Philosophie Magazine : Mais n’y a t-il pas tout de même un effet thérapeutique de la parole ?
Michel Onfray : Oui, la parole, autrement dit la formulation, permet d’y voir plus clair en soi. La parole sur le divan produit des effets, bien sûr. De là à imaginer qu’il en va d’une vérité du freudisme dans sa totalité, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas, vous vous en doutez… Que parler fasse du bien ne prouve en rien que chaque homme ait envie de coucher avec sa mère et de tuer son père… Il y a dix ans, à l’Université populaire de Caen, j’ai consacré un cours à Antiphon d’Athènes, un sophiste qui soignait par la parole – et prenait de l’argent à ceux qui se confiaient à lui, lui racontait leurs rêves qu’il interprétait. Au Ve siècle avant l’air commune, Antiphon disait déjà qu’il soignait et guérissait par la parole. Les chrétiens savaient également que la parole apaise, calme, soigne l’âme. Voilà pourquoi elle joue un si grand rôle dans le dispositif de la confession auriculaire. Cet effet thérapeutique chrétien de la parole n’en est pas pour autant un preuve de l’existence de Dieu ! Les matérialistes de l’antiquité faisaient de la parole un simulacre, autrement dit un composé d’atomes, circulant dans l’air, pénétrant l’âme matérielle de celui qui écoute et modifie le propre agencement atomique du sujet. Que la parole soit une molécule qui soigne (ou détruit, lorsqu’on entend l’annonce de la mort d’un être qu’on aime, de la maladie d’une personne chérie, de la rupture d’une relation précieuse), l’idée est aussi vieille que la philosophie matérialiste et elle se retrouve chez Boris Cyrulnik qui a publié un très beau De la parole comme une molécule [Eshel, 1991, repris au seuil, 1995] qui va dans ce sens. Le logothérapeute est une vieille figure du sacré chamanique. Freud se trouve juste en bout de course d’une tradition plurimillénaire. Extrait d'un entretien avec Michel ONFRAY.
Propos recueillis par Martin DURU © Philosophie Magazine
Michel Onfray : Oui, la parole, autrement dit la formulation, permet d’y voir plus clair en soi. La parole sur le divan produit des effets, bien sûr. De là à imaginer qu’il en va d’une vérité du freudisme dans sa totalité, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas, vous vous en doutez… Que parler fasse du bien ne prouve en rien que chaque homme ait envie de coucher avec sa mère et de tuer son père… Il y a dix ans, à l’Université populaire de Caen, j’ai consacré un cours à Antiphon d’Athènes, un sophiste qui soignait par la parole – et prenait de l’argent à ceux qui se confiaient à lui, lui racontait leurs rêves qu’il interprétait. Au Ve siècle avant l’air commune, Antiphon disait déjà qu’il soignait et guérissait par la parole. Les chrétiens savaient également que la parole apaise, calme, soigne l’âme. Voilà pourquoi elle joue un si grand rôle dans le dispositif de la confession auriculaire. Cet effet thérapeutique chrétien de la parole n’en est pas pour autant un preuve de l’existence de Dieu ! Les matérialistes de l’antiquité faisaient de la parole un simulacre, autrement dit un composé d’atomes, circulant dans l’air, pénétrant l’âme matérielle de celui qui écoute et modifie le propre agencement atomique du sujet. Que la parole soit une molécule qui soigne (ou détruit, lorsqu’on entend l’annonce de la mort d’un être qu’on aime, de la maladie d’une personne chérie, de la rupture d’une relation précieuse), l’idée est aussi vieille que la philosophie matérialiste et elle se retrouve chez Boris Cyrulnik qui a publié un très beau De la parole comme une molécule [Eshel, 1991, repris au seuil, 1995] qui va dans ce sens. Le logothérapeute est une vieille figure du sacré chamanique. Freud se trouve juste en bout de course d’une tradition plurimillénaire. Extrait d'un entretien avec Michel ONFRAY.
Propos recueillis par Martin DURU © Philosophie Magazine