« Un génie qui a traversé, formé et transformé près de 100 ans du jazz français, vécu, accompagné et reconnu par le jazz international se livre. « fraîcheur, créativité, technique » (le Duke), « pionnier, moderne, virtuose » (Kenny Werner), « un géant » (Ahmad Jamal), « un maître » (Laurent de Wilde)
Autobiographie écrite comme il compose, joue, improvise, avec de grandes libertés dans la chronologie, dans le choix d’anecdotes touchantes ou farfelues.
De la découverte de cette musique à Alger en 1942 où il croise Don Byas, puis fait ses premières armes comme multi-instrumentiste (piano, clarinette, saxo, trompette), son débarquement à Paris à 22 ans, la bohème, quelques temps, la chance, la famille lui serons de grand secours et lui éviteront de ‘ramer’ trop longtemps. Les gigs, 1er job sérieux dans la capital : le Club Saint-Germain où il pourra enfin s’exprimer avec cette musique encore mal considérée. Il y croisera les vedettes du moment.
Son 1er disque en 1953, chez Vogue, plusieurs autres avec Sidney Bechet, Kenny Clark, puis en grande formation… Des tournées avec Sacha Distel, Henri Salvador, Chet Baker, Bobby Jaspar, René Thomas… La seule chose qu’il ne partagera jamais avec la plupart d’entre eux : la drogue !
Histoires de rencontres … féminines, aussi. Tourniquet qui cessera en 1968 avec Anna, heureuse maman de Claudia (l’excellente chanteuse que l’on sait).
1955, année où il se voit discerné, en témoignage de son génie créateur : le prix Django, remis par Jean Cocteau, et le grand prix national de musique.
En 1956, il est embauché par Lucky Thompson, un des nombreux musiciens noirs qui fuyait le racisme sévissant chez eux. Début d’une longue amitié qui finit avec la disparition du saxophoniste. Son sens d’explorateur l’expose à aller plus loin que les schémas AABA du jazz en cours, il l’enrichit de formules très personnelles qui l’approche de la musique ‘classique’ et d’une direction décisive dans la voie qui est la sienne. Ainsi naquit sa fameuse ‘Suite en ré bémol’, sans cesse évolutive, qui séduisit Jean-Pierre Melville et Jean-Luc Godard lui commandant la musique de ‘À bout de souffle’, suivi de nombreuses collaborations avec d’autres metteurs en scène.
1963, Georges Wein l’invite aux USA, surprise : les musiciens prisés en Europe ont peu de considération chez eux. Miles Davis joue dans de très petits clubs, John Coltrane devant un public clairsemé… Lui-même, malgré son esprit aventureux, ne s’ébahit pas du travail de Monk, ni ne se sent concerné du nouveau courant ‘free’ dont il critique une certaine facilité, ce qui ne l’empêche pas de se tailler une solide réputation de ‘frenchie’ original, même s’il entre ensuite, pourtant, dans la catégorie des ‘figues moisies’. Il admet toutefois avoir utilisé certains canevas du free, mais en privilégiant la recherche de sa propre liberté, jusqu’à son dernier concert.
1968, début d’une longue collaboration avec Lee Konitz, beaucoup de duo, aussi en compagnie de Mal Waldron ou Wayne Shorter et d’autres…
1970, rencontre des frères Moutin, un trio qui durera une dizaine d’années.
1980, malgré sa méfiance vis à vis des nouvelles conceptions du jazz, un autre duo de longue haleine se forme avec Michel Portal. Il a joué aussi avec Jean-François Jenny-Clarcke, plus tard avec Joachin Kühn. Il occupe régulièrement le Musée d’Art Moderne, se frotte au piano électrique (DX7) : chouette un nouveau challenge s’écrit-il !
Un big band en 1981, puis le fameux ‘dodecaband’, et le Newdecaband enregistre ‘Exposition sans tableau’, exemple de son humour qui teinte beaucoup de ses compositions (il parle de double lecture plutôt que de calembour. Souvenir de ses lectures de San-Antonio ?) et de ses présentations sur scène : lors de présenter le pianiste (lui), il préfère souvent citer le nom du fabricant de piano sur lequel il joue. Il émaille aussi ses soli de citations souvent incongrues. Il n’oublie pas non plus que l’improvisation à toujours fait partie de la musique, et des compositeurs, de tout temps !
1999, le ‘Jazzpar Prize’ finit de lui ouvrir les portes de toutes les salles européennes, puis du monde entier, fusse qu’avec sa propre musique, teintée de ‘classique’, avec des orchestres de toutes tailles.
À 60 ans, il s’interroge sur ses capacités techniques, il étudie Chopin, Listz, Ravel…
1993, il anime tous les dimanches des concerts au ‘Studio 105’
2001, Paul Motian, le Village Vanguard, Washington…
2016, concert mémorable que nous connaissons avec David Liebman, il pense que ce sera le dernier… mais c’est celui de 2019 salle Gaveau qui clôt sa carrière, à 91 ans ! Il continue cependant d’écrire, de la musique aussi, et de ‘caresser’ son piano régulièrement.
Suivent une cinquantaine de pages évoquant souvenirs divers, pensées, et autres considérations personnelles sur la et sa musique… pour finir de cerner l’individu !
Il cite enfin, quelques anecdotes arrivés à d’autres musiciens, mais sa fausse modestie (qui déguise sa réelle modestie qu’il juge inutile, négative et anti-progrès), l’oblige à ne parler que de ses expériences à lui.
Près de 100 ans de la vie du jazz, vécue par le non moindre de ses héraut héros, un centenaire éternellement adolescent, avide de la vie et de son enseignement permanent, sans se départir de son humour touchant, sans camoufler certaines faiblesses, ni se gausser de ses légitimes gloires.
Un vrai livre, truculent, à poser à côté de ‘La rage de vivre’ ou ‘Moins qu’un chien’.
Un parcours de vie et une lecture passionnante.
Indispensable à tous les amoureux du jazz, et de bons bouquins ! »
Par Alain FLECHE – ACTION JAZZ