En 2000 Pascal Bruckner publie « l’Euphorie perpétuelle », un essai sur le devoir de bonheur. « Soyez heureux ! », voilà le nouveau commandement. Qui ne voit pas que l’hédonisme est devenu l’horizon indépassable de notre temps : des salles de sport à la chirurgie esthétique, en passant par les psychothérapies, les spiritualités exotiques, tout concourt à nous faire oublier l’« inachèvement » de notre nature. « Il est des êtres sur qui le bonheur s’acharne comme s’il était le malheur et il l’est en effet. » Cette citation de François Mauriac, placée en exergue de l’essai, n’a besoin que d’être généralisée pour exprimer de façon saisissante la détresse de l’homme moderne, cet être à qui il est fait obligation de « vivre sans temps mort et jouir sans entrave ». Ce slogan libertaire de Raoul Vaneigem qui fleurissait sur les murs en Mai 68 est devenu, explique Pascal Bruckner, le slogan publicitaire devant lequel nos vies se sont inclinées. C’est cette réflexion philosophique que l’auteur a reprise sous forme de conférence. Deux heures d’écoute qui nous font découvrir un Pascal Bruckner pédagogue et nous confirment que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Après avoir étudié la conception chrétienne du bonheur puis sa réfutation par Voltaire, il analyse dans une seconde partie l’obsession moderne d’une vie qui échapperait à la banalité et à l’ennui pour n’être qu’intensité. Comment ne pas voir, conclut-il, que l’intermittence est le régime même du bonheur, ce qui précisément en fait le prix ?
Par Jérôme SERRI -LIRE
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