. Depuis pratiquement vingt ans, il se produit à la tête d’un orchestre de seize musiciens dont le dernier directeur musical en date est Joe Garland, un saxophoniste et excellent arrangeur qui succèdait à un autre ténor, Teddy McRae. En avait fait partie un débutant dont le jeu avait séduit Satchmo au cours d’une jam-session, Dexter Gordon qui, plus tard, ne mâchera pas ses mots : «Il (Armstrong) était un type formidable, magnifique, vraiment chaleureux. Je me souviens de mon passage de l’orchestre de Louis Armstrong à celui de Billy Eckstine. C’était le jour et la nuit car autant tout était trouvailles, excitation et enthousiasme chez Eckstine, chez Pops, ce n’était que routine. Vous accomplissiez un travail, un point c’est tout.»(1). La formation mise sur pied par le chanteur Billy Eckstine consacrait tout bonnement l’irruption du be-bop et de ses chantres sur la scène du jazz. Il n’était plus seulement question de dynamiteros confinés dans l’arrière-salle d’un restaurant de Harlem, s’occupant à concevoir des bombes qui leur pétait plus ou moins dans les doigts. Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Miles Davis et leurs acolytes sortaient de l’ombre avec la ferme intention de se tailler une place au soleil. Sans manifester une déférence exagérée envers les «anciens». Que pense Satchmo de la chose ? Dire que ses prises de position sont fluctuantes relève de l’euphémisme.
Dans sa «Revue de Presse», Boris Vian s’amusait à ce rapprochement : «Esquire Jazz Book : Savez-vous que je suis fou de be-bop ? J’adore en écouter. Je pense que c’est très divertissant. Seulement, pour jouer be-bop, il faut avoir des lèvres solides, je le garantis. Je suis un type qui aime tous les genres de musique.» Interview de Louis par Dwight Whitney : «Tenez ces types be-bop, ce sont de fameux techniciens. Des erreurs voilà ce qu’est tout le be-bop, et, mon vieux, il faut être un technicien pour savoir quand vous les faites... Ces types jouent trop de musique, des tas de notes, des notes bizarres ; ça ne signifie rien, il faut conserver une mélodie, etc...».(2)Chacun sait que, face à un interlocuteur, Satchmo faisait jouer un réflexe venu de ses années difficiles, à savoir caresser dans le sens du poil les journalistes qui l’interrogeaient. Dans ces propos, la seule affirmation dont on ne puisse contester la sincérité est contenue dans la dernière phrase rapportée dans le Jazz Book d’Esquire : l’éclectisme des goûts musicaux d’Armstrong était tout à fait réel. Son opinion sur le jazz nouveau n’a finalement guère d’importance ; il ne pouvait faire obstacle à une évolution inéluctable et le savait. Mais, au fond de lui-même, ne s’interrogeait-il pas sur la permanence de sa suprématie dans les années à venir ? Heureusement, face aux «débordements» des boppers, une partie non négligeable de la critique et du public prônait un retour aux sources ; un schisme qui promet encore des lendemains qui chantent. Par contre, Louis prend petit à petit conscience d’un fait nettement plus dérangeant : l’ère des grands orchestres est en train de s’achever.
Le sien perd indubitablement de son audience. Ses prestations ne sont plus payées que 350 $ en semaine, 650 le samedi. En conséquence, son manager, Joe Glaser, accepte des engagements d’une nuit qui obligent à parcourir des centaines de kilomètres dans la journée. Armstrong n’a jamais rechigné à la tâche mais ses musiciens sont épuisés. Et la qualité des concerts s’en ressent. Depuis son entrée chez Fletcher Henderson en 1924, Satchmo ne s’est produit qu’accompagné par un grand orchestre ; le sien ou celui d’un autre. Jamais il n’a dirigé de petites formations en public. Ses fameux «Hot Five» et «Hot Seven» n’existaient que dans les studios d’enregistrement. Tout comme le quintette qui, en 1940, avait arbitré son affrontement avec Sidney Bechet. Et, quatre ans plus tard, les «V-Disc All Stars» n’existèrent que le temps d’une séance. Ses apparitions en petits comités étaient finalement exceptionnelles, parfois justifiées par un événement marquant comme l’hommage rendu à la mémoire de Fats Waller le 11 février 1945. Et l’environnement au sein duquel on le voyait évoluer sur les écrans au cours du film «New Orleans» n’était bien que «du cinéma». Armstrong ne s’était pas déplacé à Hollywood en 1946 pour assister aux premiers tours de manivelle d’un projet biographique pour lequel Orson Welles s’était un temps emballé, «Horn of Plenty», (3) mais pour participer à une production au départ fort prometteuse. Les dirigeants des Artistes Associés avaient pour ambition de produire un film sur le jazz le plus authentique possible. Victimes de pressions de toutes sortes dans lesquelles le McCarthysme naissant n’y était pas pour rien, ils laissèrent le scénario d’Herbert Biberman - l’un des futurs «Dix d’Hollywood»(4) - être charcuté, édulcoré, mélodramatisé.
Des interprètes de seconde zone - Arturo de Cordova, Dorothy Patrick - , un metteur en scène inconsistant - Arthur Lubin -, l’irruption incongrue de l’orchestre Woody Herman, tout contribua à ce que, une fois achevé, «New Orleans» se situe aux antipodes du projet d’origine. Dans un bouge censé évoquer Storyville au début du siècle dernier, Satchmo apparaissait à la tête d’un sextette dans lequel figuraient deux anciens de ses «Hot Five», Kid Ory au trombone et le batteur Zutty Singleton. Ils interprétaient Tiger Rag, West End Blues, Basin Street Blues et autres Mahogany Hall Stomp. Une évocation du «bon vieux temps» aux conséquences imprévues.Pour la première fois de sa carrière, Satchmo va se produire à Carnegie Hall le 8 février 1947. En corrélation avec la sortie prochaine de «New Orleans», il se présente au cours de la première partie du concert en compagnie du sextette dirigé par le clarinettiste Edmund Hall au Café Society ; après l’entracte, il effectue sa prestation usuelle. Charles Delaunay, présent dans la salle, raconte : «L’orchestre ne convenait pas toujours au style de Louis et les amateurs de vieux style, par là ennemis de la grande formation, marquèrent leur mécontentement, avec un manque de tact digne du public de la Salle Pleyel, en quittant leur place avant la fin, cependant que cette partie du programme contient d’excellents passages de Louis et des interventions individuelles intéressantes, tel le solo de Sidney Catlett.»(5) Décidément, les temps sont bien en train de changer. Il n’empêche que, rencontré dans les coulisses après le concert, Dizzy Gillespie fera part de son enthousiasme à Charles Delaunay : «Louis Armstrong est tout simplement magnifique». Les querelles de style ne s’étendent que rarement aux personnes... Fanatique de jazz traditionnel, le publiciste Ernie Anderson n’avait qu’une idée en tête, présenter sur scène Armstrong débarrassé de cet orchestre «swing» qui, à ses yeux, était une hérésie. A sa proposition, Pops ne dit ni oui ni non.
