Dans la série « Les contes de Carvic », génial collectionneur sonore et musicien polyglotte, voici une nouvelle rêverie au pays de Django. Avec malice et poésie, Dominique Cravic, entouré de son big band familial, constitué en grande partie des Primitifs du Futur, évite de tomber dans la commémoration pour cheminer sur les traces du compositeur et non celles du guitariste et créateur du style manouche. Il imagine, ne reconstitue pas : comment suivre un homme aux semelles de vent ? Du swing au musette, en passant par le tango, la valse ou la samba, Cravic & friends voyagent dans le temps et l’espace. Comme l’écrit le journaliste Vincent Bessières, ce n’est pas un disque de jazz manouche, mais un voyage sur les terres de Django.
- Tout à fait. Le producteur du label Respect Records, Kenichi Takahashi, désirait sortir un disque sur Django, mais depuis une quinzaine d’années, le phénomène a pris une telle ampleur que je voulais éviter l’overdose, notamment après toutes les commémorations des 60 ans de sa disparition l’année dernière. Or tous les guitaristes manouches, les Angelo Debarre, Tchavolo Schmitt etc. qui jouent magnifiquement bien dans le style, sont bien plus dans l’histoire que nous autres, « gadgé » : il s’agit de leur musique, de leurs traditions… Pourquoi s’embarquer là-dedans au risque de faire moins bien ? Cela n’aurait pas été une bonne idée. De plus, j’ai un côté patrimonial, j’ai réalisé une collection de rééditions pour le label Frémeaux, j’aime me fondre dans un univers et l’illustrer à ma manière. J’ai donc appelé ma bande de musiciens pour proposer non pas un énième Quintette du Hot Club de France, mais un voyage musical. Quand tu peux jouer, avec le même orchestre, aussi bien un tango comme « Carinosa » qu’un morceau de jazz des années 50, pourquoi s’en priver ? Nous avons crée une sorte de gué, constitué de différentes pierres, qui décrivent les pérégrinations de Django le voyageur. J’ai une anecdote : il y a quelques années, j’avais interviewé son premier guitariste, Roger Chaput ; ce dernier m’avait décrit sa rencontre avec Django, qui rejoignait l’orchestre musette d’un des frères Péguri. Roger voit débarquer un gamin de quinze-seize ans, très élégant, chapeau, foulard, mais qui semble pauvre vu l’état de son banjo, auquel il manquait des cordes. Au sein de l’orchestre, ils jouaient du tango, du musette, du jazz… Chaput avait été impressionné par son talent malgré son jeune âge. J’avais vraiment envie de retourner dans cette période, les débuts de Django, puis la Seconde guerre mondiale durant laquelle ont été créés les orchestres à cordes, les quintettes, qui n’existaient pratiquement pas mis à part celui du violoniste Joe Venuti et du guitariste Eddie Lang aux Etats-Unis. Ces orchestres à cordes sont une idée française réunissant le swing, la poésie parisienne, les jolies compositions de Dajngo qui écrivait de véritables mélodies. Car dans le jazz, il y a des thèmes mais pas vraiment des mélodies au sens chanson.
– Tu t’es en effet concentré sur la « préhistoire » du personnage, le musette (« Chez Jacquet »), les rythmes américains (jazz, fox-trot), les chansons (« La petite île », avec Germaine et Jean Sablon), le Quintette du Hot Club de France, plutôt que la facette archiconnue jazz manouche de Django.
– Exactement. Grâce à cette bande de Primitifs, même si tous ne font pas partie de cette histoire, j’avais la possibilité de partir sur des ambiances complètement différentes tout en suivant un fil rouge : jouer un tango, une samba (« Brazil »), du musette, parfois quelques thèmes manouches comme « Swing 39 » et « Swing 42 » (…) Nous n’avions aucune limite, aucune barrière, comme par exemple adapter « Nuages » à l’accordéon. J’aime beaucoup notre adaptation de « Anouman », nous sommes tout à la fois dans le son de Django et dans un autre monde grâce à la clarinette. Nous avons d’ailleurs enregistré ce disque dans les anciens studios Vogue, où jouait Django ; c’était une manière d’être au cœur de l’histoire.
– Comment as-tu choisi le répertoire ?
– L’idée était de décrire le cheminement de Django entre 1930 et 1950. Durant cette période, la musique a beaucoup évolué, passant du tango, de la valse gitane, au jazz moderne, à l’image des titres « Pour que ma vie demeure » ou « Anouman », où l’on utilise un micro Stimer. On a vraiment voulu éviter de faire de la reconstitution et l’aspect poussiéreux des musées ; nous nous nous sommes intéressés au compositeur plus qu’au guitariste ou créateur d’un style. En fait, nous proposons une empreinte de Django, en nous axant sur les thèmes dans lesquels il exprime qui il est. Par exemple, nous adaptons « Brazil », un titre de Barroso repris par Dajngo, dans lequel nous partons sur un dialogue entre les deux accordéonistes, avec en fond la guitare manouche d’Hervé Legeay. Finalement, il s’agit d’un projet original dans un domaine codifié.
– Tu as choisi de reprendre ta composition « La belle et le manouche » Pourquoi cela ?
