En 2010, une intégrale Charlie Parker est-elle nécessaire ? Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’absence d’un tel travail est flagrante. On connaît des intégrales par catalogue, « The Complete Savoy and Dial Studio Recordings » (1944-1948). On se souvient des six volumes « Young Bird » de Masters of Jazz. Le choc provoqué par la musique de Bird engendra un appétit inédit pour les alternate takes et les captations privées, ce dont témoigne le coffret « The Complete Dean Benedetti Recordings » publié chez Mosaic (1947-1948). Au point de rendre fou les collectionneurs, tel Paolo Piangiareli avec sa collection « Bird’s Eyes » aux 76 volumes dont seules 25 références semblent publiées selon des logiques de regroupements si variées qu’on peut lui préférer les 18 CD de « Live and Private Recordings in Chronological Order » (New Sound Planet en Italie ou Sound Hills au Japon). Si l’intégrale Frémeaux arrive à point nommé, prévenons d’emblée les collectionneurs invétérés : ils n’y trouveront pas absolument tout parce que les enregistrements de certains solos « se situent à la limite de l’audible voire du supportable » nous avertit le livret. Out aussi les plages où Bird n’improvise pas. Mais l’essentiel est là. Car on peut faire confiance à Alain Tercinet. Son texte de présentation, sobre et très précis, est comme toujours parfait. Le plus étonnant à l’écoute de toutes ces plages, c’est d’emblée l’explosion d’une personnalité hors norme, et dans le même temps son évidente évolution. On a du mal à s’imaginer que Parker ait pu jamais mal jouer du saxophone tant dans Honey & Body l’essentiel est déjà là. Outre la virtuosité ou le vocabulaire qui se perfectionnent, c’est la modification du grain sonore qui est le plus impressionnant. Et, comme Coltrane, tous ses contemporains affirment que le disque ne rend pas vraiment la force de son direct ! Et dire qu’il va falloir patienter pour avoir la suite de ce travail éditorial d’excellence !
Par Ludovic FLORIN- JAZZ MAG-JAZZMAN
Par Ludovic FLORIN- JAZZ MAG-JAZZMAN