Joué par les mauvais garçons et des filles de petite vertu, le fado suit le tracé de la nostalgie humaine. Dans la tragédie antique d’un destin fatal, il rebondit ainsi des rives du Mississippi (blues) aux goualantes de Damia. Car, bien davantage qu’à travers une exposition universelle, le Portugal existe par cette musique d’appel du large et d’incitation à la mélancolie. Qu’on lui attribue des origines maritimes, mauresques ou brésiliennes, le fado conte la sempiternelle romance impossible entre aristocrates s’encanaillant dans les quartier chauds et gitanes à la sensualité exubérante. Qu’on tente la césure entre une Lisbonne populaire, périlleuse dans ses tentations érotiques, et le centre universitaire de Coimbra, générateur de formes musicales plus élégantes, le fado chante toujours la prééminence des femmes et d’un dieu, aussi nécessaires que méprisés. Qu’on tente, enfin, d’en définir les contours techniques, et on l’asséchera. Joué sur les quatre ou cinq cordes de la viola et sur la guitarra, luth à fond plat, la musique, binaire, est simple comme un sentiment vital. Les paramètres – mode majeur ou mineur, duo ou voix féminine – disent peu de l’expressionnisme et de la puissance extrême du chant. Cette compilation fait donc resurgir les ombres d’un univers bouillonnant, où terrasses de cafés, cinémas et restaurants offraient pléthore de talents divers : la somptuosité d’une Maria Silva, déterminée comme toute femme en colère, la virtuosité de Salvador Freire ou de Manuel de Lancastre, sautillant par mesures et codas, le spleen irrépressible de João Do Carmo disent le fado dans toutes ses facettes, comme un kaléidoscope du cœur lusitanien.
Le coffret précise encore les différents aspects de cette musique jouée par des charpentiers, cordonniers, ou étudiants, qui rendaient la nuit plus intense. On se souvient alors du vers du marin immobile, et poète, Fernando Pessoa : « Je n’évolue pas, je voyage. » Et on comprend mieux le sillon tracé d’Amalia Rodriguez, fille du quartier de l’Alfama, à Robert Johnson le bluesman, et Cesaria Ecora la comtesse aux pieds nus. Nuits agitées et matins de désespoir, on comprend mieux, aussi, vanité et impétuosité de l’amour.
Christian LARRÈDE – INROCKUPTIBLES
Le coffret précise encore les différents aspects de cette musique jouée par des charpentiers, cordonniers, ou étudiants, qui rendaient la nuit plus intense. On se souvient alors du vers du marin immobile, et poète, Fernando Pessoa : « Je n’évolue pas, je voyage. » Et on comprend mieux le sillon tracé d’Amalia Rodriguez, fille du quartier de l’Alfama, à Robert Johnson le bluesman, et Cesaria Ecora la comtesse aux pieds nus. Nuits agitées et matins de désespoir, on comprend mieux, aussi, vanité et impétuosité de l’amour.
Christian LARRÈDE – INROCKUPTIBLES