Une réédition formidable qui met enfin en lumière l’éclosion de la biguine à Paris dans les années trente ( « Biguine 1929-1940 », Frémeaux)… […] La biguine est née dans ces terres néo-colonisées que sont les Antilles français (Guyane, Guadeloupe, Martinique). Les musiques issues de ces « poussières d’îles », métissages complexes et spécifiques, seront les fers de lance de la reconstitution de communautés fragmentées et déracinées. Une musique, une dérision du quotidien, une déviation des codes culturels coloniaux par l’accentuation rythmique (et polyrythmique), la fusion de l’emprise du terroir et de la palilalie des musiques à tradition orale. Biguine et jazz, tous deux afro-américains, reposent sur les mêmes fondements sociaux. Il semble à tous ces titres que jazz et biguine soient des musiques jumelles. Elles ne l’ont que tardivement reconnu. Nos îles, isolées l’une de l’autre et toutes tendues vers leurs métropoles respectives, vivront un développement culturel à « faible convergence » comme l’a écrit Denis Constant, avec trois axes musicaux que l’on peut retrouver sur chacune d’entre elles. D’abord les sources Africaines : Laghia, Bel-air, Lérose, Calenda, Haute-taille…Ensuite une inspiration européenne : valse, quadrille, mazurka, boléro, biguine. En fin, une musique à tendance syncrétique ou fusionnelle : cadence-lypso originaire de Haïti, afro-cubain. L’intérêt, le rapprochement naturel entre Caraïbes et États-unis est à l’origine de l’enrichissement mutuel de ces musiques. Se rappeler du contexte, le grand mouvement panafricaniste des années vingt, mené par les philosophes et les politiques (Marcus Garvey). Mais ce rapprochement n’eut pas lieu autour du golfe du Mexique. C’est Paris, lieu de convergence des jazzmen américains et des musiciens antillais, qui a servi de décor. Peu d’éléments de mémoire nous restent des années d’avant guerre, en ce qui concerne la biguine, si ce n’est par la tradition orale perpétrée notamment dans les « vidés » du carnaval…Nous savons qu’elle a mûri à Saint-Pierre (en Martinique), Basse-Terre et Pointe-à-Pitre (en Guadeloupe). En revanche des témoignages sur le renouveau de cette musique depuis 1920 sont précis et parfois gravés (le disque compilation « Biguine » ou le livre sur Ernest Léardée La biguine de l’oncle Bens de Jean-Pierre Meunier et Brigitte Léardée aux Éditions Caribéennes). Les grands précurseurs du renouveau de 1929 à 1940, que l’on retrouve sur « Biguine », furent Stellio, Lancry, AlLirvat, Léona Gabriel, etc. Cette compilation des 78 tours de l’époque contient un livret remarquable de concision et de d’histoire, et j’y ai réellement reconnu et retrouvé l’âme de nos îles…Ensuite, après 1945, de Robert Mavounzy à Bib Monville, en passant par Alain Jean-Marie, Mario Canonge ou Chyco Jehelman, la biguine s’est enrichie de la musicalité des harmonies modernes. Le traitement des mélodies, les découpages rythmiques, les possibilités d’improvisation sont autant d’emprunts à la culture, à l’esprit jazz. […] Aujourd’hui, la symbiose entre jazz et biguine s’accentue, autour des musiciens déjà cités avec bien sûr Alain Jean-Marie qui a réalisé tout récemment un merveilleux « Biguine Reflexions ». Après avoir goûté la musique fusion, Alain Jean-Marie joue bebop, puis jazz classique…Il fouille aujourd’hui dans notre patrimoine antillais à la recherche de la « machine à remonter le temps », selon son expression. Avec Malavoi, groupe phare « tout public », l’impact déborde les plus ardents défenseurs d’une approche jazz.
Claude SOMMIER - JAZZMAN
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