« Le procédé d’explorer le répertoire de la chanson n’est pas nouveau, aux Etats-Unis comme en France. Les Haricots Rouges qui firent un tabac dans les années 1960 avec «Les copains d’abord» de Brassens sont crédibles pour récidiver. Il n’y a pas ici le côté scénique (qui d’ailleurs relève de la tradition ancienne des sketches chez Ray Ventura). La musique, c’est tout. Et bien c’est une réussite. Il faut dire que la qualité initiale se prête au jeu (dans tous les sens du terme: «le jazz» est une façon de jouer et non le répertoire): le grand Trenet (incontournable), Aznavour, Brassens, Misraki, Gainsbourg, etc. Le programme commence, tout seigneur tout honneur, avec Trenet: «J’ai ta main» bien chanté par Pierre Jean et Norbert Congrega. Les Haricots Rouges sonnent comme les traditionnalistes natifs de New Orleans et Alain Meaume est remarquable, dans le style George Lewis: «Dominique» de Sœur Sourire (drumming de Sénamaud !), «Je n’aurai pas le temps» de Fugain, «La musique que j’aime» de Johnny Hallyday (drumming!) et «Des roses rouges pour un ange blond» (thème joué avec feeling et sourdine au cornet par Pierre Jean). Alain Meaume est aussi un bon chanteur dans «La Tendresse» (très bon piano de Pierre Jean). Ils vont jusqu’à assimiler à un «dirge» de brass band l’«hymne à l’amour» de Piaf (clarinette, tuba, drumming sont parfaits) enchaîné sur tempo médium avec «Les Grands Boulevards» très bien mené par Pierre Jean au cornet au sein d’une front-line très New Orleans. Il y a du re-recording puisque dans «Tu t’laisses aller» transformé en gospel on entend Pierre Jean au piano et à l’orgue. Ce titre est dominé par un Christophe Deret au trombone apte à rendre jaloux un Gary Valente. Plutôt biguine, «La Prière» de Brassens est transformée par Meaume (cl), Deret (tb), Jean (p). Trio swing de Jean (p), Huguet (b), Sénamaud (aux balais) pour un balançant «Si tu t’en irais» de Jean Yanne. Christophe Deret n’est pas sans évoquer Guy Paquinet au début de «Azzurro» (vite néo-orléanisé) et dans «Je suis seul ce soir» très réussi (harmonisation des souffleurs dans l’exposé, solo de piano et punch du cornet dans la collective finale). Très jolie version de «Vous qui passez sans me voir» qui certes est un thème qui se suffit à lui-même (merci Charles Trenet!). Ceux qui ne sont pas embourbés dans des considérations snobinardes d’élitisme (pseudo) créatif, trouveront un grand plaisir musical avec ce CD. En plus c’est créatif, car jouer «La Javanaise» en piano rag solo, il fallait y penser. Bravo ! »
Par Michel LAPLACE – JAZZ HOT
Par Michel LAPLACE – JAZZ HOT