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PIERRE-HENRI TAVOILLOT
Ref.: FA5720
Artistic Direction : CLAUDE COLOMBINI & FRANCOIS LAPEROU POUR ARTEFILOSOFIA
Label : Frémeaux & Associés
Total duration of the pack : 3 hours 34 minutes
Nbre. CD : 3
This 3 CD set deals with the concept of fear in philosophy. A lecture by famous philosopher Pierre-Henri Tavoillot. In French.
PIERRE-HENRI TAVOILLOT
UN COURS PARTICULIER DE PIERRE-HENRI TAVOILLOT
COURS EN 3 CDs
ANDRE COMTE-SPONVILLE & FRANCOIS JULIEN
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PisteTitleMain artistAutorDurationRegistered in
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1Un monde plus sur que jamaisPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:342017
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2Apocalypse et sorcellerie à l'âge laïquePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:02:512017
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3Une crainte décomplexéePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:502017
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4Le déclin de l'OccidentPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:332017
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5Nous sommes tous frileux comme des bourgeoisPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:02:212017
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6J'ai peur donc je suisPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:212017
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7J'ai peur donc je suis (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:06:012017
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8Comment ne pas avoir peur ?Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:082017
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9Le passé est la source de toutPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:152017
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10Le mythe et le ritePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:332017
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11Le mythe et le rite (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:422017
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12La réponse cosmologiquePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:412017
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13La réponse cosmologique (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:512017
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14Techniques stoïciennesPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:142017
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15La réponse théologiquePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:222017
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16L'amour est plus fort que la mortPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:292017
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17L'amour est plus fort que la mort (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:002017
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PisteTitleMain artistAutorDurationRegistered in
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1Introduction. La modernitéPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:452017
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2La crise de la traditionPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:02:472017
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3La crise du cosmosPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:06:032017
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4La crise du dogmePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:052017
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5Se rassurer soi-mêmePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:02:132017
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6Les humanités classiques et la science modernePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:422017
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7L'état moderne chez MachiavelPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:402017
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8L'état moderne chez HobbesPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:412017
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9L'état moderne chez Hobbes (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:232017
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10Le marché, un cosmos laiciséPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:062017
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11La fable des abeilles de MandevillePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:132017
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12Le marché, un cosmos laïcisé (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:482017
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13La philosophie de l'assurancePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:382017
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14La philosophie de l'assurance (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:242017
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15Conclusion. L'époque contemporainePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:582017
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PisteTitleMain artistAutorDurationRegistered in
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1Introduction. retour sur les grandes réponsesPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:002017
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2Trois modèles de sociétéPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:002017
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3Trois modèles de société (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:302017
