« Un bonheur pour tous ceux qui aiment le jazz ! » par Les notes de l'instant

« Entendre Alain Gerber. Il est heureux ce jour où l’on peut retrouver, au travers des mots, non pas la musique de nos souvenirs – c’est seuls le présent et l’avenir que nous voulons et désirons – mais celle qui fut dès l’origine, une musique de son temps et qui, si le calendrier mesure ce dernier, l’est pourtant encore aujourd’hui. Pleinement. Et sans aucun doute le sera-t-elle encore demain.
Bien sûr, nous reconnaissons le jazz (et singulièrement celui dont il est ici question) en écoutant souvent ces musiciens du « be-bop » qui, pour la plupart, le façonnèrent comme un point de départ, plutôt que comme un point de vue et encore moins comme un aboutissement mais, bien comme le début d’une aventure. Qui, si l’on prête une oreille attentive, se poursuit, parfois de façon très différente, dans ce que l’on peut appeler « les jazz » d’aujourd’hui.
Ici, les mots que nous entendons, sont ceux d’Alain Gerber. Nous les entendons parce qu’il fut un admirable « homme de radio » à la voix unique. Nous les entendons surtout parce qu’ils éclairent les échappées infinies des musiciens et les incandescences de la musique elle-même. Parce qu’ils les font vivre, les rendent présents à leur manière. Parce qu’ils en sont non pas le prolongement, mais une autre façon d’entendre leurs intensités, leurs vies les plus profondes.
Lorsque vous écoutez Bird, Miles ou Thelonious vous savez à qui vous avez à faire. SI vous lisez Alain Gerber c’est, de même, à la première phrase que vous le reconnaissez. Et ce que vous savez déjà avant la fin du premier paragraphe, c’est qu’il vous conduira sur ses propres chemins, ceux qui vous diront la lumière de ces musiques qu’il affectionne. Et c’est vous qui serez, en raison du propre rythme et du propre chant de sa prose (peut-être faudrait-il dire « de sa poésie ») touché par quelque chose d’inexplicable, comme si la musique résonnait entre les lignes et sans doute comme une sorte d’écho au fond de vous.
Vient de paraître chez cet éditeur qui a pour nom Frémeaux et Associés, et à qui il faut rendre grâce, une sorte de compilation de textes écrits par Gerber dans le cadre de collections d’enregistrements intitulées « Les incontournables », collections à caractère historique dont la richesse éditoriale comme artistique n’est pas à démontrer. Le texte de cet ouvrage est relativement indéfini en raison d’un parti-pris sans doute, mais peu importe. Il s’agit de pages sur Miles Davis, Charlie Parker, Bud Powell, Max Roach, Kenny Clarke, Dizzy Gillespie, Sarah Vaughan et Thelonious Monk. Tout cela pour redire qu’il s’agit ici de l’histoire commençante du « be-bop », terme sans aucun doute, à mon sens en tout cas, quelque peu restrictif. Si toutefois on l’entend à la lettre.
Outre les textes d’Alain Gerber dont l’inventivité, la puissance évocatrice et aussi l’intelligence éclairante ont déjà été dites, on trouve dans ce livre (qui en annonce d’autres) des notices discographiques d’une précision sidérante. Elles sont signées par Alain Tercinet et Daniel Nevers.
L’ensemble vaut bien plus qu’une somme d’informations aussi précises, pertinentes, soient-elles. Ce livre est un bonheur pour toutes celles et ceux qui aiment le jazz ! Mais non ! pour celles et ceux qui aiment toute la musique, qui aiment rêver. »
Par Michel ARCENS – LES NOTES DE L’INSTANT