« Sempiternellement et depuis des décennies, je vante les mérites et l’excellent travail du groupe Frémeaux & Associés en matière de mémoire collective, de librairie sonore, pour la défense du patrimoine historique et sonore, et pour faire renaître de ses cendres les œuvres intemporelles en matière de jazz, blues, rock and roll, rockabilly, country music et toutes les musiques populaires afro-américaines qui révolutionnèrent le paysage musical, social et politique, de l’autre côté de l’Atlantique, et mirent en transe chamanique les teenagers d’une Amérique puritaine et ségrégative. Mais cette fois, c’est le sujet du rock and roll anglais que je vais aborder dans cette chronique. En effet, Patrick Frémeaux propose, comme à l’accoutumée, un somptueux coffret 3CD’s, avec un livret très détaillé de 20 pages concocté par Bruno Blum, intitulé “The Birth Of British Rock 1948-1962” et très justement salué par l’Académie Charles Cros, une référence en la matière. Ce sont les premiers balbutiements du rock and roll britannique qui sont abordés ici avec ce coffret divisé en trois périodes distinctes et chronologiques, ce qui prouve si nécessaire que les Beatles ne sont pas arrivés d’une autre galaxie comme par enchantement, mais se sont engouffrés sur des routes, certes sinueuses, mais ô combien primordiales, tracées par une multitude de musiciens, parfois anonymes et à la carrière éphémère mais aux œuvres prépondérantes. Sans remettre en cause leur talent voire leur génie, même si personnellement je suis plus sensible et réceptif à l’œuvre des Rolling Stones, à mon goût plus blues, plus blasphématoires, plus Slim Harpo, plus Chuck Berry ou plus Muddy Waters, bref des inspirations bien plus noires, les Beatles se trouvèrent au bon endroit et au bon moment pour le grand bouleversement musical mondial qu’ils allaient propulser jusque dans les jardins de Graceland… Mais encore une fois, le rock existait avant la déferlante Beatles sur les bords de la Tamise, de Oxford à Londres, même si ces derniers, allaient tout balayer sur leur passage, exilant tous les pionniers du british rock, au rang de vestiges du passé ou de vestiges du chaos pour certains, comme notamment Vince Taylor qui, comme Icare, se brûlera les ailes et deviendra la pierre angulaire de l’impitoyable malédiction du rock and roll, avec dans le rôle de Belzébuth un certain… Eddie Barclay. Vince étant parfois obligé pour survivre, de se produire dans un bistrot pour une bière et un sandwich. L’inévitable descente aux enfers et de tous les excès pour le créateur de “Brand New Cadillac”, même si des musiciens comme Patrick Verbeke, Jacky Chalard ou Jean-Yves D’Angelo tentèrent de multiple come-back de l’archange en cuir noir. Le coffret de 3CD’s est divisé en trois parties distinctes, le 1er CD s’intitulant “The Roots Of British Rock 1948-1957”, avec notamment Roy Ellington, Lonnie Donegan, Tommy Steele, Alexis Korner, ou encore Terry Dene… Le 2ème CD, quant à lui, s’intitule “Early British Rock Classics 1958-1960”, avec Cliff Richard qui influencera énormément les Chats Sauvages de Dick Rivers et des frères Roboly aux guitares, proches du son Shadows de Hank Marvin et Bruce Welch, Vince Taylor And His Play-Boys, Johnny Kidd And The Pirates, Marty Wilde, Billy Fury… Pour conclure en apothéose avec le 3ème CD intitulé “Mainstream British Rock 1960-1962”, on retrouve l’excellent Billy Fury, The Shadows, Tony Sheridan, le mythique Vince Taylor et les Beatles avec “Love Me Do”, leur premier single sorti le 5 octobre 1962, ainsi que la face B “P.S. I Love You”, et d’autres formations instrumentales 60’s qui influenceront des guitaristes anglais de renom tels que Jimmy Page, Jeff Beck, Ritchie Blackmore ou encore Chris Spedding, voire des groupes français comme les Champions avec Claude Ciari et Alain Santamaria… les Fantômes, etc… Le rock and roll anglais, inspiré par Elvis et les Etats-Unis, le blues (Alexis Korner) et certaines colonies comme la Jamaïque, aura incontestablement marqué l’histoire et le phénomène social qui en découlera de l’autre côté de la Manche. Coffret indispensable pour réécouter les œuvres prépondérantes et gravées dans le marbre des Marty Wilde, Billy Fury, Johnny Kidd, Cliff Richard, Vince Taylor… et bravo à Patrick Frémeaux, Claude Colombini et Bruno Blum, pour la qualité de leur travail! »
Par Serge SCIBOZ – PARIS MOVE