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CHANSONS ANARCHISTES ET PACIFISTES 1820-1990
Ref.: FA5412
Direction Artistique : JEAN BUZELIN ET CHRISTIAN MARCADET
Label : Frémeaux & Associés
Durée totale de l'œuvre : 2 heures 22 minutes
Nbre. CD : 2
Du Triomphe de l’anarchie de Charles d’Avray à Ni Dieu ni maître de Léo Ferré, les chansonniers et auteurs de sensibilité anarchiste ont, à leur manière, illustré l’histoire sociale des 19e et 20e siècles.
Chants militants exprimant le plus souvent un refus viscéral de toute forme d’autorité, de l’État, de la guerre et des églises, ou chansons sociales, parfois teintées d’humour « noir », ce répertoire d’esprit libertaire s’avère une précieuse contribution pour la compréhension des moeurs et des mentalités de la famille de pensée anarchiste.
Jean Buzelin et Christian Marcadet ont rassemblé sur ce sujet, passionnant mais méconnu, la plus vaste anthologie jamais présentée en France.
Patrick FRÉMEAUX
Direction artistique : Jean Buzelin et Christian Marcadet.
CD 1 (XIXe SIÈCLE) : MARCEL CLÉMENT LA SAINTE-ALLIANCE DES PEUPLES (1818) • PIERRE SURGÈRES LA CANAILLE (1865) • LOUIS ZUCCA LE SOLDAT DE MARSALA (1870) • HENRI WEBER LE FORGERON DE LA PAIX (1876) • E. COMBES OUVRIER, PRENDS LA MACHINE (1874) • PIERRE SURGÈRES SALUT COMMUNE ! (1881) • CHRISTIAN PACCOUD LES JACQUES (1884) • RAYMOND SOUPLEX L’INSURGÉ (1880) • EAN WEBER LE PÈRE PEINARD AU POPULO (1889) • STELLO V’LÀ L’ CHOLÉRA QU’ARRIVE (1884) • TRÉMOLO L’EXPULSION (1886) • YVES MATHIEU CASSEUR DE GUEULES (1888) • YVES MONTAND LES CANUTS (1894) • MICHÈLE BERNARD FILLE D’OUVRIERS (1887) • ÉRIC AMADO LE TEMPS DES CRISES (1886) • PAUL BARRÉ LE GRAND MÉTINGUE DU MÉTROPOLITAIN (1887) • YVES MATHIEU PUS D’ PATRONS (1890) • SOCIÉTÉ ODÉON UN MEETING ANARCHISTE (CA.1900) • ARISTIDE BRUANT À BIRIBI (1891) • JEAN WEBER LE PÈRE DUCHESNE (1878) • JEAN WEBER RAVACHOL (1893) • HAL COLOMB LA DYNAMITE (1893) • ROSY VARTE & GEORGES WILSON LA CHANSON DU DÉCERVELAGE (1898) • ROSALIE DUBOIS HEUREUX TEMPS (1895).
CD 2 (XXe SIÈCLE) : JEAN WEBER LE TRIOMPHE DE L’ANARCHIE (1901) • E. COMBES LE SOLEIL ROUGE (1896) • ROSALIE DUBOIS L’INTERNATIONALE NOIRE (1897) • MONTÉHUS LE PÈRE LA RÉVOLTE (1904) • GRISARD L’ANARCHISTE (CA.1900) • CHARLES D AVRAY LES GÉANTS (CA.1901) • CHARLES D’AVRAY VIENS CHEZ MOI (CA.1901) • E. BOYER LES ÉLECTEURS (1899) • MONTÉHUS LA GRÈVE DES MÈRES (1905) • MARGUERITE SAUTREUIL LA ESPERO (L’ESPOIR) (1909) • MARTY NON PAS ÇA ! PAS LA GUERRE (CA.1931) • DELMAS SOLEIL LEVANT (1931) • ÉMILE ROUSSEAU À NOUS LA LIBERTÉ (1931) • GILLES & JULIEN TOUT EST F…U (1932) • MARIANNE OSWALD LE JEU DE MASSACRE (1933) • GILLES & JULIEN VINGT ANS (1933) • LOUIS ZUCCA LA PAIX, LE PAIN, LA LIBERTÉ (1936) • GEORGES BRASSENS LA MAUVAISE RÉPUTATION (1952) • MOULOUDJI LE DÉSERTEUR (1954) • LÉO FERRÉ GRAINE D’ANANAR (1954) • BERNARD ASCAL FABRIQUEZ-MOI DES LOIS (1991) • CHRISTIAN PACCOUD NI DIEU NI MAÎTRE (1965) • CHRISTIAN PACCOUD ANARCHIE, MA BLANCHE (1990) • MARC OGERET LES ANARCHISTES (1968).
36 chansons d'une époque emblématique
ANTHOLOGIE SONORE DU SOCIALISME 1789-1939
L'AUTRE PENSEE 68(2) - DE GUY DEBORD À RAOUL...
CAMUS - SARTRE - DE BEAUVOIR
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PisteTitreArtiste principalAuteurDuréeEnregistré en
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1La sainte-alliance des peuplesMarcel ClémentPierre-Jean de Béranger00:03:361932
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2La canaillePierre SurgèresAlexis Bouvier00:02:311930
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3Le soldat de marsalaLouis ZuccaGustave Nadaud00:03:031931
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4Le forgeron de la paixHenri WeberGaston Villemer00:03:591909
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5Ouvrier prends la machine (le droit du travailleur)E. CombesCharles Keller00:05:291911
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6Salut communePierre SurgèresClovis Hugues00:02:381930
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7Les JacquesChristian PaccoudJean Richepin00:02:562012
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8L'insurgéRaymond SouplexEugène Pottier00:01:591960
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9Le père peinard au populoJean WeberFrançois Brunel00:02:422012
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10V' la l'cholera qu'arriveStelloAristide Bruant00:03:041935
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11L'expulsion des princesTrémoloMaurice Mac Nab00:03:351931
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12Casseur de gueulesYves MathieuAristide Bruant00:01:082012
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13Les canutsYves MontandAristide Bruant00:02:211955
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14Fille d'ouvriersMichèle BernardJules Jouy00:03:141993
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15Le temps des cerisesEric AmadoJules Jouy00:02:031961
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16Le grand métingue du metropolitainPaul BarréMaurice Mac Nab00:03:071961
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17Pus d'patronsYves MathieuAristide Bruant00:01:372009
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18Un meeting anarchisteOdéonInconnu00:02:461903
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19A biribiAristide BruantAristide Bruant00:03:081911
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20La chanson du Père DuchesneJean WeberInconnu00:02:222012
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21RavacholJean WeberInconnu00:03:292012
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22La dynamiteHal ColombBaptiste Martenot00:03:061993
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23La chanson du décervelageRosy Varte & Georges WilsonAlfred Jarry00:02:031958
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24Heureux tempsRosalie BuboisPaul Paillette00:02:451978
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PisteTitreArtiste principalAuteurDuréeEnregistré en
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1Le triomphe de l'anarchieJean WeberCharles d'Avray00:03:552012
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2Le soleil rougeE. CombesM. Boukay00:05:531911
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3Chant internationalRosalie DuboisLouise Michel00:02:031978
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4Le père la revolteMontehusMontehus00:03:051911
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5L'anarchisteGrisardInconnu00:02:131903
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6Les géantsCharles d'AvrayCharles d'Avray00:03:501958
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7Viens chez moiCharles d'AvrayCharles d'Avray00:01:311958
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8Les électeursE. BoyerGaston Coute00:04:031934
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9La grêve des mèresMontehusMontehus00:02:331911
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10Himno la esperoMarguerite SautreuilZamenhof00:02:381957
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11Non pas ça pas la guerreMartyR. Vilhianne00:02:551932
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12Soleil levantDelmasEugène Bizeau00:03:081934
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13A nous la libertéEmile RousseauRené Clair00:02:561934
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14Tout est f...uGilles & JulienJean Villard00:02:521932
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15Le jeu de massacreMarianne OswaldHenri-Georges Clouzot00:03:181934
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16Vingt ansGilles & JulienJean Villard00:03:101934
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17La paix, le pain, la libertéLouis ZuccaR. Goupil00:03:001936
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18La mauvaise réputationGeorges BrassensGeorges Brassens00:02:151952
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19Le déserteurMouloudjiB. Vian00:03:071954
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20Graine d'ananarLéo FerréLéo Ferré00:03:351955
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21Fabriquez-moi des loisBernard AscalBernard Ascal00:02:411991
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22Ni dieu, ni maîtreChristian PaccoudLéo Ferré00:02:091965
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23Anarchie ma blancheChristian PaccoudChristian Paccoud00:03:411990
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24Les anarchistesMarc OrgeretLéo Ferré00:03:181999
L'Esprit anarchiste FA5412
L’ESPRIT ANARCHISTE
De la commune à Mai 68
Chansons anarchistes et pacifistes
1820-1990
«?Du Triomphe de l’anarchie de Charles d’Avray à Ni Dieu ni maître de Léo Ferré, les chansonniers et auteurs de sensibilité anarchiste ont, à leur manière, illustré l’histoire sociale des 19e et 20e siècles.
Chants militants exprimant le plus souvent un refus viscéral de toute forme d’autorité, de l’État, de la guerre et des églises, ou chansons sociales, parfois teintées d’humour «?noir?», ce répertoire d’esprit libertaire s’avère une précieuse contribution pour la compréhension des mœurs et des mentalités de la famille de pensée anarchiste. Jean Buzelin et Christian Marcadet ont rassemblé sur ce sujet, passionnant mais méconnu, la plus vaste anthologie jamais présentée en France.?»
Patrick FRÉMEAUX
“From Charles d’Avray’s The Triumph of Anarchy through to Léo Ferré and his Neither God nor master, singers and composers with anarchist leanings have, each in his own way, illustrated the social history of the 19th and 20th centuries.
Militant songs expressing for the most part a deep-rooted antipathy to any form of authority, of government, of war and religions, or social songs occasionally tinged with black humour, this freedom repertoire provides a valuable contribution to the understanding of the way anarchists were thinking. Jean Buzelin and Christian Marcadet have put together an anthology, the largest ever collected in France, of this fascinating but little-known subject.”
Patrick FRÉMEAUX
LES CHANSONS D’ESPRIT ANARCHISTE
Par Christian Marcadet et Jean Buzelin
“L’anarchie est la formulation politique du désespoir. L’anarchie n’est pas un fait de solitaire?; le désespoir non plus…
Léo Férré
Une histoire tumultueuse
Retracer l’histoire des chansons de la mouvance anarchiste, entendue au sens large, c’est parcourir en même temps l’histoire de la philosophie, l’histoire politique et sociale des sociétés contemporaines, celle des mœurs et des mentalités qui leur servent de marqueurs idéologiques et, à l’occasion, la rubrique des faits divers parfois spectaculaires liés à l’actualité. De fait, à côté des positions majeures et de l’engagement politique singulier qui caractérisent les divers mouvements anarchistes (rejet de toute forme d’autorité et d’exploitation de l’homme par l’homme, refus de l’État et des instances sociétales, pacifisme, anti-cléricalisme, remise en cause de la propriété individuelle, internationalisme prolétarien...), l’histoire de ce courant de pensée, plus particulièrement actif en France entre 1880 et 1920, a été émaillée par une succession de drames et d’attentats sanglants qui ont plus marqué les esprits que changé la face du monde et des sociétés.
Difficile en effet de définir une référence commune qui rassemble tous les anarchistes hormis le rejet “organique” de toute forme d’autorité et d’atteinte à la liberté des individus. Par définition sans chef incontesté, le mouvement anarchiste n’aura jamais dépassé le stade d’une petite minorité agissante et rebelle évoluant dans le sillage du mouvement ouvrier. Ce qui nous amène à préciser que c’est avant tout sur le plan de l’idéologie et de la stratégie qu’il convient de caractériser les distinctions et, en conséquence, les oppositions entre la nébuleuse anarchiste et les branches majeures que sont les mouvements socialiste et communiste. En France, le nombre des militants apparentées aux diverses organisations n’a jamais dépassé quelques milliers de personnes, même si les courants anarchistes ont pu, à certaines périodes, exercer une influence réelle sur certaines couches de la société.
Parler de la chanson anarchiste nous amène aussi à parler de l’anarchie comme système de vie en société et des divers mouvements qui se réclament de ce courant de pensée. Dans la mesure où cette idéologie n’a jamais été fondée sur un corps de doctrine homogène, le mouvement qui se réclame de cette famille est à l’image du foisonnement des pensées rebelles et dissidentes dont il se réclame. Il embrasse ainsi les groupements anarchistes les plus organisés comme la Fédération anarchiste fondée en 1945 – qui avait succédé à l’Union Anarchiste de l’entre-deux guerres –, les fractions anarcho-syndicalistes du monde ouvrier telles la CNT-AIT (Confédération Nationale du Travail), les groupes libertaires plus informels adeptes de l’action directe qui ressurgissent à diverses époques, la nébuleuse anti-système et, désormais, certains courants écologistes antinucléaires et alter-mondialistes, les groupes féministes et homosexuels, lesbiens et trans les plus radicaux ainsi que d’autres associations apparentées comme les espérantistes, les naturistes ou le milieu anarcho-punk. Dès lors, il devient malaisé de réunir sous les mêmes mots d’ordre autant de conceptions différentes de l’anarchie et les efforts fédérateurs de collectifs comme ceux de l’hebdomadaire Le Monde Libertaire ou de Radio Libertaire s’avèrent bien impuissants. Rappelons toutefois que la lutte pour la suprématie idéologique et organisationnelle paralysera durablement le mouvement dès ses origines, au 19e siècle, jusqu’aux années 1950, quand la Fédération Anarchiste s’imposera alors comme la seule instance fédé-ratrice, à la condition de laisser à chaque groupe son entière liberté stratégique dans le respect des valeurs fondatrices. Pour autant, en référence à la “révolte vis-cérale” dont parle l’écrivain révolutionnaire et antico-lonialiste Daniel Guérin, il semble possible de parler d’une “nature” anarchiste réfractaire, dissidente, rétive à tout embrigadement et n’obéissant qu’à ses propres règles éthiques et sociales. Mais comment qualifier les tenants d’un anarchisme de droite, par essence individualiste, opposés à toute coercition, enfermés dans une posture intellectuelle farouchement hostile à la démocratie et au conformisme bourgeois ambiant tels Louis-Ferdinand Céline ?
Dans le domaine de la chanson d’expression, qui concerne plus directement cette anthologie, tout au long du développement des idées de la mouvance anarchiste, nous assistons sur maintenant près de deux siècles à quelques créations originales de valeur artistique ou poétique incontestable (Le Soleil rouge, Ouvrier prends la machine…, Le Triomphe de l’anarchie, Vingt ans (Gilles), Ni Dieu ni maître (Ferré)...) mais aussi à des pans entiers de répertoire qui ne font que reproduire au pied de lettre les grands thèmes anarchistes évoqués. Le sujet de la chanson anarchiste a d’ailleurs fait l’objet d’une thèse universitaire écrite par un historien, Gaetano Manfredonia, thèse publiée ensuite, en 1997, chez L’Harmattan : “La chanson anar-chiste en France des origines à 1914”. Dans ce travail, l’auteur montre que si la chanson d’esprit anarchiste véhicule bien des valeurs et une philosophie singulières les modes traditionnels de production et de diffusion de ces chansons, écrites à l’origine par des travailleurs et diffusées dans des lieux associatifs comme les goguettes, entrent à terme en conflit avec le monde du spectacle fondé sur la diffusion de masse et le vedettariat. Plusieurs des chansons présentes sur notre anthologie sont d’ailleurs citées et commentées dans cet ouvrage.
Il s’avère que les protagonistes de ce genre de chant militant, qui devient paradoxalement un genre à la mode, parmi d’autres, au tournant du 20e siècle, se trouvent vite pris dans une contradiction difficilement surmontable : s’agit-il de chanter pour les personnes déjà convaincues lors de réunions et de manifestations politiques dédiées à la cause et de se limiter alors à une audience restreinte ou de s’efforcer de populariser les valeurs propres à ce courant de pensée en rupture avec l’idéologie dominante, mais à condition de s’adapter aux règles et aux contraintes de la diffusion commerciale des industries culturelles ? Et, en dernière instance, est-il possible de faire carrière en exaltant les valeurs révolutionnaires et en chantant la misère sociale ? Une problématique récurrente à laquelle ont de tout temps été confrontés les artistes, auteurs et interprètes défenseurs des thèses du mouvement ouvrier, qu’ils soient socialistes, communistes ou anarchistes?; peut-on en effet gagner de l’argent et devenir vedette sans trahir son idéal ? Vaste sujet auquel ont tenté de répondre nombre d’artistes depuis le 19e siècle, depuis les Communards Jean-Baptiste Clément et Eugène Pottier, les poètes de la bohème montmartroise comme Aristide Bruant et Gaston Couté, les chanteurs de café-concert ou de goguettes Montéhus et Charles d’Avray, les grands artistes des années 30 que furent Gilles et Julien et Marianne Oswald, la prolifique génération des auteurs-compositeurs de l’après-guerre avec Léo Ferré, Mouloudji, Jean Ferrat et des interprètes les plus exigeants comme Yves Montand et Catherine Sauvage, jusqu’aux chanteurs contemporains Bernard Lavilliers, Renaud et Catherine Ribeiro pour ne citer que les plus connus.
L’ «?Être anarchiste?»