De toute façon, il ne peut rien décider sans l’aval de Joe Glaser. Grâce à un chèque de 1 000 dollars remis en préambule à toute discussion, l’affaire est conclue : le 17 mai au Town Hall de New York, Satchmo se présentera à la tête d’un sextette. Il n’a ni le temps, ni probablement l’envie, de s’occuper du recrutement des musiciens. Anderson le fera pour lui. Il sollicite le tromboniste et chanteur Jack Teagarden que Pops aime beaucoup et connait de longue date (en 1929, ils ont gravé de conserve le fameux Knockin’ A Jug). Une proposition qui tombe à pic : couvert de dettes, sans un sou en poche, Mister T. n’avait pu quitter la Californie pour tenter un nouveau départ à New York que grâce à la générosité de Bing Crosby... Se joindra à lui Dick Cary, un pianiste, trompettiste et arrangeur, ex-membre des orchestres de Benny Goodman et de Billy Butterfield, qui tenait le clavier chez Nick’s, le fief d’Eddie Condon ; à Peanuts Hucko, qui avait appartenu à l’orchestre militaire de Glenn Miller, reviendra le poste de clarinettiste ; deux batteurs se succèderont, Sidney Catlett et George Wettling ; Bob Haggart, rendu célèbre avant-guerre par son duo avec le batteur Ray Bauduc sur Big Noise From Winnetka, tiendra la contrebasse ; sollicité pour faire une apparition en tant que «Guest Star», Sidney Bechet se fait porter malade... Louis n’ayant pas une minute à lui pour participer à la moindre répétition, ce sera l’excellent trompettiste Bobby Hackett qui tiendra son rôle lors d’une vague mais indispensable mise au point. A remarquer qu’aucun des membres du sextette n’est à proprement parler un musicien «Nouvelle-Orléans», non plus d’ailleurs qu’un activiste du «Dixieland Revival». En bon publiciste, Ernie Anderson n’a pas ménagé sa peine. Toutes les places ont été louées à l’avance et il a même fallu organiser deux concerts, l’un à huit heures, l’autre à minuit. A chaque fois la salle est bourrée à craquer. Quelle prestation fut enregistrée?
La question reste posée, toujours est-il que celle qui fut immortalisée se déroula dans l’euphorie la plus complète. La bourde du pianiste Dick Cary jouant l’introduction de A Monday Date au lieu de celle de Big Butter and Egg Man (ce qui obligea Louis à tout arrêter au bout d’un moment) déclancha l’hilarité d’une assistance complice. Ravie d’avoir la preuve que la musique qu’elle écoute est vraiment improvisée. Les exécutions de Pennies from Heaven et de Sweethearts on Parade comptent parmi les plus inventives qu’Armstrong ait jamais signées ; les musiciens en état de grâce se surpassent : derrière les vocaux de Louis sur Ain’t Misbehavin’ et Back O’Town Blues, Bobby Hackett tisse des contrechants inspirés d’une totale pertinence ; formidable tromboniste et chanteur, Jack Teagarden dialogue de façon irrésistible avec Satchmo; sur Rockin’ Chair dont les paroles semblent avoir été écrites pour sa voix nonchalante de Texan, et Back O’Town Blues qu’interrompt un vigoureux «Shut up, boy !» lancé par Armstrong à l’adresse d’un spectateur trop bruyant. Les «collectives» apparaissent souvent comme «brutes de décoffrage», mais l’enthousiasme manifesté par Satchmo et ses partenaires entraîne une adhésion dépourvue d’arrière-pensée. Après le concert, Armstrong monte dans un taxi en compagnie de Teagarden et d’Anderson qui lui suggère de proroger la formule du «All-Stars». Il ne dit pas non.Trois semaines plus tard, Louis entre au studio Victor de la 24ème Rue escorté d’une formation à l’instrumentation pratiquement identique à celle présente sur la scène de Town Hall. Est mise en boîte la version commerciale du Jack-Armstrong Blues gravé en 1944 pour les V-Discs de l’armée américaine(6).
Après une introduction au cours de laquelle Johnny Guarnieri ne peut s’empêcher de pasticher Count Basie, la complicité qui lie Louis et Teagarden se donne une fois de plus libre cours(7). Avec un unisson vocal des deux compères, Fifty-Fifty Blues atteint presque au même niveau, il n’empêche... Sans discussion possible le joyau de la séance est bien Someday You’ll Be Sorry, l’une des compositions les plus émouvantes écrites par Armstrong qui la sert ici avec une infinie tendresse. Se mettant au diapason, Guarnieri l’accompagne au célesta. Les jours passent. Joe Glaser sait qu’à Carnegie Hall Satchmo a été ovationné lorsqu’il était entouré d’une petite formation. En sus, les compte-rendus de Town Hall ont été dithyrambiques. Il reste néanmoins sceptique sur les chances de succès d’un sextette; tout comme Armstrong toujours persuadé que la formule du grand orchestre d’accompagnement est celle qui lui convient le mieux. Devant l’évidente désaffection du public pour les «Big Bands», sous la pression de personnalités comme Ernest Anderson et Leonard Feather, l’un et l’autre finissent par se faire une raison. Les dés sont jetés. Au milieu de l’été, la formation de seize musiciens est dissoute. Armstrong prendra la tête d’un «All-Stars». Un changement radical dans sa façon d’affronter le public. A tous les points de vue.La formule sera inaugurée en Californie, au Billy Berg’s Supper Club d’Hollywood, le 13 août. Sous les applaudissements de Johnny Mercer, Hoagy Carmichael, Woody Herman et de bien d’autres. Ont été engagés, Jack Teagarden (bien sûr !), Sidney Catlett (le batteur favori de Louis), Dick Cary, Arvell Shaw, un jeune contrebassiste rescapé du grand orchestre et Barney Bigard qu’Armstrong avait eu comme partenaire dans «New Orleans». En 1942, le clarinettiste avait quitté l’orchestre de Duke Ellington, dont il était l’une des vedettes, parce que les tournées l’épuisaient.
