« Superbe de bout en bout » par Muzzika

« Les duos de guitare sont toujours jubilatoires : le plaisir de la guitare multiplié par deux en somme ! Dialogue ou bavardage sympathique entre deux copains qui se donnent la réplique, l’un développe son idée, l’autre lui répond « mais non pas du tout » ou bien « mais oui tu as tout à fait raison », vrais amis qui sont tout à fait sur la même longueur d’ondes en tout cas, duo – ou trio ici – qui est parfois rejoint par d’autres copains/musiciens, venus se joindre à cette joyeuse conversation !
Marcel Dadi & Jean-Félix Lalanne ;  Sylvain Luc & Biréli Lagrène ; ou encore Biréli Lagrène & Hono Winterstein, pour ne citer que ceux-ci : nos deux guitaristes ici, Yannis Constans et Samson Schmitt, s’inscrivent dans le droit fil d’une tradition jazzistique bien française, que ces duos de guitares swing manouche. Et avec ce disque éclatant, superbe de bout en bout, sans un seul moment de faiblesse ou d’ennui, nous faisons le pari leur que leurs noms, réunis ensemble, seront dans le futur aussi célèbres que ceux qui précèdent !
Car rappelons-le : c’est la France, avec l’immense Django Reinhardt, né Belge mais que la France a fait connaître au monde entier, qui a inventé ce style de guitare swing manouche, rapide et vif, vélocité de la guitare qui nécessite, comme quiconque s’est essayé quelque peu à cet instrument peut en juger, une virtuosité exceptionnelle, don qui n’est offert qu’à une petite poignée. Et qui exige la même virtuosité de la part des musiciens qui se joignent au groupe, et qui doivent jouer aussi rapidement –  saluons ici le clarinettiste Nicola Giammarinaro et  Roberto Gervasi à l’accordéon, présents sur certains titres.
Car c’est avec le Quintette du Hot Club de France, formé en 1934 avec le violoniste Stéphane Grapelli, et avec les disques que leur groupe enregistre, que Django Reinhardt va faire connaître ce style au monde entier. Style né français – le swing manouche – qui est devenu aujourd’hui un genre à part entière du jazz mondial, aussi universel et éternel que le blues.
Nous nous sommes donc régalé à l’écoute des compositions de ce disque, oeuvres de l’un ou de l’autre de nos joueurs de cordes, avec deux morceaux écrits par le père de Samson, le guitariste gitan Dorado Schmitt (qui est également le cousin d’un autre guitariste célèbre sur la scène française, Tchavolo Schmitt).
Morceaux enlevés donc, mais aussi douces balades sentimentales ou romantiques, à l’instar de « Anaïs » ou de « Por tus ojos » (Pour tes yeux », sur un rythme de valse lente). Et un hommage est rendu au père fondateur Django, avec le titre « Merci Django », où chante la jeune Stefi Schmitt, membre de la famille probablement, chanson dans une langue qui nous est inconnue – parler des Gitans de l’Est de la France ou autre ? – preuve que l’esprit du voyage est toujours présent.
Et l’humour, qui fait partie de l’ADN du jazz quand celui-ci est joyeux, est présent aussi, avec le titre qui clôt le disque, « Papa et le tango », chanté par le tout jeune Stenli Schmitt avec sa voix d’enfant. Titre en clin d’oeil sans doute au « Tango Corse » de Fernandel, pour nous signifier que l’esprit joyeux de l’entre-deux-guerres en France reste toujours vivant… si nous le voulons bien !
Nadia KHOURI-DAGHER - MUZZIKA