« Un véritable monument ! » par ABS Magazine

« Waouh ! Exceptionnel ! Un véritable monument ! 171 titres dont 15 live jamais publiés ! Indispensable si vous voulez suivre et comprendre l’évolution de 1944 à 1962 de l’un des plus grands artistes du XXe siècle. Les quatre premiers CDs sont consacrés à son inspiration, les trois autres à l’influence qu’il a pu avoir sur les autres musiciens de son époque. Il y a souvent trois ou quatre fois le même titre, dans des interprétations différentes, ce qui est très intéressant. Il ne faut pas oublier que le jeune Ray, aveugle à l’âge de 7 ans, a passé huit années dans une école pour aveugles et sourds (St Augustine en Floride) où il a appris à lire le Braille et à mémoriser de longs morceaux de musique classique. Il y avait même appris à jouer de la clarinette. À sa sortie, il savait qu’il voulait devenir musicien professionnel.

Les débuts font l’objet des CD 1 et 2. En 1949, il forme un trio et enregistre pour Down Beat et Swingtime. Il est alors sous l’influence des crooners comme Nat “King” Cole et Charles Brown qui rencontrent un énorme succès. Sa rencontre avec le pianiste et arrangeur Lloyd Glenn va l’orienter plus vers le Blues : reprises de How Long de Leroy Carr, Goin’ Down Slow de St Louis Jimmy… Puis il passe deux ans en tournée avec l’orchestre du bluesman Lowell Fulson. En 1953, il est à New Orleans et figure au piano dans l’énorme tube du fantastique Guitar Slim. Il reprendra d’une façon saisissante le magnifique Feelin’sad du même artiste dont la version originale et rare est ici bien mise en valeur (c’est la première fois que je l’entends et je ne m’en lasse pas !). En 1952, le patron des disques Atlantic, Amhet Ertegun, rachète le contrat de Ray et va le pousser dans une veine plus rhythm’n’blues. Passionné par le Gospel depuis son enfance, il comprend qu’en changeant quelques paroles, il peut adapter cette musique pour le plus grand nombre. C’est le triomphe de I Got A Woman, puis de morceaux ici présents empruntés aux Caravans, aux Ward Singers, au Golden Gate Quartet, aux Pilgrim Travelers. Le public traditionnel se sent un peu trahi, mais le succès populaire l’emporte. Ray sait s’entourer de musiciens exceptionnels, dont les saxophonistes Don Wilkerson (solo sur I Got A Woman entre autres chefs-d’œuvre), David Newman, Hank Crawford, le trompettiste Marcus Belgrave et les fameuses choristes les Raelettes (dont on aimerait bien entendre les enregistrements Tangerine).

Sur les CD 3 et 4, il rend hommage à ses jazzmen préférés : Charlie Parker (Now’s The Time), Milt Jackson (avec qui il enregistre un album), Louis Armstrong et Billie Holiday (dont nous pouvons écouter ici sa version de Georgia de mars 1941, à l’origine composée et gravée par Hoagy Carmichael en 1930). Louis Jordan est présent sur deux titres ; on peut dire qu’il a influencé tout le monde et qu’il est le vrai “Father of Rock’n’roll”. Percy Mayfield fut aussi une influence majeure. Il devint d’ailleurs son compositeur préféré (Hit The Road Jack), engagé à temps complet sur son label Tangerine.

Avec les CD 5, 6 et 7, nous abordons les influences qu’il eu pu avoir sur d’autres musiciens. Joel Dufour, auteur du texte du livret, nous dit avoir recensé un total de 1046 reprises de chansons de Ray. Ici sont rassemblées 6 versions de I Got A Woman, 5 de Halleluyah I Love Her So, qui vont de Count Basie à Eddie Cochran, de King Curtis à Elvis Presley… Pour son dernier tube Atlantic, What’d I Say, qui va lui donner une audience mondiale, on a ici cinq versions : l’originale en deux parties plus un live, celles de Clyde McPhatter, de Jerry Lee Lewis et de Sandy Nelson. Toutes sont variées et intéressantes sauf, peut-être à la rigueur, les quatre reprises par l’organiste Lou Bennett enregistrées à Paris en 1961.

On ne peut citer tout le monde (171 titres), mais on est souvent surpris et ravis de pénétrer dans l’univers de “Brother Ray”. Musique incontournable de par sa qualité, son originalité et son intemporalité. Un coffret qui devrait devenir indispensable à toute collection équilibrée de musique du XXe siècle. »

Par Marin POUMEROL – ABS MAGAZINE