S’il fallait caractériser un anarchiste aujourd’hui, nous dirions qu’il s’agit d’un individu qui vit dans une société organisée (travail, vie de couple, loisirs…), dans laquelle il ne se reconnaît pas et dont il s’efforce de combattre les valeurs par tous les moyens. Avec ses compagnons, l’anarchiste affiche un état d’esprit libertaire anti-grégaire et participe volontiers à la vie des associations, qu’elles soient de nature politique, syndicale, culturelle ou de lutte sectorisée. Au niveau comportemental, il revendique un mode de vie anti-conformiste sinon contre-culturel et il a recours à des signes identitaires, telle sa prédilection pour la couleur noire, évocation symbolique du drapeau anarchiste.
Le cycle infernal des attentats et de la répression
Tout au long de son histoire, la ligne directrice des courants de pensée anarchistes oscillera entre système social autogestionnaire et individualisme libertaire. La vision moderne de l’anarchisme apparaît avec les écrits des premiers penseurs au lendemain de la Révolution Française. Les précurseurs les plus notoires sont le théoricien issu du mouvement socialiste naissant, Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), hostile à toute forme d’action révolutionnaire et favorable à une société émancipée fondée sur la libre association des travailleurs organisés en coopératives, et le philosophe tenant de l’anarchisme individualiste, Max Stirner (1806-1856), qui se dresse contre toutes les formes de soumission et prône la haine de l’état, selon lui invariablement totalitaire. Si le courant initial dominant reste lié au mouvement socialiste, d’autres tendances se feront jour avec entre autres celle liée au refus de l’autorité politique dite de l’anarcho-syndicalisme. Autre figure emblématique, Mikhaïl Bakounine (1814-1876) impulsera une vision autogestionnaire fondée sur le collectivisme, l’activisme révolutionnaire des dominés et l’auto-émancipation des individus. D’autres tendances apparaîtront ultérieurement telles celles des courants proto-écologistes et anti-industriels récurrents ou celles des égalitaristes chrétiens privi-légiant une “révolution personnelle”, auxquelles les prédisposaient sans doute la dimension utopique du projet anarchiste.
Au niveau international, à la fin du 19e siècle, les anarchistes commencent à faire parler d’eux à travers leurs écrits, les rencontres qu’ils organisent et surtout au moyen des premiers attentats qu’ils revendiquent contre la société. C’est dans la Russie impériale que le phénomène apparaît avec notamment l’assassinat du tsar Alexandre II par de jeunes anarchistes en mars 1881. D’autres attaques contre le pouvoir tsariste seront ensuite menées par le mouvement Narodnaya Volya (La Volonté du peuple), l’un des “modèles” du terrorisme cosmopolite.
C’est cependant la vague d’attentats anarchistes successifs perpétrés en France qui défraye la chronique entre 1890 et 1912 :
- entre 1890 et mars 1892 : série de méfaits et d’attentats criminels commis par Ravachol (François Claudius Koënigstein, 1859-1892), qui finira guillotiné à Montbrison à l’âge de 33 ans?;
- le 8 novembre 1892 : attentat de la rue des Bons-Enfants commis par Émile Henry (1872-1894), qui sera guillotiné à 21 ans, à la suite d’un nouvel attentat à la bombe dans un café parisien?;
- le 9 décembre 1893 : autre attentat spectaculaire d’Auguste Vaillant (1861-1894), qui lance une bombe dans la Chambre des Députés et qui sera à son tour guillotiné à 33 ans?;
- le 24 juin 1894 : assassinat du Président de la République Sadi Carnot par un jeune anarchiste italien.
Autant d’attentats meurtriers revendiqués en tant que tels, qui, avec la décapitation de leurs protagonistes, fondent le martyrologue du mouvement. À la suite de ces événements, la Chambre des Députés vote les textes législatifs dits des “Lois scélérates”, qui interdisent toute forme de propagande des idées anarchistes ou visant à déstabiliser le pouvoir et qui permettent de poursuivre y compris par la délation tous les groupes soupçonnés de fomenter des attentats. Promulguées sous la IIIe République, en 1893 et 1894, ces lois, qui seront à l’occasion utilisés par les gouvernements conservateurs dans le but de neutraliser leurs adversaires politiques, ne seront abrogées qu’en décembre 1992.
Dans les années 1910, les aventures pittoresques mais aussi criminelles de la bande à Bonnot relancent l’intérêt pour le grand banditisme lié aux groupes anarchistes au point que les nouveaux événements, couverts par la presse à sensation, feront la “une” de l’actualité pendant plusieurs mois. Ainsi, entre la fin 1910 et mai 1912, Jules Bonnot (1876-1912) et ses principaux acolytes Octave Garnier (1889-1912) et Raymond Callemin dit “Raymond-la-science” (1890-1913), qui se revendiquent ouvertement comme des illégalistes, réalisent une série de braquages crapuleux et de casses spectaculaires inédits dans lesquels pour la première fois l’automobile était devenue un moyen au service du banditisme. Ce nouvel avatar dans la série des attentats d’inspiration anarchiste captive l’opinion publique au point qu’une foule de badauds se presse au printemps 1912 pour assister à l’encerclement et à l’assaut, par les forces conjuguées de la police et de l’armée, des bandits reclus successivement dans un petit pavillon de Choisy-le-Roi, puis, pour les survivants, dans une autre maison de Nogent-sur-Marne.
Cette fois-ci les principaux acolytes sont bien issus des milieux anarchistes, entendus au sens large, et ils obtien-nent la couverture de plusieurs intellectuels proches du mouvement comme Victor Serge (1890-1947), anarchiste-individualiste alors responsable du journal L’Anarchie fondé par Albert Libertad (1875-1908). À titre d’illus-tration du climat social de l’époque, mentionnons ces quelques mots griffonnés sur un papier retrouvé dans les poches de Garnier, au moment où il est abattu à Nogent-sur-Marne, en mai 1912 :
“Réfléchissons. Nos femmes et nos enfants s’entassent dans des galetas, tandis que des milliers de villas restent vides. Nous bâtissons les palais et nous vivons dans des chaumières. Ouvrier, développe ta vie, ton intelligence et ta force. Tu es un mouton : les sergots sont des chiens et les bourgeois sont des bergers. Notre sang paie le luxe des riches. Notre ennemi, c’est notre maître. Vive l’anarchie.”
Enfin, point d’orgue de ce cycle infernal de la violence-répression-vengeance, le 28 juin 1914, à Sarajevo, l’attentat contre l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche met fin à cette série sanglante et précipite l’Europe dans la Première Guerre mondiale pour une confrontation générale autrement plus meurtrière.
Au cours des années 30, en France, la politique est exacerbée par la situation de guerre civile larvée qui oppose les courants réactionnaires et révolutionnaires et qui culmine avec les journées de février 1934 et la victoire du Front Populaire en mai 1936. Passées les séquences de l’Occupation, de la Libération et de l’après-guerre au cours desquelles le mouvement ouvrier et les couches populaires sont confrontés à des préoccupations plus immédiates, le prochain épisode marquant, qui voit ressurgir les théories anarchistes de la propagande par le fait, se déroule pendant et après le mouvement social et politique de Mai 68, au cours desquels des groupes et groupuscules plus ou moins politisés s’affrontent, se coalisent et se restructurent en permanence. Le mouvement anarchiste est alors au plus bas, regroupant toutes tendances confondues quelques centaines d’individus, mais il va rebondir sur les événements tout en devant composer sur le plan idéologique avec de nouvelles générations plus intéressées par la transformation des mœurs et des mentalités que par un corps de doctrine, aussi libertaire soit-il. Les groupes les plus “activistes” de la période, Situationnistes, Enragés, Autonomes... disputent le pavé à l’UNEF, à la CGT et au Parti Communiste. Parfois, le temps d’une manif, drapeaux noirs et drapeaux rouges fraternisent.
La période se montre fertile en slogans révolutionnaires (il est interdit d’interdire / L’imagination prend le pouvoir / Sous les pavés la plage / On ne revendiquera rien. On ne demandera rien. On prendra. On occupera...) et en affiches à la tonalité libertaire créées à l’initiative d’étudiants des Beaux-Arts en rupture de ban. Le théâtre engagé est aussi au rendez-vous (troupe du Comité d’Action du Théâtre de l’Épée de Bois, spectacle “Je ne veux pas mourir idiot” de Claude Confortès et Georges Wolinski...). Mais le domaine de la chanson n’est pas en reste et les créations originales (À bas l’État policier, Grève illimitée, Ah ! le joli mois de Mai à Paris...) et chansons détournées (Versaillais, Des canons, Chanson du Conseil pour le Maintien des Occupations...), toutes d’inspiration anarchisante, fleurissent lors des manifestations. À côté des artistes engagés confirmés que sont Léo Ferré, Colette Magny, Leny Escudero, Maurice Fanon, Hélène Martin ou Bernard Lavilliers, de nouveaux chanteurs s’illustrent alors comme Dominique Grange, Évariste, Les Barricadiers, Vania Adrien Sens, Kirjuhel...
C’est dans la continuité de l’effervescence déclenchée par Mai 68 que les activités anarchistes illégalistes redeviennent d’actualité. Deux grandes tendances occupent cet espace : le groupe Action directe, qui se revendique autant d’une idéologie communiste que libertaire et qui sévira entre 1979 et 1987, et les groupuscules dits “autonomes”, qui eux se font remarquer à la fin des manifestations syndicales et politiques par des actes de vandalisme et des combats de rue avec les forces de l’ordre. Si ces derniers sont en quelque sorte, en plus virulents, le pendant français des fauteurs de trouble que furent les Provos néerlandais, Action Directe s’apparente lui à des mouvements plus radicaux comme les Brigades Rouges italiennes et la Fraction Armée Rouge allemande. À leur manière, ils reprennent les actions violentes de la bande à Bonnot contre la société (assassinats, mitraillages, braquages, vols, séquestrations de dirigeants, occupations illégales...), ses instances et ses représentants emblématiques (ministres de la République, militaires et policiers gradés, patrons d’industrie...). Les membres d’Action Directe seront finalement arrêtés et condamnés après une traque policière de plusieurs années.
Il peut sembler surprenant que des individus organisés en bande, se réclamant des idéaux anarchistes, se soient engagés, à diverses époques, dans une spirale infernale de ce type, faisant l’apologie et perpétrant des actions illégales éventuellement terroristes, et qu’ils aient pu, semble-t-il, considérer leur combat contre la société comme une lutte sociale ? À l’origine, l’anarchie ne préconise pas le recours à la violence et à l’action directe comme moyen de trans-formation des idées et des sociétés. Sans doute l’incapacité à faire progresser leurs idées et leurs valeurs en-dehors du système démocratique et surtout de peser efficacement sur le mouvement ouvrier dont ils sont majoritairement issus, a-t-elle pu influer sur le choix d’une forme d’action directe et radicaliser définitivement la stratégie de certains éléments. Le fait que la mythologie du mouvement – et nombre de chansons – en réfère à des figures aussi controversées que Cartouche, Ravachol, Bonnot ou Jean-Marc Rouillan, montre bien que le lien épisodiquement noué entre anarchie et banditisme n’a jamais été définitivement tranché. Certains intellectuels, sympathisant pour le mouvement, ont même été jusqu’à intégrer ces actions illégales dans leur théorisation de l’anarchie.
“(…) Pour travailler au grand chambardement,
Vers quoi se tourner ? Que faire et comment ?
Faut-il moisir dans l’individualisme
Ou se dévouer pour le syndicalisme ?
(…) Caltez ! mes boulots !
Ou craignez les pruneaux
De la bande à Bonnot !”
Libres ! Toujours… (Paul Paillette, 1913)
“Camarade qui veut lutter autour du drapeau noir,
Drapeau de la liberté, drapeau de l’espoir,
Rejoins le combat du groupe Ravachol
Et n’oublie surtout pas qu’ la propriété, c’est l’ vol !
Il s’app’lait Ravachol, c’était un anarchiste
Qu’avait des idées pas si folles, des idées terroristes…”
Ravachol (Renaud Séchan, 1974)
Sur cette thématique des “anars voyous”, ennemis jurés de la société, nous connaissons aussi quelques représentations apparentées dans la culture populaire telles celle du gentleman cambrioleur Arsène Lupin, dont les aventures sont publiées dès 1907, et qui est dépeint sous des dehors astucieux et charmeur par son auteur, Maurice Leblanc. Comment ne pas y voir un de ces aristocrates déchus de la tendance anarchiste individualiste ? Mais les personnages de fiction qui collent le mieux à cet univers de la récrimination sociale et de la filouterie sont ceux de la bande dessinée à succès des Pieds Nickelés (Ribouldingue, Croquignol et Filochard), dont le scénario initial sera imaginé et dessiné par Louis Forton, pionnier français de la BD. Leur première apparition dans le journal “pour la famille” L’Épatant, datée du jeudi 4 juin 1908, les montre sortis fraîchement de prison et scellant dans un bistro leur association de malfaiteurs en vue de réaliser une série d’“ex-ploits” rocambolesques qui illustrent parfaitement la tendance anarchiste d’action directe. Le texte imprimé figurant sous la toute première case ne laisse aucun doute à ce sujet :
“(...) le turbin auquel Croquignol faisait allusion consistait en filouteries, vols, cambriolages et autres expéditions de ce genre…”
Typologie sociale des anarchistes
La question de l’appartenance sociale des anarchistes reste posée. Les analyses de Jean Maitron, l’historien spécialiste du mouvement ouvrier, montrent que les militants anarchistes “communistes”, ceux qui sont organisés dans les syndicats et associations militantes et qui assument souvent des responsabilités, se recrutent très majoritairement parmi les travailleurs et sont pour la plupart des ouvriers qualifiés. Globalement, ils appartiennent à des milieux professionnels et à des couches sociales particulières comme les artisans “du Faubourg” ou sont ouvriers serruriers ou mécaniciens, et plus souvent, par la suite, appartiennent aux métiers de l’imprimerie. Mais, à l’instar des évolutions constatées dans les autres partis de gauche, les anarchistes comptent de plus en plus de cadres moyens dans leurs rangs. En outre, en accord avec l’évolution de la société, la part des femmes y prend de l’ampleur au fur et à mesure?; ce qui est un juste retour des choses pour un mouvement qui a toujours été sensible aux thèmes féministes.
En revanche, ceux que les historiens qualifient d’anarchistes individualistes, dont l’influence culmine en 1900 avant de décliner, relèvent d’un profil très différent. Selon Maitron, ceux-ci seraient souvent “en-marge, voire des en-dehors de la société. Inadaptés, ils sont souvent insoumis, déserteurs, sans domicile fixe, fréquemment condamnés...”?; soit une position d’exclus plus que de déclassés.
Il est assez symptomatique de remarquer que, à de rares exceptions comme le militant-chanteur étatsunien Joe Hill, lié aux wobblies de la l’IWW (International Workers of the World), et le mouvement anarcho-communiste F.O.R.A. en Argentine, la mouvance anarchiste est essentiellement localisée dans le sud de l’Europe. L’Italie, l’Espagne – surtout en Catalogne pendant la guerre civile 1936-1939 – et la France. Ces pays constituent de fait le champ d’action privilégié des milieux anarchistes et leurs faits d’armes principaux y ont toujours trouvé un terrain favorable à travers l’anarcho-syndicalisme mais aussi avec le relatif assentiment de secteurs en partie en marge de la société comme certains milieux artistes ou petits-bourgeois en rupture de ban et même, plus rarement, quelques aristocrates sur le déclin assoiffés de revanche. Ce n’est d’ailleurs pas le hasard si les répertoires chansonniers des anarchistes de ces pays sont les plus copieux et les plus combatifs.
Des thèmes communs au mouvement ouvrier et d’autres plus spécifiques
De tout temps, la chanson est apparue comme un moyen efficace de véhiculer des idées et de cimenter l’unité d’une famille de pensée. Le mouvement anarchiste s’est lui aussi prêté de bon gré à cette pratique, mais le répertoire qui en résulte épouse logiquement les variantes et les méandres idéologiques qui lui sont particuliers. Pour ces raisons, le corpus observé réunit tout à fois pacifisme et apologie de la violence insurrectionnelle, théorisation du travail organisé sous la forme de l’autogestion et éloge de la paresse comme procédé subversif, esprit de fraternité et anticléricalisme primaire...
Quelles sont donc les grandes lignes qui caractérisent ce répertoire chansonnier anarchiste destiné à cimenter une identité libertaire commune, transcendant les clivages idéologiques internes ? Constatons en premier lieu que, même si les milieux anarchistes font parfois preuve d’un anti-communisme sommaire, de grands pans des valeurs professées sont communs aux mouvements socialistes, communiste et anarchiste, essentiellement sur les thèmes de la révolution et de la lutte des classes.
Nous pouvons ainsi dresser une liste de thèmes communs à l’ensemble du mouvement ouvrier : solidarité de tous les travailleurs, rejet total de l’exploitation, thème récurrent de la grève générale comme moyen de mettre à bas le capital et d’établir un nouvel ordre social, conjugué à l’origine avec l’idée de la lutte finale pour le “grand soir”, reven-dication de l’égalité hommes/femmes au travail et dans la société, rejet du néo-colonialisme, internationalisme prolé-tarien, pacifisme voire antimilitarisme, abolition de la peine de mort, plaidoyer pour un certain moralisme – y compris libertaire (!) – contre l’alcool et le tabac considérés comme fléaux du monde ouvrier...
“(…) L’anarchie aujourd’hui doit éclairer le monde,
Au feu de la révolte allume son flambeau !
Qu’elle règne partout sur la machine ronde,
Dans le sang des tyrans colore son drapeau.”
