« Dieu soit loué, Jean Buzelin poursuit chez Frémeaux sa formidable histoire de la musique religieuse noire-américaine. L’immense mérite de ce cinquième volume est de présenter le gospel de l’âge d’or dans toute sa diversité. En effet, alors que l’après-guerre est marqué de l’émergence des quartets masculins, il était tentant de ne présenter la période qu’à travers le succès des tenants du nouveau style, dit « dur » ; Des leaders comme Ira Tucker, Archie Bronwiee et consorts n’étaient-ils pas, selon l’expression rapportée par Anthony Heibut, « les plus forts » (« the baddest men on the road ») ? Mais, grâce à une démarche à la fois synchronique et diachronique, notre éminent voisin de colonnes montre que jamais une forme d’expression ne l’emporte totalement sur les autres. Non seulement le style jubilee d’avant-guerre survit, par exemple, avec les Trumpeteers, mais surtout bien d’autres artistes organisés différents contribuent à cette « explosion de la musique gospel ». Dans son livret, Jean Buzelin détaille clairement le pourquoi et le comment des preachers, des ensembles mixtes (comprenez masculins et féminins…), des chœurs féminins, des solistes et enfin des grandes chorales, futures vedettes du genre. Bien sûr, si tous son traités à égalité dans cette anthologie avec un titre par artiste, ils sont loin d’avoir connu la même réussite commerciale. D’où l’excellente idée d’avoir inséré un tableau des hits gospels entre 1945 et 1957. Sans surprise, Sister Rosetta Tharpe se taille la part du lion, devant Mahalia Jackson et les ensembles de Roberta Martin et Clara Ward. En dehors, peut-être, de R.H. Harris (mais les Soul Stirrers sont présents avec Sam Cooke), je ne vois aucun oubli et ce panorama définitif est le point de départ idéal pour qui veut aller plus loin dans telle ou telle sous-catégorie. En revanche, je trouve assez peu pratique la présentation discographique du livret qui, pour être complète, oblige à une petite gymnastique de lecture entre les titres d’un côté et le reste des informations de l’autre. Plus important, il n’est que rarement fait mention des labels sur lesquels sont sortis les morceaux. Voilà qui pourrait paraître superflu dans une publication de bas niveau, mais ici ce silence devient une lacune surprenante. Dieu sait pourtant combien la multiplication des compagnies indépendantes après-guerre est liée au « gospel boom » qui nous occupe ici : le fameux Don Robey, par exemple, a laissé suffisamment de souvenirs aux artistes Peacock pour qu’on ne le néglige pas aujourd’hui… Mais ce sera peut-être pour le volume 6, consacré aux male gospel quartets de l’âge d’or. »
Par Julien Crué — SOUL BAG
Par Julien Crué — SOUL BAG