Un exceptionnel coffret pour les inconditionnels de Claude Lévi-Strauss, personnage que l’on n’a plus à présenter tellement cet humaniste aura marqué son époque. Un des rares écrivains à être publié à la Pléiade de son vivant. Il n’est pas facile de faire court pour parler de ce grand homme ; fondateur de la théorie structurale. […]
Il est né à Bruxelles en 1908, et décède à Paris en 2009. Il est parfois des personnes qui ne devraient pas mourir car elles sont utiles pour nous faire avancer sur une bonne voie. Après des études de philosophie à la Sorbonne, c’est la rencontre avec les écrits de Freud qui le feront réfléchir et se poser des questions (et il y a de quoi…). Ensuite le socialisme, période ou la politique jouera un grand rôle. Tous les étudiants intègrent (surtout à cette époque) un parti politique et c’est la SFIO qu’il choisit où il devient secrétaire des étudiants socialistes. En 1935, pour lui c’est l’arrêt d’une carrière politique qui aurait pu être son avenir car il part à Sao Paulo, nommé professeur de sociologie. Il est vrai qu’une révolte intellectuelle (compréhensible à son âge) le fera aller vers d’autres contrées lointaines plus réelles que ses cours à la Sorbonne et je pense qu’il voulait sortir de ses livres et voir de plus près la réalité sur le terrain. C’est au cours de cette période qu’il en profite pour rencontrer les fameuses civilisations primitives.
Toutes ces peuplades visitées, hélas disparues en l’espace d’une vie ! La première vision des Bororo le stupéfait, première tribu intacte et non polluée qu’il a vue ! Village de 120 habitants dont la vie sociale ne ressemblait absolument pas à notre société, où les hommes vivaient et travaillaient au centre dans une grande maison commune et les femmes autour, où elles étaient maîtresse de leur habitation. […] Hélas, les missionnaires sont arrivés et ont essayé de détruire cette organisation sociale, extrêmement dérangeante pour la religion catholique. Il gardera la vision d’une culture exceptionnelle. Aujourd’hui, ces tribus essaient de retrouver leurs coutumes ancestrales, bien difficilement.
Dans le livre (ou le coffret), il parle principalement des Indien Nambikwara, il explique très bien leurs us et coutumes, observés lors de son expédition de 1938. Claude Lévi-Strauss nous relate combien la tribu est respectueuse de la nature et ne prennent jamais plus qu’ils n’ont besoin ; il rajoute que ce que nous détruisons ne sera jamais remplacé. C’est la raison pour laquelle il se sentait très mal dans cette société dite moderne (il n’est pas le seul…).
De retour en France en 1938, il est mobilisé sur la ligne Maginot dite « inviolable », célèbre ligne infranchissable qui a coûté une fortune et où pas un soldat français n’a vu un Allemand. Là, il n’a rien à faire, il attend, pendant que les troupes allemandes contournent cette barrière. Et il pense !… Alors qu’il était en contemplation sur une boule de pissenlit, celle qui s’envole ensuite en petits parachutes pour renaître ailleurs, il s’interrogea sur une réflexion, d’abord botanique, qui le mènera au structuralisme et les fameuses lois de l’organisation.
Démobilisé, il part dans un lycée pour enseigner à Montpellier. Mais rien ne peut être parfait, il est obligé de fuir ces fameuses lois anti-juives et c’est sur les quais de Marseille qu’il trouve un bateau pour l’emmener loin de cette folie des hommes (c’est à dire en Amérique). Il rencontra sur ce vieux rafiot, André Breton (1896-1966) qui le marquera, ainsi que beaucoup d’autres surréalistes de l’époque et qui formeront, aux Etats-Unis, une petite société d’intellectuels français. C’est à New York que sa vocation va naître. La rencontre avec des intellectuels américains lui apportera des analyses supplémentaires sur sa théorie de la pensée structuraliste. La vie primitive l’attira.
