« 33 ans après sa disparition, que faut-il retenir de la carrière de Sammy Davis Jr. ? Le rejeton d’un couple afro-cubain de saltimbanques trop tôt séparé, ballotté par son paternel de coulisses en chambres de motels, pour y contracter tout jeune le virus du spectacle ? Le flamboyant businessman mondain qui, au sein du fameux Rat Pack, animait les nuits du Sands Hotel de Las Vegas tout en faisant sauter la banque auprès de Peter Lawford, Dean Martin et Frankie ole blue eyes in person? L’acteur populaire au demi-siècle de présence ininterrompue sur le grand écran (et le petit aussi)? Ou bien ce parangon de la lutte pour les droits civiques, qui se paya le culot d’acheter un hôtel dont on lui refusait l’accès afin d’en licencier tout le personnel ? Ce panorama des 14 premières années de sa discographie (au cours desquelles il publia près d’une vingtaine de LPs) restitue avant tout un vocaliste et interprète au faîte de son art. De ténor mellow mais parfois grandiloquent (“Glad To be Unhappy”, “The Birth Of The Blues”, “The Lonesome Road”, “These Foolish Things”, “Six Bridges To Cross”, “You’re Sensational”… ) en baryton profond (“I’ll Know”, “September Song”), celui auquel on prêta le manifeste apocryphe “je suis Noir, borgne et Juif, cela vous suffit-il, comme handicap?” fut avant tout l’un des plus brillants crooners de l’âge d’or du genre. Moins gâté sur le plan instrumental qu’un Nat King Cole (également pianiste doué), mais guère moins virtuose que son pote Sinatra sur le plan vocal, Davis était en mesure d’aborder tous les registres avec le swing, la classe et l’humour “tongue in cheek” qui présidaient à l’exercice de ce standing. Les orchestrations soyeuses que lui prodiguaient alors des chefs étoilés tels que Sy Oliver, Jack Pleiss, Morty Stevens et Marty Paich, ainsi que le soin qu’il apportait à sélectionner son répertoire (des standards tels que “Easy To Love”, “Something’s Gotta Give”, “You Do Something To Me”, “That Old Black Magic” ou “My Funny Valentine” – jusqu’à l’air du Toréador du “Carmen” de Bizet) incarnent aujourd’hui encore l’épitomé d’une forme d’Eden feutré où son esprit perdure, un Martini dry en pogne et un havane au bec, en tuxedo impeccable et boutons de manchettes assortis. En trois CDs et 74 titres magistralement restaurés, l’amateur n’est assurément pas volé. Demandez donc à Eddy Mitchell et Dany Brillant ce qu’ils en pensent (puisque Montand et Aznavour passent leur tour). »
Par Patrick DALLONGEVILLE – PARIS MOVE
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