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4La démocratie est anxiogène.Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:02:492017
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5La nostalgie de la traditionPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:182017
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6La nostalgie du cosmosPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:252017
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7La nostalgie du cosmos (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:542017
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8La nostalgie de la théologiePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:092017
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9La nostalgie de la théologie 2Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:332017
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10La théorie du complotPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:412017
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11La théorie du complot (suite)Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:412017
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12Lutter contre la théorie du complotPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:082017
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13Le couragePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:04:512017
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14La confiancePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:392017
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15La prudencePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:422017
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16Le principe de précautionPierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:03:432017
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17Vivre sereinement en démocratiePierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:05:252017
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18Conclusion. « Ose savoir et prends garde »Pierre-Henri TavoillotPierre-Henri Tavoillot00:01:502017
FA5720 La peur
LA PEUR
DU POINT DE VUE PHILOSOPHIQUE
EXPLIQUÉ PAR
PIERRE-HENRI TAVOILLOT
CD1 - Les réponses anciennes
1 Un monde plus sûr que jamais 4’34
2 Apocalypse et sorcellerie à l’âge laïque 2’51
3 Une crainte décomplexée 5’50
4 Le déclin de l’occident 3’33
5 Nous sommes tous frileux comme des bourgeois 2’21
6 J’ai peur donc je suis 4’21
7 J’ai peur donc je suis, suite 6’01
8 Comment ne pas avoir peur? 5’08
9 Le passé est la source de tout 3’15
10 Le mythe et le rite 4’33
11 Le mythe et le rite, suite 5’42
12 La réponse cosmologique 4’41
13 La réponse cosmologique, suite 3’51
14 Techniques stoïciennes 5’14
15 La réponse théologique 3’22
16 L’amour est plus fort que la mort 4’29
17 L’amour est plus fort que la mort, suite 4’00
CD2 - Les réponses modernes
1 Introduction. La modernité 3’45
2 La crise de la tradition 2’47
3 La crise du cosmos 6’03
4 La crise du dogme 4’05
5 Se rassurer soi-même 2’13
6 Les humanités classiques et la science moderne 3’42
7 L’État moderne chez Machiavel 4’40
8 L’État moderne chez Hobbes 4’41
9 L’État moderne chez Hobbes, suite 4’23
10 Le marché, un cosmos laïcisé 3’06
11 La Fable des abeilles de Mandeville 5’13
12 Le marché, un cosmos laïcisé, suite 3’48
13 La philosophie de l’assurance 5’38
14 La philosophie de l’assurance, suite 5’24
15 Conclusion. L’époque contemporaine 3’58
CD3 - Les réponses contemporaines
1 Introduction. Retour sur les grandes réponses 5’00
2 Trois modèles de société 5’00
3 Trois modèles de société, suite 4’30
4 La démocratie est anxiogène. 2’49
5 La nostalgie de la tradition 4’18
6 La nostalgie du cosmos 4’25
7 La nostalgie du cosmos, suite 5’54
8 La nostalgie de la théologie 4’09
9 La nostalgie de la théologie 5’33
10 La théorie du complot 4’41
11 La théorie du complot, suite 3’41
12 Lutter contre la théorie du complot 4’08
13 Le courage 4’51
14 La confiance 3’39
15 La prudence 3’42
16 Le principe de précaution 3’43
17 Vivre sereinement en démocratie 5’25
18 Conclusion. « Ose savoir et prends garde » 1’50
Pierre-Henri Tavoillot (né en 1965) est agrégé (1992) et docteur en philosophie (1996), après avoir suivi des études d’histoire, de sciences politiques et de philosophie. Il est actuellement maître de conférences habilité à diriger les recherches à l’Université de Paris-Sorbonne et chargé de cours à Science-po. Depuis 1997, il préside le Collège de philosophie. Spécialiste de la philosophie des Lumières et de l’idéalisme allemand (Le crépuscule des Lumières, Editions du Cerf, 1995), son travail s’est aussi porté sur la question des âges de la vie. Il publie en 2007 en collaboration avec Eric Deschavanne, une Philosophie des âges de la vie. Pourquoi grandir ? Pourquoi vieillir ? (Grasset) qui a été couronnée par le prix François Furet 2007. Une version plus politique et plus appliquée de cet ouvrage paraît sous le titre Le développement durable. Pour une nouvelle politique des âges de la vie (La Documentation française, 2006) dans le cadre des rapports du Conseil d’Analyse de la Société (placé sous l’autorité du Premier Ministre), dont il est membre. En 2011, il publie aux éditions de l’Aube, Les femmes sont des adultes comme les autres et, aux éditions Grasset, Qui doit gouverner ? Une brève histoire de l’autorité. Pierre-Henri Tavoillot a également été conseiller au cabinet du Ministre de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur (de 2000 à 2002).
Comment ne pas avoir peur ? L’occident contemporain est le théâtre d’une montée irrésistible des angoisses, depuis les plus petites – ce que nous mangeons, ce que nous respirons – aux plus grandes – annonces millénaristes de l’apocalypse et résurgence des nouveaux diables. Pourtant, d’un point de vue historique, nous vivons dans un monde plus sûr que jamais.
