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CLAUDE FRANÇOIS RÉTROSPECTIVE 1962

Kôkô

Claude François

Danyel Gérard

Olivier Despax

Claude François est la grande figure populaire de la musique française des années 1960 et 1970. C’est sa fameuse année 1962, celle des débuts, que Jean-Baptiste Mersiol a décidé de mettre en lumière mais cette fois-ci du point de vue des musiques de l’artiste. Claude François passe de « Kôkô » illustre twisteur inconnu, à « Cloclo » idole de la jeunesse avec son premier grand tube « Belles, belles, belles ».            Patrick Frémeaux

Claude François was the great popular figure of French music in the sixties and seventies. 1962 was the year he made his debut, and Jean-Baptiste Mersiol chose to highlight that year from the perspective of the artist’s music. In this set Claude François moves from “Kôkô”, the famous unknown twister, to “Cloclo”, the idol of France’s youth thanks to his first great hit, “Belles, belles, belles.”           Patrick Frémeaux

KOKO

 1. Le Nabout Twist (version française)     2’25

 2. Ne t’en fais pas mon vieux        2’37

 3. Ali Baba Twist    2’21

 4. Un clair de lune à Maubeuge    2’21

CLAUDE FRANÇOIS

 5. Belles ! Belles ! Belles ! 2’12

 6. Moi je pense encore à toi           2’15

 7. Venus en Blue-Jeans      2’15

 8. Hey Potatoes       2’10

OLIVIER DESPAX & ses GAMBLERS

 9. Hi! Ha! Hi! Ha! Ho!       2’56

10. Mashed Potatoes            2’29

11. Paris Madison     2’49

12. You Can’t Sit Down       2’52

13. Lolo’s Madison          2’41

14. The Madison 3’27

15. Be Bop A Lula           3’53

16. Sack O’Woe   2’47

17. El Nabout (Le Nabout Twist)            2’52

18. A little Bit of Shout (Part1)   1’23

19. A little Bit of Shout (Part2)   4’05

DANYEL GÉRARD

20. Youpi Ya tamouré     2’24

21. Improvisez le shout   2’14

BONUS

22. KOKO - Le Nabout Twist (version franco-arabe)   2’23

CLAUDE FRANÇOIS – Rétrospective 1962

            Par Jean-Baptiste Mersiol

Tout a été dit sur Claude François mais tout n’a pas été compris. Des livres les plus fantaisistes aux lieux communs sur cet artiste de grand talent semblent l’avoir relégué au rang de la petite variété française, mais Claude François c’est avant tout un excellent musicien. Ce n’est sans doute pas anodin si ce chanteur devint un excellent danseur, car doté d’un merveilleux sens du rythme, il était avant tout amateur de jazz, batteur et per­cussionniste. L’année 1962 est certainement celle où il a pu exploiter au maximum ses capacités et son talent avant de se limiter à un style un peu trop lisse. Trop peu de gens le savent, mais c’est en 1958, déjà que Claude François embrasse le désir de faire une carrière musicale. Alors employé de banque, il forme un petit orchestre avec des copains et y joue de la tumba mais très vite il décroche un emploi officiel en tant que batteur-percussionniste puis chanteur dans le grand orchestre du Sporting Club de Monte-Carlo sous la direction de Louis Frosio. Il reprend alors de grands succès de Charles Aznavour, Ray Charles, Colette Deréal et Marcel Mouldji. Il « cartonne » avec Mustapha de Bob Azzam, le grand tube du moment. Grand avantage, Claude François qui a grandi en Egypte peut chanter en Arabe car il parle la langue. L’année suivante il intègre l’orchestre de Marcel Blanchi à l’hôtel Le Provencal à Juan les Pins. Il rencontre en cette même année 1959, la jeune danseuse anglaise Janet Woollacott qu’il épouse le 5 novembre 1960 à Monaco. Les choses n’ont pas été faciles pour le jeune musicien dont le père voit d’un très mauvais œil le métier qu’il pratique et qui pourtant subvient déjà à ses besoins puis à ceux de sa famille. Ce dernier aurait préféré qu’il devienne comptable et bien qu’il ne parle plus à son fils depuis 1958, il assiste toutefois à son mariage avant de décéder l’année suivante. Ce décès sera un grand déchirement dans le cœur de l’artiste qui toute sa vie cherchera à se surpasser en pensant à la désapprobation de son père. En 1961, Claude François, décide de monter à Paris sur les conseils de l’une de ses élèves de danse Brigitte Bardot et aussi Sacha Distel, rencontrés sur la Côte d’Azur. En 1958, la France avait connu des débuts chaotiques avec le rock et Danyel Gérard, Claude Piron (alias Dany Boy), Gabriel Dalard, s’y sont cassé les ailes. En 1961, c’est un autre phénomène qui envahit la France car depuis 1960 et l’arrivée de Johnny Hallyday, le style rock se transforme : ce sera très bientôt la vague yéyé ! 1961 est donc l’année des premières démos de Claude François qui n’attirent pas l’attention des maisons de disques mais c’est aussi celle où il intègre l’orchestre d’Olivier Despax.

