Louis Armstrong, c’était enfin une voix, une voix rauque au timbre voilé, chargée d’émotion façonnant chaque syllabe et onomatopée qu’il faisait vibrer dans le plus pur style « scat » dont il fut l’inventeur. Le plus bel hommage à Satchmo lui fut rendu par le grand poète Léopold Sédar Senghor : « c’est, tour à tour, la vois de la foudre, de la mer sur les rochers, de la source sur l’herbe, la voix du gorille et de la tourterelle ».
Beaucoup de jeunes musiciens noirs américains voyaient en Louis Armstrong le complice amusé de la société capitaliste d’outre-Atlantique, l’accusant d’« oncle Tom ». A l’issue de son dernier concert à Paris, le 26 juin 1965, je l’avais interviewé à propos de ses pitreries sur scène. « Vous voulez dire que je suis un clown », m’avait-il répondu dans un énorme éclat de rire. « Mais faire le clown, c’est formidable, non ? Rendre les gens heureux, c’est ça le bonheur ! ». A ses détracteurs qui lui reprochaient sa complaisance à l’égard de la Maison Blanche, il rappelait qu’il avait refusé de se rendre à Moscou en 1957 pour marquer son désaccord à l’égard de graves incidents provoqués par les échecs de l’intégration scolaire de ses jeunes compatriotes. « Ma trompette ne fait pas de politique » aimait à déclarer le roi du jazz, « je voudrais seulement que ma musique contribue à calmer les tensions dans le monde ».
Par Jean-Claude DE THANDT - JDC