« Grand prêtre du piano bien frappé » par Vibrations

Deux rééditions datées des années1970 de deux fils spirituels d’Ellington, deux géants du jazz en vision africaine, deux tambourinaires qui savent aussi jouer sur le silence, deux maîtres du piano qui n’ont jamais été aussi grands que seuls face à eux-mêmes, à leur répertoire original. En 1975, Randy Weston enregistre pour le compte du tout nouveau label d’alors OWL une suite de thèmes marqués  par ses multiples expériences en Afrique, du Nigeria où il entreprit une longue tournée au Maroc où il demeura quelques années. Son classique d’entre les classiques « Little Niles » ouvre le bal d’un « African Nite » introspectif, aux limites du sombre, où le blues suinte entre les moindres lignes. Il y est question des souvenirs diffus d’une diaspora qui va des Jajouka à la samba, d’un coup de blues pour le Sénégal à l’évocation plus joyeuse d’une Myraiam Makeba, une communauté d’esprits réunis sous ses longues mains, avec doigté. C’est un peu le même discours que tient Abdullah Ibrahim en 1978, lors d’un concert à Nyon. Une histoire d’exil en forme d’autoportrait en noir et blanc, de travail sur la mémoire, sur la spiritualité des grands pairs. Ibrahim revisite ses compositions, comme cette sourate baptisée « Ishmael » et cette « African Market Place » maintes fois réinvestie, ou excelle dans un versant faussement classique de ce « Take The A Train » que l’on reprend avec toujours autant de plaisir ou de ce « Coming On The Hudson » signé de l’esprit du Monk, autre grand prêtre du piano bien frappé.
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