« Cette année là ! C’était l’année 1962 » : C’est en effet une année charnière dans la vie de Claude François. Au printemps il a enfin enregistré son premier 45 tours sous le pseudonyme de Kôkô pour le label Fontana. Il enregistre ainsi quatre titres : Le Nabout Twist, Ali Baba Twist, Un clair de lune à Maubeuge et Ne t’en fais pas mon vieux. Il existe deux éditions de ce disque avec pochettes alternatives. Il faut noter aussi que les versions n’ont pas la même destination et comportent deux versions différentes du Nabout Twist. En effet l’une des éditions est destinée à l’Afrique et contient une version arabe du titre. Si ce morceau a plutôt bien marché en Afrique, ce n’est pas du tout le cas en France où la guerre d’Algérie et ses traumatismes sont très présents dans l’esprit collectif. Ces deux 45 tours sont d’ailleurs devenus très rares et prisés par les collectionneurs. Claude François a écrit le Nabout Twist mais les trois autres chansons ne sont pas de lui. Ali baba Twist est une reprise de Bob Azzam, précisément l’auteur de Mustapha qui avait fait les premières gloires de Claude François à ses débuts. Le clair de lune à Maubeuge est une reprise de la chanson de Pierre Perrin dont Bourvil en a fait un succès. Ce qui est intéressant dans cette chanson est la technique employée par Claude François et le directeur artistique. Sa voix est transformée à certains passages : les contre chants le laisse entendre en voix accélérée. La technique consistait à chanter ces passages sur la bande ralentie pour obtenir cet effet en vitesse standard. Marino Marini avait déjà exploré cette technique dans Petronio en 1956 bien avant les Beatles. Enfin Ne t’en fais pas mon vieux est une adaptation du tube A Little Bit of Soap par André Salvet et Richard Anthony.

À l’été 1962 il rejoint à nouveau Olivier Despax et les Gamblers pour une série de concerts dans les clubs. Certains d’entre eux seront enregistrés et publiée au mois de novembre de la même année pour le label Barclay. Deux disques présentent Claude François comme percussionniste et choriste : tout d’abord le 33 tours 25 centimètres de neuf titres et un 45 tours EP issu de celui-ci qui présente toutefois en face B un titre inédit en deux parties : A Little bit Of Shout. La première partie de cette face n’est en réalité que la déclinaison de Shout des Isley Brothers. Au départ, l’album d’Olivier Despax est sans doute apparu comme un simple disque de madison et de twist mais il préfigure aussi le mouvement beatnik. Le choix judicieux des sons de certains titres comme You Can’t Sit Down ou Sack O’Woe, sont quasi précurseurs de la mouvance psychédélique à venir. Claude François participe là à un disque devenu anthologique et aussi très prisé des collectionneurs. Il a également l’avantage d’y interpréter sa chanson El Nabout Twist qu’il présente lui-même. Ce dernier titre lui offre donc la possibilité de faire un rappel de son premier 45 tours Kôkô. Pourtant la publication au mois de novembre de ce disque d’Olivier Despax est précédée par celle du deuxième 45 tours EP sous le nom de Claude François chez Fontana et enregistré à la fin de l’été/début de l’automne. Il s’agit de son premier succès : Belles ! Belles ! Belles ! adaptation de Claude François du tube des Everly Brothers : Made To Love ! Il adapte aussi trois autres chansons américaines sur ce disque : le célébrissime Mashed Potatoes, Venus in Blue Jeans de Jimmy Clanton et Breaking Up Is Hard To Do de Neil Sedaka qui devient Moi je pense encore à toi, titre également défendu en France par Sylvie Vartan. Une note anonyme présente ce « nouvel » artiste qui va dominer le paysage musical français durant deux décennies :

« Cet été à SAINT-TROPEZ, il apprenait la madison à BRIGITTE BARDOT.

