« Mordre aux paroles » par Trad Magazine

On m’arguera peut être que Fréhel n’a rien à voir avec les musiques traditionnelles. C’est un peu vite aller en besogne. Elle représenta à travers la France, et au plus profond des campagnes, grâce aux feuilles volantes où l’on voyait sa physionomie et aux chanteurs des rues qui relayaient ses succès, mais aussi et surtout grâce au développement incroyablement rapide du gramophone, la femme chantante, à l’égal d’Yvette Guilbert, Damia et autres Polaire…Elle a fortement marqué, par sa diction gouailleuse, sa façon de mordre aux paroles, l’esthétique plus ou moins consciente des endroits où l’on chantait en famille : noces, banquets, veillées. On retrouve ses « tubes » dans les cahiers de chansons manuscrits copiés en internats, au service militaire, pour chanter à haute voix soi-même ou mentalement, avec la même voix que celle du phono. Les chanteuses et chanteurs collectés dans les années 60-70-80 en étaient imbibés. Elle ne fut pas la seule à gagner cette popularité. Mais il y avait un attachement populaire particulier pour celle qui, complètement « du peuple » et cohérente à ce point de vue, était encore plus « réaliste » que le réalisme de ses chansons. Alors, pour mieux comprendre l’univers culturel, populaire, large, il n’est pas mauvais de découvrir cette Bretonne plus parisienne que beaucoup et finalement universelle. Sans parler du plaisir à découvrir ou redécouvrir la richesse de ce répertoire ! Une fois de plus, merci Monsieur Frémeaux !
Claude RIBOUILLAULT – TRAD MAGAZINE