Il ne savait pas où il mettait les pieds : le «All-Stars» sillonnera sans répit les Etats-Unis et, bientôt, le monde entier.La presse américaine réagit au changement. Time n’hésita pas à proclamer que «Louis Armstrong avait abandonné le culte de Mammon pour revenir au jazz» (une magnifique contre-vérité même si l’on s’en tient au seul aspect financier). Dans le numéro du 5 novembre 1947 de Down Beat étaient imprimées ces lignes : «Presque tout le monde reconnait que Louis Armstrong est une figure exceptionnelle dans l’histoire du jazz. Le plus grand trompettiste, le plus grand chanteur, le plus grand homme de spectacle, la plus grande influence, le plus grand tout simplement». Il était temps ; pas une seule fois Louis n’avait remporté le référendum de la revue dans la catégorie «trompette».En passant par Chicago, le «All-Stars» prend le temps de graver quatre morceaux dont A Song Was Born, l’occasion pour Satchmo de signer un remarquable solo, et Please Stop Playin’ Those Blues, l’un de ces thèmes-prétexte au long desquels Armstrong et Teagarden s’en donnent à cœur joie sans complexes. Ce sera la dernière séance mise en boîte pour le compte de la firme RCA-Victor. Dorénavant, Joe Glaser refusera de signer le moindre contrat d’exclusivité. Pour le moment, ce sont les offres de Decca qui sont les plus tentantes. Milt Gabler, l’un des directeurs artistiques du label, racheta les enregistrements du concert organisé par Ernie Anderson au Symphony Hall de Boston. Un temple de la musique classique, plus habitué à présenter à ses abonnés Koussevitsky et le Boston Orchestra qu’une formation de jazz. Même si pour l’occasion elle avait été rebaptisée «Louis Armstrong and His Concert Group». Surprise, tout a été loué plusieurs jours à l’avance. Un Muskrat Ramble particulièrement roboratif ouvre les hostilités. Satchmo et Mr. Tea rivalisent d’inspiration : est-ce à ce bonheur de jouer dans une complicité encore toute fraîche que les «collectives»?doivent leur légèreté ? Rien ne peut venir ternir la fête. Même l’émouvante composition de Fats Waller, Black and Blue, est débarrassée de la moindre trace de pathos. Sans barguigner, Louis chante le vers controversé - «My only sin is in my skin» - qu’autrefois il lui était arrivé de déguiser.
Par diplomatie. Royal Garden Blues, judicieusement pris sur un tempo moins rapide qu’à l’ordinaire, s’achève avec deux chorus d’ensemble au long desquels Satchmo fait irrésistiblement monter la tension. Steak Face met en vedette l’immense batteur qu’est Sidney Catlett, autant mélodiste que rythmicien. Le long solo qu’il interprète, à l’inverse de ceux exécutés en public par nombre de ses confrères, s’écoute de bout en bout avec attention. Mahogany Hall Stomp, composé par Spencer Williams, neveu de la fameuse Lulu White qui présidait aux destinées de cette luxueuse maison de tolérance, témoigne de l’euphorie qui régnait ce soir-là sur la scène du Symphony Hall de Boston. Le morceau suivant, On the Sunny Side of the Street, inspire à Satchmo un vocal presqu’aussi sublime que celui que, sur ce thème, il grava en 1934 à Paris. Une ville qu’Armstrong va retrouver au bout de quatorze années.En février 1948, le «All-Stars» dans lequel Earl Hines a remplacé au piano Dick Cary, est en route pour l’Europe. Va se tenir à Nice, sous l’égide d’Hugues Panassié, un Festival de Jazz, le premier du genre. Un triomphe pour Satchmo et ses hommes. Dans le numéro de Combat du 27 février 1948, Boris Vian constate : «On ne peut critiquer Louis : il est tellement égal au Louis que l’on entendait dans ses disques qu’on a l’impression qu’il joue d’après ses disques. Tout de même c’est lui qui a inventé tout cela.» Un irréfutable constat...Revenu aux U.S.A., Satchmo grave dix morceaux, échantillonnage représentatif du répertoire mi-traditionnel, mi-contemporain utilisé par son nouvel ensemble. Panama – en fait Panama Rag, composé par William H. Tyers en 1911 et surabondamment enregistré depuis - est joué sur un tempo rapide. Tour à tour, tout le monde y prend la parole mais Satchmo est omniprésent. Successeur de Sidney Catlett démissionnaire pour raisons de santé, le batteur Cozy Cole dira que Louis était à la tâche pendant 8O% du temps que duraient les prestations du «All-Stars».
Et ce n’est pas Bugle Call Rag qui viendra s’inscrire en faux contre cette assertion !Milt Gabler, superviseur de la séance, baptisa New Orleans Function l’évocation de funérailles à la Nouvelle-Orléans qui enchaînait Flee as a Bird, joué à l’aller, à Oh Didn’t He Ramble, interprété sur le chemin du retour une fois le défunt mis en terre. Alors que Barney Bigard joue les pleureuses, Louis prononce en interlude un prêche que, par la suite, il reprendra en public. Avec des variantes beaucoup plus fantaisistes. Par contre That’s for me, n’est autre qu’une chanson signée Richard Rodgers et Oscar Hammerstein tirée de leur comédie musicale «Carousel» , créée à Broadway quelques années plus tôt. Un pur joyau. Satchmo y travaillant dans un registre pour lui inhabituel – celui de ténor –, il laisse transparaître une sorte de fragilité qui rend son chant particulièrement émouvant. Le 30 janvier 1951, le «All Stars» se produit au Civic Auditorium de Pasadena à l’occasion de l’un des «Just Jazz Concert» patronnés par Gene Norman. Présenté par Armstrong – «Nous allons vous swinguer un bon vieux morceau pour débuter» –, Indiana ouvre magistralement les hostilités; le solo de Satchmo qui suit celui d’Arvell Shaw compte parmi les plus maîtrisés qu’il ait inventés. Quand à You Can Depend on Me, un thème co-signé par Earl Hines interprété de bout en bout par Louis, il sert de tremplin à une suite d’irréfutables improvisations.Le «All-Stars» existe maintenant depuis quatre ans. Il possède une identité propre qui ne variera guère au cours des vingt années durant lesquelles s’étendront encore ses activités. Jusqu’alors Armstrong avait été un «soliste accompagné» ; maintenant, il conserve cette qualité mais, en sus, doit conduire les ensembles.
