Le culte narcissique du Moi que célèbre l’individualisme libéral. par Libération

"Si la psychanalyse n’est que l’autobiographie de Sigmund Freud, comme le soutient Onfray, elle révèle un homme bien peu… légendaire. Mais, depuis Freud, la psychanalyse, en dépit de toutes les critiques, a connu un essor considérable. On ne peut pas seulement expliquer son succès par le fait qu’elle a « fait entrer le sexe dans la pensée occidentale », qu’elle s’est instituée en «église» protégée par ses dévots, que le « freudo-marxisme » (Reich, Marcuse, les enfants de Mai 68…) lui a donné une patine « plus séduisante », ou qu’elle se trouve à présent en syntonie avec le culte narcissique du Moi que célèbre l’individualisme libéral. Ses praticiens, dont on ne peut pas penser qu’ils soient tous incapables de reconnaître un « effet placebo », peuvent attester son efficacité pour soulager les souffrances ou délier les « nœuds » qui empêchent de bien vivre. Ses concepts sont utilisés par tout le monde - y compris par Onfray, qui, par exemple, à propos du rapport de Freud à Nietzsche parle de « meurtre du père » - et elle est devenue l’une des langues de notre culture. Aussi n’est-il pas sûr que la bombe lancée par Onfray parvienne à la « pulvériser » : cela est aussi difficile que de vouloir éliminer les racines latines du français ou de l’italien."
(C) Libération - Robert MAGGIORI