Partant de ce paradoxe, Pierre-Henri Tavoillot pose clairement la question des grandes réponses apportées par l’humanité au problème de la peur. Quels ont été les dispositifs spirituels et parfois politiques qui ont permis de rassurer l’homme dans sa communauté, depuis les réponses anciennes, jusqu’aux réponses modernes puis contemporaines.
« Ose savoir et prend garde », telle est la devise à laquelle nous invite Pierre-Henri Tavoillot, qui permettra à l’homme démocratique de lutter contre les peurs sans vouloir les abolir.
Claude Colombini Frémeaux
CD1 : Les réponses anciennes
CD2 : Les réponses modernes
CD3 : Les réponses contemporaines
- PRESSE -
INTERVIEW DE PIERRE-HENRI TAVOILLOT PAR PAUL MOUSSET
LIBERATION DU 08 06 2018
Pierre-Henri Tavoillot : « On démultiplie les petites peurs comme un moyen de retrouver un sens à sa vie»
Peur du changement climatique, de la pollution, des maladies : pour le philosophe, l’absence de grand récit qui réconforte crée une angoisse de vivre. Quitte à craindre les risques du progrès ?
Petite inquiétude ou grande angoisse, rationnellement fondée ou savamment entretenue, la peur accompagne notre quotidien. Ce qui fut, et reste, l’arme de prédilection des populismes de tout poil est devenu un instrument de persuasion publicitaire pour une société hygiéniste et une inépuisable mine d’or pour la production hollywoodienne. Vivons-nous dans une société trop timorée ? Nous sommes-nous laissés gagner par une culture de peur ? Le philosophe Pierre-Henri Tavoillot (photo DR), maître de conférence à l’université Paris-Sorbonne, vient de consacrer un triple CD (Frémeaux & Associés) à cette question.
Peut-on donner une définition philosophique de la peur ?
Philosophiquement, on pourrait donner celle-ci : la peur est ce qui nous empêche de vivre. C’est un vieux thème philosophique. L’homme a du mal à occuper son présent car il est constamment taraudé à la fois par la peur du lendemain mais aussi par les peurs du passé, du type regrets, nostalgie, l’idée que le passé était formidable, ou parce qu’il y a des souvenirs douloureux… En fait, le mot «peur» résume au fond pour les philosophes tout ce qui nous empêche de vivre au présent, sachant qu’il est extrêmement difficile de vivre la vie présente puisqu’elle est caractérisée soit par la souffrance soit par l’ennui, ce qui fait qu’entre les peurs, la souffrance et l’ennui, l’homme a une capacité extraordinaire de gâcher sa vie.
Faites-vous une différence entre peur et angoisse ?
Il y a une différence freudienne classique entre la peur et l’angoisse : la peur a un objet. On a peur de quelque chose. L’angoisse n’en a pas. Quand on est angoissé, les gens nous demandent ce qui ne va pas, on est en général incapable de répondre. Ils disent du coup : «c’est rien», et c’est justement le problème ! L’analyse absolument géniale de Freud consiste à montrer comment un mécanisme psychique nous permet de transformer cette angoisse en peur. Notamment l’angoisse par excellence de la mort. Cela s’appelle le mécanisme de projection. Quand le petit homme découvre l’angoisse de la mort, cette stratégie psychique va lui permettre de projeter cette angoisse sur une peur localisée. Par exemple, la peur du noir, ou la peur du sommeil, ce sommeil étant une métaphore de la mort, le noir étant un déplacement symbolique du néant. L’avantage énorme de ce déplacement, c’est que si l’on ne peut combattre la peur de la mort, en revanche on peut lutter contre la peur du sommeil ou la peur du noir. Au moment du coucher, on installe un rite, on raconte une histoire, on laisse une veilleuse, etc. Cette ritualisation permet, non pas de supprimer la peur, mais de l’apprivoiser.
Cette projection opérerait aussi au niveau collectif ?