Comme au temps de King Oliver... mais Louis a toujours gardé les oreilles bien ouvertes pour appliquer à sa musique le procédé déjà en usage dans le jazz de la Nouvelle-Orléans : phagocyter tout ce qui peut contribuer à enrichir son langage. De toute façon, celui de ses partenaires est teinté d’accents venus de leurs expériences passées. Faut-il rappeler que Barney Bigard fut l’un des solistes-phares du grand orchestre emblématique dirigé par Duke Ellington dans les années 30 et que Jack Teagarden avait joué dans la formation de Paul Whiteman ? Quand à Sidney Catlett, il avait participé à l’enregistrement des deux classiques du be-bop, Hot House et Salt Peanuts, gravés par Dizzy Gillespie et de Charlie Parker qu’Earl Hines avait comptés, quelques années plus tôt, dans son orchestre. Tout celà, Satchmo le sait parfaitement et entend en tirer avantage. De ce fait, par la volonté délibérée de son chef, le «All-Stars» devint une formation sans équivalent qui, tant par son répertoire que par le traitement des morceaux, ne relevait que très partiellement du genre dans lequel certains auraient voulu le confiner au départ.Armstrong aimait le public, adorait lui faire plaisir. Il avait déjà participé de fort bonne grâce à nombre d’expériences relevant du music-hall : l’amour du spectacle avait toujours été son péché mignon. Pour séduire le plus de gens possible dans le monde entier - les seuls amateurs de jazz ne suffiraient pas à assurer la survie de son orchestre - , Louis décida que ses concerts seraient d’authentiques «shows». Ce n’est pas pour rien qu’il s’était adjoint Velma Middleton, une chanteuse rescapée du grand orchestre qui relevait plus de la tradition du vaudeville que du jazz. Des années durant, elle sera d’ailleurs la bête noire des puristes. Louis changea aussi ses habitudes.
Après avoir surpris Ernie Anderson en train d’écouter un enregistrement fait durant l’un de ses concerts, lui qui jusqu’alors se souçiait fort peu de se ré-entendre, acheta deux magnétophones qu’il emportait partout. Il passait et repassait les bandes de ses concerts, les commentant dans le dessein d’en perfectionner encore le mécanisme. Le «All-Stars» subit en 1951 sa première mutation d’importance : Earl Hines et Jack Teagarden rendent leur tablier. Commentaire d’Armstrong : «Hines et son ego ! S’il veut s’en aller, qu’il aille au diable ! Il est bon, c’est vrai, mais on n’a pas besoin de lui. Ce qui m’ennuie vraiment, c’est de perdre Jack. Teagarden, mon vieux, c’est comme mon frère.»(8). A Denver, au mois de mars de l’année suivante, un ancien membre de la formation du trompettiste manchot Wingy Manone, Russ Phillips, remplace temporairement Teagarden dont l’un des ex-bassistes, Dale Jones, se substitue à Arvell Shaw. Un musicien de studio californien, le clarinettiste et ténor Donald Ruffell, assiste Barney Bigard ; au piano, Marty Napoleon un neveu de Phil Napoleon, le trompettiste-fondateur de l’«Original Memphis Five». Deux morceaux sont mis en boîte. Le premier, I’ll Walk Alone, est une jolie chanson de Jule Styne et Sammy Cahn qu’interprétait Dinah Shore dans le film «Follow the Boys» ; le second, Kiss of Fire – une remise au goût du jour du vieux classique El Choclo – est... un tango; réclamé à grands cris par les publicistes de la maison Decca, il aurait été, selon Milt Gabler, la seule justification à cette séance décentralisée. Mais pourquoi Kiss of Fire devait-il être interprété impérativement par Armstrong ? Tout simplement parce que, parallèlement à ses activités de leader d’un «All-Stars», il était devenu un chanteur populaire. Dans les deux acceptions du terme, populaire vis-à-vis d’un public parfaitement diversifié, populaire quant au répertoire et à l’accompagnement sollicité.
En 1949, Milt Gabler avait fait sauter le pas à un Satchmo qui ne demandait pas mieux en lui faisant enregistrer That Lucky Old Sun, un succès de Frankie Laine que l’interprétation d’Armstrong dépassa dans les Hit-Parades, et Blueberry Hill, lié dans les années 40 au chanteur «country» Gene Autry. Pour l’occasion, avait été engagé en tant qu’arrangeur et chef d’orchestre, Gordon Jenkins. «Un vrai fou de jazz insistant toujours pour utiliser des jazzmen au cours de ses séances.» disait de lui le batteur Johnny Blowers qui, partie prenante dans la formation, raconta : «Je ne sais pas s’ils avaient prévenu Louis qu’ils allaient utiliser un aussi grand orchestre mais quand Pops est entré et a vu cette énorme formation et les chœurs, les yeux lui sortaient de la tête ! Il s’écria “Dis donc, voyez-moi ça, c’est un orchestre symphonique !”». En fait, rectifiera Gabler, il n’y avait pas tellement de musiciens mais la salle était remplie de visiteurs... Avant de commencer, Gordon Jenkins, les larmes aux yeux, fit un petit discours pour dire combien il aimait Armstrong et préciser que ce jour était l’un des plus grands moments de son existence. Blueberry Hill entra pour longtemps dans le répertoire de Louis.Le pli fut pris et, faisant avec délice son miel des partitions les plus hétéroclites, Satchmo appliquait à la lettre son principe : «Il y a place pour toutes les sortes de musique, country, jazz, chanson populaire, swing, blues, ragtime, rock’n’roll, je les aime toutes.» Tranquillement mais sûrement, Armstrong s’imposera dans un répertoire apparemment fort éloigné du jazz qui, par sa seule grâce, finissait par s’y rattacher. Au mois de juin 1950, il s’attaque à deux chansons françaises. Qu’il ait jeté son dévolu sur La Vie en Rose n’a rien d’étonnant.