La Diane du prolétaire (Léon Pélissard/Daniel Denécheau, 190?-2004)
“(…) Français, Anglais, Belge, Russe ou Germain,
Peuples, formez une sainte alliance,
Et donnez-vous la main.”
La Sainte Alliance des peuples (Béranger / air : Le Dieu des braves gens, 1818)
“L’usine, je ne veux pas y travailler,
L’usine, je ne veux pas y retourner…”
L’Usine (Fred Liner, 2004 / parodie du célèbre Lucille de Little Richard)
Mais à côté de ces grands préceptes, d’autres thèmes s’avèrent plus spécifiquement anarchistes, dans la forme et dans le fond, notamment ceux qui concernent les questions d’ordre collectif : refus global de l’ordre établi, opposition farouche au vote républicain et à la démocratie formelle (le slogan “Élections pièges à cons” en est l’illustration la plus probante), rejet viscéral de l’armée sous toutes ses formes allant jusqu’à l’insoumission, mais aussi de la justice et de la police qui sont autant de manifestations de l’ordre bourgeois, une certaine permissivité vis-à-vis du banditisme et de la drogue, solidarité avec les emprisonnés et réprouvés de tous bords, exaltation des martyrs morts pour la cause (Ravachol, Louise Michel, Bonnot...), qu’il s’agisse de militants exemplaires ou de hors-la-loi jusqu’auboutistes vivant plus de crimes crapuleux que d’une activité légale, anticléricalisme voire haine de la religion et des ses représentants, projet pour une éducation libertaire en-dehors du système, prosélytisme en faveur de la langue esperanto comme trait d’union entre les peuples, malthusianisme...
“Église, parlement,
Magistrature, État, militarisme,
Patrons et gouvernants,
Débarrassons-nous du capitalisme.
(…) Donnons l’assaut au monde autoritaire
Et d’un cœur fraternel,
Nous réaliserons l’idéal libertaire…”
La Révolte (Sébastien Faure, 1886)
“Puisque l’ gouvernement t’emmerde,
Dans l’espoir faut pas qu’ ton temps s’ perde,
Dès maintenant, faut l’ chambarder
Après tu n’ s’ras plus emmerdé…”
L’Insurrectionnelle (Charles d’Avray, s.d.)
“(…) Brûlez, repaires de curés,
Nids de marchands, de policiers !
Au vent qui sème la tempête
Se récoltent les jours de fête.”
La Vie s’écoule (la vie s’enfuit) (Raoul Vanneigem/Francis Lemonnier, 1974)
“(…) Ce cri qui n’a pas la rosette
Cette parole de prophète
Je la revendique et vous souhaite
Ni Dieu ni maître.”
Ni Dieu ni maître (Léo Ferré, 1965)
Enfin d’autres considérations d’ordre individuel, qui relèvent plus des mœurs et des mentalités, servent de marqueurs au monde des anarchistes : posture anti-conformiste affichée avec superbe, défiance vis-à-vis de la morale “bourgeoise”, revendication de pratiques sexuelles libérées telles l’union libre, le féminisme radical et l’homosexualité militante, sensibilité marquée pour tous les mouvements en marge de la société ou qui s’opposent radicalement aux valeurs dominantes (exclus, sans papiers, squatters, punks, “taulards”, rebelles et “zonards” de toutes sortes...), et thèmes connexes tels que le naturisme, les médecines parallèles et le végétarisme…
“Je suis Cupidon, l’anarchiste !
(…) N’agissant jamais qu’à ma guise
Partout je fais l’égalité?;
Le cocher baise la marquise
Au nez du blason révolté…”
Le Compagnon Cupidon (Paul Paillette, 1888)
“La liberté, c’est toute l’existence,
Mais les humains ont créé les prisons,
Le règlements, les lois, les convenances,
Les ateliers, les bureaux, les maisons.
(…) Mon vieux copain, la vie est belle…“
À nous la liberté (René Clair/Georges Auric, 1931)
“Un jour, toutes nos chansons
Ouais vous désarmeront
Il n’y aura plus que la folie
La joie et l’anarchie.“
Rue de Paname (Les Ogres de Barback, 1998)
Un répertoire consacré par l’usage
Une constante mérite d’être relevée, c’est celle selon laquelle bon nombre de chansons des milieux anarchistes restent encore à ce jour attribuées à des auteurs anonymes, voire collectifs. S’afficher sur scène avec des textes qui discréditent toutes les formes d’autorité et de pouvoir et qui de surcroît se montrent complaisants avec l’usage de la violence, est alors, après le vote des “Lois scélérates”, un moyen assuré de figurer au nombre des suspects.
Des auteurs changent ostensiblement de nom, d’autres modifient à la marge les paroles des chansons ou se refusent à signer leurs brûlots incendiaires. Concrètement, certains auteurs sont aujourd’hui méconnus parce que leurs chansons, écrites dans le feu de l’action, n’avaient d’autre visée que de galvaniser les adeptes du mouvement le temps d’une action immédiate. Dès lors, n’ayant pas vocation à être diffusées commercialement, en petits formats ou au disque, les titres tombaient bientôt dans l’oubli, au risque de devenir l’objet de multiples variantes.
“Si tu veux être heureux
Nom de dieu
Pends ton propriétaire
Coupe les curés en deux
Nom de dieu...”
Le Père Duchesne (anonyme, variante iconoclaste, 1878)
Nous retrouvons d’ailleurs trace de cette pratique de la chanson militante d’auteur collectif ou anonyme dans le répertoire chansonnier révolutionnaire du mouvement de Mai 68 et des années qui suivent, avec la sortie de disques révolutionnaires d’auteurs souvent anonymes – ou connus des années plus tard – diffusées dans des circuits parallèles, qu’il s’agisse de chansons d’esprit anarchiste ou d’œuvres plutôt diffusées dans les cercles révolutionnaires maoïstes ou trotskistes :
“Copain, pense à la vengeance,
Quand nous serons les plus forts,
Nous détruirons cette engeance,
Aux pieds de ses coffres-forts…”
Premier Mai (anonyme, 1968)
L’autre caractéristique notoire de ce genre d’œuvres engagées au service d’une cause politique, est celle du recours à la parodie avec des chansons sociales alliant les allusions menaçantes et l’ironie provocatrice. En effet, une part du répertoire est composé de chansons qui reprennent un air à la mode ou déjà utilisé par des chansons du mouvement ouvrier. On ne compte plus les variantes, parodies et détournements de La Marseillaise, Le Temps des cerises ou La Carmagnole.
“Pour s’affranchir, les seuls moyens, (bis)
C’est de faire sauter les vauriens, (bis)
Dynamite et pétrole
Pour le vautour qui vole...”
La Carmagnole sociale (anonyme, 1886)
Dans le même esprit, si l’apologie de la violence et du recours à la dynamite comme solution aux questions sociales et économiques a toujours été en débat au sein du mouvement et si certains auteurs (Constant Marie, Martenot, mais aussi anonymes) soutiennent avec ravissement les insurrections et la pose de bombes “épuratrices”, des responsables du mouvement et non des moindres – Malatesta et Kropotkine notamment – contestent cette conception, redoutant que cette mise en scène de la violence ne renforce le climat répressif et liberticide des régimes censément démocratiques.
“J’ai des pavés et de la poudre,
De la dynamite à foison
Qui rivalisent avec la foudre
Pour débarbouiller l’horizon…”
Le Père Lapurge (Constant Marie, 1905)
Ces réserves faites, nous pouvons supposer qu’en diverses occasions des chansonniers de sensibilité anarchiste purent se produire en petit comité et interpréter des titres virulents et provocateurs destinés à des compagnons déjà convaincus du bien fondé, à leurs yeux, du contenu explicite et implicite des œuvres. D’où l’idée de chansons “excessives” avancée par Manfredonia, afin de qualifier un type de chanson qui a recours à des tournures sciemment argotiques et qui caricature ou ridiculise à l’excès les ennemis jurés de la classe ouvrière (État, patronat, églises...).
“J’ai soupé d’ leur politique?;
Les politiciens
Nous font une république
Bonn’ à foutr’ aux chiens.
Peuple, n’ sois donc plus si flemme,
Au lieu d’ètr’ votard,
Faut fair’ tes affair’s toi-même :
Te dit l’ pèr’ Peinard...”
Le Père Peinard au populo (paroles et musique de François Brunel, 1889)
Des goguettes au music-hall : la grande mutation de la chanson sociale
Jusqu’à la fin du 19e siècle, les compagnons militants qui chantaient leur répertoire engagé s’exprimaient au cours de réunions politiques, commémorations sociales ou lors des manifestations de rue, mais aussi dans les fêtes familiales ou de voisinage et à l’occasion dans les goguettes encore en activité et les cabarets littéraires qui cultivaient volontiers l’anti-conformiste et l’esprit de révolte. Plus que la surveillance policière – bien réelle pour autant –, ce qui va transformer en profondeur les conditions de production et de diffusion des répertoires des chansonniers anarchistes, c’est le glissement irréversible des milieux de la chanson vers la professionnalisation du monde du spectacle, sous les effets conjugués du développement de l’édition musicale, de la concentration des lieux de diffusion, et des procédés de reproduction mécanique (phonogrammes sur cylindres ou sur disques). Les milieux anarchistes eux-mêmes suivent ou subissent cette évolution?; en une vingtaine d’années, entre 1880 et 1900, on est ainsi passé de la participation active à des activités culturelles et/ou militantes à la présence passive à des spectacles et des galas de soutien à la cause.
“(...) Les citoyens, dans un élan sublime,
Étaient venus guidés par la raison
A la porte, on donnait vingt-cinq centimes
Pour soutenir les grèves de Vierzon...”
Le Grand Métingue du Métropolitain (Maurice Mac Nab/Camille Baron, 1887)
Avec le passage au café-concert et bientôt au music-hall, c’en est bien fini des ouvriers et compagnons chanteurs improvisés au service de la cause, ce sont désormais des artistes professionnels, qui vivent de leur métier et qui cherchent d’abord à plaire à leur public plus qu’à sensibiliser ou à revendiquer. Autour des années 1900, à côté des genres stéréotypés que sont le gambilleur (Paulus...), la diseuse (Anna Judic, Yvette Guilbert...), le comique troupier (Polin, Ouvrard père, Dufleuve...), les chanteurs de romances (Marius Richard, Paulette Darty, Dickson...) ou les fantaisistes (Dranem et le jeune Maurice Chevalier à ses débuts...), le monde du spectacle connaît alors un certain engouement populaire pour la chanson sociale et nombreux sont les artistes et auteurs de café-concert (Aristide Bruant, Jules Jouy, Maurice Boukay...) qui inscrivent des titres sociaux ou de protestation à leur tour de chant. Si les paroles de ces derniers (respectivement Pus d’ patrons, Fille d’ouvriers, Le Soleil rouge...) font le plus souvent preuve d’inspiration ou recourent opportunément à l’ironie, les chansons de ce répertoire sont pour la plupart chantées sur le mode mélodramatique sinon pleurnichard.
Les chansons de ce florilège
Devant la difficulté de réunir ici toutes les chansons emblématiques du courant anarchiste, du fait que de nombreuses ne furent jamais enregistrées ou seulement dans des versions plus récentes – d’esprit différent et non exemptes de droits d’auteurs et d’autorisations –, nous avons choisi de regrouper les plus significatives qui étaient disponibles dans des versions d’époque, en leur adjoignant quelques recréations ultérieures plus récentes afin d’offrir à l’auditeur une vision d’ensemble représentative.
Les lecteurs (et auditeurs) l’auront remarqué : cette anthologie ne se limite pas aux seuls titres qui auraient reçu l’aval d’une quelconque des organisations anarchistes – ce qui aurait d’ailleurs constitué un fâcheux contresens –, nous avons décidé en effet d’y inclure certaines chansons qui de près ou de loin s’inscrivent dans cet état d’esprit et viennent ainsi apporter un regard plus ample sur le mouvement à travers les représentations qui sont données de lui, à un moment ou l’autre de son histoire. Il en est ainsi de la satire sociale et esthétique fin de siècle écrite par Alfred Jarry (La Chanson du décervelage), du sketch fantaisiste dépourvu de toute prétention sociologique ou philosophique dénommé Meeting anarchiste, de la pochade aigre-douce de Henri-Georges Clouzot et Gilles (Le Jeu de massacre) ou encore de notre idée de glisser dans cet ensemble de chansons d’expression française un titre en espéranto (La espero), qui symbolise ainsi l’orientation internationaliste et pacifiste du mouvement.
“(...) Sur la base d’une langue neutre,
Se comprenant les uns les autres,
Les peuples feront en parfait accord
Un grand cercle de famille...”
La Espero (adaptation en Français du poème de Ludwik Lejzer Zamenhof/Félicien Menu de Ménil, 1909)
Hormis les volumes XVIII (“La IIIe République, Les reven-dications sociales avant 1914”), et XIX (“La IIIe République, Au temps de Monsieur Grévy”), de la très approfondie collection de l’”Histoire de France par les chansons”, dirigée par Pierre Barbier et France Vernillat, éditée alors sur des 33 tours de 17 cm, et le non moins intéressant 30 cm de “Chansons anarchistes” des 4 Barbus, rare anthologie du genre, paradoxalement publiée en 1970 par la petite firme discographique SERP, dont le directeur était alors Jean-Marie Le Pen – à côté d’autres albums faisant ouvertement l’apologie du fascisme et des régimes dictatoriaux –, la réédition des répertoires de chansons de tendance anarchiste semble avoir été négligée en France. Certains titres sont régulièrement repris dans des albums contemporains consacrés aux chansons de révolte ou plus spécifiquement dédiés à des auteurs libertaires comme Eugène Pottier, Gaston Couté ou Jules Jouy.
Dans la mesure où elles partagent nombre de valeurs et de références communes comme le refus de l’exploitation capitaliste, l’internationalisme prolétarien, le pacifisme et le modèle exemplaire de la Commune de Paris, les chansons de ce corpus anarchiste se trouvent en effet souvent insérées dans des anthologies dédiées au socialisme ou au mouvement ouvrier. Il convient d’ailleurs de rappeler ici que, sur les 40 titres qui figurent sur les deux fascicules “Chantons l’Anarchie, Recueil de chants illustrant des périodes historiques ou saluant des luttes sociales ou des actes de liberté ou d’indépendance”, édités dans les années 1990 par un groupe proche de la Fédération Anarchiste, un bon tiers de ces chants sont plus imprégnés d’idéologie communiste (L’Internationale, Le Chant des ouvriers, Le Temps des cerises, Potemkine...), que de valeurs proprement anarchistes.
Pour réaliser cette sélection, il nous a fallu tenir compte aussi de la qualité technique des documents et écarter à regret quelques titres enregistrés dans de mauvaises conditions au tout début du 20e siècle ou en trop mauvais état de conservation, sans parler de la rareté de certains d’entre eux. D’autre part, afin de faire de ce florilège une anthologie la plus représentative possible, il convenait d’y inclure un certain nombre de titres qui n’ont, semble-t-il, jamais été enregistrés commercialement (tel Le Père Peinard au populo) ou qui le furent dans des versions postérieures à Mai 68 et qui sont encore protégées par les droits d’auteur et les autorisations d’usage (Le Triomphe de l’anarchie, Le Père Duchesne...). Saluons ici le travail de Jean Weber, interprète éclectique, spécialiste à la fois des chants scouts et des répertoires variés des 4 Barbus. Quant à lui, Christian Paccoud a repris le symbolique Ni Dieu ni maître de Léo Ferré, qu’il nous était impossible de faire figurer ici par son auteur, tandis que la version choisie pour l’autre titre évocateur de Ferré, Les Anarchistes, est celle de Marc Ogeret.
Convivialité anarchiste
Les Galas annuels du Monde Libertaire, souvent programmés par Suzanne Chevet, la compagne de Maurice Joyeux, un des responsables de la Fédération Anarchiste, ont été pendant de longues années l’occasion pour les anarchistes de se rassembler dans une ambiance festive. Cependant, tout comme à la Fête de l’Huma pour les artistes dans la mouvance du Parti Communiste, de nombreux artistes sont venus s’y produire sans pour autant être membre de l’organisation ni en partager les valeurs. Ainsi, à côté des vedettes maison comme Léo Ferré, dès 1949, ou Georges Brassens, au début de sa carrière quand il écrivait alors dans le Monde Libertaire sous divers pseudonymes comme Géo Cedille et Gilles Colin, de grands noms de la chanson participèrent plus ou moins régulièrement à ces galas comme Jean-Roger Caussimon, Les 4 Barbus, Les Garçons de la Rue, Monique Morelli, Jacques Brel, Simone Bartel, Barbara, Jean Yanne, Marc Ogeret, Francesca Solleville, Georges Moustaki, Jean-Marc Tennberg, Hélène Martin, Henri Gougaud, Graeme Allwright, Jehan Jonas, Jacques Debronckart, Marie-Paule Belle et, plus occasionnellement, Boby Lapointe et Claude Nougaro.
Bon nombre de ces chanteurs participeront encore à des soirées de soutien consacrés à autant de causes libertaires?: galas pacifistes, antiparlementaires, pour l’abolition de la peine de mort, anti-nucléaires, meetings de soutien à des grévistes et à des militants emprisonnés, rencontres féministes ou pour la défense des droits des homosexuels, spectacles plus directement dédiés à la cause libertaire... partageant ainsi l’estrade avec les orateurs habituels du mouvement tels Jean Grave (1854-1939), Victor Margueritte (1866-1942), Han Ryner (1861-1938), Maurice Joyeux (1910-1991), Louis Lecoin (1899-1971), Maurice Laisant (1909-1991), Serge Livrozet (né en 1939), ancien détenu devenu théoricien du milieu carcéral, et autres collaborateurs du Monde Libertaire.