Qu’est-ce qu’une société minimale ? C’était son interrogation… Il a été témoin de ce siècle passé et a vu, même en France, la vie et la nature sauvage se dégrader très vite. C’est lors de son retour, alors qu’il avait mis ses notes de côté, qu’il voulut en faire un livre. A l’origine « Tristes tropiques » était un roman et au bout de 50 pages, voyant qu’il n’était pas un bon romancier, il l’abandonna. C’est peut-être pour cela qu’il commence son livre par «Je hais les voyages et les explorateurs…» (phrase bien connue aujourd’hui). C’est grâce à Jean Malaurie, qui créa la nouvelle collection « Terre Humaine » chez Plon, grand écrivain aventurier, grand photographe aussi et très fascinant (dont j’ai de nombreux livres), particulièrement sur les Inuits, qui lui demanda d’écrire un roman sur ses voyages. Bien qu’il n’était pas très enthousiaste à la faire, il l’écrivit en quatre mois (étonnant non ?), car il voulait vite se débarrasser de cette commande, qui je pense « l’embêtait ». Il faut avouer, comme il le dit, que sa première épreuve était bourrée d’erreurs et de fautes, qu’il rectifia ensuite. Ce livre de commande qu’il ne voulait pas tellement faire, l’a rendu très célèbre et « Tristes Tropiques » fut traduit dans toutes les langues et se trouve maintenant en CDs, grâce à Frémeaux & Associés.
Voyez comme la vie nous réserve parfois, par la chance, les rencontres ou le hasard, des destinés imprévisibles… mais peut-être doit-il beaucoup à sa première femme Dina Dreyfus, ethnologue de formation, avec qui il participa à plusieurs missions ethnographiques dans le Mato Grosso et en Amazonie et qui ont influencé, sans aucun doute, son parcours.
Etonnant aussi, lui qui était si proche de la simplicité et de la vie primitive, comment a-t-il pu (donc en faire la demande), entrer en 1973 dans cette institution très bourgeoise qu’est l’Académie Française ( ?) avec tous ces rites et fastes qui sont à l’opposé de ses voyages et de ses pensées, qui me semblent si dérisoires pour un esprit comme le sien ? Ce qui prouve que l’on peut être tout et son contraire à la fois. L’homme est ainsi fait ! Peut-être qu’avec l’âge, on veut devenir « immortel » en entrant dans cette société de gens de lettres. Il y a l’homme et l’écrivain, parfois ce n’est pas le même lorsqu’il prend la plume ou la machine à écrire. Contrôle-t-on toujours nos actes et nos écrits ?…
Je vous conseille de lire ses livres et d’écouter ce coffret qui nous fait découvrir (par ses écrits) la réalité du terrain, non pas comme un aventurier mais un jeune philosophe ethnologue face à des contradictions, des difficultés de voyage, des rencontres, des émerveillements, et enfin, de revenir sur ce grand personnage qui sait nous emmener vers des pensées intellectuelles qui nous permettent de réfléchir, de penser et de vivre autrement, surtout en cette période assez perturbée où la bêtise est très prisée. Avant de connaître l’œuvre, il faut parfois connaître l’homme. Ses livres ne sont pas toujours accessibles au grand public car il reste d’abord un scientifique plus qu’un écrivain. On le dit ethnologue mais au départ, il n’a jamais été formé à ce métier : il était professeur de sociologie et est devenu philosophe avec les années. Il ne se sentait pas à son aise dans le siècle où il a vécu car il trouvait que ce monde allait se détruire très vite vu la rapidité de multiplication et de la consommation des humains, plus que la terre ne pourrait leur donner. Il était très pessimiste sur l’avenir de l’humanité (on va bientôt le vérifier). Chez lui, il était entouré de masques et totems en bois, comme notre ami Frémeaux, grand passionné de masques primitifs et de civilisation d’autrefois. A noter que Frémeaux & Associés ont sorti un CD d’entretiens avec Jacques Chancel et Claude Lévi-strauss. Aussi, dans la même veine d’esprit, la série de la « Contre-Histoire de la Philosophie » en coffret comportant de multiples CDs de Michel Onfray, un philosophe, qui a réussi à vulgariser et mettre à la portée de tous des méthodes nous donnant les moyens d’ouvrir les tiroirs de la pensée. Un grand humaniste qui côtoie la pauvreté dans tous les sens et essaie d’apporter le savoir à ceux qui n’en ont pas eu les moyens. Il n’a pas fini de nous surprendre ! A voir aussi les deux DVDs dont « La philosophie et l’homme », l’autre, « La vie philosophique » dans le catalogue Frémeaux. Enfin, nos amis Frémeaux & Associés font tout leur possible pour que l’on ait accès au savoir, c’est très important. Un grand merci à eux ! […] Yves GUSTIN – BIG BEAR
Il est né à Bruxelles en 1908, et décède à Paris en 2009. Il est parfois des personnes qui ne devraient pas mourir car elles sont utiles pour nous faire avancer sur une bonne voie. Après des études de philosophie à la Sorbonne, c’est la rencontre avec les écrits de Freud qui le feront réfléchir et se poser des questions (et il y a de quoi…). Ensuite le socialisme, période ou la politique jouera un grand rôle. Tous les étudiants intègrent (surtout à cette époque) un parti politique et c’est la SFIO qu’il choisit où il devient secrétaire des étudiants socialistes. En 1935, pour lui c’est l’arrêt d’une carrière politique qui aurait pu être son avenir car il part à Sao Paulo, nommé professeur de sociologie. Il est vrai qu’une révolte intellectuelle (compréhensible à son âge) le fera aller vers d’autres contrées lointaines plus réelles que ses cours à la Sorbonne et je pense qu’il voulait sortir de ses livres et voir de plus près la réalité sur le terrain. C’est au cours de cette période qu’il en profite pour rencontrer les fameuses civilisations primitives.