Pops avait eu l’occasion de l’entendre interprétée par Edith Piaf, son auteur, lorsqu’en 1947 elle s’était produite au «Versailles», un cabaret-restaurant de Broadway. Norman Nowell et Allan Franck avaient même traduit en anglais les paroles de La Vie en Rose qui était devenue Take Me to your Heart (9) ; une adaptation parfaitement médiocre rapidement remplacée par une seconde, signée Mack David qui conservait, elle, le titre français. C’est bien sûr celle-là qu’avec un rare bonheur Louis utilisera. Mais, à l’inverse, comment avait-il pu avoir connaissance de ce C’est si bon qu’Yves Montand avait enregistré en mai 1948 sans gros succès ? Le coup de foudre avait eu lieu sur la Côte d’Azur. Lors de «La Nuit de Nice», un gala donné dans le grand hall du Negresco en clôture du Festival de Jazz, Satchmo devait recevoir un vase de Sèvres offert au nom du Président de la République. Venu dans l’après-midi reconnaître les lieux, Armstrong était tombé en pleine répétition : Suzy Delair, qui présentait son tour de chant en première partie de la soirée, s’escrimait sur C’est si bon. Au grand dam d’Aimé Barelli qui, à la tête de sa formation, devait l’accompagner... La mélodie plut à Louis et, deux ans plus tard, sur des paroles de Jerry Seelen, il en donna sa version. Détendue, prise sur un tempo idéal, plus lent que celui adopté par Montand qui désirait ainsi gommer le zest de grivoiserie pimentant les paroles. Par un effet de boomerang, Armstrong rendit C’est si bon populaire... en France. Les arrangements et l’accompagnement des deux chansons avaient été confiés à Sy Oliver qui, en l’occurence, avait pris bien soin de s’aligner sur les travaux de Gordon Jenkins.
Avec une grande habileté, il faut le reconnaître.La convivialité étant l’une des vertus cardinales d’Armstrong, il ne rechignait jamais à faire partager son plaisir à d’autres vocalistes et cela depuis belle lurette (on l’avait déjà surpris en compagnie des Mills Brothers ou des musiciens hawaïens d’Andy Iona).La jubilation qui exsude du You Rascal You au long duquel Louis Jordan lui donne une réplique particulièrement roborative, ne peut être feinte.En 1949, Satchmo retrouve sa partenaire du film «New Orleans», Billie Holiday, pour un charmant duo sur You Can’t Lose a Broken Heart. Rassurée semble-t-il par le rayonnement d’Armstrong, Billie Holiday, apaisée, semble oublier un instant ses tracas de tous ordres. Un titre mis en boîte sans histoire alors que, lors du morceau suivant, My Sweet Hunk O’ Trash, Pops, emporté par le feu de l’improvisation, laissa échapper derrière le vocal de sa partenaire, un sonore «Fuck’em baby» qui, à l’issue d’un habile tripatouillage, sera métamorphosé en «How Come, baby». Chez Satchmo, la spontanéité ne cédera jamais le pas aux conventions. Un membre de l’orchestre, le trompettiste Bernie Privin, se souvint combien Billie était heureuse de chanter avec l’une de ses idoles. Malheureusement, les choses étant ce qu’elles sont – les ventes de leur disque furent médiocres –, Lady Day ne fut pour Satchmo qu’une partenaire occasionnelle.
Au contraire d’Ella Fitzgerald.Sur le délicieux Dream a Little Dream of Me, s’impose d’emblée l’évidence d’une complicité véritable entre Ella et Satchmo ; que ce soit par le biais du contrechant de trompette signé Armstrong derrière Ella ou celui que cette dernière tisse en accompagnement au vocal de Pops. Les deux partenaires sont manifestement sur la même longueur d’ondes. Il ne fallait pas être grand clerc pour deviner qu’ils n’en resteraient pas là... mais ceci est une autre histoire.En ce début des années 50, à la tête d’un «All-Stars» que le monde entier réclame, chanteur dont on s’arrache les disques, Satchmo est devenu un mythe vivant. Génial, indiscutable, universel car «Louis Armstrong domine les époques successives du jazz et ses écoles. Il oppose aux timbres du Bel Canto et du Charme l’âpre et tendre velours de sa voix. Sa trompette, pareille à celle du septième ange de l’Apocalypse, sait monter jusqu’au cri de mort» écrivait Jean Cocteau.(10)
Alain Tercinet
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS/GROUPE FRÉMEAUX COLOMBINI SA, 2004
(1) Ira Gitler, «Jazz Masters of the Forties», New York, Da Capo Press, 1983.
(2) Jazz Hot, novembre 1947 - Repris in Boris Vian «Œuvres complètes», vol. 6 , Fayard, 1999.
(3) Basé sur un récit semi-autobiographique de Satchmo rédigé par Robert Goffin, qui sera traduit ici sous le titre «Louis Armstrong, le Roi du Jazz», Pierre Seghers éditeur, 1947.
(4) Le terme «Dix d’Hollywood» désigne les gens de cinéma qui furent réduits au chômage par le comité des activités anti-américaines dirigé par le sénateur Joseph McCarthy. La plupart s’exilèrent en Europe pour travailler. En faisaient partie, entre autres, Jules Dassin, Joseph Losey et Dalton Trumbo.
(5) Jazz Hot n° 14 , sans date de publication.
(6) Curieusement, les musiciens sont presque tous les mêmes. Seuls Peanuts Hucko et Al Casey remplacent Nick Caiazza et Herb Ellis alors que Bobby Hackett vient s’ajouter.
(7) Le titre reposait volontairement sur une équivoque : il pouvait sembler lié à l’un des feuilletons radiophoniques d’aventure le plus populaire de l’époque «Jack Armstrong, the All-American Boy» qui fut diffusé sur CBS de 1933 à 1951.
(8) Cité dans Laurence Bergreen «Louis Armstrong, an extravagant life», Broadway Books, 1997 (p. 450)
(9) Il existe un document au cours duquel on entend Edith Piaf interpréter cette version.
(10) «Salut à Louis Armstrong», La Discographie Française, supplément au n°88, 1961.
english notes
“This is one of the greatest musical aggregations of all-time, led by America’s most gifted creative musician - Louis Armstrong”. Fred Robbins’ extravagant introduction on 17 May 1947 on the stage of New York’s Town Hall was not particularly exaggerated. It opened a wonderful concert which was to mark a turning point in Satchmo’s career.Armstrong was three months away from his forty-sixth birthday. For almost twenty years, he had been fronting an orchestra of sixteen musicians, the last musical director being Joe Garland, a saxophonist and excellent arranger who had taken over from another tenor, Teddy McRae. A debutant had also joined them, Dexter Gordon, whose playing had enchanted Satchmo during a jam session and who later bluntly stated, “He’s beautiful (Armstrong), a wonderful cat, real warm. I remember going out of Louis Armstrong’s band into Eckstine’s band, which was like night and day - because there was nothing but happenings, excitement and enthusiasm ; whereas in Pops’ band, everything was just blah. You played a job, and that was the whole thing.”The band set up by singer Billy Eckstine concentrated on the arrival and frank apparition of be-bop on the jazz scene. Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Miles Davis and their confederates had also stepped out of the shadows without being overly deferential to the ‘oldies’. What did Satchmo think of the genre ? Not much. Well aware of the fact that he could not interfere with the evolution of jazz, he must have nevertheless apprehended his supremacy in the years to come. Fortunately the future seemed to still favour song, but the big band era was coming to a close.
