« C'est bien de pionniers du rock'n roll dont il s'agit ici. Plus de 20 ans après que nous ayons élaboré –dans les pages du périodique Rendez-vous 93– une première recension d'oeuvres et d'artistes québécois ayant trempé volontairement ou accidentellement dans ce rythme fou des années 1950, période que du point de vue de ma génération je qualifiais de « pré yé-yé », quelqu'un a enfin franchi le pas et publié une réponse audio à cette exploration. Mais celle-ci n'origine pas de notre environnement immédiat; on la retrouve plutôt comme partie prenante du nouveau volume de la collection Roots of Rock 'n' Roll, un triple album consacré aux balbutiements d'un R'n R francophone. Ce volume intitulé "Anthologie du Rock fifties en français 1956-1960" regroupe exactement 75 joyaux méconnus d'une époque qui l'est tout autant, à quelques exceptions près. Sur ces 75 titres, bien peu sont diffusés sur les ondes dédiées aux « musiques souvenir ». Quelques fantaisies d'Henri Salvador (Henry Cording) ou des Jérolas, les incursions anecdotiques d'un Eddy Constantine ou d'un Georges Guétary, l'hommage au "Rocket rock'n' roll" de Denyse Filiatrault, c'est à peu près tout ce que le grand public peut identifier... et encore. C'est donc une démarche essentielle que celle de Frémeaux & Associés vient de mener, dans l'optique d'un « Je me souviens » qui nous touche directement.
Premier constat: d'un côté de l'Atlantique comme de l'autre, cette nouveauté musicale n'était pas prise très au sérieux. En France, une portion inhabituelle de ces enregistrements affiche des noms carrément loufoques: Chou Rave Hageur, Rock Failair, Phily Form, même chez les plus consistants comme Mac-Kac et le déjà nommé Henry Cording. Chez nous, les artistes « western » (en amont du country) comme les vedettes de cabaret laissent voir leur amusement dans les titres de leurs essais rock: "Rock'n' roll à cheval", "Rock'n' roll du Père Noël" et autres "Yakety Yak". La rigolade est par ailleurs surreprésentée en France avec des titres comme "J'ai j'té ma clef dans un tonneau d'goudron", "Chaperon rock", "Roule-toi dans l'rock", "Va t'faire cuire un oeuf, man!" et plusieurs autres.
Caractères distinctifs: la plupart des titres sur les deux CD couvrant la France proposent une musique de grand ensemble, en premier lieu l'orchestre de Jacques Hélian qui fut l'un des premiers à oser le style en offrant une reprise du plus grand succès de Bill Haley et ses Comets "Toutes les heures qui sonnent"; une esthétique à forte tendance swing tandis que le volet québécois fait plus souvent place à de petites formations. Exemples: Les Trois Clefs "Le rock'n' roll du samedi soir", Marcel Martel et son as guitariste Don Olsen, les Rythmos, duo sans batterie dans "Frisette", et surtout les tenants du son rock'n' roll laurentien tels Freddy Gagné "Rock, rock, rock, le rock'n' roll ", Léo Benoit "Le rock'n' roll dans l'lit", "Le rock'n' roll c'est bon", Ernie Baribeau "Mais si ma chérie"… Une surprise pour les sociologues: au Québec, plusieurs de ces artistes utilisaient déjà un langage familier (on ne disait pas encore joual) plus de 10 ans avant la révolution officielle du langage de 1968. Bien avant l'Osstidcho ou Les Belles-soeurs, il était donc possible d'entendre sur disque des phrases comme: « Ça sent l'yabe dans l'auditorium » - les Jérolas / « Quand j'me mets à danser avec mon beau bebé, là j'commence à yodeler » - Léo Benoit / « Nos amis, les Américains, viennent nous rocker leur petit refrain » - Willie Lamothe / « Tu cours toujours la galipotte ou tu t'en vas danser le rock » - les Rythmos. Seulement les analystes ne fréquentaient pas les lieux où ces gens se produisaient.
