Ce coffret (72 titres) retrace la genèse de la guitare électrique, des premiers essais blues et jazz, jusqu’à l’explosion rock’n’roll. Comme le sous-titre l’indique tous les genres sont mélangés et on avance sur tous les fronts. L’ordre chronologique choisi est le plus logique et le livret est assez précis, quoiqu’un peu confus par moments. L’amalgame typiquement français entre R&B et rock’n’roll n’aide pas à avoir une vision claire des choses. Les vieux clichés ont la vie dure ! Quoiqu’il en soit la musique est merveilleuse, séminale et indispensable. Les valeureux pionniers ouvrent le feu / Bob Dunn et Milton Brown (« Some Of These Days »), Charlie Christian avec Benny Goodman (« Rose Room ») et l’extraordinaire instrumental appelé rétrospectivement « Swing To Bop », Eldon Shmablin et Bob Wills (« My Window Faces The South »), le méconnu Leonard Ware avec Sidney Bechet période new-yorkaise (« Jungle Drums ») et Carl Hogan avec Louis Jordan, une des influences majeures de Chuck Berry. La mixité raciale est de mise, il existe déjà de nombreuses passerelles entre les communautés blanche et noire. Les choses s’électrifient davantage dans le volume 2 avec B.B. King (« Blind Love »), Hank Garland (« Sugarfoot Boogie »), Guitar Slim, le propagateur de la Telecaster et virtuose incomparable Jimmy Bryant (« Bryant’s Bounce ») et Danny Cedrone qui, dans « Rock The Joint » avec Bill Haley (1952), trouve le solo qu’il reprendra note par note dans « Rock Around The Clock » deux ans plus tard. Mais tout cela bascule vraiment le 5 juillet 1954 avec « That’s All Right » enregistré à Memphis, au studio Sun, par Elvis Presley, Scotty Moore, Bill Black et Sam Phillips. Si la voix d’Elvis est la fusion la plus parfaite des cultures blanche et noire, le jeu de guitare de Scotty Moore en fait de même. Chez lui le blues de Lightnin’Hopkins, le picking de Merle Travis et le jazz de Tal Farlow se téléscopent pour donner naissance à un genre nouveau, le rockabilly, qui se transforme en rock’n’roll à partir de 1956.On peut regretter l’absence de « Hound Dog » qui pose les fondements de la guitare rock (power chords, double stops, dérapages surprenants, tout y passe !). Scotty Moore : Dans chaque solo je mettais instinctivement tout ce que je connaissais. La brèche est ouverte et tous les furieux s’y engouffrent comme montre le CD 3 : Cliff Gallup (« Bi-Bickey-Bi-Bo-Bo-Go »), James Burton (« Syzy Q »), Larry Collins et Joe Maphis (« Hurricane »), Buddy Holly (« Peggy Sue »), Link Wray (« Rumble »), tandis que les guitaristes noirs bénéficient d’une diffusion plus large : Johnny Guitar Watson (« Space Guitar »), Guitar Junior (« The Crawl »), Chuck Berry (« Carol »), Bo Diddley (« Help Out »). Les jazzmen continuent de faire résonner leurs belles Gibson L-5 ou Super 400 (Wes Montgomey, Kenny Burrell, Howard Roberts), tandis que les instrumentaux des Shadows et des Ventures font entendre la modernité des Fender et autres Mosrites. Quatre ans plus tard (seulement !), Jimi Hendrix synthétisera ces 25 années pour faire basculer la guitare électrique dans une autre dimension.
Par Tony MARLOW – JUKE BOX MAGAZINE
Par Tony MARLOW – JUKE BOX MAGAZINE