His outfit was certainly losing popularity and his fees were reduced to 350$ in the week and 650$ on Saturdays. Consequently his manager, Joe Glaser, accepted one-night stints, obliging him to cover hundreds of kilometres in one day. Armstrong’s musicians were exhausted which showed in the quality of their concerts.Ever since he joined Fletcher Henderson in 1924, Satchmo had only every appeared in a big band - his own or those of others. He had never led small line-ups in public. His famous ‘Hot Five’ and ‘Hot Seven’ were uniquely intended for recording studios. The same applied in 1940 when he faced off with Sidney Bechet as a member of a quintet. And four years later, the ‘V-Disc All Stars’ lasted for just one session. Indeed, his appearances with small bands were exceptional, such as when tribute was paid to Fats Waller on 11 February 1945. There again, in the movie ‘New Orleans’, attempting to conjure up the ambience of Storyville in the early 20th century, Satchmo was at the head of a sextet including two old members of his ‘Hot Five’, Kid Ory on the trombone and drummer Zutty Singleton. They interpreted Tiger Rag, West End Blues, Basin Street Blues and Mahogany Hall Stomp - but of course this was just for the silver screens.For the first time ever, Satchmo was billed at Carnegie Hall on 8 February 1947. In correlation with the forthcoming release of ‘New Orleans’, he first appeared in a sextet led by clarinettist Edmund Hall and then after the interval, he played as usual.
Despite many worthy interventions by Louis and others, such as Sidney Catlett’s solo, the big band antagonists left before the end of the concert.Publicist Ernie Anderson, a trad jazz fanatic, had but one idea - to get Armstrong on stage without his ‘swing’ orchestra. Pops obviously had to win Joe Glaser’s approval for this project, but assisted by a 1 000 dollar cheque, the deal was clinched and on 17 May, Satchmo appeared in New York’s Town Hall at the head of a sextet. He neither had the time nor desire for recruitment, so Anderson acted on his behalf. He summoned the trombonist and singer Jack Teagarden, well appreciated by Pops (in 1929, they had cut the famous Knockin’ A Jug together). They were then joined by pianist, trumpeter and arranger Dick Cary, ex-member of the bands of Benny Goodman and Billy Butterfield, clarinettist Peanuts Hucko, who had been with Glenn Miller’s military band, two drummers, Sidney Catlett followed by George Wettling, Bob Haggart on the bass, famous in the pre-war days through his duo with drummer Ray Bauduc in Big Noise From Winnetka and Sidney Bechet was invited as Guest Star but declined due to health reasons. Louis had no time to participate in rehearsals, so the excellent trumpeter Bobby Hackett took his place during the preparations. No member of this sextet was a ‘New Orleans’ musician in the true sense of the term.Through Ernie Anderson’s endeavours, all seats were booked in advance and two concerts had to be organised, one at eight p.m. and the other at midnight. The actual performance recorded remains a mystery, but it was nevertheless immortalised.
Dick Cary blundered by playing the introduction of A Monday Date instead of that of Big Butter And Egg Man resulted in general hilarity. The punters were delighted to learn that the music they were hearing was truly improvised.Pennies From Heaven and Sweethearts On Parade belong to some of Armstrong’s most inventive creations. The musicians were all on tremendous form, whether in Ain’t Misbehavin’, Rockin’ Chair on in Back O’Town Blues where Armstrong had to calm a noisy spectator, shouting ‘Shut up, boy !’. After the concert, Louis got in a taxi along with Teagarden and Anderson who suggested continuing with the All-Stars formula. Armstrong didn’t refuse.Three weeks later, Louis entered the Victor studios on 24th Street, accompanied by a band whose instrumentation was practically identical to that used on the Town Hall stage. They cut the commercial version of Jack-Armstrong Blues, already recorded for V-Discs in 1944. The prize gem of the session was Someday You’ll Be Sorry, one of the most moving compositions written by Armstrong.Days went by. Joe Glaser knew that at Carnegie Hall Satchmo had brought the house down when heading a small line-up. Moreover, all reports concerning the Town Hall episode had been glowing. He was nevertheless sceptical as to the success of a sextet, and Armstrong was still convinced that the big band formula suited him best. However, they were finally persuaded by the public demand and, pressurised by Ernest Anderson and Leonard Feather, they finally gave in. In mid-summer, the sixteen musician ensemble disbanded and Armstrong headed an All-Stars group.
The formula debuted in California, in Billy Berg’s Supper Club on 13 August, comprising Jack Teagarden, Sidney Catlett, Dick Cary, Arvell Shaw and clarinettist Barney Bigard who had left Duke Ellington in 1942, exhausted by the tours. He wasn’t to know that the All-Stars were to travel across the States and then the world over.The American press reacted to this change. Time declared that “Louis Armstrong has forsaken the ways of Mammon and come back to jazz.” The 5 November 1947 issue of Down Beat stated that “Nearly everyone agrees that Louis Armstrong is the outstanding figure in the history of jazz. The greatest trumpeter, the greatest vocalist, the greatest showman, the greatest influence, just the greatest.” It was time for them to admit this - Louis had never won their referendum in the ‘trumpet’ category.In Chicago, the All-Stars cut four pieces including A Song Was Born, enhanced by a remarkable solo by Satchmo and Please Stop Playin’ Those Blues. This was the ultimate session for RCA Victor. Subsequently, Joe Glaser refused to sign exclusive contracts, and at that point of time, Decca’s propositions were the most mouth-watering.Milt Gabler, one of the label’s artistic directors, bought the recording of the concert held in Boston’s Symphony Hall, a venue mostly used for classical music. The band was renamed ‘Louis Armstrong and His Concert Group’ for the occasion, and all places were booked several days in advance. The performance opened with Muskrat Ramble, again finding the fine complicity between Satchmo and Mr. Tea. The ambience was one of joviality, and even Fats Waller’s moving composition, Black And Blue, had lost its pathos. Louis openly sang the controversial line, “My only sin is in my skin”, lyrics which he had been known to disguise previously.