Nombreux seront aussi les artistes plasticiens qui sympathiseront avec le mouvement, à commencer par le peintre Gustave Courbet (1819-1877) et les dessinateurs Gustave-Henri Jossot (1866-1951), Jules Grandjouan (1875-1968) et Aristide Delannoy (1874-1911), jusqu’à Reiser, Cabu, Vuillemin, Siné, et plus spécialement Tardi impliqué de longue date dans les causes pacifistes et anticarcérales...
Au nombre des occasions de rassembler les amateurs de chansons d’esprit anarchiste, citons la programmation réalisée de 1986 à 1992, sous la direction artistique de Hervé Trinquier, au Théâtre Libertaire (Déjazet), boulevard du Temple à Paris. Lui ont succédé un temps les galas du Trianon, à Montmartre, puis les spectacles donnés au Forum Léo Ferré, petit lieu (presque) parisien autogéré, à la fibre libertaire et à la programmation éclectique. Signalons aussi le rôle non négligeable de Radio Libertaire (89.4) dans la diffusion de la chanson d’auteur, passée et actuelle, accordant la primauté au sens, à rebours de la bande FM. Cette radio, fondée en 1981, qui jouit d’une certaine audience, est encore à ce jour animée par des bénévoles et diffuse chaque semaine plusieurs émissions dédiées aux chansons d’expression française comme “Ça urge au bout de la scène” ou “Deux sous de scène” et aux autres répertoires musicaux peu soutenus par le showbiz.
A signaler encore, parmi d’autres sources d’information dédiées à la chanson d’esprit anarchiste, quelques sites Internet comme celui dénommé “AnarSonore” (http://anarsonore.free.fr/) largement ouvert à la propagande de la CNT-AIT et aux thèmes libertaires de tout ordre, mais qui contient une rubrique Chansons, dans laquelle figurent nombre de titres représentatifs anciens et actuels télé-chargeables, et le site du “CIRA” (Centre International de Recherches sur l’Anarchisme) (http://www.cira.ch/), fondé en 1957 et curieusement établi à Lausanne, dont la bibliothèque recueille et met à disposition tous types de documents sur le mouvement, l’histoire et les idées anarchistes dans toutes les langues et qui dispose d’un fonds chanson conséquent consultable et écoutable en ligne.
En définitive, trois grandes approches auront marqué l’histoire de la chanson d’esprit anarchiste : l’approche “militante” (Charles d’Avray, Bizeau, Utgé-Royo...), avec des chanteurs censés porter la bonne parole et souder idéologiquement le mouvement, l’approche “esthétique” des grands auteurs-compositeurs et des interprètes (Couté, Gilles et Julien, Brassens, Ferré, Jean Guidoni, Christian Paccoud...), marquée par une attitude, une expressivité et un style avant tout personnels, et l’approche “compor-tementale – et à sa façon artistique”, qui fait fi des modes et des règles du monde du spectacle et qui se présente sans fioriture ni concession (Alfred Jarry, Marianne Oswald et le plus récent mouvement anarcho-punk, jusqu’à inclure des réalisations iconoclastes comme celle du groupe Les Amants d’ ta femme avec un album au titre emblématique “Noir ... Et Rouge aussi un peu”, paru en 2002-2003 chez Mort Aux Cons Productions – sic).
…L’anarchie, cela vient du dedans. Il n’y a pas de modèle d’anarchie, aucune définition non plus.”
(Léo Ferré : Introduction à l’anarchie, Monde Libertaire, janvier 1968).
Entre spectacle et politique : les anarchopunks
Afin de donner une vision complète de la chanson anarchiste en France aujourd’hui, nous devons encore aborder le phénomène artistique, sociologique et comportemental du mouvement anarchopunk. La volonté de rupture avec le monde des variétés de cette nouvelle vague rebelle est si forte qu’ils vont d’emblée rejeter les valeurs établies et privilégier le son brut et l’apparence (le visuel) au détriment de la musicalité et parfois même du sens. Les maquillages et les tenues vestimentaires provocantes, leur attitude désinvolte en général, des textes souvent agressifs et morbides, des arrangements musicaux à la limite du supportable, le recours à la production indépendante et aux circuits de diffusion parallèles, tout les distingue, au début, des normes en usage dans l’industrie du spectacle.
De fait, le choix artistique conscient d’un magma sonore “compact” et insolite, gorgé de guitares saturées et de voix enregistrées après divers traitements électroniques, tend-il à altérer lourdement le contenu du message esthétique et/ou politique délivré. Sans doute, le mode de communication établi entre la scène et le public passe-t-il désormais plus par la posture des musiciens et par l’implication du public dans un événement improvisé que par l’écoute et la délectation auditive. Les mouvements corporels, qui agitent la salle et la scène tout à la fois, tendent d’ailleurs à donner une dimension de transe collective à ces nouvelles fêtes païennes que sont devenus les concerts de hard rock et du mouvement anarchopunk.
Sur ce registre de la contre-culture punk, envisagée comme une arme subversive contre la culture dominante, se sont illustrées depuis trois décennies quelques vedettes de la génération post soixante-huitarde du rock alternatif, tels les groupes animés par François Hadji Lazaro (Les Garçons Bouchers : Tout se dégrade !... et Pigalle : Paris 2034, vingtième jour d’insurrection) ou lui-même en solo (L’Espoir) et, plus globalement, de nombreux artistes comme Métal Urbain (Anarchie en France/1976, Anarchie au Palace/1978, Panik (anarchie)...), les Bérurier Noir (Manifeste, Révolution Nihiliste, Noir les horreurs, Les Rebelles...), el les groupes Parabellum (Anarchie en Chiraquie), Molodoï (Génération destruction), Trust (Antisocial), Ludwig von 88 (Prolétaire [Arlette 2, le retour]), Noir Désir (Johnny colère)..., avec une place toute particulière pour un groupe belge, le plus engagé René Binamé (album “71-86-21-36, Quelques chansons pour faire la révolution”, mais aussi Quelques mots sur le cirque électoral, Djil Copiche – en wallon –...). Pour illustrer nos propos, un court extrait du répertoire de Bérurier Noir :
“Je hais mon pays et je hais la France
Je hais la patrie et je hais les gens...
(...) Je hais l’armée et je hais la guerre
Je hais les curés et je hais la haine
Oh je hais les armes et je hais les larmes
Je hais les jouets et je hais les bombes...”
Manifeste (Bérurier Noir, 1983)
Mentionnons enfin “Une compilation historique du mouvement anarchopunk français”, “Le Diy ou la mort”, double CD publié en 2007, tandis que d’autres documents, plus ciblés quant au thème traité, ont également vu le jour?; ainsi la compilation “À bas toutes les armées”, sortie en 1988, avec en préface des textes virulents de Georges Darien, datés de 1904, ou celle, plus récente – avec CDR et livret téléchargeables sur Internet –, “Un pavé dans l’urne”, sortie en 2007, à l’approche d’un “nouveau tour de manège présidentiel” (!), ainsi que d’autres anthologies “rebelles” comme celle, violemment anticléricale, du déjà cité René Binamé (“Vocations”, 1992) et celles réalisées par le petit éditeur l’Insomniaque dans les CD qui accompagnent ses parutions et qui sont dédiés, l’un aux “765 raisons d’en finir avec toutes les prisons” (“Au pied du mur”, 2001), et l’autre au banditisme d’action directe (“Les Travailleurs de la nuit”, 1995-2004). Sans oublier de signaler Guerrilla Urbaine, collectif de chanteurs militants ancrés dans la mouvance insurrectionnelle, apôtres de la violence urbaine et de l’incivilité, qui fait figurer ce texte en préface du CD “AntiFrance vaincra”, publié en 2007 :
“Toi qui hais la France, ses lois, ses flics, son armée, ses juges, ses maîtres et ses esclaves zélés, ses écoles, ses usines, ses commerces, ses églises, ses villes et ses campagnes, ses morales et son bon sens, ses hypocrisies, son hygiénisme et sa bêtise crasse... AGIS !
À coup de sarcasmes, à coup de pierres, à coup de schlass, à coup de bâtons, à coup de cocktails Molotov, à coup de vice, à coup d’émeutes, à coup d’incendies, à coup de fusils?; fraude, vandalise, vole, pille, sabote, incendie, détruis, conspire, frappe (...).”
Dans ce programme de violence exacerbée, drapé dans une posture provocatrice, nous pouvons déceler des imprécations et des menaces séditieuses que ne renieraient pas certains courants du mouvement anarchiste.
Les auteurs
Les précurseurs
Pierre-Jean de BÉRANGER (1780-1857)
Auteur et poète, Béranger se consacre essentiellement à la chanson à partir de 1815. Ses œuvres sont réunies dans cinq recueils : “Chansons morales et autres” (1815), “Chansons” (1821), “Chansons nouvelles” (1822), “Chansons inédites” (1828), “Chansons nouvelles et dernières” (1833). Parmi une œuvre éclectique, ses chansons politiques fustigent la monarchie, les jésuites, les profiteurs. Elles lui valent plusieurs procès et condamnations, mais aussi une énorme popularité.
Publiée dans son second recueil, La Sainte-Alliance des peuples (1818) fut “chantée à Liancourt pour la fête donnée par M. le duc de la Rochefoucauld en réjouissance de l’évacuation du territoire français au mois d’octobre 1818”.
Parmi ses chansons célèbres et/ou engagées, citons Les Gueux (1812), Le Roi d’Yvetot (1813), Le Sénateur (1813), La Censure, Jacques (1818), Les Deux Sœurs de charité (1821), Liberté (écrite en prison en 1822), Les Souvenirs du peuple (1828), Les Tombeaux de juillet (1830), Les Cinq étages (1830), Le Vieux drapeau, Le Dieu des bonnes gens, À mes amis devenus ministres, L’Ange gardien, La Gérontocratie…
Chantre des humbles, il renonce à la députation et à l’Académie française. Signe de son immense popularité, il a droit à des funérailles nationales. Béranger fut et demeure le chansonnier le plus populaire de la première moitié du XIXe siècle.
Gustave NADAUD (1820-1893)
D’abord comptable, il devient poète et chansonnier après 1848 : Le Roi boiteux, Pandore ou Les Deux gendarmes (1853), qui sera interdite, ainsi que Le Soldat de Marsala (1870) inspirée par l’expédition de Garibaldi en Sicile mais dont la portée dépassera largement cette affaire. Publiée dans “Chansons à dire“, la chanson se chantait encore dans les milieux pacifistes avant la Seconde Guerre. Gravée sur disque dès 1898, elle fut enregistrée jusque dans les années 1980/90 (Marc Ogeret, Francesca Solleville, Gilles Elbaz).
Auteur-compositeur satirique plutôt qu’anarchiste, mem-bre du Caveau et de la Lice Chansonnière (société chantante républicaine fondée après la Révolution de 1830 : elle fonctionnera jusqu’en 1904), familier des salons et même protégé par la cour, Nadaud fut décoré de la Légion d’honneur dès 1861. Ce qui ne l’empêcha pas de conserver sa liberté d’esprit. Il a écrit plus de 300 chansons, paroles et musique (ce qui était rare à l’époque) dont Bonhomme (1852), La Vieille servante (1854), Les Deux notaires (1855), La Garonne (1858), L’Osmanomanie (1868), Les Ruines de Paris (1871), L’Invalide, Les Impôts, Le Carnaval de l’Assemblée…
Alexis BOUVIER (1836-1892)
D’abord ciseleur en bronze, il écrit ensuite des chansons dont les Trois lettres d’un marin et La Canaille (1865), mise en musique par Joseph Darcier et chantée par Rosa Bordas, la “Rachel du peuple”, dont elle fit la gloire. Chantée pendant la Commune, elle est ainsi passée à la postérité. Bouvier, qui l’interpréta lui-même aux Dîners du Bon-Bock vers 1890, devint ensuite romancier, auteur dramatique et librettiste : “La Femme du mort”, “Amour, misère et Cie”, “Les Créanciers de l’échafaud”. Il présida à l’ouverture du cabaret L’Abbaye de Thélème.
Les héritiers des mouvements sociaux
Eugène POTTIER (1816-1887)
Dessinateur sur tissus, ancien quarante-huitard, il avait publié très jeune ses premières chansons : “La Jeune muse”. Mais c’est beaucoup plus tard qu’il se fait vraiment connaître par ses œuvres : Les Paro-les gelées, Te Deum du coup d’état, Le Rocher de Cancale, Matière et Bible, La Mort d’un globe, Quand viendra-t-elle ? (1870)…
Membre de la Commune, il préconise, dès 1871, la création d’un “grand parti des travailleurs”. Parmi ses œuvres marquantes : L’Insurgé (1880), peu enregistrée (Ghasne en 1911, Surgères en 1930, puis Raymond Souplex en 1960 et les 4 Barbus en 1970), Elle n’est pas morte (1886), Quel est le fou, Le Pré, Chacun vit son métier… et bien sûr L’Internationale (1871), éditée par Jean-Baptiste Clément et qui, mise en musique par Pierre Degeyter en 1888, deviendra l’hymne mondial des travailleurs et du socialisme.
Son œuvre reflète les aspirations du prolétariat. Pottier est honoré à la fin de sa vie par la Lice Chansonnière : un volume de ses vers, “Quel est le fou ? Chansons”, est publié et préfacé par Gustave Nadaud en 1884. Après sa mort, seront réunis ses “Chants révolutionnaires”.
Et aussi :
Pierre Dupont (1821-1871) : Le Chant des ouvriers (1848), le Chant des paysans, Le Chant des travailleurs, C’est un rêve que j’ai rêvé, Le Chant du vote, Le Chant des étudiants, Les Journées de juin.
Jean-Baptiste Clément (1836-1903) Si j’étais le Bon Dieu, Le Bonhomme Misère, Le Temps des cerises (1867), Quatre-vingt neuf (1869), La Semaine sanglante (1871), Les Gueux, Aux loups, Paysan, paysan, La Chanson du semeur, La Machine, Liberté, égalité, fraternité.
Les enfants de la Commune, ouvriers et artisans artistes
Louise MICHEL (1830-1905)
Institutrice à Montmartre, liée aux groupes socialisants, elle avait écrit des poèmes révolutionnaires avant la Commune, pendant laquelle elle se signala par sa bravoure et son dévouement. Arrêtée au printemps 1871 lors de la répression sanglante qui s’abat sur les insurgés, Louise Michel est envoyée au bagne, puis à l’abbaye d’Auberive (Aube), devenue une prison de femmes. Elle sera amnistiée, avec les Communards, en 1880. À nouveau arrêtée en 1883 après une manifestation, “la Vierge rouge” est condamnée à six ans de prison mais sera graciée en 1886. Son Internationale noire, démarcation parodique de L’Internationale, date de 1897. Citons également La Danse des bombes, Chant des captifs. Louise Michel meurt à Marseille en 1905?;100?000 personnes suivent ses obsèques.
Charles KELLER (1843-1913)
Militant puis directeur d’une filature, il est délégué de la section de Paris de l’Internationale en 1868, au congrès de la Ligue de la Paix et de la Liberté (avec Bakounine). En 1870, il écrit un poème, Ouvrier, prends la machine, qui anticipe la création de la Fédération Jurassienne de James Guillaume en 1872 : une tentative d’autogestion d’ouvriers du Jura. L’expérience prendra fin en 1880. Le texte sera mis en musique par Guillaume et publié en 1874 dans L’Almanach du peuple sous le titre Le Droit du travailleur. Restée populaire dans les milieux révolutionnaires, elle sera rééditée par la Muse Rouge après la guerre de 14-18. Entre-temps, malgré son hostilité à la guerre, Keller est mobilisé en 1870. En mai 1871, il rejoint la Commune de Paris et est blessé. Proche des anarchistes mais indépendant, Keller écrivit quelques poèmes et chansons comme Notre foi ou L’Ouvrier n’a pas de patrie.
Clovis HUGUES (Hubert Hugues Clovis, 1851-1907)
Entré au journal le Peuple, il participe à la Commune de Marseille. Arrêté, il est condamné à 4 ans de prison. Il écrit ses premiers poèmes en 1871 : Misère et Salut à la Commune ! À sa libération en 1875, ses premières œuvres paraissent dans les recueils “Les Intransigeants“, “Poèmes de prison“, etc. Clovis Hugues entre dans une loge franc-maçonnique en 1878. Élu député socialiste à Marseille en 1881, réélu en 1885, il participe au Congrès du P.O.F. (Parti Ouvrier Français). Publié en 1881, son poème devient À la Commune en 1890 puis, mis en musique après 1894, La Commune, chanté par Rachel de Ruy. Il a également écrit une Sérénade à Louise Michel et Ce que nous chantions en prison (1873).
À Paris, il publie des poèmes dans le Tambourin et La Lune Rousse (avec André Gill), et fait partie de l’équipe du second Chat Noir après 1885. On le voit aussi, à la même époque, à la Taverne du Bagne que dirige l’ex-colonel communard Maxime Lisbonne. Devenu boulangiste, puis félibrige, il est député de Montmartre à trois reprises. Parmi ses recueils poétiques, notons “La Vierge rouge” (1881), “Jours de combat” (1883) et “La Grève des mineurs” (1891). Son dernier ouvrage, “Le Temps des cerises“, resté inachevé, a fait l’objet d’une publication posthume.
