« Il y a trois ans le trio Samson Schmitt, Yannis Constans, Camille Wolfrom nous avait régalés lors de leur concert à la Guinguette chez Alriq de Bordeaux. Les voilà enfin réunis sur cet album Esperanza.
Yannis Constans est arrivé tard dans ce monde du jazz manouche, à 18 ans par hasard chez un disquaire, et il a appris en autodidacte. Lui aussi admirateur de Django a étoffé sa formation avec les musiques de l’Est pour ensuite jouer avec des figures du swing manouche comme Stochelo Rosenberg, Angelo Debarre, Tchavolo et Dorado Schmitt. Il fait partie de leur grande famille. Il joue avec Samson depuis 2010.
Samson Schmitt, comme ses congénères, a la musique qui coule dans les veines. Fils du grand Dorado Schmitt un des grands disciples de Django, il a atteint à son tour les sommets dans le genre du jazz manouche. Son phrasé aérien, son touché virtuose le placent parmi les tout meilleurs.
Camille Wolfrom lui aussi autodidacte, passionné de jazz américain et du swing de Django, joue régulièrement avec Yannis et des figures telles que Steeve Laffont, Costel Nitescu, Stochelo Rosenberg… Particularité intéressante, il a appris le métier de luthier de contrebasse et joue avec ses propres fabrications.
L’album est constitué de compositions originales de Yannis, Samson et Dorado. En voilà l’essentiel.
« Le chat et la souris » est une alerte entrée en matière où tous les éléments sont déjà en place : la virtuosité et la musicalité de la guitare leader de Samson, la pompe efficace de Yannis et la colonne vertébrale de la contrebasse de Camille sur une mélodie très enlevée. On comprend que c’est du solide, du très solide.
Voilà « Esperanza », de l’espérance, une telle valse virevoltante peut nous en remplir et quelle délicatesse quand le tempo ralentit. « Casse noisette », rien à voir avec le ballet, ne peut que vous faire marquer le tempo, de la main, du pied, du corps. Que cette musique est sensuelle ! Camille y frotte ses cordes dans un registre grave, vite éclairé par les guitares de Samson et Yannis.
Le jazz manouche n’est en aucun cas une course de vitesse même si le public aime quand le tempo s’emballe, il laisse aussi la place à de délicates ballades – Django en a tant écrit – comme ici « Anaïs » ; l’émotion, la délicatesse sont aussi de la partie pour ce titre dédié à la fille de Yannis.
« Merci Django » bien sûr, il ne sera jamais assez remercié ; c’est Stefi une des filles de Samson qui chante cet hommage en langue romane.
Tiens pour « La boîte à musique » le trio s’élargit, devenant quintet avec l’accordéoniste Roberto Gervasi et le clarinettiste Nicola Giammarinaro, deux remarquables musiciens siciliens que nous avions vu accompagner Yannis à Bordeaux en 2022. Couleur différente, contraste des sonorités et toujours cette légèreté de la mélodie portée par la rythmique caractéristique.
On entend maintenant le chant d’un violon, celui de Dorado Schmitt qui a délaissé sa guitare pour jouer avec son fiston sur « Bibodé » et quel beau dialogue entre guitare et clarinette en poursuite ou à l’unisson dans « Hora Adriano ». « Pour mon père » est atypique dans l’album, un moment chargé d’émotion voire de recueillement où contrebasse et violon conversent gravement.
« Choro pra Elea » apporte sa touche brésilienne, ensoleillée et lumineuse juste avant une « Rhapsodie à six cordes » carrément et plutôt hongroise à mon avis ; ces musiciens-là peuvent décidément tout faire ! D’ailleurs les voilà repartis ailleurs avec « Papa et le Tango » chanté par Stenli, la toute jeune fille de Samson avec une jolie fraîcheur. Trois générations de Schmitt donc dans cet album !
Et ainsi de suite pour en tout treize titres d’un album qui ravira les amateurs du genre et bien au-delà. »
Par Philippe DESMOND – ACTION JAZZ