Du triumvirat Viseur-Murena-Privat qui rénove l’accordéon populaire français de 1938 à la fin des années 50 sous l’influence des guitares manouches et du swing américain, Tony Murena, plus à son aise au dancing qu’au musette, fut le plus technique des trois et aussi le plus jazz et l’ont dit même que Glenn Miller chercha à l’engager. Dans ce « le plus jazz » peut-être faut-il voir ce qui poussa André Hodeir à déclarer l’accordéon « anti-swing » et, en effet, ce serait une erreur d’apprécier le swing des accordéonistes français de l’époque (et leurs improvisations) sur la même échelle que Louis Armstrong, Lester Young ou Django Reinhardt, mais son swing sautillant a son charme qui ouvre des portes immenses à l’instrument des bouges parisiens. Ce volume conçu par Francis Couvreux est le travail le plus complet et le mieux conduit sur Murena jusqu’à ce jour. A ses côtes, on croise parfois les Ferret, plus souvent son fidèle guitariste Didi Duprat, mais aussi les clarinettes de Hubert Rostaing et Pierre Gossez. On y entend son swing et son art de l’improvisation jazz s’assouplir, de l’attendrissant « Madam’s » de mai 1939 à la maturité certaine de son « I’m Beginning To See The Light » fin 1945 et de son « Body And Soul » ou il donne la réplique à Gus Viseur en 1948. Mais Tony Murena, ce sont aussi des valses, tels les grands classiques « Passion » et « Indifférence » cosignées par Joseph Colombo dans leurs versions de 1942 et du début des années 50, mais aussi de moins connues comme « La Guigne » et cette improbable valse be bop intitulée « La Godasse ». Et sur le trois temps, allez savoir pourquoi, ça swingue sans aucun doute.
Par Alfred SORDOILLET – JAZZ MAGAZINE-JAZZMAN
Par Alfred SORDOILLET – JAZZ MAGAZINE-JAZZMAN