C’est une passionnante anthologie en trois CD que nous a concocté Bruno Blum, ce spécialiste français renommé. Le thème : les « traces » de l’esclavage dans la musique du continent américain. Autrement dit, une traversée du feeling noir en trois parties se terminant en 1972, depuis la « matrice » africaine jusqu’au free jazz d’Ornette Coleman, en passant par les sons créoles des Antilles et du Brésil entre autres. Avec des titres jalons, comme le célèbre « Ol’Man River » de Paul Robeson, le superbe « Summertime » de Mahalia Jackson ou le premier succès de la musique américaine classique « Bamboula, Danse des Nègres, Op.2 » de Louis Moreau Gottschalk. Jusqu’à l’arrivée du groove africain sur la scène internationale dans la seconde moitié des années 1970, la musique black n’est que cette longue plainte enracinée dans la terrible déportation originelle. « J’ai eu le blues dès que l’on m’a embarqué sur ce navire », comme le disait joliment B.B.King. Une souffrance qui a révolutionné notre histoire culturelle, a bouleversé et fait swinguer le monde entier depuis près d’un siècle. « Slavery in America » nous montre surtout que tout y est déjà en germe. Comment ne pas reconnaître dans « Prettiest Train », une complainte de bagnards, les interpellations violentes du rock en général ? Comment ne pas sentir dans les prêches incandescents de Marcus Garvey (« Babylon Did It ») ou du révérand J.M.Gates (« Dry Bones in the Valley ») les futures scansions des rappeurs ? Comment ne pas percevoir dans « Hard Times in Ol’Virginia », un des plus vieux chants d’esclave, la trame harmonique dont seront faites les plus belles ballades soul d’Otis Redding ou Michael Jackson ?
Par J.-M.D.- AFRIQUE MAGAZINE
Par J.-M.D.- AFRIQUE MAGAZINE