« Nina Simone l’Africaine » par le Journal du Dimanche

Son interprétation pathétique du succès de Jacques Brel « Ne me quittes pas » l’avait rendue populaire auprès du public français. Sa version plus swinguante de « My baby just cares for me » avait conforté sa notoriété. La chanteuse et pianiste noire américaine, Nina Simone, qui nous a quittés voici cinq ans à l’age de soixante dix ans, était l’une des figures les plus originales de la musique afro-américaine. Connue pour sa forte personnalité, Nina Simone, sorte de souveraine fière et irascible, fut sans doute la plus africaine des chanteuses américaines affirmant haut et fort sa négritude et, ce n’est pas un hasard si, dans son dernier album gravé à Paris en 1982, l’imposante et redoutable diva est accompagnée de musiciens du Continent noir : le sénégalais Sidney Thiam aux congas, le malgache Sylvain Marc à la basse et l’ivoirien Paco Séry, l’impétueux batteur de Sixun. Immédiatement identifiable par sa voix envoûtante de contre alto aux accents rauques, Nina Simone évolue entre le blues et le gospel, la chanson, et la soul music. Mais, quel que soit le style adopté, cette grande artiste ne triche pas, elle chante avec ses tripes. Dès le premier titre de son CD qui en compte treize, l’artiste déploie toute son énergie tel un prêcheur aux incantations brûlantes que l’on trouve dans « I was just a stupid dog to them ». Sa voix devient plus douce, mais non moins convaincante, dans « Liberian calypso », clin d’œil aux pays d’Afrique de l’Ouest où elle vécut plusieurs années. Plus déroutante, pratiquant la fantaisie et la dérision, Nina Simone chante en français quelques mots « Vous êtes seul mais je désire être avec vous », elle les répète avec obstination pendant quatre minutes trente. Elle atteint les sommets de l’humour avec cet autre titre de sa composition intitulée, bizarrement, « Le peule en Suisse », autre pays d’accueil pour Nina. Dans un climat très bluesy, elle avoue « le peuple en Suisse, je t’aime – concluant, un peu désabusée- mais quelquefois ce peuple n’est pas bon » ! Sacré Nina ! Après s’être abandonnée, seul à son clavier, dans une longue complainte « Thandewye », elle se lance dans une incursion de trente secondes seulement dans le plus pur rythm and blues : « They took my hand », nous laissant sur notre faim…(CD Nina Simone « Fodder on my wings- Editions Frémeaux FA500) - LE JOURNAL DU DIMANCHE