« Mêler les mélodies » par Le Monde

Guitariste de bal et trompette de casinos, prince du « Café de la Plage » à Biarritz en 1955, Antillais, cultivé (bachelier en 1926, c’est un signe qui ne trompe pas), petit fonctionnaire « ayant mal tourné » - selon ses propres mots – dans la musique, père d’Eddy Louiss, qui chantait avec lui à l’âge de huit ans au dancing d’Arcachon, Pierre Louiss fut, de son vivant, aimé des publics et de ses compatriotes plus qu’un autre. Il fut aimablement méprisé par les producteurs et les bien-pensants, vaguement moqué, passé à l’as, aux profits et pertes des colonies. « Aimablement méprisé » ne convient pas. On le trouvait ringard. Le mot n’existait pas encore. On ne savait pas l’entendre. C’est que Colomb n’avait pas encore découvert les « musiques du monde ». Pierre Louiss écrit des chansons délicieuses. Il est très fin harmonisateur. Sa voix enrouée à un charme de dentelle. Ce disque est gorgé de générosité, de swing, d’amour des gens et de la musique. Son auteur fut un des premiers à entendre les maîtres du jazz et à les faire aimer avec son accent à lui. Il sait mêler les mélodies, les petits récitatifs, les choses de rien. C’est un poète et un chroniqueur. Emilien Antile est au saxophone alto, Lucien Popote au ténor, Gaby Malahel à la batterie et Eddy à l’orgue, au piano ou au vibraphone.
Pierre LOUISS – LE MONDE