« Pas étonnant que la maison Frémeaux qui s’attache à faire oeuvre de mémoire rende hommage par la voix de la franco-américaine Stephy Haïk à un merveilleux songwriter de l’American Songbook, Burt Bacharach (1928-2023) pianiste, arrangeur et chef d’orchestre qui a marqué l’histoire de la chanson et des musiques de film des sixties et seventies. Nous ne citerons qu’un exemple parmi une production pléthorique, la B.O de Butch Cassidy and The Sundance Kid pour lequel il obtint l’oscar de la meilleure musique en 1970. Des labels (Blue Note ou la Motown ) comme les jazzmen se sont emparés de sa musique de Diana Krall (The Look of love dans Casino Royale) à Sonny Rollins pour Alfie du film éponyme, chanson que Stephy Haïk chantait déjà dans son premier album The Longest Mile.
Cet album de jazz vocal fera plaisir à tous les amoureux de la musique de Burt Baccharach-ils sont nombreux, même si nous sommes beaucoup pen France du moins, à fredonner ses chansons sans toujours savoir qui en est l’auteur. Ce que chantait déjà notre Trenet dans L’Âme des Poètes.
Dans la mémoire collective américaine, ce formidable mélodiste a toute sa place et aujourd'hui encore dans la comédie musicale Joker 2 de Todd Phillips, on entend dans un recyclage habile autant Bewitched de Rodgers and Hart que Close to you.
La chanteuse franco-américaine reprend dans cet album soigné quelques-unes des mélodies du duo magique Burt Baccharach- Hal David ancrées dans la mémoire consciente ou non qui nous ont touché voire ému. Elle en délaisse d'autres peut-être trop attendues comme Raindrops keep falling on my head au profit de ce God give me strength écrite avec le "versatile"(au sens anglais) Elvis Costello, autre référence de la chanson ou My Little Red Book entendue dans What’s new Pussycat? Retenons encore une curiosité, le duo réussi avec Bruce Johnston dans Wives and lovers.
On retrouve néanmoins des tubes comme What the World Needs Now popularisé par Dionne Warwick avec Walk on by, A House is not a home ou Close to you dont la déchirante Karen Carpenter donna une version inoubliable sans oublier la grande Aretha Franklin pour laquelle fut écrite I say a little prayer.
Les arrangements essentiels dans ce genre d’exercice sont écrits de main de maître par le pianiste Olivier Hutman. La chanteuse est entourée par la fine fleur de nos musiciens Hugo Lippi à la guitare, Hermon Mehari à la trompette, Sylvain Romano à la basse, André Ceccarelli aux drums… Il faudrait les citer tous car ils offrent un accompagnement idéal à la voix chaude et sensuelle, au phrasé résolument jazz de Stephy Haïk. Très élégant dès le démarrage de I”ll never fall in love again, son swing est subtil et son énonciation claire (elle est aussi une enseignante accomplie).
On pourrait reprocher une certaine facilité à la pop musicale, avoue même Stephy Haïk de quoi dégoûter les puristes jazzeux qui d’ailleurs ne connaissent pas bien ce répertoire. Mais composer une chanson qui touche le plus grand nombre est un art qui n’est pas aussi mineur qu’on voudrait nous le faire croire. Un art qui requiert et c’est le cas ici, complexité harmonique et rythmique sur une mélodie qui semble “facile” et qui reste en tête, un fredon qu’agrémentent des paroles que l'on retient. Car avouons- le, l’anglais swingue et colle parfaitement à cette pop pas si sucrée en définitive. Alors si tous ceux qui comptent ont chanté Burt Bacharach, en écouter une nouvelle version est toujours irrésistible. »
Sophie CHAMBON – LES DERNIERES NOUVELLES DU JAZZ