« World music » est au vocabulaire musical ce que truc ou bidule sont à la langue française (et encore, je ne suis pas xénophobe !). Tout est « world music » sinon même « dance music » et voilà précisément ce qui va me servir. Je vais en profiter pour faire passer au catalogue de la « world » des choses ou des, disons, créatures (ça c’est précis mais je n’ai pas pu trouver plus vague et moins désuet, c’est mon travers) comme les Tziganes (Frémeaux Associés), Pola Negri (Chansonphone/Mélodie), Marlène Dietrich (Chansonphone/ Mélodie) ou Zara Leander (Chansonphone/Mélodie).
Ainsi le recueil « Accordéon » de deux coffrets CD avait définitivement consacré l’entrée du musette pas enore traditionnel (mot condamné à la déchéance) et pas vraiment ethnique (du moins de notre point de vue ethnocentriste) dans le monde de la world. On y croisait déjà le jazz (le swing musette des années trente et quarante) et par conséquent quelques gitans et manouches. Or les revoici, les Tziganes, dans un double coffret CD à la pochette expressionniste où une brune dompteuse d’orchestre (la Kasanova !) moulée dans une robe du soir en satin noir cravache de son archet une de ces formations bohémiennes qui grisaient les noctambules dans les années trente. Le captivant livret d’un amoureux qui consacre sa vie à suivre les sillons et sillages de ce peuples fantasque entre Paris, Berlin, Vienne ou Budapest ressuscite le fabuleux engouement pour les beaux Tziganes aux moustaches cirées et conquérantes qui dans les noces villageoises ou les palaces, ont électrisé des générations d’auditeurs.
Restons dans cette ambiance très MittelEuropa (l’actualité y est toujours brûlante) avec ses stars internationales et donc toujours exotiques. Pola Negri, ressortissante polonaise d’un cinéma muet forcément polyglotte et sans frontières (Berlin puis Hollywood) redevint européenne avec le parlant pour quelques saisons dangereuses (Londres et Paris puis Vienne et Berlin entre 33 et 41), interprète altière et vibrante de « Paradise » (une des plus belles valses lentes de tous les temps), contralto russe d’un chœur très cabaret néo-raspoutinien puis crooneuse vénéneuse des productions UFA sous la baguette de Hans-Otto Borgman, très zélé orchestrateur des fastes swing du IIIe Reich. Pola Begri, si vous l’écoutez trop, vous ferait facilement croire que la vamp et le cosmopolitisme ont été inventés par elle.
Mais déjà voici venir Marlène qu’on ne présente plus sinon pour signaler que son étoile se lève à l’heure où celle de Pola Negri décline et qu’elle suit la trajectoire inverse. Elle se sont toutefois croisées (l’ont-elles su ?) à Paris en cet été 33 où Marlène enregistre pour le jeune Jacques Canetti, dont ce furent les débuts professionnels, une fort belle séance jazzy avec, entre autre, Arthur Briggs et Peter Kreuder, compositeur allemand qu’interprètent aussi Pola et Zarah. Pola qui dans ces mêmes jours grave « Paradis » et « Mes Nuits Sont Mortes » avant de céder aux offres de Goebbels que la Marlène vient, elle, de dédaigner.
Quant à la grande Zarah, mi-Garbo, mi-Marlène suédoise, qui aura été, plus encore que Pola, l’un des plus sûrs atouts du prestige occupant et préoccupant des années 37/43, elle apparaît, étrangement, entre fox-trot suédois ou russifiants et blues allemands avec des liqueurs viennoises, quelques pincées de tziganeries et une bouffée de havanais comme l’incarnation marmoréenne et troublante d’un métissage musical à l’heure aryenne. Une sacrée bonne femme et au moins une sacrée belle chanson : « J’attends sans trève » (« Ich steh im Regen » du film « Zu neuen Ufern » - Parematte bagne de femmes). World music ? Après tout, si ça peut vous faire plaisir…
Mister MAMBO – L’AFFICHE
Ainsi le recueil « Accordéon » de deux coffrets CD avait définitivement consacré l’entrée du musette pas enore traditionnel (mot condamné à la déchéance) et pas vraiment ethnique (du moins de notre point de vue ethnocentriste) dans le monde de la world. On y croisait déjà le jazz (le swing musette des années trente et quarante) et par conséquent quelques gitans et manouches. Or les revoici, les Tziganes, dans un double coffret CD à la pochette expressionniste où une brune dompteuse d’orchestre (la Kasanova !) moulée dans une robe du soir en satin noir cravache de son archet une de ces formations bohémiennes qui grisaient les noctambules dans les années trente. Le captivant livret d’un amoureux qui consacre sa vie à suivre les sillons et sillages de ce peuples fantasque entre Paris, Berlin, Vienne ou Budapest ressuscite le fabuleux engouement pour les beaux Tziganes aux moustaches cirées et conquérantes qui dans les noces villageoises ou les palaces, ont électrisé des générations d’auditeurs.
Restons dans cette ambiance très MittelEuropa (l’actualité y est toujours brûlante) avec ses stars internationales et donc toujours exotiques. Pola Negri, ressortissante polonaise d’un cinéma muet forcément polyglotte et sans frontières (Berlin puis Hollywood) redevint européenne avec le parlant pour quelques saisons dangereuses (Londres et Paris puis Vienne et Berlin entre 33 et 41), interprète altière et vibrante de « Paradise » (une des plus belles valses lentes de tous les temps), contralto russe d’un chœur très cabaret néo-raspoutinien puis crooneuse vénéneuse des productions UFA sous la baguette de Hans-Otto Borgman, très zélé orchestrateur des fastes swing du IIIe Reich. Pola Begri, si vous l’écoutez trop, vous ferait facilement croire que la vamp et le cosmopolitisme ont été inventés par elle.
Mais déjà voici venir Marlène qu’on ne présente plus sinon pour signaler que son étoile se lève à l’heure où celle de Pola Negri décline et qu’elle suit la trajectoire inverse. Elle se sont toutefois croisées (l’ont-elles su ?) à Paris en cet été 33 où Marlène enregistre pour le jeune Jacques Canetti, dont ce furent les débuts professionnels, une fort belle séance jazzy avec, entre autre, Arthur Briggs et Peter Kreuder, compositeur allemand qu’interprètent aussi Pola et Zarah. Pola qui dans ces mêmes jours grave « Paradis » et « Mes Nuits Sont Mortes » avant de céder aux offres de Goebbels que la Marlène vient, elle, de dédaigner.
Quant à la grande Zarah, mi-Garbo, mi-Marlène suédoise, qui aura été, plus encore que Pola, l’un des plus sûrs atouts du prestige occupant et préoccupant des années 37/43, elle apparaît, étrangement, entre fox-trot suédois ou russifiants et blues allemands avec des liqueurs viennoises, quelques pincées de tziganeries et une bouffée de havanais comme l’incarnation marmoréenne et troublante d’un métissage musical à l’heure aryenne. Une sacrée bonne femme et au moins une sacrée belle chanson : « J’attends sans trève » (« Ich steh im Regen » du film « Zu neuen Ufern » - Parematte bagne de femmes). World music ? Après tout, si ça peut vous faire plaisir…
Mister MAMBO – L’AFFICHE