Royal Garden Blues was played on a slower tempo ending in an irresistible climax, in Steak Face Sidney Catlett was in the limelight and Mahogany Hall Stomp is proof of the general euphoria that night. The following title, On The Sunny Side Of The Street gave Satchmo vocal inspiration which was almost as sublime as in his 1934 Paris recording of the same tune.In February 1948, the All-Stars, with Earl Hines replacing Dick Cary, set off for Europe. The very first Nice jazz festival was held and Satchmo and Co. triumphed. In the 27 February 1948 issue of Combat, Boris Vian wrote, “Louis can’t be criticised : he is so much like the Louis we hear on his records that it’s as if he is copying his discs. All the same, he invented it all.”Back in the States, Satchmo cut ten titles, a representative sample of the traditional-cum-contemporary repertoire adopted by his new ensemble. Panama - or rather Panama Rag - composed by William H. Tyers in 1911, was played on a fast tempo. Everyone had their word to say but Satchmo was omnipresent. During the same session, New Orleans Function was followed by Flee As A Bird and Oh Didn’t He Ramble and That’s For Me was a Rodgers and Hammerstein creation for their musical, ‘Carousel’.On 30 January 1951, the All Stars were billed at the Pasadena Civic Auditorium for a ‘Just Jazz Concert’. After Armstrong’s introduction, “We’re going’ to jump a good old good one for our openin’ tonight”, the team began with Indiana with one of Satchmo’s most masterful solos. You Can Depend On Me was a tune co-signed by Earl Hines.The All Stars had now existed for four years and had its true identity which hardly changed during their twenty years of existence. Each member added their individual shade according to their past experience, and Satchmo made the best use of this. Barney Bigard, for example, had been one of the leading soloists with Duke Ellington during the thirties, Jack Teagarden had played with Paul Whiteman and Sidney Catlett had participated in the recording of two be-bop classics, Hot House and Salt Peanuts.
The All Stars was thus unparalleled in its genre, both through the repertory and through the way the tunes were treated.Armstrong loved the public and decided his concerts were to be veritable shows, inviting along singer Velma Middleton, whose experience lay mainly in vaudeville tradition. Louis also changed his ways, and whereas he had previously been uninterested in hearing his concerts afterwards, he bought two tape recorders, which he took everywhere and listened to the recordings of his concerts time and time again, aiming for further perfection.In 1951, the All Stars witnessed their first major change : Earl Hines and Jack Teagarden both gave in their notice. As Armstrong commented, “Hines and his ego, ego, ego. If he wants to go, the hell with him. He’s good,, sure, but we don’t need him. What really bothers me is losing Jack. That Teagarden, man, he’s like my brother.” In Denver, in March of the following year, an old member of Wingy Manone’s band, Russ Phillips, temporarily replaced Teagarden. A Californian studio musician, clarinettist and tenor, Donald Ruffell, assisted Barney Bigard and Marty Napoleon, Phil Napoleon’s nephew was on the piano. The first title, I’ll Walk Alone was the pretty song sung by Dinah Shore in the film ‘Follow The Boys’, the second, Kiss Of Fire, an updated version of the old classic El Choclo was a tango.In 1949, Milt Gabler invited Armstrong to record That Lucky Old Sun, a Frankie Laine hit, bettered by Satchmo in the Hit Parades, and Blueberry Hill, associated with the country singer Gene Autry. Gordon Jenkins had been hired as arranger and band leader for the event - “... a real jazz crazy guy - he insisted on using jazz guys on all his dates” according to drummer Johnny Blowers who went on to relate, “I don’t know if they told Louis that they were gonna use that large a band but when Pops walked in, and he saw that great big orchestra with a choir and everything, his eyes flew out of his head ! He said, ‘Man, looka there, there’s a symphony !.”
In fact, as Gabler admitted, there weren’t so many musicians, but the room was filled with visitors. Before beginning, Jenkins, with tears in his eyes, gave a small speech saying how much he loved Armstrong and added that that day was one of the peak moments of his life. Blueberry Hill stayed in Louis’ repertory for a long while.In June 1950, Armstrong set upon two French songs. Naturally, he knew La Vie en Rose, as he had heard Edith Piaf’s interpretation in a Broadway cabaret-restaurant, the ‘Versailles’, in 1947. Norman Nowell and Allan Franck had even translated the lyrics in English, its title being Take Me To Your Heart, a mediocre adaptation which was rapidly replaced by another signed by Mack David, which retained the French title. This was the version adopted by Louis.But how did Pops know C’est si bon, recorded by Yves Montand in May 1948, with minimal success ? He had fallen for the tune on the Côte d’Azur during the ‘Nuit de Nice’ gala, closing the jazz festival. In the afternoon, Satchmo had gone along to the Negresco hall where the concert was to be held and found Suzy Delair practising C’est si bon for the evening performance. Louis liked the melody and, two years later, he came out with his version, lyrics by Jerry Seelen. And it was Armstrong’s rendition which made C’est si bon in France !
Armstrong had a special penchant for conviviality and often shared his pleasure with other vocalists (he had already been found in the company of the Mills Brothers and Andy Iona’s Hawaiian musicians). In the genuinely jubilant You Rascal You, he is answered by a particularly tonic Louis Jordan.In 1949, Satchmo got together with his partner from the movie ‘New Orleans’, Billie Holiday, for a charming duo in You Can’t Lose A Broken Heart. Seemingly reassured by Armstrong’s glow, Billie appeared to forget all worries. In the following title, My Sweet Hunk O’Trash, Pops, fired by improvisation, came out with ‘Fuck’em baby’, which was subtly and technically transformed into ‘How come, baby’. Trumpeter Bernie Privin recalled how Billie was happy to sing with one of her idols. Alas, their disc’s sales were mediocre and Lady Day only joined Satchmo occasionally. Unlike Ella Fitzgerald. The delicious Dream A Little Dream Of Me is a fine demonstration of Ella and Satchmo’s complicity. They were obviously both on the same wavelength. And of course, their partnership did not end there.In the early fifties, Satchmo, fronting his All-Stars had become a living legend. Inspired, indisputable and universal.
English adaptation by Laure WRIGHT from the French text of Alain TERCINET
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS/GROUPE FRÉMEAUX COLOMBINI SA, 2004
DISCOGRAPHIE / DISCOGRAPHY
CD I
1. Pennies From Heaven RCA (Victor) D8-VC-76 3’41
2. Back O’Town Blues RCA (Victor) D8-VC-75 4’12
3. Ain’t Misbehavin’ RCA (Victor) D8-VC-73 3’54
4. Rockin’ Chair RCA (Victor) D8-VC-74 5’10
5. Save It Pretty Mama RCA (Victor) D8-VC-77 4’31
Louis Armstrong and his all stars : Louis Armstrong (tp, vo, ldr) ; Bobby Hackett (cnt) ; Jackson Teagarden (tb, vo) ; Michael “Peanuts” Hucko (cl) ; Richard “Dick” Cary (p) ; Bob Haggart (b) ; Sidney Catlett (dm). Town Hall Concert, New York City, 17/05/1947.