Et aussi :
Paul Brousse (1844-1912) Le Drapeau rouge (1877).
Les anarchistes du XIXe
François BRUNEL (né vers 1864)
Le Père Peinard au populo (1889) et Faut plus d’ gouvernement (1889) (enregistré par Marc Ogeret en 1968 dans “Chansons contre“) font partie des 32 chansons et monologues anarchistes et révolutionnaires écrites par le garçon de café François Brunel et publiées entre 1889 et 1893 dans le journal Le Père Peinard fondé par Émile Pouget (1889-1894). Parmi les collaborateurs figuraient également Constant Marie, Eugène Pottier, Louise Michel… Interdit par les “Lois scélérates“, le journal reparaît de 1896 à 1899, puis en 1900 et en 1902 (un seul numéro). Pouget sera, en 1900, le responsable de La Voix du Peuple, organe de la CGT (créée en 1896).
Considéré comme dangereux, Brunel est arrêté à plusieurs reprises lors des rafles qui vont conduire à l’arrestation de Ravachol. Militant, mais d’esprit individualiste, il semble ensuite s’être mis à l’abri. Le Père Peinard au populo n’avait, à notre connaissance, jamais été enregistré?; l’excellente interprétation de Jean Weber est donc une première !
(Jean) Baptiste MARTENOT (né à Beaune)
Ouvrier ajusteur à Dijon et Beaune.
Condamné à plusieurs reprises pour avoir “débité des tirades anarchistes dans les cabarets”, il essaie de provoquer une grève à Dijon en 1891. Il envoie une chanson “explosive”, La Dynamite, au journal L’Insurgé qui n’osa pas la publier (1893). Elle fait référence à la vague d’attentats anarchistes déclenchée par Ravachol à partir de mars 1892*. On retrouve Martenot vers 1904 à Lyon où il est membre du groupe Art Social, et proche des militants espagnols (Le Libertaire, 1904).
*Ravachol avait posé une bombe chez le président du tribunal qui avait condamné Descamps à 5 ans de prison. Arrêté le 30 mars, Ravachol est guillotiné le 11 juin. À son tour, Auguste Vaillant, qui a lancé une bombe à la Chambre des députés en 1893, est exécuté le 15 février 1894, ainsi qu’Émile Henry le 21 avril 1894 (il avait lancé sa bombe au Terminus-Saint-Lazare). La vague d’attentats se termine par l’assassinat du président Sadi Carnot par Caserio le 24 juin 1894 à Lyon. Le meurtrier n’échappera pas à la guillotine.
Ces attentats, quoi que peu meurtriers, provoquent la terreur dans la population. Le gouvernement en profite pour instituer les lois dites “scélérates” qui sévissent contre la presse anarchiste : Temps nouveaux, Le Libertaire, L’Éducation libertaire, Le Révolté, Le Père Peinard.
Et aussi :
Constant Marie (1838-1913) Le Père Lapurge (1896).
Jean-Célestin Dervieux (né en 1856).
Sébastien Faure (1858-1942) Le Chant de la Révolte (1886), La Ravachole (1893). Fait sa 1e déclaration au Congrès anarchiste de Bordeaux en 1888. Milite ensuite à la Fédération Communiste Révolutionnaire Anarchiste (1912). A enregistré deux disques dans les années 30 pour La Voix des Nôtres.
Autre chansonnier révolutionnaire engagé, le Belge Jacques Gueux (Charles Guillaume, 1856-1916) Premier mai, La Machine, À l’assaut, La Nouvelle carmagnole.
Anonymes
La Chanson du Père Duchesne (1878) d’après une chanson de la Révolution (1792). Le Père Duchesne (puis Duchêne) est un journal créé par Jacques Hébert durant la Révolution française. Il reparaît au XIXe siècle, notamment en 1848 et pendant la Commune, puis deviendra le titre d’un journal satirique.
Ravachol (1893)?; voir aussi La Ravachole (sur l’aire de La Carmagnole), Les Exploits de Ravachol et, bien plus tard, le Ravachol de Renaud !
Les chansonniers montmartrois
Jean RICHEPIN (1849-1926)
Poète, écrivain, auteur de chansons.
Dans les années 70, Richepin mène une vie de bohème au Quartier latin. Marginal et provocateur, il publie “La Chanson des gueux” en 1876. L’ouvrage est saisi et Richepin écope d’un mois de prison. Paraissent ensuite “La Glu” (1881), Le Pavé (1883), Blasphèmes” où figure Les Jacques (1884), un brûlot inédit en disque, magistralement créé pour nous par Christian Paccoud, “La Mer” (1886), “Les Braves gens” (1886), “La Bombarde” (1899), “Les Truands” (1899), etc. Il fait partie des Hydropathes, mouvement créé par Émile Goudeau et, à la suite de ce dernier, se retrouve au. Chat Noir. On le voit également à l’Abbaye de Thélème et au Divan Japonais.
Jean Richepin est élu à l’Académie française en 1908. Si quelques-unes de ses chansons (La Glu, Les Deux ménétriers…) ont été reprises par de nombreux interprètes, peu de ses textes avaient été enregistrés avant l’excellent CD que lui a consacré Jean-Michel Piton en 1992.
Aristide BRUANT (1851-1925)
Nourri par les bas-fonds des faubourgs, de la barrière et de la Butte, le futur “inventeur de la chanson naturaliste” débuta dans les caf’ conc’ de quartier avant d’être entraîné en 1884 par Jules Jouy au premier Chat Noir où il campa sa silhouette immortalisée par Toulouse-Lautrec. Après le départ de Rodolphe Salis et de sa troupe, il resta sur place et baptisa l’endroit Le Mirliton (1885/95), lieu qui fit sa fortune. Seul chansonnier de Montmartre à être connu du grand public, il passa aussi à l’Eldorado et aux Ambassadeurs (1991/92).
En 1913, Bruant rachète le Lapin Agile. Géré depuis 1903 par le père Frédé qui auparavant tenait le Zut, (petit estaminet où se réunissaient les Espagnols de Montmartre dont beaucoup se situaient dans la mouvance anarchiste), il sauva l’établissement des démolisseurs.
Sorte d’“anarchiste patriote”, Bruant était surtout une “grande gueule” qui écrivit des centaines de chansons et monologues dans un argot poétique imagé, puissant et inimitable. Parmi ses textes, V’là l’ choléra qu’arrive (1884) n’est pas sans rapports sous-entendus avec notre sujet. Si les tonitruants Casseur de gueule (1888) et Pus d’patrons (1890) ne sont pas dépourvus d’ironie, Les Canuts (1894), rappelant la révolte des ouvriers des filatures lyonnaises en 1831, et À Biribi (1891) d’après “Biribi” de Georges Darien (1890), sont des œuvres fortes toujours chantées de nos jours.
Aristide Bruant reste un monument de la chanson française.
Maurice MAC-NAB (1856-1889)
Entre au Club des Hydropathes, que vient de fonder Émile Goudeau en 1878, où il récite des poèmes macabres : Le Clysopompe, la Chanson du Capucin, Les Fœtus. Il suit Goudeau dans l’aventure du Chat Noir (1881/88) où il crée le genre “en bois”, et se fait également entendre à l’Abbaye de Thélème.
Chansonnier anarchiste pacifiste et individualiste, malgré une courte existence, Mac-Nab a écrit quelques chansons satiriques et incongrues qui sont passées à la postérité : L’Expulsion des Princes (1886), Le Grand métingue du métropolitain (1887), très populaire à l’époque dans les milieux ouvriers, mais enregistré seulement en 1943 par Jacques Grello, Le Pendu, Le Bal à l’Hôtel de Ville, Le Banquet des maires, Coquin d’ populo, L’Électeur embarrassé…
Ces œuvres ont été réunies dans plusieurs recueils : “Poèmes mobiles” (1885), “Poèmes incongrus” (1887), “Chansons du Chat Noir” (posthume, 1890). Un CD entier lui a été récemment consacré par Stéphane Branger.
À noter que les œuvres parodiques de Mac-Nab (L’Expulsion, le Grand métingue) comme les monologues de Bruant ou ceux, plus anonymes, reconstituant en studio l’atmosphère de ces fameux “métingues” (Un meeting anarchiste, L’Anarchiste), sont ensuite adoptés par les ouvriers protestataires qui, ne manquant pas d’humour, les tournent à leur profit.
Jules JOUY (1855-1897)
Chansonnier “révolté”.
Il publie ses premiers textes dans Le Tintamarre (1876) et dans Le Sans-culotte (1878) tout en écrivant des chansons à succès pour les vedettes du caf’ conc’. Reçu à la Lice Chansonnière en 1878, il est membre du Club des Hydropathes la même année, puis devient pensionnaire du Chat Noir. Jules Jouy rencontre Bruant en 1883 et, ensemble, ils signent quelques chansons comiques (L’Enterrement). À la même époque, il anime les “Dîners de La Soupe et le bœuf” au Cabaret des Assassins (futur Lapin Agile). On le voit aussi au Divan Japonais.
Jules Jouy publie plus de 250 textes dans Le Cri du peuple de Jules Vallès : “Chansons de l’année” (1888). Repéré comme anarchiste au sein de la Ligue des anti-propriétaires, il fait ensuite paraître 200 textes dans Le Parti ouvrier : “Chansons de bataille” (1889). En rupture avec Salis, il fonde, avec plusieurs anciens du Chat Noir, le Chien Noir, avant d’être interné dans une clinique psychiatrique en 1895.
Jules Jouy a écrit près de 3000 textes et chansons parmi lesquelles C’est ta poire ! (1886), Le Tombeau des fusillés (1887), La Veuve (1887), les Enfants et les mères (1888), La Terre (1888), Les Mioches (1893) Le Pain volé (1893), ou encore La Pierreuse et La Soularde, chantées par Yvette Guilbert, Les Anarchistes de Chicago, Le Sang des martyrs, La Légende des chiffonniers, Le Pape errant, Les Anarchisses, La Complainte de Gamahut restent des œuvres marquantes de ce très grand chansonnier qui, selon Jacques Ferny “domine toute la chanson du XIXe siècle”.
Le Temps des crises (1886), parodie du Temps des cerises, n’avait jamais été enregistré avant Éric Amado. Fille d’ouvriers (1887) mise en musique par Gustave Goublier en 1896, fut lancée la même année par Jules Mévisto dans les cabarets de Montmartre. Le premier enregistrement ne date que de 1980 (Marc Ogeret) et Michèle Bernard en donne une superbe interprétation.
Maurice BOUKAY (Charles Couyba, 1866-1931)
Professeur d’Université, il était le “poète silencieux” du Chat Noir. Son répertoire s’oriente dans deux directions : les œuvres poétiques et sentimentales, mises en musique par Paul Delmet par exemple, et les chansons sociales (musiques de Marcel Legay). Une trentaine d’entre elles, dont Le Moulin rouge, Tu t’en iras les pieds devant, Le Coq rouge, Les Ventres, La Femme libre… et Le Soleil rouge (1896), formeront le recueil “Chansons rouges” (1896/97). Il publia également les “Chansons du peuple” et on l’apprécia aussi aux matinées littéraires des Quat’ z’Arts. Sous son vrai nom, Charles Couyba, il entama parallèlement une carrière politique. Député en 1897, président de la SACEM en 1907, il fut ministre à plusieurs reprises à partir de 1911 jusqu’au début de la guerre de 14. Il écrira encore Les Chanson des yeux clos (1916) avec le compositeur aveugle René de Buxeuil.
Gaston COUTÉ 1880-1911)
Poète libertaire “paysan”.
Il monte à Paris à 18 ans et fait entendre ses poèmes dans le petit cabaret Al’ Tartaine (1898/99). Il enchaîne avec les Funambules (1898/1900), l’Âne Rouge (1899), le Carillon, les Quat’ z’Arts, le Grenier de Gringoire… Mais son succès relatif dans les cabarets ne lui permet guère d’échapper à la précarité, ses maigres cachets étant vite convertis en alcool. Le “poète rustique”, comme on l’appelle, co-fonde, au Quartier latin, La Truie qui file en 1907, établissement qui ne vivra que quelques mois.
Familier du Lapin Agile, fiché comme “agitateur anarchiste”, il collabore au Libertaire, à La Barricade, à La Guerre sociale. Xavier Privas, le Prince des chansonniers, lui rendra hommage lors de ses obsèques. Ses meilleurs textes, dont Les Électeurs (1899) seront réunis dans un recueil posthume : “LaChanson d’un Gâs qu’a mal tourné”. En dehors de ses chansons les plus reprises et connues, retenons Ces choses-là, L’Amour anarchiste, Les Conscrits, Le Christ en bois, Le Fondeur de canons, le Déraillement, Révision, Le Gâs qu’a perdu l’esprit, La Marseillaise des requins…
Si l’on excepte Le Gâs qu’a perdu l’esprit (musique d’Eugène Poncin), gravé par Mayol dès 1903, les premiers enregistrements des œuvres de Gaston Couté datent du tournant des années 20/30 : Le Patois de chez nous par Jack Mirois (1929) suivi de la même chanson et de Va danser par Louis Lynel (1930), et surtout d’une série de huit titres gravés en 1934 par le comédien E. Boyer. Deux ou trois de ses chansons vont ensuite toucher le grand public grâce à Édith Piaf, Suzy Solidor ou Patachou, mais, après Monique Morelli, c’est à partir des années 70 que l’on (re)découvre véritablement son œuvre avec les travaux et enregistrements de Gérard Pierron, Vania Adrien Sens, Bernard Meulien, Marc Robine, Claude Antonini, le groupe Le P’tit Crème, etc.
Et aussi :
Xavier Privas (Antoine Taravel, 1863-1927) : les Ch-imères (1897), La Révolte (1901), Les Résignés, Les Thuriféraires, Le Pavé, “Chansons de Révolte”.
Jehan Rictus (Gabriel Randon, 1867-1933) : Ouvrier, mon frère, La Frousse, L’Hiver, Notre Dab qu’on dit aux cieux, Les Petites baraques, “Soliloques du pauvre”.
Léon de Bercy (1857-1915) : La Chanson des 8 heures, Chant de grève 1900).
Alfred JARRY (1873-1907)
Auteur dramatique fantaisiste et pataphysique.
Dès le collège, écrit ses premières pièces, dont l’ébauche d’Ubu Roi en 1888. Il arrive à Paris en 1891. “Les Minutes de sable mémorial” est son premier livre publié en 1894, suivi de “César-Antéchrist” (1895). La première représentation d’“Ubu roi” a lieu en décembre 1896 au Nouveau Théâtre, rue Blanche. Suivront “Ubu cocu” (1898) avec La Chanson du décervelage et “Ubu enchaîné” (1899). “Ubu sur la Butte” sera présenté en novembre 1901 aux Quat’ z’Arts (par le théâtre des marionnettes). Parmi ses œuvres littéraires marquantes, citons “Le Surmâle” et “Gestes et opinions du docteur Faustroll”, édité après sa mort.
Personnage et écrivain satirique provocant et destructeur jusqu’à l’absurde, Jarry est une figure à part dans le monde littéraire, artistique et bohème de la fin du XIXe siècle. Il n’a jamais fait partie des chansonniers, bien qu’on le signale à l’Auberge du Clou.
Les chansonniers militants
Paul PAILLETTE (1844-1920)
Un précurseur : ouvrier ciseleur, Paillette commence à fréquenter les milieux anarchistes pari-siens en 1877. Habitué des cabarets montmartrois (Auberge du Clou), il devient une figure marquante parmi les chansonniers libertaires. Anarchiste “élégant” (Michel Herbert), végé-tarien, partisan de l’amour libre, il chante dans de nombreuses fêtes et réunions libertaires. On l’entend également dans les cabarets hors Montmartre : le Caveau de la Presse, le Caveau du Cercle (que fréquentaient Lénine et Trotsky !), ou le Caveau de la Villa japonaise (dirigé par Maxime Lisbonne).
Heureux temps (1895), son œuvre la plus célèbre, est publiée en 1895 dans Le Libertaire, et ses poèmes seront ensuite réunis dans “Les Tablettes d’un lézard”. Devenu indigent, il est soutenu financièrement par ses amis?; ainsi une grande fête est organisée en 1916 avec le concours de Xavier Privas et de Sébastien Faure. Son ami Léon de Bercy, du Chat Noir, affirme qu’il a écrit près de 10?000 vers, souvent édités à quelques exemplaires seulement. À son décès, il était le doyen de chansonniers de Montmartre.
MONTÉHUS (Gaston Brunschwig, 1872-1952)
Le “chansonnier humanitaire” anarcho-socialiste.
Fils d’ouvrier, élevé dans le contexte post-communard, il monte sur scène dès l’âge de 14 ans. Puis il lance Un vrai croyant (1901), chanson anti-militariste, Le Père la révolte (1904) et La Grève des mères (1905) qui sera interdite, son auteur étant condamné pour “incitation à l’avortement”. Vers 1910, Montéhus rencontre le futur Lénine au Théâtre de Belleville et fait la 1ère partie de ses interventions publiques. Contrairement à la plupart des chansonniers de l’époque, il ne se produit pas dans les cabarets artistiques, mais dans les cafés-concerts et music-halls de quartier. Comme beaucoup d’anarchistes, Montéhus ne proteste pas contre la guerre en 1914. Au contraire : antimilitariste, il tourne casaque durant la Grande Guerre en se faisant le chante de l’Union Sacrée alors qu’il n’a pas été mobilisé. Après un passage à l’Olympia en 1920, il disparaît plus ou moins de la scène et du disque jusqu’en 1936 et l’arrivée du Front Populaire. Sa dernière œuvre est le Chant des Gaullistes, écrite en 1944.