C’est peut-être cela qui caractérise notre société contemporaine. Au point de vue collectif, où nous n’avons plus de grand récit réconfortant qui nous dise, comme dans les sociétés traditionnelles : rien ne change, tout a été prévu à l’avance ; ou comme les récits religieux qui nous disent de ne pas s’en faire, puisqu’il y a un dieu qui nous aime et que la vie après la mort est la plus importante. Dénué de ces grands discours, voire des grands discours idéologiques par la suite - le marxisme était aussi un discours très puissant et très salvateur -, nous sommes face à une sorte d’angoisse : Pourquoi vivons-nous ? Où allons-nous ? Mon opinion, parmi d’autres, est que la montée des peurs dans les sociétés contemporaines est le résultat de cette angoisse contre laquelle on essaye de lutter, exactement comme le petit enfant. On démultiplie les petites peurs, les petites phobies comme un moyen de retrouver un sens à sa vie.
Avons-nous plus peur aujourd’hui qu’hier ?
Je ne pense pas qu’on ait plus peur aujourd’hui qu’hier au sens où les terreurs, les angoisses étaient absolument époustouflantes par le passé. Mais aujourd’hui, le principal élément d’interrogation, c’est que nous vivons dans un monde infiniment sécurisé. La guerre s’est éloignée de notre horizon immédiat, les maladies sont traitées de façon remarquable, le risque même de mourir d’assassinat en France est infime. On devrait, de ce point de vue-là, à l’aune de l’histoire de l’humanité, être dans une situation de joie absolue. Or, ce qu’on voit c’est le contraire. Dans l’espace public, on voit l’apparition de toute une série de micropeurs, de petites phobies.
Dès qu’un progrès a lieu, une peur émerge. L’espérance de vie est due en grande partie, c’est presque une horreur de le dire, aux laboratoires pharmaceutiques qui ont produit des médicaments formidables, et ces laboratoires nous apparaissent comme des figures du diable. Nous avons une vie urbaine qui est assez agréable, mais le spectre de la pollution reste présent. Nous avons fait des progrès sans précédent, mais nous avons tous en tête l’idée que ces progrès, nous allons finir par les payer, avec le réchauffement climatique par exemple.
Le second élément, c’est que ces peurs se sont déculpabilisées. Jadis, et dans toute l’histoire de la tradition philosophique, la peur c’est ce qu’il faut combattre. Ceux qui ont peur, si je puis dire, ce sont les fous, les enfants et les femmes. Aujourd’hui, la peur devient un devoir. Celui qui n’a pas peur, celui qui prêche un discours rassurant va être suspect. La peur devient presque une sagesse. Ce que Hans Jonas appelle «l’heuristique de la peur» est l’idée que cette peur doit être entretenue. Günther Anders a cette phrase : «Aie le courage d’avoir peur, aie le courage de faire peur, produis chez ton voisin une peur égale à la tienne.»
Malgré cette «peur décomplexée», pensez-vous néanmoins que la peur soit aujourd’hui dégagée de sa charge négative ?
Le discours de la peur m’inquiète. On est dans une logique très différente de celle des Lumières où il y avait une confiance, notamment dans le progrès des sciences, alors qu’on est aujourd’hui dans une logique de crainte à l’égard de tout ce qui constitue des progrès - potentiellement des progrès, peut-être pas. Le discours est devenu très conservateur. Où qu’on regarde dans les revendications actives aujourd’hui, c’est : il faut sauver l’université telle qu’elle est, il faut sauver le statut des cheminots tel qu’il est, il faut lutter contre le réchauffement climatique et donc se détourner d’une logique de croissance… Le discours progressiste a perdu de sa puissance et le discours conservateur a vaincu en quelque sorte. Il y a une espèce d’autorité de la peur. La peur fait autorité, et c’est sur ce point-là qu’il faut être extrêmement attentif. Parce que cette autorité de la peur me paraît peu cohérente. Nous ne comprenons pas que certes il faut être relativement vigilant sur notre évolution de vie, mais que l’idéologie conservatrice peut être extrêmement dommageable. Elle peut bloquer l’action et d’une certaine façon nous empêcher de garantir un avenir qui serait un avenir plus favorable. Je pense qu’il ne faut pas vouloir éradiquer la peur, mais aujourd’hui le grand défi est de vouloir l’apprivoiser. De la canaliser, de la critiquer, dans le sens philosophique du terme.