6. Jack-Armstrong Blues RCA (Victor) D7-VB-952-2 3’06
7. Some Day (You’ll Be Sorry) RCA (Victor) D7-VB-954-1 3’22
8. Fifty-Fifty Blues RCA (Victor) D7-VB-955-2 3’01
Louis Armstrong and his orchestra : Louis Armstrong (tp, vo, ldr) ; Bobby Hackett (cnt) ; Jackson Teagarden (tb, vo) ; Michael “Peanuts” Hucko (cl, ts) ; Ernie Caceres (cl, bars) ; Johnny Guanieri (cel) ; Albert Casey (g) ; Al Hall (b) ; William “Cozy” Cole (dm). RCA Studio, New York City, 10/06/1947.
9. A Song Was Born RCA (Victor) D7-VB-1082-1 3’23
10. Please Stop Playin’ Those Blues RCA (Victor) D7-VB-1083-1 3’25
Louis Armstrong and his all stars : Louis Armstrong (tp, vo, ldr) ; Jackson Teagarden (tb, vo) ; Albany “Barney” Bigard (cl) ; Dick Cary (p) ; Arvell Shaw (b) ; Sidney Catlett (dm). RCA Studio, New York City, 10/06/1947.
11. Muskrat Ramble Decca W 80352 & W 80353 6’22
12. Black and Blue Decca W 80354 & W 80355 4’20
13. Royal Garden Blues Decca W 80356 & W 80357 5’05
14. Steak Face Decca W 80369 & W 80370 7’17
15. Mahogany Hall Stomp Decca W 80371 3’54
Louis Armstrong and his CONCERT GROUP : Formation comme pour 9 & 10 / Personnel as for 9 & 10. Symphony Hall Concert, Boston, 30/11/1947.
CD II
1. On The Sunny Side of The Street Decca W 80372 & W 80373 6’50
Louis Armstrong and his CONCERT GROUP : Louis Armstrong (tp, vo, ldr) ; Jackson Teagarden (tb, vo) ; Albany “Barney” Bigard (cl) ; Dick Cary (p) ; Arvell Shaw (b) ; Sidney Catlett (dm). Symphony Hall Concert, Boston, 30/11/1947.
2. Blueberry Hill Decca W 75228 2’54
Louis Armstrong with the Gordon Jenkins Orchestra & choir : Louis Armstrong (tp, vo, ldr) ; Billy Butterfield, Yank Lawson, Carl Poole (tp) ; Will Bradley (tb) ; Milt Yaner, Hymie Schertzer (as) ; Tom Parshley, Art Drelinger (ts) ; Bernie Leighton (p) ; Carl Kress (g) ; Jack Lesberg (b) ; Johnny Blowers (dm) ; Gordon Jenkins (dir) ; Chœur/Choir. Decca Studio, New Yok City, 6/09/1949.
3. You Can’t Lose A Broken Heart Decca W 75342 3’15
Louis Armstrong and BillIE Holiday with the sy Oliver orchestra : Billie Holiday, Louis Armstrong (vo) acc. par/by Bernie Privin (tp) ; Johnny Mince, Sid Cooper (cl, as) ; Art Drelinger (ts) ; Paul Nizza (ts, bars) ; Billy Kyle (p) ; Everett Barksdale (g) ; Joe Benjamin (b) ; James Crawford (dm) ; Melvin “Sy” Oliver (dir). Decca Studio, New York City, 30/09/1949.
4. Panama Decca W 76337 & W 76338 5’06
5. New Orleans Function Decca W 76339 & W 76340 6’46
6. That’s For Me Decca W 76643 & W 76644 5’12
7. Bugle Call Rag Decca W 76645, W 76446 & W 76647 9’02
Louis Armstrong and his all stars : Louis Armstong (tp, vo, ldr) ; Jackson teagarden (tb) ; Barney Bigard (cl) ; Earl Hines (p) ; Arvell Shaw (b) ; William “Cozy” Cole (dm). Decca Studio, New York City, 26 & 27/04/1950.
8. La Vie en rose Decca W 76528 3’25
9. C’est si bon Decca W 76529 3’06
Louis Armstrong and his orchestra (the sy oliver orch.) : Louis Armstrong (tp, vo) ; acc. par/by Melvin “Red” Solomon, Bernie Privin, Paul Webster (tp) ; Morton Bullman (tb) ; Milt Yaner, Hymie Schertzer (as) ; Art Drelinger, Bill Holcomb (ts) ; Earl Hines (p) ; Everett Barksdale (g) ; George Duvivier (b) ; Johnny Blowers (dm) ; Sy Oliver (arr, dir). Decca Studio, New York City, 26/06/1950.
10. You Rascal You Decca W 76745 3’11
Louis Armstrong with Louis Jordan & Tympany Five : Louis Armstrong (tp, vo) ; Louis Jordan (as, vo) ; Aaron Izenhall (tp) ; Josh Jackson (ts) ; Bill Doggett (p) ; Bill Jennings (g) ; Bob Bushnell (b) ; Joe Morris (dm). Decca Studio, New York City, 23/08/1950.
11. Dream a Little Dream of Me Decca W 76750 3’05
Louis Armstrong and Ella Fitzgerald with the sy oliver orchestra : Ella Fitzgerald (vo) ; Louis Armstrong (tp, vo) ; Paul Webster (tp) ; Hank d’Amico (cl) ; Frank Ludwig (ts) ; Hank Jones (p) ; Everett Barksdale (g) ; Ray Brown (b) ; Johnny Blowers (dm) ; Sy Oliver (arr, dir). Decca Studio, New York City, 25/08/1950.
12. Indiana Decca W 82484 & W 82485 5’35
13. You Can Depend on Me Decca W 82496 3’25
Louis Armstrong and his all stars : Louis Armstrong (tp, vo, ldr) ; Jackson Teagarden (tb, vo) ; Albany “Barney” Bigard (cl) ; Earl Hines (p) ; Arvell Shaw (b) ; William “Cozy” Cole (dm). Crescendo Club Concert, Pasadena (Cal.), 30/01/1951.
14. I’ll Walk Alone Decca W 82702 3’05
15. Kiss of Fire Decca W 82703 3’09
Louis Armstrong and his orchestra : Louis Armstong (tp, vo) ; Russ Philips (tb) ; Albany “Barney” Bigard (cl) ; Donald Ruffell (cl, ts) ; Marty Napoleon (p) ; Dale Jones (b) ; William “Cozy” Cole (dm). Decca Studio, Denver (Col.), 19/03/1952.
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