Nous connaissons le pianiste qui s’est trouvé associé à nombre de jazzmen, d’Art Farmer à Lee Konitz, de Johnny Griffin à Chet Baker, d’Archie Shepp à Barney Wilen, et qui a fait le bonheur de chanteuses comme Abbey Lincoln ou Dee Dee Bridgewater, Helen Merrill ou Jeanne Lee. Mais, dans un monde du jazz qui n’avantage pas toujours les personnalités dotées d’une trop grande modestie, il a rarement joué le rôle de leader. Rappelons tout de même « Latin Alley » avec l’inoubliable NHØP en 1987 et deux albums de la fin des années 90 réédités l’an dernier dans la collection « Jazz in Paris » sous le titre « Afterblue ». Pour qui voudra retrouver ses talents de soliste, il y a aussi des enregistrements consacrés à la biguine car il n’a jamais oublié ses racines guadeloupéennes. Dès 1969 il lui avait déjà consacré un premier disque sur la marque de l’emblématique producteur antillais Henri Debs. Il fallut plus de vingt ans pour que paraisse le suivant et, dans la foulée des années 90, les trois autres qui sont réédités aujourd’hui dans une pochette aux allures de triptyque. Le répertoire est constitué de beaucoup d’originaux – autant de témoignages d’une enfance bercée par ces mélodies des îles – mais aussi par des compositions plus anciennes parmi lesquelles celle d’Al Lirvat, l’un des rénovateurs du genre dans les années 50. Enchaînez « Haïti » (A. Jean-Marie), « Cecilia » (H Salvador) et « Delirio » (Portilo de la Luz) et vous serez gagnés par la langueur qui pénètre les cœurs chers à Verlaine. Loin de la musique de danse vantée par les dépliants touristiques, il s’agit là d’une réflexion pianistique totalement aboutie. Comme Alain Jean-Marie le dit en paraphrasant Nougaro : « Quand la biguine est là, le jazz n’est pas loin ».
Philippe VINCENT - JAZZ MAG / JAZZMAN
Philippe VINCENT - JAZZ MAG / JAZZMAN
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