« Une façon de dire le monde » par les Notes de l’instant

« Une autobiographie de Martial Solal ce n’est certes pas tout à fait comme l’un des mille instants musicaux qu’il nous a fait vivre et que nous pouvons revivre chaque jour grâce aux merveilles qu’il a enregistré. (Et notamment dans la collection « Quintessence » du même éditeur).
Mais il faut bien dire que « Mon siècle de Jazz » qui paraît aux éditions Frémeaux est un « moment » infiniment précieux. Et que, si l’on y prête attention, on entendra dans ce livre comme une musique qui n’a pas vraiment de fin.
« Mon siècle de Jazz » ce n’est pas « l’histoire », le parcours linéaire d’une vie de musicien, mais plutôt un ensemble de souvenirs, parfois épars, pas chronologiques – ne se suivant pas dans l’ordre du temps, mais rédigés avec d’autres buts et avec d’autres raisons, dans ce qui n’est, ni un désordre, ni une facilité de l’écriture, mais au contraire la mise en ordre, non seulement d’une pensée mais encore davantage une façon de dire le monde. Ou plutôt, sans doute, « son » monde. Celui de l’auteur.
C’est pourquoi il y a, de toute évidence, de la musique dans ce « Siècle de Jazz », de la musique de son auteur, quelque chose (et presque tout par conséquent) des compositions si extraordinaires de Martial Solal, de sa façon de jouer de son piano, du piano, de jouer avec les musiciens qui l’accompagnent.
Il ne faut par conséquent pas lire ce livre comme un document historique. Il faut ici, tout autrement, entendre la parole de Martial Solal comme on écoute sa musique, lui qui est l’un des plus grands pianistes que l’univers du jazz nous ait donné, lui qu’il faudrait toujours placer plus haut sans doute qu’on ne le place si souvent.
Il faut enfin remercier le ciel – celui de la musique tout entière sans aucun doute – que Martial Solal nous offre aujourd’hui ces lignes si précieuses : elles nous disent, en effet, ce qu’Alain Gerber dans son introduction nomme « un roman vrai. » « Un roman vrai » ne peut être que celui d’une vie et d’une musique faites toutes deux l’une, entrelacée, avec l’autre. Sans fin. »

Par Michel ARCENS - LES NOTES DE L'INSTANT