Donc, plein de surprises et de découvertes sur ces trois disques. Pour ma part, mes trois étoiles iraient à: Magali Noël pour l'interprétation originelle de "Fais-moi mal Johnny" un classique que nous avions surtout connu au Québec par l'intermédiaire de Pauline Julien. Luis Mariano qui offre avec "Ma p'tite chérie" une version pétillante de "Chantilly Lace" ; la Québécoise Irène McNeil. Elle nous présente, dans "Ce rythme le rock'n' roll", une perspective intergénérationnelle intéressante: « Il y avait déjà en 1920 le Charleston et le Peek-a-boo, le Boogie Woogie, le Razzle Dazzle, maintenant c'est le Rock'n' roll »! Hors catégorie: Édith Piaf et "L'homme à la moto". »
Par Richard BAILLARGEON – QUEBEC INFO MUSIQUE
Premier constat: d'un côté de l'Atlantique comme de l'autre, cette nouveauté musicale n'était pas prise très au sérieux. En France, une portion inhabituelle de ces enregistrements affiche des noms carrément loufoques: Chou Rave Hageur, Rock Failair, Phily Form, même chez les plus consistants comme Mac-Kac et le déjà nommé Henry Cording. Chez nous, les artistes « western » (en amont du country) comme les vedettes de cabaret laissent voir leur amusement dans les titres de leurs essais rock: "Rock'n' roll à cheval", "Rock'n' roll du Père Noël" et autres "Yakety Yak". La rigolade est par ailleurs surreprésentée en France avec des titres comme "J'ai j'té ma clef dans un tonneau d'goudron", "Chaperon rock", "Roule-toi dans l'rock", "Va t'faire cuire un oeuf, man!" et plusieurs autres.
Caractères distinctifs: la plupart des titres sur les deux CD couvrant la France proposent une musique de grand ensemble, en premier lieu l'orchestre de Jacques Hélian qui fut l'un des premiers à oser le style en offrant une reprise du plus grand succès de Bill Haley et ses Comets "Toutes les heures qui sonnent"; une esthétique à forte tendance swing tandis que le volet québécois fait plus souvent place à de petites formations. Exemples: Les Trois Clefs "Le rock'n' roll du samedi soir", Marcel Martel et son as guitariste Don Olsen, les Rythmos, duo sans batterie dans "Frisette", et surtout les tenants du son rock'n' roll laurentien tels Freddy Gagné "Rock, rock, rock, le rock'n' roll ", Léo Benoit "Le rock'n' roll dans l'lit", "Le rock'n' roll c'est bon", Ernie Baribeau "Mais si ma chérie"… Une surprise pour les sociologues: au Québec, plusieurs de ces artistes utilisaient déjà un langage familier (on ne disait pas encore joual) plus de 10 ans avant la révolution officielle du langage de 1968. Bien avant l'Osstidcho ou Les Belles-soeurs, il était donc possible d'entendre sur disque des phrases comme: « Ça sent l'yabe dans l'auditorium » - les Jérolas / « Quand j'me mets à danser avec mon beau bebé, là j'commence à yodeler » - Léo Benoit / « Nos amis, les Américains, viennent nous rocker leur petit refrain » - Willie Lamothe / « Tu cours toujours la galipotte ou tu t'en vas danser le rock » - les Rythmos. Seulement les analystes ne fréquentaient pas les lieux où ces gens se produisaient.
Donc, plein de surprises et de découvertes sur ces trois disques. Pour ma part, mes trois étoiles iraient à: Magali Noël pour l'interprétation originelle de "Fais-moi mal Johnny" un classique que nous avions surtout connu au Québec par l'intermédiaire de Pauline Julien. Luis Mariano qui offre avec "Ma p'tite chérie" une version pétillante de "Chantilly Lace" ; la Québécoise Irène McNeil. Elle nous présente, dans "Ce rythme le rock'n' roll", une perspective intergénérationnelle intéressante: « Il y avait déjà en 1920 le Charleston et le Peek-a-boo, le Boogie Woogie, le Razzle Dazzle, maintenant c'est le Rock'n' roll »! Hors catégorie: Édith Piaf et "L'homme à la moto". »
Par Richard BAILLARGEON – QUEBEC INFO MUSIQUE