« La légende de Q peut commencer » par Jazz News

Quincy Jones n’avait pas encore fêté son 27e anniversaire qu’il avait été, cette année-là, engagé par l’auteur, compositeur et interprète Johnny Mercer afin de roder en Europe le score de « Free and Easy », comédie musicale supposée conquérir Broadway. Le périple à travers l’Europe s’apparenta à un désastre pécuniaire, mais il fut sanctionné, sous l’égide de Franck Ténot et Daniel Filipacchi, par un une série de concerts (confidentiels dans l’enceinte du studio Barclay ; bien plus courus à l’Olympia) propres à réconforter Jones. D’autant qu’il avait été en capacité d’aligner une remarquable cohorte de dix-huit jeunes loups. Benny Bailey et le solaire Clark Terry mènent la section des trompettes, Jimmy Cleveland tient le trombone et, venu de sa Suède d’adoption, Joe Harris s’est invité derrière les fûts. Les Spann fait entendre un son de flûte à la raucité étonnamment contemporaine. On éprouvera surtout la plus extrême affection pour la prestation d’un jeune trentenaire que tout le monde s’arrache, de Dizzy Gillespie à Thelonious Monk, le saxophoniste alto Phil Woods. Le répertoire (« Moanin’ » de Bobby Timmons, « Doodlin’ » emprunté à Horace Silver, ou « Blues in the Night » chipé à Johnny Mercer) permet aux solistes de briller. L’ancien élève de Nadia Boulanger, orchestrateur d’Henri Salvador, traverse la France des « événements » d’Algérie en élaborant sa vie d’homme noir, et d’artiste : la légende de Q peut commencer à dérouler ses fastes.
Par Christian LARREDE – JAZZ NEWS