Toutes ces peuplades visitées, hélas disparues en l’espace d’une vie ! La première vision des Bororo le stupéfait, première tribu intacte et non polluée qu’il a vue ! Village de 120 habitants dont la vie sociale ne ressemblait absolument pas à notre société, où les hommes vivaient et travaillaient au centre dans une grande maison commune et les femmes autour, où elles étaient maîtresse de leur habitation. […] Hélas, les missionnaires sont arrivés et ont essayé de détruire cette organisation sociale, extrêmement dérangeante pour la religion catholique. Il gardera la vision d’une culture exceptionnelle. Aujourd’hui, ces tribus essaient de retrouver leurs coutumes ancestrales, bien difficilement.
Dans le livre (ou le coffret), il parle principalement des Indien Nambikwara, il explique très bien leurs us et coutumes, observés lors de son expédition de 1938. Claude Lévi-Strauss nous relate combien la tribu est respectueuse de la nature et ne prennent jamais plus qu’ils n’ont besoin ; il rajoute que ce que nous détruisons ne sera jamais remplacé. C’est la raison pour laquelle il se sentait très mal dans cette société dite moderne (il n’est pas le seul…).
De retour en France en 1938, il est mobilisé sur la ligne Maginot dite « inviolable », célèbre ligne infranchissable qui a coûté une fortune et où pas un soldat français n’a vu un Allemand. Là, il n’a rien à faire, il attend, pendant que les troupes allemandes contournent cette barrière. Et il pense !… Alors qu’il était en contemplation sur une boule de pissenlit, celle qui s’envole ensuite en petits parachutes pour renaître ailleurs, il s’interrogea sur une réflexion, d’abord botanique, qui le mènera au structuralisme et les fameuses lois de l’organisation.
Démobilisé, il part dans un lycée pour enseigner à Montpellier. Mais rien ne peut être parfait, il est obligé de fuir ces fameuses lois anti-juives et c’est sur les quais de Marseille qu’il trouve un bateau pour l’emmener loin de cette folie des hommes (c’est à dire en Amérique). Il rencontra sur ce vieux rafiot, André Breton (1896-1966) qui le marquera, ainsi que beaucoup d’autres surréalistes de l’époque et qui formeront, aux Etats-Unis, une petite société d’intellectuels français. C’est à New York que sa vocation va naître. La rencontre avec des intellectuels américains lui apportera des analyses supplémentaires sur sa théorie de la pensée structuraliste. La vie primitive l’attira.
