Frédéric Worms, né en 1964, est philosophe. Professeur à l’université de Lille, directeur du Centre international d’étude de la philosophie française contemporaine (CIEPFC) à l’ENS (Paris), c’est un des grands spécialistes français de l’œuvre de Bergson
"(…) Etonnant destin que celui de l’œuvre d’Henri Bergson (1859-1941). Dès de le début, elle rencontre une audience inhabituelle. Durant les premières années du XXe siècle, cet homme frêle, modeste, presque timide, devient une star. Le mot n’existe pas encore, mais ce philosophe, qui scrute la conscience comme le chimiste explore une molécule, est soudain au centre de tous les débats. Dans la France des années 1960 et 1970, à l’apogée du structuralisme, en effet, c’est le rejet. On écoute Paul Nizan ou Georges Politzer, qui le traitent de « chien de garde » et de « valet de la bourgeoisie ». Alors que le marxisme triomphe et que le matérialisme domine sans partage, le malheureux Bergson passe pour un spiritualiste réactionnaire et obsolète. Mis à part quelques fidèles, personne ne le lit. Si…Gilles Deleuze. Contre la machinerie hégélienne et les pesanteurs de la dialectique, Deleuze trouve en lui une pensée de la radicale nouveauté, surgissant au coeur du flux temporel, émergeant d’un mouvement créateur. Sous l’influence de Jean Wahl, qui maintient en France le souvenir de Williams James – ami de Bergson, presque son alter ego -, Deleuze contribue à réhabiliter l’œuvre. Il montre combien, pour penser notamment le cinéma et « l’image mouvement », les intuitions bergsoniennes sont précieuses. Aujourd’hui, quelques décennies plus tard, le paysage est fort différent. L’œuvre d’Henri Bergson paraît à nouveau centrale. (…)"
Par Roger-Pol DROIT – LE MONDE
"(…) Etonnant destin que celui de l’œuvre d’Henri Bergson (1859-1941). Dès de le début, elle rencontre une audience inhabituelle. Durant les premières années du XXe siècle, cet homme frêle, modeste, presque timide, devient une star. Le mot n’existe pas encore, mais ce philosophe, qui scrute la conscience comme le chimiste explore une molécule, est soudain au centre de tous les débats. Dans la France des années 1960 et 1970, à l’apogée du structuralisme, en effet, c’est le rejet. On écoute Paul Nizan ou Georges Politzer, qui le traitent de « chien de garde » et de « valet de la bourgeoisie ». Alors que le marxisme triomphe et que le matérialisme domine sans partage, le malheureux Bergson passe pour un spiritualiste réactionnaire et obsolète. Mis à part quelques fidèles, personne ne le lit. Si…Gilles Deleuze. Contre la machinerie hégélienne et les pesanteurs de la dialectique, Deleuze trouve en lui une pensée de la radicale nouveauté, surgissant au coeur du flux temporel, émergeant d’un mouvement créateur. Sous l’influence de Jean Wahl, qui maintient en France le souvenir de Williams James – ami de Bergson, presque son alter ego -, Deleuze contribue à réhabiliter l’œuvre. Il montre combien, pour penser notamment le cinéma et « l’image mouvement », les intuitions bergsoniennes sont précieuses. Aujourd’hui, quelques décennies plus tard, le paysage est fort différent. L’œuvre d’Henri Bergson paraît à nouveau centrale. (…)"
Par Roger-Pol DROIT – LE MONDE