« Champion de la multiphonie » par Jazz Hot

Albert Mangelsdorff, né à francfort en 1928, s’est d’abord initié au jazz hot sous le 3ème Reich (1941). Professionnel depuis 1947, il adopte l’approche bebop qui lui donne ses titres de gloire pour avoir joué avec Dizzy Gillespie (1954, 1967) et Art Blakey (1967). Dès 1968, il opte pour l’actualité free (Don Cherry, Lester Bowie) et se retrouve historiquement au cœur au cœur de la multipaternité des musiques improvisées européennes dites actuelles dont il n’est pas le moins intéressant des représentants. Il faut une culture dépassant le cadre du jazz et de ses dérives (l’auteur du livret parle de « free music européenne ») pour évaluer ce qui chez ces dits-créatifs relève de l’invention véritable. En dehors du solo pur qui n’a rien de nouveau chez les souffleurs (déjà Coleman Hawkins en 1948…sans parler de la littérature classique occidentale…), Albert Mangelsdorff est un champion de la multiphonie (produire plusieurs sons audibles par émission dans l’embouchure : ici, « Sun Sum », « Cool April »,  « Togetherness »). Écrire (comme dans ce livret) qu’il a « mis au point » cette technique n’est pas pertinent. La cadence du Concerto pour cor et orchestre de Carl Maria von Weber est là pour démontrer qu’au moins en Allemagne les cuivres pratiquaient la multiphonie au XIXè siècle. Lanaya est une rencontre entre l’improvisation au trombone et des percussions menée par Reto Weber (batteur de « jazz » avec guillemets dans le livret). Les deux autres, Nan Twum Nketia et Djamchid Chemirani, sont issus des traditions africaines et moyennes orientales. Parler comme ici de « polyrythmie » (livret) est un abus de langage. Enregistré en public il y a déjà huit ans, ce document a donc des arrières pensées world-music. Au moins Albert Mengelsdorff  n’aura évité aucune mode. Même si c’est rythmique, ça ne swingue pas (« Cool April » en conserve le souvnir). Dans le domaine présent, qui n’est pas du jazz, le résultat est audible et Albert Mengelsdorff, grand technicien, est à connaître.
Michel LAPLACE – JAZZ HOT