Oui, elle date du deuxième album des Primitifs du Futur, je trouvais sympa de replacer cette histoire d’amour entre une femme de la haute et un manouche. Même si ce n’est pas un titre de Django, je pense qu’elle résume bien l’histoire, les connexions entre ces mondes éloignés.
Par GUITAR UNPLUGGED
- Tout à fait. Le producteur du label Respect Records, Kenichi Takahashi, désirait sortir un disque sur Django, mais depuis une quinzaine d’années, le phénomène a pris une telle ampleur que je voulais éviter l’overdose, notamment après toutes les commémorations des 60 ans de sa disparition l’année dernière. Or tous les guitaristes manouches, les Angelo Debarre, Tchavolo Schmitt etc. qui jouent magnifiquement bien dans le style, sont bien plus dans l’histoire que nous autres, « gadgé » : il s’agit de leur musique, de leurs traditions… Pourquoi s’embarquer là-dedans au risque de faire moins bien ? Cela n’aurait pas été une bonne idée. De plus, j’ai un côté patrimonial, j’ai réalisé une collection de rééditions pour le label Frémeaux, j’aime me fondre dans un univers et l’illustrer à ma manière. J’ai donc appelé ma bande de musiciens pour proposer non pas un énième Quintette du Hot Club de France, mais un voyage musical. Quand tu peux jouer, avec le même orchestre, aussi bien un tango comme « Carinosa » qu’un morceau de jazz des années 50, pourquoi s’en priver ? Nous avons crée une sorte de gué, constitué de différentes pierres, qui décrivent les pérégrinations de Django le voyageur. J’ai une anecdote : il y a quelques années, j’avais interviewé son premier guitariste, Roger Chaput ; ce dernier m’avait décrit sa rencontre avec Django, qui rejoignait l’orchestre musette d’un des frères Péguri. Roger voit débarquer un gamin de quinze-seize ans, très élégant, chapeau, foulard, mais qui semble pauvre vu l’état de son banjo, auquel il manquait des cordes. Au sein de l’orchestre, ils jouaient du tango, du musette, du jazz… Chaput avait été impressionné par son talent malgré son jeune âge. J’avais vraiment envie de retourner dans cette période, les débuts de Django, puis la Seconde guerre mondiale durant laquelle ont été créés les orchestres à cordes, les quintettes, qui n’existaient pratiquement pas mis à part celui du violoniste Joe Venuti et du guitariste Eddie Lang aux Etats-Unis. Ces orchestres à cordes sont une idée française réunissant le swing, la poésie parisienne, les jolies compositions de Dajngo qui écrivait de véritables mélodies. Car dans le jazz, il y a des thèmes mais pas vraiment des mélodies au sens chanson.
– Tu t’es en effet concentré sur la « préhistoire » du personnage, le musette (« Chez Jacquet »), les rythmes américains (jazz, fox-trot), les chansons (« La petite île », avec Germaine et Jean Sablon), le Quintette du Hot Club de France, plutôt que la facette archiconnue jazz manouche de Django.
– Exactement. Grâce à cette bande de Primitifs, même si tous ne font pas partie de cette histoire, j’avais la possibilité de partir sur des ambiances complètement différentes tout en suivant un fil rouge : jouer un tango, une samba (« Brazil »), du musette, parfois quelques thèmes manouches comme « Swing 39 » et « Swing 42 » (…) Nous n’avions aucune limite, aucune barrière, comme par exemple adapter « Nuages » à l’accordéon. J’aime beaucoup notre adaptation de « Anouman », nous sommes tout à la fois dans le son de Django et dans un autre monde grâce à la clarinette. Nous avons d’ailleurs enregistré ce disque dans les anciens studios Vogue, où jouait Django ; c’était une manière d’être au cœur de l’histoire.
– Comment as-tu choisi le répertoire ?
– L’idée était de décrire le cheminement de Django entre 1930 et 1950. Durant cette période, la musique a beaucoup évolué, passant du tango, de la valse gitane, au jazz moderne, à l’image des titres « Pour que ma vie demeure » ou « Anouman », où l’on utilise un micro Stimer. On a vraiment voulu éviter de faire de la reconstitution et l’aspect poussiéreux des musées ; nous nous nous sommes intéressés au compositeur plus qu’au guitariste ou créateur d’un style. En fait, nous proposons une empreinte de Django, en nous axant sur les thèmes dans lesquels il exprime qui il est. Par exemple, nous adaptons « Brazil », un titre de Barroso repris par Dajngo, dans lequel nous partons sur un dialogue entre les deux accordéonistes, avec en fond la guitare manouche d’Hervé Legeay. Finalement, il s’agit d’un projet original dans un domaine codifié.
– Tu as choisi de reprendre ta composition « La belle et le manouche » Pourquoi cela ?
Oui, elle date du deuxième album des Primitifs du Futur, je trouvais sympa de replacer cette histoire d’amour entre une femme de la haute et un manouche. Même si ce n’est pas un titre de Django, je pense qu’elle résume bien l’histoire, les connexions entre ces mondes éloignés.
Par GUITAR UNPLUGGED