“Révolutionnaire cocardier” comme il se proclame lui-même, il reçoit la Légion d’Honneur en 1947. Ses chansons les plus connues demeurent Gloire au XVIIe (1907), Ils ont les mains blanches (1910), Le Chant des jeunes gardes (1912), et La Butte rouge (1923).
Charles d’AVRAY (Charles-Henri Jean, 1878-1960)
Auteur-compositeur-interprète, il commence à composer des chansons à 17 ans, et fait ses débuts en 1898 dans les cabarets tandis qu’il épouse les idées anarchistes de Sébastien Faure au moment de l’Affaire Dreyfus. Au début des années 1900, il participe au Groupe de propagande révolutionnaire par les arts, La Muse Rouge*. C’est l’époque où il écrit ses plus grandes chansons : Le Triomphe de l’anarchie (1901), Le Premier mai, Les Géants, Les Monstres, Militarisme, L’Idée… En 1911, il prend la direction de la Guerre sociale et s’occupe des “Jeunes Gardes”. Mobilisé en août 1914, il fait toute la guerre et ne sera libéré qu’en 1919. L’année suivante, il réapparaît dans les galas anarchistes, tant à Paris qu’en province, et dans quelques cabarets de la Rive gauche et de Montmartre, comme la Vache Enragée et le Grenier de Gringoire, rue des Abbesses, dont il sera le directeur artistique jusqu’en 1923. Il reste également très actif à la Muse Rouge jusqu’à la seconde guerre.
Après la Libération, il anime à nouveau des fêtes libertaires et ouvre un cabaret rue des Abbesses, Chez l’ Vieux, où il se produit avec ses anciens camarades de la Muse. En 1957, il publie un recueil de poèmes, “Le Livre du souvenir“, comprenant notamment Viens chez moi. Enfin, au cours d’une fête organisée pour ses 80 ans en 1958, son récital est enregistré et édité sur un 25 cm qui nous reste le seul témoignage sonore de sa voix et de son interprétation?; à cette occasion, il dédie À mon vieil ami l’anarchiste à Sébastien Faure. Charles D’Avray aurait laissé près d’un millier de chansons dont Ne votez plus, Bas Biribi, L’Homme libre, Amour et volonté, L’Audace, Évitez les cloches…Le Triomphe de l’anarchie a été enregistré par les 4 Barbus en 1969?; Jean Weber nous en offre une superbe version.
Eugène BIZEAU (1883-1989)
Poète pacifiste et vigneron.
À 14 ans, s’abonne au Libertaire et au Père Peinard. Vers 1907, collabore à L’Anarchie puis, en 1910, fréquente La Muse Rouge. Il écrit plusieurs livres : “Balbutiements” (1910), “Verrues sociales” (1914), et beaucoup de ses poèmes sont mis en musique entre 1912 et 1924. Puis il signe un certain nombre de chansons en collaboration avec Isabelli dont Soleil levant (1931), interprétée par le compositeur lui-même sous le nom de Delmas, Penseur, d’où viens-tu ? (1936), Qu’il est bon d’être libre (1936), etc. À la fin d’une retraite paisible, Eugène Bizeau apparaît sur la scène du Printemps de Bourges à l’âge de 103 ans !
*Fondée en 1900 par Victor Méric et Maurice Doublier (Siffle ma faux), La Muse Rouge est une sorte de goguette, de société chantante, qui publie les œuvres de Sébastien Faure, Gaston Couté, Charles D’Avray, Eugène Bizeau, Isabelli, Léon Israël (1882-1915), Jean-Paul et Jane Monteil, François Coladant, Jolivet, Guérard, Clovys, etc., dans des recueils de chansons. À la fin de la guerre 14-18, elle s’installe dans une salle de spectacle située rue Dupetit-Thouars, près du Carreau du Temple. Une revue paraît dans les années 20, puis au début des années 30. Les chansonniers Xavier Privas, Pierre Dac, Noël-Noël, Gabriello, Jacques Grello, Michel Herbert, Léo Noël, et le “vrai anar” Léo Campion, fréquentent également la Muse Rouge qui cessera ses activités en 1939.
L’esperanto : La Espero est l’hymne officieux du mouvement espérantiste. Il s’agit d’un poème écrit par Ludwik Lejzer Zamenhof (1859-1917), l’inventeur de la langue esperanto. Zamenhof, né dans une famille juive résidant dans une région polonaise occupée par l’Empire russe, avait eu l’idée de “construire” une langue universelle dans le but de faciliter la communication entre les peuples et de faire cesser les discriminations linguistiques, culturelles et religieuses. La musique a été composée en 1909 par Félicien Menu de Ménil, baron français de naissance, devenu lui aussi responsable espérantiste.
L’entre-deux guerres
René CLAIR (René Chomette, 1898-1981)
Cinéaste “libre” et écrivain.
Après Entr’acte : son premier film (1924) influencé par Dada et le surréalisme, il tourne Sous les toits de Paris, Le Million, Quatorze juillet, Le Dernier milliardaire, Le Silence est d’or, La beauté du diable, Les Grandes manœuvres, Porte des Lilas (avec Brassens)… films qui comportent souvent des chansons dont il a écrit les paroles (Nous sommes seuls, À Paris dans chaque faubourg…).
Comment ne pas faire figurer dans cette anthologie À nous la liberté (1931), la marche chantée par Raymond Cordy et Henri Marchand dans le film du même nom, qui exprime avec dynamisme l’esprit libertaire et ludique de la fiction. Cette chanson trouve aussi une justification en forme de clin d’œil lorsque l’on sait que l’un des deux évadés devient le patron d’une firme de disques et de phonographes, et rend ainsi un hommage biaisé au monde des variétés chantées. Il est permis de penser que Charlie Chaplin s’est souvenu d’À nous la liberté lorsqu’il a tourné quelques années plus tard Les Temps modernes.
Robert GOUPIL (Robert Charpentier, 1896-1938)
Chansonnier qui s’est produit à La Pie qui chante, au Moulin de la chanson et à la Vache Enragée au début des années 20, au Théâtre des Dix-Heures (1925), à la Lune Rousse, à l’A.B.C… Robert Goupil est connu pour avoir écrit Pour acheter l’entrecôte (1927) qui sera plus tard le premier succès des Frères Jacques. Dans La Paix, le pain, la liberté (1936), il reprend le slogan du Front Populaire.
Jean VILLARD “GILLES” (1895-1982)
Né à Montreux en Suisse, ce poète humaniste et philosophe rencontre le comédien Aman Maistre chez Jacques Copeau, avec lequel il forme le duo Gilles et Julien qui monte sur la scène du Théâtre de Montrouge (XIVe) en avril 1932. Les duettistes se produisent ensuite à la Lune Rousse (1933/34), au Grand Jeu (1936), et dans les plus grandes salles : l’Alhambra, l’A.B.C, l’Empire, l’Européen. Le duo enregistre 40 titres et participe à des centaines d’émissions de radio entre 1934 et fin 1937, l’année de leur séparation.
Proches du mouvement ouvrier, mais indépendants de toute formation politique, ils ont lancé les chansons-tracts de La Belle France à la veille du Front Populaire. Chansons engagées à portée sociale et souvent grinçantes comme Tout est foutu (1932), Le Jeu de massacre (1933) écrit avec Henri-Georges Clouzot (et interprété ici par Marianne Oswald), ou Vingt ans (1933) qui sera refusée par Columbia à l’époque.
Gilles retourne en Suisse pendant la guerre et remonte un duo avec Édith Burger. Il revient à Paris où il ouvre son cabaret, Chez Gilles (1949-58), et forme un troisième duo : Gilles et Urfer.
À côté de Gilles et Julien, d’autres artistes engagés appa-raissent durant les années 30 : Marianne Oswald, qui interprète notamment Prévert et Jean Tranchant, dont une partie du répertoire flirte avec les chansons satiriques, voire cyniques. Rappelons que cette décennie est aussi celle de l’avènement du théâtre ouvrier et des chœurs parlés et parfois chantés, interprétés notamment par les Groupes Prémices et Octobre, ce dernier articulé autour de l’auteur libertaire Jacques Prévert : Marche ou crève, Familiale (enregistré par Gilles et Julien), les Blouses bleues de Bobigny, Jean Nocher et les J.E.U.N.E.S. : Nous allons au-devant de la vie (1936)…
L’après-guerre
Léo FERRÉ (1916-1993)
Il fait ses débuts dans les cabarets parisiens qu’il va écumer pendant des années : Bœuf sur le Toit (1946), Quod Libet, L’Écluse (dès 49), Trois Mailletz (1950), Noctambules, Milord l’Arsouille (1951/52), Échelle de Jacob (53)… Il enregistre lui-même ses premières chansons en 1950, mais la plupart obtiennent le succès lorsqu’elles chantées par d’autres interprètes : L’Île Saint-Louis, Paris Canaille, L’Homme, Le Piano du pauvre, Jolie môme… À partir du milieu des années 50, Ferré parvient à se hisser sur les grandes scènes parisiennes?; Olympia, Bobino, Alhambra… et devient un des grands noms de la chanson française.
Poète et compositeur — il met notamment en musique nombre de textes de son ami Jean-Roger Caussimon (Monsieur William) —, il se situe dans la lignée des chansonniers anarchistes : Graine d’ananar (1954), Ni Dieu ni maître (1965), qui reprend le titre d’une chanson anonyme de 1892, Ils ont voté (1967), Les Anarchistes (1968)… Son domaine d’expression, beaucoup plus large que simplement militant, lui permet d’obtenir les faveurs du grand public.
Georges BRASSENS (1921-1981)
Collabore après-guerre au Libertaire et écrit ses premières chansons. Il se fait connaître Chez Patachou (1952), puis sur la scène des Trois Baudets (1953). Il enregistre La Mauvaise réputation en 1952, véritable profession de foi qui le classe parmi les gentils rebelles et les anti-conformistes. Mais cette situation, loin de l’inscrire en marge, ne va pas entraver sa marche vers le succès. Son côté tranquille, à contre-courant, son bon sens, son anarchisme individualiste frondeur, le rendent sympathique auprès d’un très large public séduit par sa verve, ses vers finement écrits, et ses mélodies que chacun peut instantanément fredonner. Même s’il reste de La Mauvaise herbe (1954), des chansons comme L’Auvergnat lui assurent une renommée considérable et même unique dans le monde de la chanson française. Trente ans après sa mort, sa popularité n’a jamais connu d’éclipse?; Brassens est entré dans l’Histoire.
Boris VIAN (1920-1959)
Trompettiste de jazz à partir de 1942, figure du Saint-Germain-des-Prés d’après-guerre (Tabou, Club Saint-Germain), journaliste, auteur de romans, poèmes, pièces de théâtre, chroniques (Jazz Hot), chansons, directeur artistique… Boris Vian fut un météore boulimique de génie. Il publie cinq romans en 1946/47 dont L’Écume des jours, L’Automne à Pékin, et J’irai cracher sur vos tombes (sous pseudonyme) qui est interdit par décret ministériel.
S’il écrivit plusieurs centaines de chansons, sa carrière d’interprète fut courte. Une dizaine de pièces enregistrées éditées sur un 25 cm “Chansons possibles et impossibles” tiré à 500 exemplaires, et de peu concluants passages aux Trois Baudets, à la Fontaine des Quatre saisons, à l’Échelle de Jacob et au Milord l’Arsouille, ne firent pas de lui une vedette de la chanson, tant s’en faut. Le Déserteur, qui devint l’hymne pacifiste des années 60/70, lancé d’abord par Mouloudji entre les guerres d’Indochine et d’Algérie, fut longtemps interdit sur les ondes, et ne contribua pas à la renommée de son auteur mort quasiment inconnu du grand public. Sa gloire posthume est sans commune mesure avec la maigre reconnaissance qu’il obtint de son vivant.
Et aussi :
Jean-Roger Caussimon : Les Milices (1975), Jacques Debronkart : Mutins de 17 (1967), Georges Moustaki : Sans la nommer (1969).
L’après 68
Bernard ASCAL (né en 1943)
A toujours pratiqué la musique, la peinture et l’écriture. Auteur de chansons, de nouvelles et de poèmes de sensibilité libertaire, il a publié “Le Gréement des os” en 2005, et “Le Cadre et le clou”, notes de peintre, en 2011.
Il présente ses chansons, souvent teintées d’humour noir, sur les scènes du circuit alternatif parisien des années 80 et 90 : de La Tanière au Merle Moquer, de La Folie en Tête au Tourtour. Il se consacre ensuite à la mise en musique de poètes du XXe siècle, notamment ceux liés au Surréalisme et au Mouvement de la Négritude : “6 poètes surréalistes” (1997), “Fleuve Atlantique” (2003), “Senghor/Césaire/Damas” (2006), Poètes de la Négritude (2010 — Grand Prix de l’Académie Charles Cros). En 2008 paraît son oratorio “Cahier d’un retour au pays natal”, restituant l’intégralité du poème d’Aimé Césaire. En 2013, paraissent le livre et le CD-double “Pablo Picasso – Poèmes et Propos”?; pour la première fois, 25 poèmes de Picasso deviennent des chansons.
Après avoir dirigé de 2003 à 2010 la collection “Poètes & Chansons” créée par Marc Robine chez EPM, il est responsable, pour le même label, de productions liées à la poésie.
Fabriquez-moi des lois (1991) est une pièce étonnante de cet artiste singulier.
Christian PACCOUD (né en 1954)
Auteur-compositeur-interprète et franc-tireur de talent dans le monde de la chanson française. Enfant de la balle, il parcourt la France et tente sa chance à Paris à la fin des années 70. Avec un timbre et un grain de voix singuliers, il se fait un nom dans les festivals et petits lieux : c’est le chanteur sans disque et sans micro, mais avec un accordéon qu’il traîne en bandoulière du Limonaire ou du Picardie (à Ivry) jusqu’au Théâtre du Rond-Point des Champs-Élysées et la Cour d’Honneur du Palais des Papes en Avignon. Il attendra l’an 2000 pour enfin enregistrer ses œuvres sur un petit label.
Il collabore avec des troupes de théâtre, participant à des spectacles et des animations de rue avec la Compagnie Jolie Môme, puis fait une autre expérience scénique avec Olivier Py. Mais surtout, depuis près de vingt ans, il fait route commune avec l’auteur dramatique Valère Novarina, pour lequel il écrit des musiques et se produit en scène, et sort en 2008 le CD “Paccoud chante Novarina”.
Mais Paccoud est aussi un artiste impliqué dans son métier?: pendant des années il a animé une goguette populaire à La Butte-aux-Cailles à Paris, et il dirige actuellement une chorale d’amateurs qui se réunit tous les dimanches au bar culturel La Joie du Peuple, dans le 20e arrondissement. Il écrit aussi des spectacles et des albums pour le jeune public (“Arthur le pêcheur de chaussures”, 2000) et pour les personnes en centre éducatif fermé et en milieu psychiatrique (“Les Magnifiques”, 2011). Enfin, il a participé à de nombreuses émissions radiodiffusées sur France Culture.
Anarchie, ma blanche (1990) reste un moment fort et inévitable de ses prestations publiques. Il a su également s’investir fortement dans ses interprétations des Jacques de Richepin et de Ni Dieu ni maître de Ferré.
Et aussi :
Les auteurs Guy Debord : La Java des Bons-Enfants (1968, d’après Raymond Callemin dit Raymond-la-Science, 1912), Jacques Le Glou : Il est cinq heures (1968), La Mitraillette (1969)…
Parmi les compagnons de “spectacle” du mouvement, les chanteurs Maurice Fanon, Bernard Lavilliers, Renaud, Henri Tachan, Bernard Meulien, Jean-Marc Le Bihan, Évariste, Anne Vanderlove, les duettistes parodistes Font et Val…
Signalons encore quelques rares auteurs et interprètes familiers de ce type de répertoire : Jehan Jonas, Dominique Grange, Carlos Andreu, Serge Utgé-Royo… sans oublier plusieurs artistes proches du mouvement anarchiste : Paco Ibañez, Paul Castanier (pianiste de Ferré), Jean Guidoni, Gilles Servat, Vania Adrien Sens, Vincent Absil, Louis Capart, Alain Aurenche, Nathalie Solence, Marc Havet… qui se produisent régulièrement dans les théâtres et les petits lieux parisiens?; auxquels nous pouvons rattacher encore quelques personnalités plus proches de la gauche et de l’extrême gauche comme Colette Magny, François Béranger, Leny Escudero…
Les interprètes
On comprendra que le répertoire anarchiste ait été considéré comme trop subversif et pas assez “commercial” pour être repris et enregistré par les grandes vedettes. On y trouve d’ailleurs très peu d’interprètes féminines. Ce sont plutôt des artistes lyriques, des chanteurs à voix, qui ont clamé les couplets révolutionnaires, parfois entre deux romances ou chansons patriotiques ! Parmi ceux qui sont représentés dans notre anthologie, relevons quelques noms :
Henri WEBER (ou D’Haller, 1875-1941)
Baryton. Il enregistra L’Internationale dès 1899. Spécialiste des chansons patriotiques (Le Père la Victoire créé par Paulus), il est aussi le seul à avoir gravé le Forgeron de la paix, pièce surprenante de la part des auteurs à succès Villemer et Delormel ! Weber a également gravé et parfois créé sur disque des chansons de Paul Delmet, dont les Stances à Manon sur des paroles de Maurice Boukay.
