PIERRE BOULEZ

Chef d’orchestre

Stravinsky, Schoenberg, Boulez        1956-1962

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PIERRE BOULEZ CHEF D’ORCHESTRE - STRAVINSKY, SCHOENBERG, BOULEZ, etc. 1956-1962

Par Christophe Lointier

Si nous prions des oreilles profanes de mentionner les noms de deux compositeurs qui personnifieraient la musique contemporaine du second XX^e siècle en France, nul doute que ceux d’Olivier Messiaen (1908-1992) et de Pierre Boulez (1925-2016) seraient les plus convoqués.

L’aîné, dont le rayonnement péda­go­gique n’eut pas son pareil, fut très tôt louangé pour son accessible et poignant Quatuor pour la fin du temps - écrit au stalag en 1941 -, puis plus tardivement pour son opéra Saint-François d’Assise, couronnant des décennies de recherches musicales combinant foi chrétienne et transcription de chants d’oiseaux. Le cadet, qui suivit les cours d’harmonie avancée de Messiaen au Conser­vatoire de Paris, dont il admirait la « spontanéité créatrice » et qu’il considérait comme son « maître », fut sans nul doute l’un des plus grands compositeurs et passeurs de notre temps.

Le créateur

Le catalogue de Pierre Boulez est peu pléthorique (une soixantaine d’opus) mais néanmoins jalonné de quelques œuvres majeures - régulièrement remises sur le métier - qui sapèrent les fondations de l’académisme musical. Polyphonie X, créée en 1951, fit scandale pour son sérialisme jugé trop théorique et radical. « Il y a des endroits, écrivit le compositeur dans une lettre à un ami, où m’est apparue frappante la synthèse entre langage et sensibilité, et d’autres endroits où le « faire » musical n’est pas à la hauteur de ce que j’aurais voulu exprimer, ou inversement le « faire » musical atteint une indépendance et défait ce que je voudrais exprimer. ». Boulez s’amendera un peu plus tard avec Le marteau sans maître, sur des poèmes de René Char, en opérant un relatif adoucissement de son langage musical, aux accents plus « mélodiques », étayé par une instrumentation « extrême-orientale ». Dans Pli selon pli, hommage à Mallarmé, le compositeur développera toujours plus avant le raffinement de ces fameuses «structures» et introduira dans l’œuvre un principe de liberté par le choix accordé aux interprètes entre plusieurs versions, ainsi qu’une certaine licence d’improvisation dans un cadre prédéterminé. Se succèderont par la suite Rituel in memoriam Bruno Maderna, tombeau musical créé en 1973 en hommage à son ami compositeur récemment décédé, fondé sur un ensemble de sept notes relatives aux sept lettres du nom « Maderna ». Et pour finir, Répons, œuvre électro-acoustique, qui requiert un dispositif scénique singulier, à savoir un ensemble instrumental placé au centre du public, six solistes disposés à la périphérie de la salle et un dispositif électronique qui interagit avec ces derniers en temps réel.

L’initiateur

Si Pierre Boulez fut incontestablement le chef de file de l’avant-garde française et de la recherche sonore, il plaidera également durant l’entièreté de sa vie musicale en faveur de la diffusion de la musique contemporaine, endossant tour à tour l’habit de professeur et de directeur d’institutions. Aussi, de 1976 à 1995, il occupera la chaire intitulée « Invention, technique et langage en musique » au Collège de France dans le but de sensibiliser le public aux diverses pratiques compositionnelles et à l’analyse des œuvres. Toutefois si la musique peut être élucidée, elle doit avant tout être jouée, et Pierre Boulez n’aura de cesse de s’en faire le promoteur. Dès 1954, il créa le Domaine musical dont le répertoire, qui comportait primitivement de la musique ancienne, s’orienta progressivement vers les œuvres du XXe siècle et de l’avant-garde. Ultérieurement, à la demande du président Georges Pompidou, il fonda l’Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique) – qui est encore aujourd’hui le centre de création musicale et d’exploration sonore le plus couru de la planète pour les jeunes créateurs - et l’Ensemble intercontemporain, formation de trente et un solistes exclusivement dévolue à l’exécution de la musique contemporaine. Ajoutons que Pierre Boulez, dont l’influence sur le monde musical ne cessa de croître, ce qui lui valut parfois quelques critiques acerbes, fut également impliqué dans les grands chantiers de l’Opéra Bastille, de la Cité de la musique et de la Philharmonie de Paris.

