« Quiconque est allé « dedans » le sud de la Louisiane, comme ils disent là-bas, du côté de Lafayette, gardent un souvenir ému de l’hospitalité et surtout de la francophilie délirante (car, enfin, la France si hospitalière en paroles les a toujours abandonnés en actes) de ces Acadiens chassés du Canada par le Grand Dérangement. Ils étaient restés dans cette Louisiane rugueuse, parmi moustiques, serpents et « cocodriles » et ont gardé, en dépit de l’abandon de l’Hexagone, leur langue et leur façon de vivre, très françaises. Voici les frères Michot. Ils sont trois, Rick et Tommy, qui chantent en s’accompagnant, le premier au violon, le second à l’accordéon et, sur « Le Blues de Carroll County » à l’harmonica. Le troisième Michot est Patrick Jr, qui ne chante pas mais les accompagne à la guitare. Ce ne sont pas des professionnels de la profession, comme dit Jean-Luc Godard, c’est sans doute pourquoi on a de vrais frissons en les écoutant. Rien de fabriqué, de lisse et de techniquement infaillible, mais de l’émotion, de la vraie. C’est leur vie qu’ils chantent, et si Rick Michot est aujourd’hui juge à Lafayette, on sent bien, aux textes naïfs, simples et pudiques, qu’il a bourlingué et en a vu des vertes et des pas mûres. Cette musique cajun et ce parler francophone qui respirent la vie, qui se sont maintenus essentiellement par le bouche à oreille et la pratique amateur, sont colorés d’une mélancolie en demi-teinte, comme si ces Sud Louisianais étaient orphelins, depuis des siècles, de leur Poitou-Charentes idéalisé. Ce CD vous étreint comme si, du fond des siècles passés, la mémoire vous rappelait les injustices subies dans l’indifférence des puissants. Un document ! »
Par Michel BEDIN – ON MAG
Par Michel BEDIN – ON MAG