« L’orgue de barbarie est un instrument qui a du coffre. La preuve avec la sortie en CD de l’aventure menée par Gérard Pierron et Jean Piero : Paris s’éveille. Une manière de revisiter, non sans une certaine nostalgie, le répertoire de la chanson française et populaire.
Il suffit d’écouter la version du standard de Dutronc, Il est cinq heures Paris s’éveille pour voir à quel point l’orgue de barbarie, tenue par Jean Piero, est capable de se glisser dans bien des univers musicaux. Il en est de même avec la mélodie très jazz de Boris Vian dans On n’est pas là pour se faire engueuler qui a pourtant un swing d’enfer dans la version originale.
Entre Jean Piero -artiste touche à tout, chanteur des rues et « tourneur » qui a officié deux décennies devant le Sacré-Cœur à Paris, mais aussi poète, homme de radio, plasticien – et Gérard Pierron, un chanteur qui a toujours voulu célébrer les poètes populaires, tel le poète marin Louis Brauquier, le courant est vite passé. Le fruit de cette rencontre fut gravé en 1988 sur une cassette audio vendue « au chapeau ». Son contenu est désormais immortalisé dans une version CD de belle facture où le duo est accompagné de Jean-Philippe Viret, à la contrebasse, et parfois de l’harmonica de Michel Risse, chargé aussi de l’enregistrement et du mixage.
Évoquant leur première rencontre dans le livret accompagnant le CD, Gérard Pierron raconte : « Un jour, Jean Piero me demande si je veux bien chanter avec lui. De la main droite, il tournait la manivelle, de la main gauche, il prenait l’argent des cassettes vendues et rendait la monnaie tout en chantant. Moi, je donnais de la voix, en lisant les textes des chansons écrites sur des cartons qui défilaient. »
Même avec des classiques, tels Mon pot’ le Gitan, le « tube » de Mouloudji ; Ménilmontant, de Charles Trenet, le duo parvient à imprimer sa marque. Et la version des Couleurs du temps, de Guy Béart est splendide et offre une autre atmosphère musicale à ce classique. Et puis, il y a des chansons populaires qui disent la fraternité comme Dans ma péniche, qui évoque un amarrage du côté du Pont de St-Cloud et parle des soirées autour du piano à bretelles en soulignant : « On n’est pas riche, mais on s’en fout. » Des chansons qui font rimer « fille sans cœur » et les « accroche-cœur » de la belle Rita à la « toison d’or » – comme dans À l’enseigne de la fille sans cœur, chanson un peu oubliée de Jean Villar, dit Gilles et qu’interpréta même Édith Piaf – et font revivre toute une atmosphère qui fleure bon la nostalgie.
Nées dans la rue, les mélodies de cet album méritent bien de faire un détour par votre salon pour y faire résonner les accords doux d’un limonaire inspiré. »
Par François CARDINALI – CHANT… SONGS
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