Le pur plaisir d’exister

Michel Onfray
Le pur plaisir d’exister

RÉALITÉ DE LA CHAIR VIRTUELLE DU PHILOSOPHE
Le son d’un philosophe dit plus, mieux, autrement que ses pages écrites. Bruno Picot, qui connaît comme personne la philosophie du XXe siècle, a pour Deleuze l’empathie que permet sa lecture de l’œuvre complète et, jadis, sa pratique de l’homme. Je tiens le film L’Abécédaire, les dialogues avec Claire Parnet, pour, peut-être, le grand œuvre de Gilles Deleuze… Certes, la légende voudrait qu’on encense Mille plateaux ou L’anti Œdipe, deux livres très cités, mais si peu lus… Pour en faire le constat, entamez une discussion sur le fond avec un aficionado revendiqué… Comme Ulysses de Joyce, Capitalisme et schizophrénie agit en double livre pas lu mais que le bon ton contraint à trouver génial. Les entretiens de Gilles Deleuze avec Claire Parnet révèlent autre chose que la pile d’ouvrages publiés aux éditions de Minuit, notamment la vérité d’une chair qui pense : un grain de voix, une posture, un sourire, un silence, une hésitation, une inflexion à cause d’une saillie ironique, un repli ou un déploiement du corps produisant ses effets dans la langue, une cadence, un souffle, un rythme, un micro râle, un grincement d’insecte métallique dans le gosier, le passage d’une glaire en fond de gorge, un renversement de la tête qui modifie la colonne d’air, un bougonnement de bouche : la chair d’un philosophe qui n’aimait pas la chair des philosophes.
A quoi ressemblait tout ça chez Platon ? Tous l’ignorent, car seuls surnagent les dialogues écrits. L’enseignement ésotérique, exclusivement oral, a évidemment disparu. Et si l’essentiel l’œuvre du philosophe se trouvait dans la parole délivrée, pour sa magie, son efficacité thérapeutique, sa puissance chamanique, sa force d’envoûtement ? La chose écrite, lue, ne fait pas l’oral. Pour cela, il faut l’improvisation, le risque, un filin d’acier tendu entre deux montagnes, un public qui guette la chute et souhaite le sang répandu, puis une performance d’acteur. Le philosophe pense sur scène, pas seulement la scène du monde, mais sur la tribune, l’estrade. Portrait du philosophe en tribun de la plèbe… Bruno Picot dispose d’une science philosophique aussi grande que sa modestie. Il sait tout, mais reste derrière, dans l’ombre. Voilà pourquoi la caméra ou le magnétophone lui vont si bien. Avec “Phronésis” et son équipe, il médiatise la parole de l’autre, se met au service et grave – comme Praxitèle –  la chair du philosophe avec un ciseau numérique. Ce philosophe qui renonce aux mots pour servir ceux des autres, ce sage qui cache son corps derrière le verbe d’un tiers, il nous montre, de fait, une autre manière de philosopher, un cran de sagesse au-dessus…
Michel ONFRAY
© 2007 FRÉMEAUX & ASSOCIÉS

Le Pur plaisir d’exister
Trois conférences de Michel Onfray à la Bibliothèque Nationale de France
De sa thèse de doctorat au “Traité d’athéologie” en passant par la création de l’université populaire MICHEL ONFRAY n’a cessé d’être un philosophe militant. Tous ses ouvrages témoignent de son engagement pour une philosophie qui soit, de fait, une “pratique de vie” et non une stérile querelle d’universitaires. Quand elles sont destinées, et elles le sont toujours, à nous demander de choisir entre la liberté et la justice , il dénonce sans complaisance les pulsions de mort d’où quelles viennent.
Loin d’être un croisé, Michel Onfray avance avec “rigueur et probité” ses choix et sans jargon, respectant ses lecteurs, il se soucie toujours d’être intelligible à qui le lit. En écho, au vieil Horkheimer qui écrivait “sans l’amour qui était dû en dernier ressort à l’érotique, la communauté engendre la profession de foi collective qui tend vers le fanatisme”, il faut dire que Michel Onfray par un travail critique, singulier et constant, nous aide, lui aussi, à nous tenir éloigné de cette inclinaison.
On a tendance à croire que le philosophe est par essence professeur de philosophie mais rien n’est moins nécessaire : il peut certes l’être, mais la meilleur manière de l’être, c’est encore de l’être comme Michel Onfray, de surcroît. Travailler avec Michel c’est éprouver, combien les plaisirs de l’amitié et de la pensée font corps. A qui aime les modulations infinies de “l’érotique solaire”, la voix de Michel Onfray est une invite aux plaisirs partagés.
Bruno PICOT
© 2007 FRÉMEAUX & ASSOCIÉS