En quarante-huit titres, Jean Buzelin nous raconte l’histoire du versant noir de la musique de Louisiane. Dans sa version rurale (en gros le premier CD), les formes musicales et les instruments sont communs aux Créoles et aux Cajuns blancs. Ces musiques dansantes sont en effet jouées dans les fêtes et les bals locaux. Petit-fils d’esclaves, Amédée Ardoin (1898-1942) annonce le zydeco à venir. Il introduit « le feeling du blues dans la musique cajun, avec son chant passionné et son jeu d’accordéon syncopé » (dixit Jean Buzelin dans le passionnant livret de quarante pages) ; Aux côtés d’Ardoin (six titres), on croise aussi dans le premier disque Bee Fontenot, Godar Chalvin et quelques autres. Dans sa version urbaine, fortement électrifiée (guitare, basse, batterie)sous l’influence du rhythm’n blues, c’est Clifton Chenier (dix titres sur le Cd 2 où l’on retrouve aussi Boozoo Chavis, Bois Sec Ardoin et Canray Fontenot) qui concocte le parfait mélange qui définira le genre zydeco et l’orienter pour les décennies : « Un gumbo épicé (…), mélange de blues, de boogie, d’airs de danses (…), sans oublier les ingrédients indispensables, les two-steps et les valses » (Jean Buzelin, à nouveau). Grâce au producteur Chris Strachwitz qui le fait enregistrer et entrer dans le circuit blues revival, Chenier décolle au milieu des années 1960. Avec son frère Cleveland au washboard, il réussit à faire d’un genre local une musique reconnue partout. Dans le livret, Buzelin évoque les héritiers de Clifton : Rockin’ Dopsie, Fernest Arceneaux, Buckwheat Zydeco, John Delafosse… Espérons qu’ils fassent l’objet d’un prochain coffret. En attendant celui-là est bien sûr indispensable.
Par Francis COUVREUX – ACCORDEON & ACCORDEONISTES
Par Francis COUVREUX – ACCORDEON & ACCORDEONISTES