« Le compagnonnage du jazz et du cinéma, les deux arts du XXe siècle, est une thématique explorée de multiples fois. Il est moins fréquent de consacrer un album à des thèmes musicaux célèbres du cinéma français, américain et italien, étrangers au jazz pour la plupart, mais jazzifiés pour l’occasion.
C’est la démarche entreprise par le quartet Swingin’ Affair (une référence directe à Dexter Gordon, le musicien-acteur né à Los Angeles), soit Olivier Defays, Philippe Chagne, Philippe Petit et Sylvain Glévarec, quatre musiciens unis par une longue complicité. Pour autant, si les œuvres qu’ils ont sélectionnées ne sont pas jazz à l’origine, le jazz est présent dans l’univers de la plupart de leurs compositeurs, lesquels ont pu donner au sein de leurs foisonnantes productions des thèmes jazz, de Nino Rota (Hurricane) à Ennio Morricone (Corleone), en passant par Vladimir Cosma (Un éléphant ça trompe énormément) et François de Roubaix (Le Samouraï). De même les musiques de certains compositeurs se prêtent à un traitement swing, celles de Nino Rota en particulier, du fait d’une proximité naturelle évidente à l’écoute du medley reprenant des thèmes issus d’Amarcord, Les Nuits de Cabiria et Huit et demi. A l’inverse, il paraissait plus périlleux d’aborder sous l’angle jazz la musique d’un John Williams connu pour ses succès hollywoodiens comme Star Wars, au générique d’inspiration wagnérienne, et sa solennelle « Imperial March » qu’on croirait ici sortie du répertoire de Benny Goodman !
Si l’on soupçonne, sans doute à juste titre, les musiciens de quelque malice, il faut saluer le travail d’arrangement réalisé par Olivier Defays, Philippe Petit et Philippe Chagne. Ainsi nos « Tontons swingueurs » se sont amusés à faire de l’indicatif des Tontons Flingueurs (« Tamouré » de Michel Magne) un fil rouge humoristique qu’on retrouve régulièrement, accommodé à des sauces différentes : bop, west coast, voire à la Miles époque Tutu. Dans la série des adaptations improbables, on note les thèmes de Titanic ou de La Boum et son sirupeux slow « Reality », signé Cosma, que le quartet revisite grâce au B3 groovy de Philippe Petit. Pour la peine, on paraphraserait bien Audiard et ses Tontons : les jazzmen ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît !
On retiendra en particulier les vraies pépites de cette galette: d'excellentes versions du thème principal d'Il était une fois la révolution d’Ennio Morricone, avec un superbe duo de sax, et de celui des Sept mercenaires d’Elmer Bernstein, très dynamique (bon soutien de Sylvain Glévarec), le magnifique «Speak Softly Love» de Nino Rota (Le Parrain), «La Chanson d’Hélène» de Philippe Sarde (Les Choses de la vie), remarquablement exposée à la clarinette basse par Philippe Chagne et au ténor par Olivier Defays, et enfin l’incontournable «Sirba» de Vladimir Cosma (Le Grand blond avec une chaussure noire), swinguant à souhait, qui nous embarque au son de la flûte d’Olivier Defays et de l’orgue de Philippe Petit dans un monde musical entre Lalo Schifrin et Neal Hefti. Ce titre est aussi un clin d’œil du fils, Olivier Defays, au père, Pierre Richard, amateur de jazz avéré, qui a d'ailleurs rédigé quelques lignes en tête du livret.
Un disque des plus sympathiques, à l’image de ses interprètes, et empreint de nostalgie pour un cinéma populaire. »
Par Jérôme PARTAGE – JAZZ HOT