Le maestro

Lorsque à l’amorce des années cinquante le Domaine musical infléchit sa programmation en direction du répertoire moderne, Pierre Boulez connut des difficultés à trouver des chefs d’orchestre enclins à diriger les œuvres. Il n’eut d’autre échappatoire que de les créer lui-même. Cet embarras fut au fondement d’une carrière exceptionnelle qui lui fera prendre la tête des plus grands ensembles, en dépit du fait que certains membres du milieu musical estimaient sa direction d’orchestre trop littérale et insensible. Au début des années soixante, il entama sa carrière internationale à l’Orchestre de la Résidence de La Haye, puis au Concertgebouw d’Amsterdam. En 1963, à Paris, il est mandaté pour célébrer le cinquantième anniversaire de la création du Sacre du printemps, avant son engagement à Bayreuth, pour diriger Parsifal, oeuvre chérie entre toutes par le compositeur. Les contrats se succèderont ultérieurement avec l’Orchestre de Cleveland, puis avec l’Orchestre symphonique de la BBC en alternance avec l’Orchestre philharmonique de New York, prenant la suite de Léonard Bernstein, et, plus tard, avec l’Orchestre symphonique de Chicago. Notons que Pierre Boulez réinvestira l’antre wagnérien, de 1976 à 1980, pour la production d’une nouvelle version du Ring mise en scène par Patrice Chéreau, qui entrera dans l’histoire, et qui valut aux deux hommes presque une heure et demie d’applaudissements et cent un levers de rideau lors de l’ultime représentation.

Néanmoins la carrière prestigieuse du chef d’or­chestre français ne doit pas masquer ses intentions premières, notamment la célébration des pères du patrimoine musical moderne et la mise en lumière des créations contemporaines. Le présent coffret pro­pose en conséquence des interprétations orchestrales historiques du maître, fixées entre 1956 et 1962, d’œuvres de Schoenberg, Webern, Stravinsky et de compositeurs proches de Pierre Boulez, Luigi Nono et Luciano Berio, qui témoi­gnent de la multiplicité des inventions musicales et sonores au XX^e siècle : le chanté-parlé, la polytonalité, le dodécaphonisme, le sérialisme, entre autres.

Christophe Lointier

© Frémeaux & Associés 2024

PIERRE BOULEZ CHEF D’ORCHESTRE – STRAVINSKY, SCHOENBERG, BOULEZ, etc. 1956-1962

CD 1 : PIERRE BOULEZ DIRIGE

ARNOLD SCHOENBERG (1874-1951)

PIERROT LUNAIRE :

Première partie

1. Mondestrunken 1’46

2. Colombine 1’32

3. Der Dandy 1’09

4. Eine blasse Wäscherin 1’27

5. Valse de Chopin 1’10

6. Madonna 1’46

7. Der kranke Mond 2’10

Deuxième partie

8. Nacht 2’11

9. Gebet an Pierrot 0’54

10. Raub 1’12

11. Rote Messe 1’39

12. Galgenlied 0’17

13. Enthauptung 2’01

14. Die Kreuze 2’12

Troisième partie

15. Heimweh 2’11

16. Gemeinheit ! 0’58

17. Parodie 1’12

18. Der Mondfleck 0’50

19. Serenade 1’55

20. Heimfahrt 1’41

21. O alter Duft 1’24

LP ADES  MA 30LA 524 (1962)

SERENADE OP.24

22. Marsch 4’08

23. Menuett 6’28

24. Variationen 3’34

25. Sonett n°217 von Petrarca
(pour voix et basse) 2’46

26. Tanzscene 6’26

27. Lied 2’12

28. Finale 4’52

1 à 21 : LP ADES  MA 30LA 524 (1962)

Pierrot Lunaire – Trois Fois Sept Poèmes de Albert Giraud – version allemande de Otto Erich Hartleben. Récitante : Helga Pilarczyk. Piano : Maria Bergmann. Flûte et Piccolo : Jacques Castagner. Clarinette : Guy Deplus. Clarinette basse : Louis Montaigne. Violon : Luben Yordanoff. Alto : Serge Collot. Violoncelle : Jean Huchot.

22 à 28 : LP ADES MA 30 LA 525 (1962)

Serenade Op.24. Clarinette : Guy Deplus. Clarinette basse : Louis Montaigne. Mandoline : Paul Grund. Guitare : Paul Stingl. Violon : Luben Yordanoff. Alto : Serge Collot. Violoncelle : Jean Huchot. Basse : Louis-Jacques Rondeleux.

1 à 28 : Enregistrés à Paris en 1961 pour la collection « DOMAINE MUSICAL ».