La peur est-elle nécessairement associée à une conduite de refus ? Induit-elle une rupture du lien social ?
J’ai en effet beaucoup de mal à l’envisager autrement. Quand on a peur, on devient très égoïste. Comme quand on souffre. En effet, la peur constitue pour une part une rupture du lien social. Pour une autre part, et là il faut nuancer, la peur reproduit une forme de lien social. La peur, on la partage. Et dans un univers extrêmement individualiste, de se retrouver sur la peur à défaut de se retrouver sur le progrès, c’est une base sur laquelle les mouvements sociaux se constituent. Mais évidemment avec cet inconvénient qu’il s’agit toujours d’idéologies négatives. On a peur de, mais on arrive assez peu à s’accorder sur le pour. On est très facilement contre, mais en général dès qu’on parle du pour, les gens divergent complètement. C’est un peu dommage parce que c’est un lien qui se fait par défaut et donc par réaction. Pour une part ça marche, pour une part ça me paraît insuffisant. D’où l’exigence, pour moi, de davantage apprivoiser ses peurs que de les cultiver.
Dans la production cinématographique, les thrillers, films d’épouvante et films catastrophes occupent une place prépondérante. La société de l’image qui est la nôtre se prête-t-elle particulièrement à une culture de la peur ?
Notre époque contemporaine n’a plus de grand récit. J’entends par là une capacité des individus à se retrouver dans un grand récit qui raconte l’origine des choses où tout s’intègre. Les séries, les films : il y a un goût absolument époustouflant des fictions aujourd’hui, comme un moyen de compenser cette absence de narrativité globale. Nous adorons les petites narrativités. Or, il faut bien admettre que des scénarios possibles passionnants, il n’y en a pas un nombre indéfini. Donc on a affaire à un constant recyclage : le scénario du complot, celui de la catastrophe, aussi des histoires d’amour. Mais un bon scénario joue sur les passions directes des individus dans lesquelles on peut se retrouver. Je ne trouve donc pas du tout anormal, et pas du tout catastrophique, que l’on fictionnalise la peur, ça l’alimente un peu, mais ça la met aussi à distance critique parce que, d’une certaine façon, on peut avoir un recul critique puisque la fiction ce n’est pas le réel.
Doit-on apprendre à ne pas avoir peur ? Y aurait-il une éducation pour cela ?
On doit apprendre à ne pas avoir peur, c’est l’objet principal de l’éducation. Tout parent doit apprendre à ses enfants une forme de défiance, parce qu’il faut être prudent, mais éradiquer la méfiance. La défiance, c’est se fier avec réserve, la méfiance, c’est ne se fier jamais. Et aucun parent ne voudrait que ses enfants ne se défient de tout, et a fortiori de ses parents. Donc apprendre une forme de prudence, tout en permettant que nos enfants soient libres, épanouis, émancipés, heureux, et je ne vois pas en quoi la peur peut les rendre heureux. Tout le but de l’éducation, et même tout le but de la philosophie, c’est d’apprivoiser les peurs et ça n’a pas changé, aujourd’hui comme hier.
Il y a donc une relation entre peur et liberté ?
La peur nous empêche d’être libre. C’est un peu dogmatique comme formule, mais c’est ma conviction profonde. La peur ne nous rend pas libre. L’inquiétude, le souci, la prudence peut nous rendre libre, mais la peur non. Elle nous tétanise.
Paul Mousset