Francis MARTY
Ténor de l’Opéra de Monte-Carlo, Interprète de romances et de chansons vécues (La Fée verte), il se produit aux Quat’ z’Arts. Il évolue ensuite vers les chansons plus engagées (L’Internationale) et enregistre quatre titres de Montéhus au début des années 30, dont La Butte Rouge. Non pas ça ! pas la guerre s’inscrit dans le mouvement pacifiste, né des souffrances de la Grande Guerre et craignant un nouveau conflit après l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne.
E. COMBES
L’un des plus anciens interprètes des chansons sociales : Ouvrier, prends la machine de Charles Keller et le fameux Soleil rouge de Maurice Boukay. Il est notamment connu pour avoir gravé la Marche du 1er mai en 1910.
Louis ZUCCA
A enregistré Le Drapeau rouge (Marius Réty), et aussi des duos avec le populaire chanteur radiophonique Fred Gouin. Il est à son aise avec les Soldats de Marsala de Gustave Nadaud.
D’autres, plus impliqués et engagés, ont enregistré pour la marque La Voix des Nôtres de Jean Lorris dans les années 30 :
Marcel CLÉMENT
Baryton, Président du Chœur Mozart?; il est le premier interprète des Canuts de Bruant en disque, chante Pierre Dupont (Le Chant des Nations), Béranger (La Sainte-Alliance des peuples), etc.
Pierre SURGÈRES
Connu par ses enregistrements de chansons révolutionnaires : L’Insurgé d’Eugène Pottier, Salut Commune ! de Clovis Hugues, La Canaille d’Alexis Bouvier
DELMAS (Georges Dominique, mort en 1942)
Compositeur-interprète, fréquente La Muse Rouge. Fait notamment équipe avec Eugène Bizeau dont il signe les musiques sous le nom de G. Isabelli, notamment le remarquable Soleil levant.
Des chansonniers et artistes de cabarets de l’entre-deux-guerres ont volontiers repris le répertoire de leurs aînés et redonné vie aux chansons marquantes des grands auteurs du XIXe siècle :
STELLO (Paul-Édouard Fichter, 1892-1945)
Grand barde montmartrois et pilier-animateur du Lapin Agile, Stello a enregistré de nombreux disques où sa voix forte a fait de lui l’un des meilleurs interprètes des chansonniers : Gustave Nadaud, Jules Jouy, Mac-Nab, Théodore Botrel… et surtout Bruant (V’là l’ choléra qu’arrive).
TRÉMOLO (Pierre-Yves Garnot, mort en 1970)
Le mystérieux Trémolo, pianiste et compositeur, apparaît aux Deux Ânes (1921 et 1929/30) et au Théâtre de la Caricature (ex-Perchoir). Outre ses duos avec Pierre Dac (1930), il est surtout connu pour avoir mis en musique de nombreuses chansons de Georgius à partir de 1924 (La Plus bath des javas). Ses rares interprétations chantées ne manquent pas de caractère : L’Expulsion de Mac-Nab dont il donne la toute première édition sonore (1931), Le Pendu et Un bal à l’Hôtel de Ville du même, ainsi qu’Un bal chez le ministre de Jules Jouy.
Raymond SOUPLEX (Raymond Guillermain, 1901-1972)
Beaucoup plus connu, le chansonnier Raymond Souplex débute à la Vache Enragée en 1927, puis se produit au Caveau de la République, au Perchoir, aux Noctambules, aux Deux Ânes, aux Dix-Heures et à la Lune Rousse où il crée le Club des Chansonniers. Il participe très tôt à des émissions de radio populaires (“Sur le banc” avec sa complice Jane Souza). Interprète occasionnel, il devient surtout comédien (“Les Cinq dernières minutes” à la télévision). À côté de ses propres œuvres, il reprend volontiers les chansons sociales comme L’Insurgé d’Eugène Pottier dans l’indispensable série “Histoire de France par les chansons” éditée par Le Chant du Monde.
Depuis la Libération, et grâce à la grande vogue des cabarets initiée par Saint-Germain-des-Prés, nombre d’artistes se sont plus ou moins spécialisés dans les répertoires des poètes, auteurs et chansonniers souvent oubliés. L’après-mai 1968 a redonné une vigueur et une actualité nouvelles aux chansons révolutionnaires et anarchistes.
Éric AMADO
Interprète fin de Prévert, il s’est fait entendre au Quod Libet, à L’Écluse, à l’Échelle de Jacob. Il est le premier à avoir enregistré le Temps des crises de Jules Jouy.
Paul BARRÉ
Chanteur et comédien, il fit longtemps équipe avec Pierre Louis sur les ondes de Paris Inter. Tous les deux, comme Raymond Souplex, apportèrent leur talent à la série “Histoire de France” du Chant du Monde. Son excellent Grand métingue de Mac-Nab en témoigne.
Rosalie DUBOIS
Vedette populaire au tout début des années 60 (Olympia), elle est victime d’un grave accident en 1962. Rosalie Dubois ne remonte sur les planches qu’en 1968 à l’Échelle de Jacob. Après Bobino en 1970, elle oriente son répertoire vers la chanson plus engagée. Elle enregistre ses “Chants de révolte et de liberté” en 1976 (Expression Spontanée), puis co-édite avec son mari un coffret de cinq disques intitulé “Chants Révolutionnaires de Notre Histoire” (1978/82) : La Canaille, Ni Dieu, ni maître (1892), La Chanson des ouvriers, Gloire au XVIIe, La Chanson de Craonne, Marche ou crève, La Butte rouge, Soleil levant… Rosalie Dubois nous a permis d’inclure dans notre anthologie deux chansons anarchistes : Heureux temps de Paul Paillette, et Chant international (L’Internationale noire) de Louise Michel.
Marc OGERET
Ayant fait ses armes aux terrasses des cafés, Marc Ogeret se produit à la Fontaine des Quatre Saisons, Chez Agnès Capri, à L’Écluse, à la Colombe, au Port du Salut et à la Contrescarpe. Il est l’un des meilleurs interprètes des grandes chansons du répertoire traditionnel, des grands auteurs populaires comme des meilleurs poètes contemporains. Parmi ses albums thématiques, citons “Autour de la Commune (Vogue), “Chansons contre”: Le Triomphe de l’anarchie, Le Grand métingue du Métropolitain, L’Expulsion, Plus d’patrons, Le Père Duchesne, Le Père Lapurge… (Vogue). Les Anarchistes ne pouvaient trouver meilleur compagnon que Marc Ogeret, qui sait interpréter Ferré comme personne.
Yves MATHIEU
Patron du Lapin Agile et cousin germain de Jean-Roger Caussimon, il a fait son apprentissage dans le célèbre cabaret montmartrois de son beau-père Paulo (fils de Frédé) où il a vu s’essayer un Georges Brassens mort de tract. Amoureux fidèle du répertoire des grands chansonniers, il vient d’enregistrer l’intégrale des monologues de Bruant figurant dans les trois volumes de “Dans la Rue“. Il nous a offert pour l’occasion Pus d’ patrons et Casseur de gueule.
Jean WEBER
Musicien fin et complet — il a été guitariste de studio pendant vingt-cinq ans — et interprète sensible trop méconnu, Jean Weber a réalisé, spécialement pour notre projet et selon son propre aveu, un “enregistrement pour l’Histoire et sans apologie, en souvenir du camarade Pierre Jamet (Les 4 Barbus) qui renvoya sa carte du PC en novembre 1956“. Il reprend d’ailleurs avec talent deux célèbres chansons anonymes, Le Père Duchesne et Ravachol, ainsi que le Triomphe de l’anarchie, qui figuraient dans l’album des 4 Barbus mentionné ci-dessous.
“Tous les anarchistes, à quelque tendance qu’ils appartiennent, sont d’une certaine façon des individualistes. Mais la réciproque est loin d’être vraie : tous les individualistes ne sont pas, tant s’en faut, des anarchistes.” (Malatesta, 1907)
Christian Marcadet et Jean Buzelin
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS 2013
Discographie, bibliographie
À écouter
Chansons de France - Chansons révolutionnaires et sociales : collectif avec E. Combes, Marcel Clément, Henri Weber, Pierre Surgères, Montéhus... (CD Marianne Mélodie, 2004).
Les Chants de la liberté : collectif, direction artistique Jean Dejeautre (CD Chantiers pour un autre futur, 1997).
Chants Révolutionnaires de Notre Histoire : collectif avec Rosalie Dubois + Boris Napès : Le Soldat de Marsala, Ouvrier prends la machine, Le Père Lapurge, Le Père Duchesne, Le Soleil rouge, La Paix, le pain, la liberté, etc., Claude Réva : La Révolte (Privas), L’Idée (D’Avray), À Biribi, etc., Alain Lançon : Aux loups et Paysan, paysan (J.-B. Clément), etc. (5 LP A.B.R., 1978/82).
Histoire de France par les chansons : collectif avec Germaine Montero, Paul Barré, Raymond Souplex, Éric Amado, Jean-Christophe Benoit… (21 volumes LP 17 cm, Le Chant du Monde).
Pour en finir avec le travail - Chansons du prolétariat révolutionnaire - volume 1?» : collectif avec Jacques Marchais et Vanessa Hachloum (alias Jacqueline Danno) (LP RCA, 1974 - rééd. CD EPM, 1998).
Le Paris de Bruant : collectif avec Aristide Bruant, Stello, Paulo, Germaine Montero, Patachou, Monique Morelli, Marc Ogeret, Marcel Nobla, Yves Mathieu, Jean Weber… (4 CD EPM, 2010).
Gaston Couté, 2 vol. : collectifs avec Marc Robine, Gérard Pierron, Monique Morelli, Édith Piaf, Claude Antonini, Le P’tit Crème et Pierrot Noir (CD EPM Poètes & Chansons, 2002 et 2008).
Jacques Gueux : Chansons sociales en Belgique volume 2 collectif avec André Bialek, Claude Flagel, Christiane Stefanski... (LP Radio télévision culture Liège/RTB, 1976).
Jules Jouy : Du rire aux armes : collectif avec Annie Papin, Christophe Bonzom, Jean-Luc Debattice (2 CD Édito-Hudin, 2000).
Les 4 Barbus : Chansons anarchistes (album incluant les titres suivants : L’Internationale noire, La Dynamite, La Révolte, Le Père La Purge, La Chanson du Père Duchesne, Ravachol, La Ravachole, Le Triomphe de l’anarchie, À Biribi, Les Fayots, Heureux temps, Les Pavés) (LP SERP, 1969)?; La Commune de Paris (LP SERP, 1970).
Les Amis d’ ta femme : Noir… et rouge aussi un peu (CD AND Prod. Music, 2003).
D’Avray, Charles : Disque du souvenir (LP 25 cm Régence, ca. 1960).
Branger, Stéphane : Connaissez-vous Mac-Nab ? (CD autoproduit/Éponymes, 2010).
Compagnie Jolie Môme : Rouge Horizon (CD autoproduit, 1999).
Dubois, Rosalie : Chants de Révolte (CD EPM 2008 - rééd. partielle des LP A.B.R.).
Ducret, Sébastien : Quel est le fou ? (chansons d’Eugène Pottier) (CD Nib Production, 2011).
Ferré, Léo : Récital 1969 en public à Bobino (LP Barclay, 1969 - Rééd. CD Barclay/Universal, 1995).
Gilles et Julien : Intégrale 1932-1938 (2 CD Frémeaux & Associés, 2004).
Grange, Dominique : L’Utopie toujours... (2 CD Édito Musiques, 2005).
Montéhus : Le Chansonnier humanitaire - 1905-1936 (2 CD EPM, 1992).
Paccoud, Christian : Live au Limo (CD Le Loup du Faubourg, 2003).
Ogeret, Marc : Autour de la Commune (1846-1888) (LP Vogue, 1968 - Rééd. Vogue/BMG, 1997)?; Chansons contre (1880-1914) (LP Vogue, 1968)?; Chansons contre (suite...) (LP Vogue, 1980)?; (CD Vogue/BMG, 1997 - rééd. partielle des deux LP).
Oswald, Marianne : L’Art de Marianne Oswald, 1932-1937 (CD EPM, 1992).
Piton, Jean-Michel : De l’Hiver à l’Hiver (poèmes et chansons de Jean Richepin) (CD Éd. du Petit véhicule, 1992).
René Binamé : 71-86-21-36, Quelques chansons pour faire la révolution (CD Arédjé, 1996).
Utgé-Royo, Serge : Chansons d’hier soir... (CD Mots et Musique/Radio Libertaire, 1991).
Et une bonne part des répertoires de Catherine Sauvage, Simone Bartel, Francesca Solleville, Marc Robine...
À lire
Barbier, Pierre & Vernillat, France, Histoire de France par les chansons, volumes 4, 5, 6, 7, 8 (nrf Gallimard, 1957-1961).
Brécy, Robert, Autour de la Muse Rouge - 1901/1939 (Éditions Christian Pirot, 1991).
Brécy, Robert, Florilège de la chanson révolutionnaire de 1789 au Front populaire (Éditions Hier et Demain, 1978).
Brochon, Pierre, Le Pamphlet du pauvre (1834-1851) (Les Classiques du peuple - Éditions Sociales, 1957).
Herbert, Michel, La Chanson à Montmartre (La Table Ronde, 1967).
Manfredonia, Gaetano, La Chanson anarchiste en France des origines à 1914 (L’Harmattan, 1997).
Manfredonia, Gaetano, Libres ! Toujours - Anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes du XIXe siècle (Atelier de création libertaire, 2011).
Pénet, Martin, Mémoire de la Chanson, t. I & II (Omnibus, 1998 & 2004).
Sallée, André & Chauveau, Philippe, Music-hall et café-concert (Bordas Spectacles, 1985).
Vernillat, France & Charpentreau, Jacques, Dictionnaire de la Chanson française (Larousse, 1968).
Souvent cité dans les débats actuels sur l’éthique et la société, le philosophe Michel Onfray se revendique du courant post-anarchiste. Comme il le déclare lui-même dans “La puissance d’exister, Manifeste hédoniste” (Grasset, 2006) : “Je souhaite plutôt arrimer mon travail à ce qui manque dans les pages des histoires de l’anarchisme publiées ces temps-ci: celles qui intègrent Mai 68 et la suite. Non pas les faits mêmes, mais les idées qui les produisent, les accompagnent et en découlent…”. Un coffret de 4 CD sur ce thème a d’ailleurs été édité en 2011 chez Frémeaux & Associés (réf. FA5307) : “Michel Onfray?: Le post-anarchisme expliqué à ma grand-mère”.
FRENCH SONGS FROM THE ANARCHIST MOVEMENT
A tumultuous history
Retracing the history of French songs of the anarchist movement involves examining at the same time the philosophical, political and social history of the period, as well as the opinions that influenced it in addition to any appropriate topical events. In fact, besides the main positions and particular political beliefs adopted by various anarchist movements (rejection of any form of authority and man’s exploitation of man, anti-Establishment, pacifism, anti-clericalism, questioning the ideas of individual ownership, proletarian internationalism …) , anarchism, particularly active in France between 1880 and 1920, was marked by a succession of dramatic events and bloody assassination attempts which, rather than changing society in any way, had more effect on the way people thought. It is thus difficult to define a common thread that reunites all the anarchists apart from an overall rejection of all forms of authority and any threat to individual freedom.
A discussion of anarchistic songs also involves examining whether anarchy could become a template for living in society and about the diverse movements which gathered under its banner. In so far as this ideology was never based on a homogenous doctrine and that it lends itself to a wide variety of interpretations, groups declaring themselves as anarchists simply adopted its rebellious and dissident way of thinking.
With regard to what interests us more directly in this anthology i.e. the songs born out of the ideas of the anarchist movement throughout its development, there are almost two centuries’ worth of original compositions of undeniable artistic and poetic value (Le Soleil Rouge, Ouvrier prends la machine, Le Triomphe de l’Anarchie, Vingt ans, Ni Dieu ni maître …) but it is a repertoire that also includes sections that merely reproduce word for word the main anarchist themes mentioned earlier.
The infernal cycles of assassination attempts and repression
Throughout its history the main line of anarchist thought wavered between a system of social self-management and one of libertarian individualism. The modern perception of anarchism appeared in the works of thinkers writing in the aftermath of the French Revolution. The most notable forerunners were the theorist from the bourgeoning socialist movement, Joseph Proudhon (1809-1865), hostile to any form of revolutionary action and in favour of an emancipated society founded on a free workers’ association organised in co-operatives, and the supporter of individual anarchy, philosopher Max Stirner (1806-1856) who opposed any form of submission and preached hatred of the Establishment which he believed to be invariably totalitarian. While the initial dominant current of thought remained linked to the socialist movement, other tendencies began to appear including the anarchist trade unions which opposed political authority. Another dominant figure, Mikhaïl Bakounine (1814-1876), backed the idea of self-determination based on collectivism, revolutionary action on the part of the oppressed and self-emancipation of the individual.
Towards the end of the 19th century, anarchists began to make a name for themselves internationally through their writing, the meetings they organised and above all by the first attacks they carried out against society. The first example of this came in Imperial Russia in with the assassination of Tsar Alexander 11 by young anarchists in March 1881. Further attacks against Tsarist power were led by the Narodnaya Volya (The Will of the People), one of the models of international terrorism. It was, however, the wave of successive anarchist terrorist attacks in France that made the headlines between 1890 and 1912. So many murderous attacks claimed by the anarchists which, with the beheading of their leaders, led to the cult of martyrdom of the movement.