Devenu ainsi professeur es-twist, madison, slop, mashed potatoes, (etc.) du TOUT-PARIS noctambule, sa « science » et son entrain lui ont attiré les regards de nombreuses admiratrices… mais encore plus sérieusement des professionnels du disque.

20 ans, musicien possédant talent et jolie voix, doué pour le rythme et la danse. Artiste complet, il a été déclaré bon pour le service de la chanson.

Sa carrière, il veut la baser sur le travail et la sincérité.

Pour cette séance d’enregistrement, il a choisi des créations qui plaisent aux jeunes et il en a fait lui-même les paroles.

Enfin, sans tricherie pour ses futurs copains, il n’a pas cherché à s’inventer une biographie « made in U.S.A ». Il n’est pas fils du shérif de Kansas-City etn’a pas été découvert par un talent-scout californien. Il s’appelle CLAUDE FRANÇOIS tout simplement. »

Cette brève présentation a de quoi faire sourire mais n’est pas beaucoup plus fantaisiste que certaines biographies empiristes actuelles le concernant. L’insouciance des années soixante au sortir de la guerre d’Algérie promettra un bel avenir à cet artiste qui deviendra vite l’idole préférée des français avec Johnny Hallyday.

Très rapidement, le succès de Claude François va l’amener à sortir ses futurs disques sur le label Philips et non Fontana qui n’est que la sous-marque du label. Comme on dit dans le jargon musical, il prendra vite du galon. Au mois de décembre, une dernière expérience « extra Claude François » voit le jour. Il s’agit de sa participation non mentionnée sur un disque de Danyel Gérard ! En effet Claude François qui a de bons rapports avec le premier rocker français, enregistre des chœurs pour celui-ci sur deux titres : Youpi Ya Tamouré et Improvisez le « Shout ». Il s’agit de la face B du 45 tours EP Polydor 27006 – Le Marsupilami. Outre le fait que Danyel Gérard compose le titre principal de ce 45 tours avec Bob Azzam, qui fit la gloire de Claude François à ses débuts, la face B est un véritable joyaux. La chose semble avoir été tenue secrète longtemps avant de réapparaître au grand jour au début des années 2000. Youpi Ya Tamouré est présenté comme étant « Le premier Tamouré français » : Claude François participe à nouveau à une sorte d’innovation. Danyel Gérard croyait vraiment à ce style qu’était le tamouré dont il composa un album entier pour le groupe Les Tamourés. Claude François n’apparaît pas dans le scopitone de Youpi Ya Tamouré mais ses couleurs rappellent fortement celui de Belles ! Belles ! Belle ! Il est fort probable que Claude Lelouch ait réalisé ces deux films à la même période. Improvisez le « Shout » est une adaptation de Shout des Isley Brothers qui fait à nouveau écho à une expérience de Claude François au sein de l’orchestre d’Olivier Despax : est-ce lui qui a suggéré ce titre ? Cette chanson joue sur la nuance et les fade in-fade out ce qui est peu habituel pour l’époque. Les séries de disques destinés aux Jukebox ne proposeront pas Improvisez le « Shout » sans doute pour des raisons esthétiques que l’on peut comprendre à l’écoute du titre ; il sera remplacé par une autre chanson : Dansons Bossa Nova où Claude François ne participera pas. Il a été dit parfois que Claude François était très exigeant sur le plan artistique et humain et qu’il aurait pu être du genre à demander à l’ingénieur du son de massacrer le son de ses vedettes américaines. En ce qui concerne Danyel Gérard qui est parti en tournée dans toute la France avec lui à cette époque-là, il n’en sera rien, les rapports entre les deux hommes ayant toujours été amicaux : Ils s’appelaient respectivement « L’Égyptien » et « L’Arménien » ! Danyel Gérard a toujours eu beaucoup d’admiration pour Claude François et a toujours dit le bien qu’il pensait de son ami, disparu trop tôt. Après cette expérience de choriste, Claude François se consacrera entièrement à son étiquette de chanteur de variété. Il démontre toutefois son talent de batteur à L’Olympia en 1963 dans un solo publié sur l’album du concert. L’année 1962 est une année exceptionnelle dans la carrière de l’artiste car elle révèle toutes ses facettes passées, actuelles et à venir.