Qu’est-ce qu’une société minimale ? C’était son interrogation… Il a été témoin de ce siècle passé et a vu, même en France, la vie et la nature sauvage se dégrader très vite. C’est lors de son retour, alors qu’il avait mis ses notes de côté, qu’il voulut en faire un livre. A l’origine « Tristes tropiques » était un roman et au bout de 50 pages, voyant qu’il n’était pas un bon romancier, il l’abandonna. C’est peut-être pour cela qu’il commence son livre par «Je hais les voyages et les explorateurs…» (phrase bien connue aujourd’hui). C’est grâce à Jean Malaurie, qui créa la nouvelle collection « Terre Humaine » chez Plon, grand écrivain aventurier, grand photographe aussi et très fascinant (dont j’ai de nombreux livres), particulièrement sur les Inuits, qui lui demanda d’écrire un roman sur ses voyages. Bien qu’il n’était pas très enthousiaste à la faire, il l’écrivit en quatre mois (étonnant non ?), car il voulait vite se débarrasser de cette commande, qui je pense « l’embêtait ». Il faut avouer, comme il le dit, que sa première épreuve était bourrée d’erreurs et de fautes, qu’il rectifia ensuite. Ce livre de commande qu’il ne voulait pas tellement faire, l’a rendu très célèbre et « Tristes Tropiques » fut traduit dans toutes les langues et se trouve maintenant en CDs, grâce à Frémeaux & Associés.
Voyez comme la vie nous réserve parfois, par la chance, les rencontres ou le hasard, des destinés imprévisibles… mais peut-être doit-il beaucoup à sa première femme Dina Dreyfus, ethnologue de formation, avec qui il participa à plusieurs missions ethnographiques dans le Mato Grosso et en Amazonie et qui ont influencé, sans aucun doute, son parcours.
Etonnant aussi, lui qui était si proche de la simplicité et de la vie primitive, comment a-t-il pu (donc en faire la demande), entrer en 1973 dans cette institution très bourgeoise qu’est l’Académie Française ( ?) avec tous ces rites et fastes qui sont à l’opposé de ses voyages et de ses pensées, qui me semblent si dérisoires pour un esprit comme le sien ? Ce qui prouve que l’on peut être tout et son contraire à la fois. L’homme est ainsi fait ! Peut-être qu’avec l’âge, on veut devenir « immortel » en entrant dans cette société de gens de lettres. Il y a l’homme et l’écrivain, parfois ce n’est pas le même lorsqu’il prend la plume ou la machine à écrire. Contrôle-t-on toujours nos actes et nos écrits ?…
Je vous conseille de lire ses livres et d’écouter ce coffret qui nous fait découvrir (par ses écrits) la réalité du terrain, non pas comme un aventurier mais un jeune philosophe ethnologue face à des contradictions, des difficultés de voyage, des rencontres, des émerveillements, et enfin, de revenir sur ce grand personnage qui sait nous emmener vers des pensées intellectuelles qui nous permettent de réfléchir, de penser et de vivre autrement, surtout en cette période assez perturbée où la bêtise est très prisée. Avant de connaître l’œuvre, il faut parfois connaître l’homme. Ses livres ne sont pas toujours accessibles au grand public car il reste d’abord un scientifique plus qu’un écrivain. On le dit ethnologue mais au départ, il n’a jamais été formé à ce métier : il était professeur de sociologie et est devenu philosophe avec les années. Il ne se sentait pas à son aise dans le siècle où il a vécu car il trouvait que ce monde allait se détruire très vite vu la rapidité de multiplication et de la consommation des humains, plus que la terre ne pourrait leur donner. Il était très pessimiste sur l’avenir de l’humanité (on va bientôt le vérifier). Chez lui, il était entouré de masques et totems en bois, comme notre ami Frémeaux, grand passionné de masques primitifs et de civilisation d’autrefois. A noter que Frémeaux & Associés ont sorti un CD d’entretiens avec Jacques Chancel et Claude Lévi-strauss. Aussi, dans la même veine d’esprit, la série de la « Contre-Histoire de la Philosophie » en coffret comportant de multiples CDs de Michel Onfray, un philosophe, qui a réussi à vulgariser et mettre à la portée de tous des méthodes nous donnant les moyens d’ouvrir les tiroirs de la pensée. Un grand humaniste qui côtoie la pauvreté dans tous les sens et essaie d’apporter le savoir à ceux qui n’en ont pas eu les moyens. Il n’a pas fini de nous surprendre ! A voir aussi les deux DVDs dont « La philosophie et l’homme », l’autre, « La vie philosophique » dans le catalogue Frémeaux. Enfin, nos amis Frémeaux & Associés font tout leur possible pour que l’on ait accès au savoir, c’est très important. Un grand merci à eux ! […] Yves GUSTIN – BIG BEAR