The culminating point of this hellish cycle of violence-repression-vengeance came on the 28 June 1914 in Sarajevo when the assassination of Archduke Franz Ferdinand of Austria brought this bloody series to an end, precipitating Europe into the even bloodier First World War.
Themes common to the workers’ movement and other more specific ones
Songs have always been an efficient way of diffusing ideas and of bringing people with similar aims together. The anarchist movement obviously adopted this means of communication but the resulting repertoire perforce grew out of the various ideologies that made up the movement. Hence, any collection combines both pacifism and violent insurrection, a theory of work based on self-management and advocacy of idleness as a means of subversion, plus the idea of brotherhood versus anticlericalism… Thus a list of the overall themes common to the worker’s’ movement must include the following: solidarity, total rejection of exploitation, a general strike as a means of crippling the capital and setting up a new social order, coupled with the idea of a final struggle, demand for equality of women both at work and within society, opposition to neo-colonialism, proletarian internationalism, pacifism/anti-militarism, abolition of the death penalty, support for a certain morality – including liberalism! – against alcohol and tobacco seen as the scourges of the working class…
But in addition to these main ideas, there were other more fundamentally specifically anarchist themes, namely concer-ning the question of the collective order: a global rejection of the established order, fierce opposition to the Repu-blican vote and to formal democracy (of which the slo-gan “Elections a trap for idiots” is the most convincing example), a deep-rooted antipathy to the military in all its forms going as far as insubordination, but also of the judiciary and the police, all seen as examples of the bourgeoisie.
Finally there are other individual aspects to be considered, more the result of habits and attitudes, that stand out in the anarchist milieu. These included a defiant anti-conformist position vis-à-vis middle class moral attitudes: demands for more sexual freedom such as free love, radical feminism and homosexuality and fervent support for any movement on the margins of society or any which were against what was considered socially correct.
Songs that became popular throughout the anarchist movement
One of the difficulties in collating songs that came out of the anarchist revolution is that the composers of a large number of them still remain anonymous today. Certain composers are still unknown because they wrote their songs on the spur of the moment simply to galvanise followers of the movement in the heat of action. As these titles were never intended to be issued commercially, either as sheet music or on record, they were soon forgotten or underwent numerous variations.
From wine bars to music halls: a great change in social songs
Until the late 19th century militant groups sang their militant songs not only at political rallies, social gatherings and during street demonstrations but also at family parties or neighbourhood get-togethers and, occasionally, even in bars and literary cafés which readily welcomed a rebellious, ant-conformist spirit. This move to cafés and later music halls saw the end of the improvised workers’ vocal groups and it was now professional singers who took over and whose main aim was to please their public rather than plead a cause.
Songs featured in this anthology
In view of the problems involved in gathering together all the symbolic songs of the anarchist movement as many were never recorded, or only in more recent versions and others were subject to copyright or other restrictions, we have assembled here the most significant ones available in their original version with the addition of some more recent versions in order to offer the listener a truly representative view. We have included certain songs that in some way reflect the same spirit that also existed on the fringes of the movement at various moments. For example, the social satire written at the end of the century by Alfred Jarry (La Chanson du Décervelage), the whimsical sketch stripped of any sociological or philosophical pretension (Meeting anarchiste), the bitter-sweet humorous sketch by Henri-Georges Clouzot and Gilles (Le Jeu de massacre) and the one we decided to slip in with a title in Esperanto (La Espero) to symbolize the internal and pacific aspect of the movement.
Because they share many common values e.g. opposition to capitalist exploitation, to proletarian internationalism, pacifism and the Paris Commune, anarchist songs were frequently incorporated within anthologies dedicated to socialism or the workers movement.
In making our selection we also had to take into account the technical quality of the recordings and regretfully reject those made in adverse conditions in the early years of the 20th century, or those that were in too bad a condition, plus the fact that many were extremely rare. On the other hand, in order to make this anthology as truly representative as possible, it was necessary to include a certain number of titles which apparently had never been recorded commercially (e.g. Le Père Peinard au populo) or which were made after May 1968 and are thus still under copyright (Le Triomphe de l’Anarchie, Le Père Duchesne…). Here acknowledgement must be made to the sterling work of Jean Weber, an all-round interpreter but specialising in scout songs and the varied repertoires of the 4 Barbus. And to Christian Paccoud who reprised Leo Ferré’s symbolic Ni Dieu ni maître as it was not possible to feature the original by its composer here, while the Ferré title chosen Les Anarchistes is a version by Marc Ogeret.
Adapted by Joyce WATERHOUSE from the French text of Christian MARCADET and Jean BUZELIN
© FRÉMEAUX & ASSOCIÉS 2013
Composers
The forerunners
Pierre-Jean de BÉRANGER (1780-1857)
Gustave NADAUD (1820-1893)
Alexis BOUVIER (1836-1892)
The heirs of the social movements
Eugène POTTIER (1816-1887)
Children of the Commune, workers and non-professional artistes
Louise MICHEL (1830-1905)
Charles KELLER (1843-1913)
Clovis HUGUES (1851-1907)
Anarchists of the 19th Century
François BRUNEL (born around 1864)
(Jean) Baptiste MARTENOT
The singers “chansonniers” of Montmartre
Jean RICHEPIN (1849-1926)
Aristide BRUANT (1851-1925)
Maurice MAC-NAB (1856-1889)
Jules JOUY (1855-1897)
Maurice BOUKAY (1866-1931)
Gaston COUTÉ (1880-1911)
Alfred JARRY (1873-1907)
Militant singers
Paul PAILLETTE (1844-1920)
MONTEHUS (1872-1952)
Charles d’AVRAY (1878-1960)
Eugène BIZEAU (1883-1989)
Between the two World Wars
René CLAIR (1898-1981)
Robert GOUPIL (1896-1938)
Jean VILLARD “GILLES“ (1895-1982)
Post war
Léo FERRE (1916-1993)
Georges BRASSENS (1921-1981)
Boris VIAN (1920-1959)
Post 68
Bernard ASCAL (born in 1943)
Christian PACCOUD (born in 1954)
Discographie
CD 1
MARCEL CLÉMENT
1. La Sainte-Alliance des peuples (Pierre-Jean de Béranger - air : Le Dieu des bonnes gens Rouget de Lisle) 1818
Acc. piano Jean Petit
ca. 1932
ERSA 228 (Le Disque d’Avant-Garde) (mx VN 228)
PIERRE SURGÈRES
2. La Canaille (Alexis Bouvier - Joseph Darcier) 1865
Acc. piano Jean Petit
ca. 1930
La Voix des Nôtres 215 (coll. Jean Lorris) (mx VN 215)
LOUIS ZUCCA
3. Le Soldat de Marsala (Gustave Nadaud) 1870
Orchestre Albert Valsien
ca. 24 novembre 1931
Odéon 250.067 (mx KI 5034-1)
D’HALLER (alias HENRI WEBER)
4. Le Forgeron de la paix (Gaston Villemer & Lucien Delormel - Tac-Coen) 1876
Acc. d’orchestre
18 novembre 1909
Gramophone 0232108 (mx 01248v)
E. COMBES
5. Ouvrier, prends la machine (Le Droit du travailleur) (Charles Keller - James Guillaume & Zède) 1874
Acc. de piano
ca. juillet 1911
APGA N° 2128-2129 (mx A 291-A 292)
PIERRE SURGÈRES
6. Salut, Commune ! (Clovis Hugues - Pierre Létorey) 1881
Acc. piano Jean Petit
ca. 1930
La Voix des Nôtres 214 (coll. Jean Lorris) (mx VN 214)
CHRISTIAN PACCOUD
7. Les Jacques (Jean Richepin - Christian Paccoud) 1884
du recueil “Blasphèmes”
Accordéon Christian Paccoud
25 novembre 2012
Enr. inédit
RAYMOND SOUPLEX
8. L’Insurgé (Eugène Pottier - Hervé Ghesquière) 1880/87
Accordéon Bruno Lorenzoni
Début 1960
Le Chant du Monde LDY 4197 (“Histoire de France n°17”)
JEAN WEBER
9. Le Père Peinard au populo (François Brunel) 1889
Guitares Jean Weber
Octobre 2012
Enr. inédit
STELLO, du Lapin à Gill
10. V’là l’ choléra qu’arrive (Aristide Bruant) 1884
Chœurs et orchestre dir. Georges Aubanel
13 mars 1935
Polydor 524.049 (mx 1658 WPP)
TRÉMOLO des Deux-Ânes
11. L’Expulsion des princes (Maurice Mac-Nab - Camille Baron) 1886
Acc. d’orchestre dir. Jehan Charpentier
Mi-1931
Artiphone A 347 (mx 13140)
YVES MATHIEU
12. Casseur de gueules (Aristide Bruant) 1888
Au Lapin Agile, 22 juin 2012
EPM à paraître
YVES MONTAND
13. Les Canuts (Aristide Bruant) 1894
Acc. sous la dir. de Bob Castella
Février/mars 1955
Odéon MOE 2157
MICHÈLE BERNARD
14. Fille d’ouvriers (Jules Jouy - Gustave Goublier) 1887/96
Accordéon diatonique Emmanuel Pariselle
1993
EPM 983242
ÉRIC AMADO
15. Le Temps des crises (Jules Jouy - air : Le Temps des cerises Antoine Renard) 1886
Accordéon André Dauchy
Mi-1961
Le Chant du Monde LDY 4198 (“Histoire de France n°18”)
PAUL BARRÉ
16. Le Grand métingue du Métropolitain (Maurice Mac-Nab - Camille Baron) 1887/90
Piano Jean Castérède
Mi-1961
Le Chant du Monde LDY 4198 (“Histoire de France n°18”)
YVES MATHIEU
17. Pus d’ patrons (Aristide Bruant) 1890
Au Lapin Agile, 8 juillet 2009
EPM 3018107
Sté Fr. “ODÉON”, Paris
18. Un meeting anarchiste (inconnu)
ca. 1903
Odéon N° 33660 (mx 33660)
ARISTIDE BRUANT
19. À Biribi (ou Les Joyeux en Afrique) (Aristide Bruant) 1891
Acc. d’orchestre
Octobre/novembre 1911
Pathé (cm 185)
JEAN WEBER
20. La Chanson du Père Duchesne (anonyme) 1878/92
Guitares Jean Weber
Octobre 2012
Enr. inédit
JEAN WEBER
21. Ravachol (anonyme) 1893
Guitares Jean Weber
Octobre 2012
Enr. inédit
HAL COLOMB & La Chiffonie
22. La Dynamite (Baptiste Martenot) 1893
Accordéon Serge Desaunay, guitare Patrick Desaunay, saxo soprano Patrick Perroton, contrebasse Matthieu Dalle
1993
EPM 983222
ROSY VARTE & GEORGES WILSON
23. La Chanson du décervelage (Alfred Jarry - Claude Terrasse - arr. Maurice Jarre) 1898
Acc. d’orgue de Barbarie
Mars 1958
Émission radiophonique, origine TNP
ROSALIE DUBOIS
24. Heureux temps (Paul Paillette - air : Le Temps des cerises Antoine Renard) 1895
Acc. Pascal Reva, Claude Reva, Noël Moralès
1978/82
A.B.R. 7816 (“Chants Révolutionnaires de notre Histoire”)
CD 2
JEAN WEBER
1. Le Triomphe de l’anarchie (Charles D’Avray) 1901
Guitares Jean Weber
Octobre 2012
Enr. inédit
E. COMBES
2. Le Soleil rouge (Maurice Boukay - Arthur Marcel-Legay) 1896
du recueil “Les Chansons rouges”
Acc. d’orchestre
ca. juillet 1911
APGA N° 2132-2133 (mx A 295-A 296)
ROSALIE DUBOIS
3. Chant International (L’Internationale noire) (Louise Michel - air : Wach am Rhein !) 1897
Acc. musical Pascal Reva, Claude Reva, Noël Moralès
1978/82
A.B.R. 7816 (“Chants Révolutionnaires de notre Histoire”)
MONTÉHUS (Répertoire)
4. Le Père la révolte (Montéhus - Raoul Chantegrelet - Henri Jegu) 1904
Acc. d’orchestre
ca. mai 1911
Pathé (cm 4678)
GRISARD
5. L’Anarchiste (inconnu)
1903
Pathé 1179 (cm 32840 - M)
CHARLES D’AVRAY
6. Les Géants (Charles D’Avray) ca. 1901
Piano Charles d’Avray
Fin 1958
Régence JV 15
CHARLES D’AVRAY
7. Viens chez moi (Charles D’Avray) ca. 1901 ?
Piano Charles d’Avray
Fin 1958
Régence JV 15
E. BOYER du Théâtre Sarah-Bernhardt
8. Les Électeurs (Gaston Couté) 1899
Extrait des Chansons d’un Gâs qu’a mal tourné
en patois beauceron
ca. janvier 1934
Vox Populi DB 808 (mx 9455AB)
MONTÉHUS (Répertoire)
9. La Grève des mères (Montéhus - Raoul Chantegrelet - Pierre Doubis) 1905
Acc. d’orchestre
ca. mai 1911
Pathé (cm 4676)
MARGUERITE SAUTREUIL - Soprano
10. Himno “La Espero” (Dro L.L. Zamenhof - F. de Ménil) 1909
Piano Yvette Mathy-Josse
1957
Porte Océane A.BCLD 10
MARTY
11. Non pas ça ! pas la guerre “chanson humanitaire” (R. Vilhianne & Henri Charpentier - Guillon & Albert Carrara) ca. 1931
Grand Orchestre Perfectaphone sous la dir. de Bervily
20 janvier 1932
Perfectaphone 3525 (mx OW 1195-1)
DELMAS
12. Soleil levant (Eugène Bizeau - G. Isabelli) 1931
Orchestre symphonique sous la dir. de Roger Guttinguer
ca. 20 juillet 1934
ERSA 236 (Le Disque d’Avant-Garde) (mx VN 236)
M. ÉMILE ROUSSEAU, de l’Opéra-Comique
13. À nous la liberté (René Clair - Georges Auric) 1931
du film “À nous la liberté”
Baryton avec orch. sous la dir. de M. E. Bervily
29 mars 1932
Gramophone K-6530 (mx OW 1416-1A)
GILLES & JULIEN
14. Tout est f…u (Jean Villard “Gilles”) 1932
Acc. piano Gilles
15 novembre 1932
Pathé X 94277 (mx N203715-MC1)
MARIANNE OSWALD
15. Le Jeu de massacre (H.-G. Clouzot & Jean Villard “Gilles” - Maurice Yvain) 1933
Au piano Pleyel Valdo Garman
13 mars 1934
Columbia DF 1539 (mx CL 4770-1)
GILLES & JULIEN
16. Vingt ans (Jean Villard “Gilles”) 1933
Piano Maurice Yvain
4 ou 5 avril 1934
Columbia inédit en 78t (mx CL 4779-A)
LOUIS ZUCCA
17. La Paix, le pain, la liberté (Robert Goupil - Jean Yatove) 1936
Orchestre Georges Briez
Juin 1936
Idéal 13.147 (mx AI 1799)
GEORGES BRASSENS
18. La Mauvaise réputation (Georges Brassens) 1952
Guitare Georges Brassens, contrebasse Victor Apicella
19 mars 1952
Polydor 530011
MOULOUDJI
19. Le Déserteur (Boris Vian - Harold Berg) 1954
Avec l’ensemble Marcel Schu
14 mai 1954
Philips N 72 222H
LÉO FERRÉ
20. Graine d’ananar (Léo Ferré) 1954
Gaston Lapeyronnie et son orchestre
Olympia, mars 1955
Odéon OSX 109
BERNARD ASCAL
21. Fabriquez-moi des lois (Bernard Ascal) 1991
Piano Roger Pouly
Théâtre du Tourtour, 27-28 octobre 1991
Enr. inédit
CHRISTIAN PACCOUD
22. Ni Dieu ni maître (Léo Ferré) 1965
Accordéon Christian Paccoud, avec chœurs
25 novembre 2012
Enr. inédit
CHRISTIAN PACCOUD
23. Anarchie, ma blanche (Christian Paccoud) 1990
Accordéon Christian Paccoud
Le Merle Moqueur, 3 novembre 1990
“Cerise Time Tour 90”
MARC OGERET
24. Les Anarchistes (Léo Ferré) 1968
Acc. orch. dir. Marc Robine
Studio Trèfle et Village, 1999
EPM 986808
Enregistrements réalisés à Paris, sauf exceptions
CD1 : 7 ; CD2 : 22, 23 © Christian Paccoud
CD1 : 9, 20, 21?; CD2 : 8 © Jean Weber
CD1 : 13, 22?; CD2 : 24 © Licence EPM
CD1 : 12, 17 © Yves Mathieu
CD1 : 24?; CD2 : 3 © Licence Rosalie Dubois/Bernard Ascal
CD2 : 10 © Fédération Île-de-France Esperanto
CD2 : 21 © Bernard Ascal
Disques originaux : collections Jacques Bernard, Jean Buzelin, Christian Marcadet
Photos et documents iconographiques : Jean Buzelin, Jean Frossard, Christian Marcadet, X (D.R.)
Renseignements discographiques : Hélène et Marc Mon-neraye
Remerciements particuliers à Bernard Ascal, Yves Mathieu, Christian Paccoud, Jean Weber, Jacques Bernard, François Dacla, Rosalie Dubois, ainsi que Madame Susanna Beglaryan (Fédération Île-de-France Esperanto).
CD L'Esprit anarchiste, de la Commune à Mai 68 : chansons anarchistes et pacifistes © Frémeaux & Associés 2013.