Jean-Baptiste Mersiol

© Frémeaux & Associés 2023

CLAUDE FRANÇOIS – RÉTROSPECTIVE 1962

1. KOKO – Le Nabout Twist (version française) 2’25

(Claude François / Claude François) – EP Fontana 460.109 TE – 19 mars 1962.

2. KOKO – Ne t’en fais pas mon vieux 2’37

(Bert Russel / André Salvet Richard Anthony) – EP Fontana 460.109 TE – 19 mars 1962.

3. KOKO – Ali Baba Twist 2’21

(Bob Azzam – Joe Stupin / Fred Adison) – EP Fontana 460.109 TE – 19 mars 1962.

4. KOKO – Un clair de lune à Maubeuge 2’21

(Pierre Perrin/ Claude Blondy) – EP Fontana 460.109 TE – 19 mars 1962.

5. CLAUDE FRANÇOIS – Belles ! Belles ! Belles ! 2’12

(Phil Everly / Claude François) – EP Fontana 460.841 ME – octobre 1962.

6. CLAUDE FRANÇOIS – Moi je pense encore à toi 2’15

(Neil Sedaka – Howard Greenfields / Georges Aber – André Salvet) – EP Fontana 460.841 ME – octobre 1962.

7. CLAUDE FRANÇOIS – Venus en Blue-Jeans 2’15

(Howard Greenfields – Neil Sedaka / Claude Carrère – Georges Aber) – EP Fontana 460.841 ME – octobre 1962.

8. CLAUDE FRANÇOIS – Hey Potatoes 2’10

(Vline Buggy / Marcel Pomes) – EP Fontana 460.841 ME – octobre 1962.

9. OLIVIER DESPAX – Hi! Ha! Hi! Ha! Ho! 2’56

(Georges Aber / Jo Moutet) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.

10. OLIVIER DESPAX – Mashed Potatoes 2’29

(Dessie Rozier) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.

11. OLIVIER DESPAX – Paris Madison 2’49

(Johnny Ward) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.

12. OLIVIER DESPAX – You Can’t Sit Down 2’52

(Clark Dee / Philip Upchurch / Cornell Muldrow) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.

13. OLIVIER DESPAX – Lolo’s Madison 2’41

(Olivier Despax) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.

14. OLIVIER DESPAX – The Madison 3’27

(Kenneth Chambers) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.

15. OLIVIER DESPAX – Be Bop A Lula 3’53

(Gene Vincent / Bill Davis / Claude Moine – Gisèle Vesta) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.
16. OLIVIER DESPAX – Sack O’Woe 2’47

(John Adderley) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.
17. OLIVIER DESPAX – El Nabout (Le Nabout Twist) 2’52

(Claude François) – 25 cm Barclay 82289 – novembre 1962.
18. OLIVIER DESPAX – A little Bit Of Shout (Part1)1’23

(Joe Dee) – EP Barclay 72548 – novembre 1962.
19. OLIVIER DESPAX – A little Bit Of Shout (Part2) 4’05

(Joe Dee) EP Barclay 72548 – novembre 1962.

20. DANYEL GÉRARD – Youpi Ya tamouré 2’24

(Simonne Flin – Georges Aber / Danyel Gérard)- EP Polydor 27006 – décembre 1962

21. DANYEL GÉRARD – Improvisez le Shout 2’14

(Georges Aber / Danyel Gérard) – EP Polydor 27006 – décembre 1962

BONUS

22. KOKO – Le Nabout Twist (version franco-arabe) 2’23

(Claude François / Claude François) – EP Fontana « édition alternative » 460.109 TE – 19 mars 1962.