"Un enregistrement historique enfin disponible ! L’histoire de la Bossa Nova est loin d’avoir été un long fleuve tranquille ; ainsi au milieu des années soixante des déchirures apparaissent lorsque Nara Leão, muse du mouvement, déclare qu’elle est lasse de chanter une musiquette d’appartement pour deux ou trois intellectuels. Elle veut du samba pur, un samba qui a quelque chose à dire, qui soit l’expression du peuple… Ses propos et son disque « Opinião de Nara » (1964) divisent le monde musical sur fond de réaction politique avec l’arrivée au pouvoir la même année de la junte militaire du général Castelo Branco. Finies les années dorées de Juscelino Kubitschek ! Par ailleurs ce moment marque l’arrivée d’une offensive du rock qui monte à l’assaut des compagnies discographiques et ne laisse le choix, à ceux qui furent les acteurs musicaux des années cinquante et de la première moitié de la décade, qu’entre la marginalisation ou l’exil. Les rencontres s’intensifient alors entre jazz et musique brésilienne aux Etats Unis, qui avaient vu le jour peu avant et symbolisées par le concert du Carnegie Hall de 1962 et l’irruption sur le marché international du disque de Getz/Gilberto l’année suivante. A Rio ou São Paulo le samba instrumental est délaissé par les studios ; les musiciens plus jeunes comme le pianiste Fernando Martins, le drummer Nelson Serra et le contrebassiste Edson Lobo (à ne pas confondre avec Edu Lobo) sont contraints à l’accompagnement des voix. La quasi-totalité des bossanovistes (toutes « tendances » confondues) se trouve à New York ou en Californie, quelques-uns au Mexique et Baden Powell arrive le premier à Paris. C’est dans ces conditions qu’Eddy Barclay après avoir entendu - à Rio de Janeiro - Tita, la jeune femme de Lobo, chanteuse et guitariste, l’entraîne en France avec son trio Camara pour enregistrer. Parallèlement, dans la capitale française, le trio offre plusieurs prestations remarquées par Pierre Barouh qui enregistre au début de 1968 les trois partenaires. Ils offrent un disque de samba, instrumental, marqué profondément par le jazz, caractéristique d’un moment spécifique de la musique brésilienne, peu enregistrée de cette façon au Brésil même. Le résultat n’a rien à envier à beaucoup d’enregistrements allant dans un sens voisin, réalisés aux Etats Unis, avec peut-être ici plus d’authenticité. On découvre à côté d’interprétations de thèmes connus tels que « Berimbau », et « Estrada do sol », le « Upa Neguinho » de Edu Lobo, l’un des premiers « partisans » de Nara; une composition de Edson Lobo « Nascente » ; une de Martins (« Bia ») et de compositeurs plus anciens ayant marqué l’histoire des musiques du Brésil : Dorival Caymmi (« Não tem solucão »), Sergio Mendes (« Noa, noa »), Durval Ferreira (« Samba Novo »)."
par Patrick DALMACE - JAZZ HOT
par Patrick DALMACE - JAZZ HOT