CD 2 : PIERRE BOULEZ DIRIGE

STRAVINSKY & WEBERN

IGOR STRAVINSKY (1882-1971)

1. Renard 14’50

2. 3 Pièces Pour Quatuor à cordes – Pièce 1 0’54

3. 3 Pièces Pour Quatuor à cordes – Pièce 2 1’51

4. 3 Pièces Pour Quatuor à cordes – Pièce 3 3’31

5. 3 Pièces pour clarinette – 1 1’40

6. 3 Pièces pour clarinette – 2 0’59

7. 3 Pièces pour clarinette – 3 1’11

8. Concertino pour 12 Instruments 5’41

9. Symphonies d’instruments à vent (1920-révision 1947) 8’28

LP ADES MA 30 LA 541 (1962)

ANTON WEBERN (1883-1945)

SYMPHONIE OP 21

10. Ruhig sehr eitend 7’20

11. Variationen 2’43

2 Lieder, Op.8

12. N°1 : Du, der ichs nicht sage 1’02

13. N°2 : Du machst mich allein 1’03

4 Lieder, Op.13

14. N°1 : Wiese im park 2’07

15. N°2 : Die Einsame 1’20

16. N°3 : In, der Fremde 1’07

17. N°4 : Ein Winterabend 1’55

1 à 9 : LP ADES MA 30 LA 541 (1962)

1 : Livret de Igor Stravinsky – Traduction française de C-F Ramuz. Voix Tenor : Jean Giraudeau, Louis Devos. Basse : Louis-Jacques Rondeleux et Xavier Depraz. Cimballom : Elemer Kiss.

2 à 4 : Quatuor Parrenin : Violons : Jacques Ghestem, Jacques Parrenin. Alto : Michel Walès. Violoncelle : Pierre Penassou.

5 à 7 : Clarinette : Guy Deplus.

8 - 9 : Trombone ténor : René Allain.  Trombone basse : Maurice Suzan. Basson : André Razbot, Jean-Pierre Laroque. Violoncelle : Pierre Penassou. Clarinette : Guy Deplus. Cor anglais : Paul Taillefer. Flûte : Jacques Catagner. Hautbois : Claude Maisonneuve. Trompette : Jacques Lecointre, Pierre Pollin. Violon : Jacques Parrenin.

10 à 17 : LP VEGA C 30 A 66 (1956) – LES CONCERTS DU DOMAINE MUSICAL – SAISON 1956 – 4^ème CONCERT - Enregistré sous les auspices du conseil international de la musique avec le concours de l’Unesco.  Petit Théâtre Marigny.

CD 3 : PIERRE BOULEZ DIRIGE PIERRE

BOULEZ + LUIGI NONO & LUCIANO BERIO

PIERRE BOULEZ (1925-2016)

LE MARTEAU SANS MAÎTRE

1. Avant « L’artisanat furieux » 1’27

2. Commentaire I
de « Bourreaux de solitude » 3’50

3. L’artisanat furieux 2’04

4. Commentaire II
de « Bourreaux de solitude » 3’12

5. « Bel édifice et les pressentiments », version première 3’08

6. « Bourreaux de solitude » 4’08

7. Après « L’artisanat furieux » 0’50

8. Commentaire III
de « Bourreaux de solitude » 4’48

9. « Bel édifice et les pressentiments »,
double 6’57

10. Sonatine pour flute et piano 11’40

BONUS :

LUIGI NONO (1924-1990)

11. Incontri 5’46

LUCIANO BERIO (1925- 2003)

12. Serenata I - Flute et 14 instruments 10’17

1 à 9 : LP VEGA C 35 A 67 (1956)- Texte : René Char. Chant : Marie-Thérèse Cahn. Flûte : Jacques Tiberge. Alto : Serge Collot. Guitare : Paul Stingl. Xylorimba : P. Naudin. Percussions : A. Cavaillé. Enregistré sous les auspices du conseil international de la musique avec le concours de l’Unesco

11 : LP VEGA C 30 A 66 (1956)- LES CONCERTS DU DOMAINE MUSICAL – SAISON 1956 – 4^ème CONCERT - Enregistré sous les auspices du conseil international de la musique avec le concours de l’Unesco. Chant : Jeanne Hericard. Petit Théâtre Marigny.

10 & 12. LP VEGA C 30 A 139 (1958) - LES CONCERTS DU DOMAINE MUSICAL – SAISON 1957. Flûte : Severino Gazzelloni, David Tudor.