« … charme vénéneux de ces scènes de genre aux trottoirs mouillés » par Écouter Voir

La Piaf de ces années-là est incontestablement la plus fascinante. La voix d’abord. Ce « velours noir » dont parlait Cocteau : quelque chose de voilé, de sensuel et d’âpre, de rauque et de doux à la fois qui caresse et entête. L’interprète ensuite qui fait encore dans l’intime, le proche, le nuancé. Le grand spectacle de la gueulante sera pour après-guerre. Le répertoire enfin, ces histoires d’un pessimisme sans fond de filles entichées de « beaux indifférents » mais avec cette ironie sous-jacente et la distance des arrangements qui nous rappellent que le swing commençait à se répandre en France. Un mélange entre chanson réaliste et blues qui justifie tout à fait ce parallèle que fait dans son excellente notice E. Rémy avec Billie Holiday. Et même la « pluie » de fonds qui tombe sans cesse sur les enregistrements (les mauvaises cires de Polydor) ajoute encore au charme vénéneux de ces scènes de genre aux trottoirs mouillés.
Alfred CARON - ÉCOUTER VOIR