L’Humanité peut s’extraire de la trajectoire destructrice dans laquelle elle s’est verrouillée, et les forêts nous offrent une clé maîtresse pour ouvrir des issues de secours. Ainsi conclut sensiblement l’auteur dans son étude historique, le plus souvent en contretype des civilisations. Son approche historique globale est empreinte d’investigations ayant assimilé la systémique et la collapsologie. Elle raconte les mouvements de marée entre l’essor des empires et la déforestation, la déforestation et l’effondrement des civilisations, et toutes variables activant ce ressac (éruptions volcaniques, mini-âges glaciaires, pandémies, envolées démographiques, écobuages, guerres, réchauffement climatique et incendies…), sans oublier la montée irréversible du curseur technologique depuis le Néolithique, et actuellement la mondialisation du commerce avec ses conséquences sanitaires pour les arbres, ainsi que l’importation de toute déforestation invisible à nos consciences...
Sans étude panoramique sur ce genre de sujet, la culture historique empirique que l’on recevait auparavant ne semblait retenir que le déboisement lié aux forges, à l’industrie du verre, avant que n’advienne en relais le charbon… Mais dans ce livre, nous nous apercevons que nos empires de progrès étaient bien plus sylvophages que nous aurions eu le courage de l’admettre, et trouvent de nouvelles raisons à l’être davantage au risque de la dissuasion climatique. Ainsi voyons-nous énumérés, la consommation pharamineuse de bois pour les étais de galeries dans les mines contrevenant à la tendance supplétive de la houille pour rendre la forêt à la forêt, les traverses de chemin de fer, les câbles sous-marins impliquant une consommation énorme de Palaquium gutta depuis le XIXe siècle, les plantations liées au thé, au café au chocolat, au soja au détriment des forêts primaires… Il dénonce aussi les bases déviantes du calcul bois-énergie ou encore une Chine reconstituant une surface boisée en plantations mono spécifiques supérieure au territoire français, avec des échecs de reprise magistralement élevés tandis qu’elle s’appuie sur un import en bois induisant une déforestation massive dans le Sud-Est asiatique.
Ce livre reconstitue dans le temps long le puzzle de la prédation forestière où même notre amnésie peut être interpellée par des techniques nouvelles comme le LIDAR. Le plus important est d’entendre la tendance générale se révélant dans ce puzzle d’informations, car nous sommes en légitimité de penser des pièces manquantes. L’intérêt d’un tel livre est, par sa synthèse ébauchée, de nous enjoindre à ne pas répéter les erreurs qui ont déjà historiquement montré leurs conséquences chez nous comme ailleurs, tandis que nous poursuivons ensemble, en crescendo, notre destin planétaire. L’auteur ouvre le panel de contrepropositions antidotes dans lesquelles les citoyens, les professionnels indépendants, les associations sont ceux qui s’avéreraient les plus probants pour reprendre la main en se libérant des « technicosolutionnistes » de l’industrie et des marchés de masse. Ainsi voit-on mis à l’honneur la libre évolution, les ORE, l’agroforesterie, le Réseau des Alternatives Forestières… Néanmoins sont enjointes, la demande de rediriger autrement les subventions vers la restauration écosystémique des forêts, des décisions politiques moins sous tutelle d’économistes déconnectés du Vivant, du climat, et de la dignité des peuples, ainsi qu’à nous reconstruire dans une coopération internationale renforcée… A noter aussi l’engagement de l’éditeur sur la même voie outrepassant ses seules publications.
Bernard Boisson - Naturalité