Vous m'avez vu mille fois perché sur votre toit, poussant mon chant puissant, souvent l'un des premiers de la journée, juste au moment du lever du soleil. Rappelez-vous : une belle série de notes mélodieuses, flutées, claires et sonores formant de véritables phrases musicales pendant environ six secondes, et qui se terminent par une pause de même durée... avant de reprendre. On dit que je babille, flûte, siffle. Mais ne croyaez pas que je vous donne l'aubade! Je marque juste mon territoire dans votre jardin et essaie d'attirer une femelle quand c'est la saison! Et quand je me sens menacé, je suis capable d'accélere le débit des nores jusqu'à l'hystérie et de partit dans un furieux battement d'ailes. Pour me différencier de ma femelle, c'est simple: mon plumage est noir de jais, et j'ai le tour de l'oeil et le bec jaune orangé. Ma femelle est plus brune que moi, avec la gorge et la poitrine brun clair. Elle a souvent le bec des deux couleurs (noirâtre et jaune pâle), et un cercle oculaire brun clair. Catherine Delvaux - DETENTE JARDINJean-Claude Roché enregistre le chant des oiseaux et en fait des CD à succès. Une passion bioacoustique qui remonte à sa plus tendre enfance. Il est grand, très grand, le genre pipe-velours côtelé, le maintien débonnaire, le cheveu doucement argenté. Pas exactement le style salons parisiens. Plutôt les pieds sur terre et la tête dans les chants d’oiseaux. Dans sa forêt à fleur de pente, au cœur de la maison aux murs de mélèze blond qu’il a construite à l’écart, mais pas trop, du joli bourg de Mens, en plein plateau de Trieves, une merveille alpine entre Vercors et Mercantour, Jean-Claude Roché écoute les derniers enregistrements qu’il vient de recevoir de Sumatra. « Ils sont réalisés par un biologiste du CNRS que j’ai formé en quelques jours, explique-t-il. Il est d’abord parti en Nouvelle-Guinée pour nous, puis il a fait les Philippines, les Célèbes, Java. Il enregistre à la fois les paysages sonores et les espèces. Dix à quarante heures se son dont nous tirerons un CD. »
Vagabond des champs - Voilà, sous l’apparente rusticité, le raffinement technologique. En l’occurrence, un studio équipé du matériel le plus performant, son analogique, son numérique, filtres, analyseurs. Une sonothèque unique, bourrée de disques noirs, de cassettes, de disques compacts constituant l’une des premières banques de données bioacoustiques du monde, utilisées par toutes sortes d’usagers, artistes, radios. Et bientôt un nouveau CD, qui rejoindra au catalogue Sitelle (devenue la rubrique écologie de Frémeaux & Associés), sa maison d’édition, l’imposante cohorte des enregistrements réalisés par le Ceba, le Centre d’études bioacoustiques alpin qu’il a crée en même temps que Sittelle voici presque dix ans. Mais les histoires d’oiseaux de Jean C. Roché remontent à bien plus loin. En réalité à sa plus tendre enfance quand, de sa chambre, nichée quasiment dans la couronne d’un grand chêne, il entendait chaque matin le chant d’une grive musicienne. « Elle m’endormait, elle me réveillait. J’étais transporté par elle. » C’est ainsi que le fils d’Henri-Pierre Roché, l’auteur de Jules et Jim et grand citadin devant l’éternel, grandit, sans qu’on y prenne garde, en vagabond des champs.
Lisant et relisant les Souvenirs entomologiques du grand naturaliste Fabre. Courant la campagne, à la recherche des grenouilles et crapauds, qu’il portait ensuite au labo de son vieil ami Jean Rostand pour se financer son premier magnéto. Enregistrant d’abord ses premiers rossignols, armé de 20 kg de matériel, et de plus du double de câbles, puis les Oiseaux de Camargue, qui fut son premier disque, prix Charles Cros, au tournant des années soixante. Epoque pionnière, époque héroïque, dont l’homme aux oiseaux garde peut-être la nostalgie. Même s’il lui fallait grimper hardiment dans les arbres pour capter les précieuses roulades. Même si, parfois, on le verbalisait le prenant pour un braconnier ou pour un fou. Même s‘il était alors le seul ou l’un des seuls à se livrer tout entier à sa passion. Et même s’il lui a fallu, peu à peu, tout faire pour inventer un matériel plus léger et plus performant. De sorte que les réflecteurs paraboliques (ou paraboles) qu’il a lui-même brevetés sont à l’origine d’une formidable démocratisation de la prise de son naturelle. « La parabole, c’est comme un téléobjectif en photo. On peut viser ou prendre le concert en grand angle. C’est devenu facile de faire du son. Avec les petits DAT, des enregistreurs légers et très compétitifs, tout le monde peut se lancer. » A tel point que le maître est aujourd’hui rejoint, voire piraté, par ses élèves. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à en former. Stages, classes vertes, projet avec l’éducation nationale pour les classes de collèges, le Ceba forme aussi les adultes, scientifiques, gardes forestiers ou amateurs qui, parfois, deviennent professionnels. L’oreille musicienne - Mais la prise de son n’est pas aussi simple qu’il paraît. Et J.-C. Roché en convient lui-même, qui reconnaît qu’il faut être à la fois « un bon ornithologue, un bon technicien, avoir le sens de la chasse et du braconnage ( !), savoir se tenir au carrefour de plusieurs disciplines et, surtout, avoir une bonne oreille. » L’oreille musicienne, tel est dont le secret. Et avec lui, les plaisirs infinis des chants d’oiseaux du monde entier. « Entre la forêt européenne et la forêt tropicale, la différence est fondamentale. L’Amazonie, par exemple, c’est comme un orchestre symphonique. Chez nous, ce serait plutôt le quatuor. » En toute circonstance, en tout lieu, J. Roché se régale. Malgré les handicaps de plus en plus nombreux qui viennent altérer la réception du chant. Pas seulement les « ennemis » naturels, cigales, torrents et autres chutes d’eau perturbatrices. Mais aussi, et cela est plus grave, les autoroutes, les couloirs aériens qui en quelques années, ont gâché le paysage sonore européen. C’est peut-être ce qui pousse l’homme aux oiseaux et ses compagnons « braconniers » de plus en plus loin, de plus en plus profond. Non seulement dans les forêts du Canada où il sait écouter les loups, mais aussi dans les glaces polaires où il a capté le chant des baleines (deux CD à succès). « La terre a une musique, dit-il volontiers, c’est la plus belle, et s’il me fallait choisir au moment de mourir, je demanderais à entendre Bach ou les oiseaux d’Amazonie. » Histoire d’une passion.
