Après avoir appartenu à la belle tradition des clarinettistes antillais (en succédant à Stellio à l’Exposition Coloniale de 1931), Sam Castendet a illustré cette lignée des grands chefs d’orchestres « typiques » qui ont donné à la France quelques-uns de ses plus beaux bals. Voici rassemblés dix-huit titres enregistrés en 1950, dans lesquels il chante et tient la batterie, devenue son instrument de prédilection après quelques années passées en France. C’est le trop oublié Maurice Noiran qui est à la clarinette, perpétuant les usages avec un vibrato et une netteté dignes du grand aîné Stellio (dans l’introduction de La rue Zabyme ou les douceurs de La Nuit). Le répertoire présenté est surtout constitué de compositions de Sam Castendet avec, sous sa signature, quelques-uns des plus grand airs populaires des Antilles françaises (Lévé yo lévé yo ka, Crapaud), mais aussi le cinglant Martinique 48, tableau au vitriol de l’île brossé par un « émigré » écoeuré à son retour au pays natal. Ce qui est mis ici en avant, c’est cette tenue un peu raide du haut du corps, cette souplesse radieuse des genoux communes aux musiques antillaises de salon et de bal « convenable ». On sera évidemment surpris, avec une oreille accoutumée à la renaissance récente de ces répertoires (chez Marius Cultier ou Mario Canonge), par la modicité du langage rythmique. Mais le primat du discours mélodique, délivré avec une sereine limpidité romantique, est la caractéristique majeure de l’époque, même dans les assommants Adieux d’une créole (« adieux foulards, adieux madras », valse laborieusement tropicalisée), sauvés par la clarinette. En fin de CD, deux airs enregistrés en 1936 avec un grand souci d’exotisme, mais aussi quelques splendeurs de clarinette, par Castendet lui-même, notamment dans Bossu Doudou.
Bertrand Dicale - LE MONDE DE LA MUSIQUE
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