Chantal AUBRY – LA CROIX L’EVENEMENT
Vagabond des champs - Voilà, sous l’apparente rusticité, le raffinement technologique. En l’occurrence, un studio équipé du matériel le plus performant, son analogique, son numérique, filtres, analyseurs. Une sonothèque unique, bourrée de disques noirs, de cassettes, de disques compacts constituant l’une des premières banques de données bioacoustiques du monde, utilisées par toutes sortes d’usagers, artistes, radios. Et bientôt un nouveau CD, qui rejoindra au catalogue Sitelle (devenue la rubrique écologie de Frémeaux & Associés), sa maison d’édition, l’imposante cohorte des enregistrements réalisés par le Ceba, le Centre d’études bioacoustiques alpin qu’il a crée en même temps que Sittelle voici presque dix ans. Mais les histoires d’oiseaux de Jean C. Roché remontent à bien plus loin. En réalité à sa plus tendre enfance quand, de sa chambre, nichée quasiment dans la couronne d’un grand chêne, il entendait chaque matin le chant d’une grive musicienne. « Elle m’endormait, elle me réveillait. J’étais transporté par elle. » C’est ainsi que le fils d’Henri-Pierre Roché, l’auteur de Jules et Jim et grand citadin devant l’éternel, grandit, sans qu’on y prenne garde, en vagabond des champs.
Lisant et relisant les Souvenirs entomologiques du grand naturaliste Fabre. Courant la campagne, à la recherche des grenouilles et crapauds, qu’il portait ensuite au labo de son vieil ami Jean Rostand pour se financer son premier magnéto. Enregistrant d’abord ses premiers rossignols, armé de 20 kg de matériel, et de plus du double de câbles, puis les Oiseaux de Camargue, qui fut son premier disque, prix Charles Cros, au tournant des années soixante. Epoque pionnière, époque héroïque, dont l’homme aux oiseaux garde peut-être la nostalgie. Même s’il lui fallait grimper hardiment dans les arbres pour capter les précieuses roulades. Même si, parfois, on le verbalisait le prenant pour un braconnier ou pour un fou. Même s‘il était alors le seul ou l’un des seuls à se livrer tout entier à sa passion. Et même s’il lui a fallu, peu à peu, tout faire pour inventer un matériel plus léger et plus performant. De sorte que les réflecteurs paraboliques (ou paraboles) qu’il a lui-même brevetés sont à l’origine d’une formidable démocratisation de la prise de son naturelle. « La parabole, c’est comme un téléobjectif en photo. On peut viser ou prendre le concert en grand angle. C’est devenu facile de faire du son. Avec les petits DAT, des enregistreurs légers et très compétitifs, tout le monde peut se lancer. » A tel point que le maître est aujourd’hui rejoint, voire piraté, par ses élèves. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à en former. Stages, classes vertes, projet avec l’éducation nationale pour les classes de collèges, le Ceba forme aussi les adultes, scientifiques, gardes forestiers ou amateurs qui, parfois, deviennent professionnels. L’oreille musicienne - Mais la prise de son n’est pas aussi simple qu’il paraît. Et J.-C. Roché en convient lui-même, qui reconnaît qu’il faut être à la fois « un bon ornithologue, un bon technicien, avoir le sens de la chasse et du braconnage ( !), savoir se tenir au carrefour de plusieurs disciplines et, surtout, avoir une bonne oreille. » L’oreille musicienne, tel est dont le secret. Et avec lui, les plaisirs infinis des chants d’oiseaux du monde entier. « Entre la forêt européenne et la forêt tropicale, la différence est fondamentale. L’Amazonie, par exemple, c’est comme un orchestre symphonique. Chez nous, ce serait plutôt le quatuor. » En toute circonstance, en tout lieu, J. Roché se régale. Malgré les handicaps de plus en plus nombreux qui viennent altérer la réception du chant. Pas seulement les « ennemis » naturels, cigales, torrents et autres chutes d’eau perturbatrices. Mais aussi, et cela est plus grave, les autoroutes, les couloirs aériens qui en quelques années, ont gâché le paysage sonore européen. C’est peut-être ce qui pousse l’homme aux oiseaux et ses compagnons « braconniers » de plus en plus loin, de plus en plus profond. Non seulement dans les forêts du Canada où il sait écouter les loups, mais aussi dans les glaces polaires où il a capté le chant des baleines (deux CD à succès). « La terre a une musique, dit-il volontiers, c’est la plus belle, et s’il me fallait choisir au moment de mourir, je demanderais à entendre Bach ou les oiseaux d’Amazonie. » Histoire d’une passion.
Chantal AUBRY – LA CROIX L’EVENEMENT
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